Appel à projets
« Laboratoires mixtes internationaux» (LMI)
3
modèlent de nouvelles pressions sur les ressources naturelles. Autrement dit, elles
produisent de nouvelles formes de gestion sociale et politique des territoires, à diverses
échelles et dans des scénarios complexes qui dépassent les capacités des institutions
modernes à garantir l’ordre donné jusqu’alors comme légitime. Ici les mobilités sont une
grille de lecture pertinente pour comprendre les dynamiques d’institutionnalisation des
compétences et de gestion des ressources, alors même que ces dynamiques semblent
toujours dépassées, prises en défaut, par l’intensification des circulations (ampleur,
nouveauté, multiplicité) et l’asymétrie des rapports entre les organisations socio-politiques
locales ou régionales et des pouvoirs externes « surplombants » (comme celui des Etats-
Unis ou des grandes firmes globales).
Hypothèses
Une hypothèse communément admise pose que le processus contemporain de
mondialisation correspond à une phase de précarisation des institutions des États-Nations,
au profit de l’autonomisation et de la fragmentation de certains groupes socio-politiques ou
d’organisations économiques. Ces autonomisations peuvent s’inscrire dans les cadres
légaux des Etats de droit ou dans les interstices de la légalité. Elles s’appuient sur des
recompositions territoriales, ce qui nous amène à étudier les espaces d’action et d’interaction
associés aux collectifs ainsi redéfinis (institutions, entreprises, associations, agroupations).
Cette démarche ne peut faire l’impasse sur les analyses du temps plus long (19-20ème
siècles) qui nous permettront de saisir les continuités ou les innovations portées par les
acteurs concernés
. Dans les contextes de transformation accélérée, ceux-ci sont en
situation de mobiliser de nouveaux savoirs, de nouvelles normes, ainsi que de nouveaux
relais politiques, dans des formes d’action qui ne se réduisent pas à de la « résistance » d’un
côté, de l’anomie de l’autre, mais sont également porteuses de propositions alternatives, hier
comme aujourd’hui, et qui portent des recompositions parfois inattendues.
Une contre-hypothèse pourrait supposer que la précarisation sédimente des pouvoirs
segmentés qui ne laissent que peu de marges de manœuvre aux acteurs locaux. On aurait
alors une mondialisation associée au désordre sans offrir de nouveaux cadres de
négociation aux secteurs les plus démunis des sociétés, avec l’imposition de nouvelles
dominations qui restreignent les espaces de citoyenneté (les bandes de maras, l’insécurité,
les comités d’autodéfense, les démocraties menacées par la violence, etc.). Pour autant,
même dans ces circonstances, les réponses sont diverses et contradictoires, signe d’un
débat politique toujours vivace. En témoignent, par exemple, les positions face à la migration
entre les pays d’Amérique centrale et Mexique, qui vont de l’acharnement criminel contre les
migrants (viols, vols, agressions, assassinats, notamment contre les femmes) à des formes
de solidarité plus ou moins organisées par des membres de l’Eglise catholique ou des
groupes de citoyen(ne)s (Las Patronas) en passant par des mesures légales de harcèlement
(fermeture des maisons d’accueil).
Entre les deux options (recomposition vs anomie), une autre hypothèse part du constat que,
dans la mondialisation, les Etats-nations ne renoncent pas à leur vocation de contrôle de la
population et du territoire. A côté des théories qui insistent sur les « communautés
Historiquement, l’espace mésoaméricain étendu au Golfe Caraïbe (le Seno Americano de l’empire
hispanique ; voir notamment en cartographie historique : Juan de Oliva (alias Riezo), Carta de Tierra
Firme y demás costas de América del Norte en el Seno Americano y Océano Atlántico, 1596) a
constitué un espace privilégié de la circulation des personnes, des biens, des idées et des symboles,
dans un cadre de pluralisme culturel et institutionnel “structurel”. Certains historiens rappellent à quel
point l’espace est générateur de pratiques, notamment commerciales (Serrera Contreras, 1995), qui
influent sur, ou expliquent les configurations politiques. Dans la période contemporaine de
mondialisation, l’intensification de la mobilité des marchandises et des hommes en a fait l’un des
couloirs migratoires le plus important du globe, qui inclut les terres continentales et les espaces
insulaires.