« Le discours que je vais vous adresser, Macédoniens, ne vise pas à tuer en vous le désir ardent de
regagner vos foyers (en ce qui me concerne, en effet, il vous est loisible de vous en aller où bon vous
semble) mais à vous faire prendre conscience, au moment de partir, ce que vous êtes et de qui, en
notre personne, vous prenez congé. Je parlerai d’abord, comme c’est naturel, de Philippe, mon père.
Philippe donc, vous ayant trouvés errants, indigents, la plupart vêtus de peaux de bêtes, et faisant
paître sur les pentes des montagnes de maigres troupeaux pour lesquels vous livriez aux Illyriens et
aux Thraces frontaliers des combats malheureux, Philippe, dis-je, vous a donné des chlamydes à
porter, à la place de vos peaux de bêtes, vous a fait descendre des montagnes dans les plaines, et
vous a rendus capables de combattre avec succès contre les barbares du voisinage, au point
qu’aujourd’hui, pour votre sécurité vous vous fiez moins à la position forte de vos bourgs qu’à votre
propre courage ; il a fait de vous des habitants des cités, vous permettant de vivre dans l’ordre, grâce
à de bonnes lois et à de bonnes coutumes. Pour ce qui est de ces Barbares qui auparavant vous
razziaient, vous et vos biens, il vous a rendus maîtres, d’esclaves et de sujets que vous étiez ; il a
ajouté à la Macédoine la plus grande partie de la Thrace et, s’étant emparé des villes côtières les plus
favorables, il a ouvert le commerce à votre pays et permis d’exploiter les mines en toute sécurité. Il a
fait de vous les maîtres de ces Thessaliens devant lesquels, autrefois vous étiez morts de peur et,
ayant rabattu l’orgueil des Phocidiens, il vous a rendu large et facile l’accès à la Grèce, au lieu d’étroit
et difficile qu’il était. Quant aux Athéniens et aux Thébains, qui ne cessaient d’épier l’occasion de nuire
à la Macédoine, il a tellement rabattu leur orgueil (et dès ce moment, nous avons nous aussi collaboré
avec lui) que, au lieu que vous payiez un tribut à Athènes et vous preniez les ordres de Thèbes, c’est
de nous, à leur tour, que ces cités attendent leur protection. Etant passé dans le Péloponnèse, il a fait
régner l’ordre là aussi ; et, désigné comme généralissime muni des pleins pouvoirs de toute la Grèce
pour l’expédition contre la Perse, il acquit ce nouveau titre de gloire moins pour lui-même que pour
l’ensemble des Macédoniens ».