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II. La communication chimique
Interactions et communication chimique. Les défenses des
plantes sont constitutives et/ou induites. Les défenses
constitutives font partie intégrante de la plante. Leur
expression demeure constante indépendamment des
facteurs environnementaux. Ces défenses peuvent être de
nature physique (épines, trichomes, soies ou cires), et/ou
chimique (par ex. les glucosinolates chez les Brassicacées).
Ces défenses peuvent aussi être induites en réponse à l’at-
taque d’un phytophage (Green et Ryan, 1972). En plus de ces
mécanismes de défenses directes, les plantes peuvent bénéfi-
cier de défenses indirectes en favorisant l’action des ennemis
naturels des bioagresseurs phytophages. Pour cela, elles
peuvent fournir aux ennemis naturels – nos auxiliaires – des
refuges physiques, des sources de nourriture complémen-
taires, ou des signaux chimiques volatils leur permettant de
trouver plus efficacement leurs hôtes ou proies. Les ennemis
naturels sont capables de reconnaître de manière spécifique
les composés émis par les plantes attaquées par leurs phyto-
phages hôtes (Agbogba et Powell, 2007).
L’écologie chimique s’intéresse à ces communications
chimiques complexes :
HORMONES
ECOMONES [ PHEROMONES
SEMIOCHIMIQUES [ ALLOMONES
ALLELOCHIMIQUES [ KAIROMONES
Substances sémiochimiques : signaux chimiques servant au
transfert d’information chez les êtres vivants. Substances
allélochimiques : substances permettant des signaux entre des
individus d’espèces différentes. Les allomones confèrent
l’avantage à l’espèce émettrice (ex. substances de défense),
les kairomones confèrent l’avantage à l’espèce réceptrice (ex.
attractifs alimentaires, stimulateurs de ponte).
Les mécanismes de reconnaissance de la plante par l’insecte
impliquent l’olfaction, le goût, la vision, les organes mécano-
récepteurs, ainsi que la coïncidence spatio-temporelle des cycles.
Celle-ci est principalement dépendante de la température
pour tous les animaux sans régulation thermique (= poïki-
lothermes). Elle peut être régulée par la diapause et/ou la
migration.
Les interactions entre les chaînes tritrophiques et l’environne-
ment sont l’objet de recherches dans l’UMR Bio3P (Agro-
campus-Ouest). Les exemples suivants sont tirés des thèses
soutenues en décembre 2011 par Pauline Le Guigo et Prisca
Pierre.
• Influence de la présence de colza voisin sur la colonisation
du chou par les pucerons Brevicoryne brassicae et leur para-
sitoïde Diaeretiella rapae (Le Guigo, 2011). Sur le terrain, le
taux de parasitisme du puceron du chou par D. rapae est plus
important sur le chou quand il est entouré par des plants de
colza. Au laboratoire, les parasitoïdes choisissent préféren-
tiellement les colzas voisins sains puis passent sur les choux
infestés. Ainsi, les colzas voisins protègent les choux contre
les pucerons B. brassicae par attraction du parasitoïde spécia-
liste D. rapae.
• Performances des pucerons Brevicoryne brassicae (spécia-
liste), Myzus persicae (généraliste), et de leur parasitoïde
commun Diaeretiella rapae sur différentes Brassicacées (Le
Guigo, 2011). La séquestration des glucosinolates de sa
plante hôte par le puceron B. brassicae constitue une bonne
défense contre les prédateurs, mais pas contre le parasitoïde.
Les performances du parasitoïde ne sont pas en relation
avec celles du puceron M. persicae, ni avec le caractère des
plantes testées : cultivées (chou Brassica oleracea, colza B.
napus) ou non cultivées (moutarde noire B. nigra et moutarde
des champs Sinapis arvensis).
• Défenses indirectes des Brassicacées contre la mouche du chou
(Pierre, 2011). Des expériences en olfactométrie montrent
que Trybliographa rapae, parasitoïde spécialiste de la mouche
du chou, Delia radicum, insecte consommateur de racine,
n’est pas attiré par les choux attaqués simultanément par la
mouche du chou (espèce hôte du parasitoïde) et par la piéride
du chou Pieris brassicae, ravageur folivore, (espèce non hôte).
L’attaque simultanée par les espèces hôte et non hôte réduit
l’efficacité du comportement de recherche du parasitoïde.
Les essais de plein champ sur le brocoli Brassica oleracea var.
italica montrent par ailleurs que les taux de parasitisme de D.
radicum sont considérablement réduits sur les plantes atta-
quées simultanément par la mouche et la piéride du chou.
Ces exemples montrent la complexité des relations entre
les différents niveaux trophiques. De telles études orientent
cependant les choix pour l’aménagement du jardin.
III – Aménager le jardin
Choix de plantes et abris. Le choix judicieux des plantes, et de
leur association, permet de fournir aux auxiliaires la nourri-
ture et l’habitat, tout au long de l’année, afin de les maintenir
et de les attirer. Des refuges leur fournissent un abri pendant
l’hiver.
L’étude sur la dynamique des populations des espèces du
complexe Chrysoperla carnea, réalisée par Johanna Villenave
en 2006 pour sa thèse au laboratoire PBI de l’INHP, illustre
bien les démarches conduisant au choix des végétaux. Elle
montre par les inventaires et l’analyse du contenu des tubes
digestifs (identification des grains de pollens consommés et
du miellat), que ces Chrysopidae utilisent plusieurs types d’ha-
bitats pour leur cycle de vie. Les adultes de Chysoperla affinis
sortant de diapause apparaissent dans les agroécosystèmes
dès janvier et se nourrissent alors de pollen d’espèces arbo-
rescentes et arbustives. Les générations suivantes se nour-
rissent et pondent sur végétation basse, de juin à mi-août.
À partir de septembre, elles commencent à se nourrir de
miellat dans la végétation arborescente pour constituer leurs
réserves lipidiques. À partir de novembre, les adultes diapau-
sants migrent vers les sites d’hivernage (greniers, bûchers,
boîtes d’hivernage…) En hiver, quelques individus sortent
des sites d’hivernage et consomment du pollen de plantes
fleurissant durant cette période. Chrysoperla lucasina présente
à peu près les mêmes types de déplacements et de migra-