LA CONSPIRATION DU HAREM
Transportons-nous 180 ans plus tard sous la XXème dynastie, celle des
Ramsès. Le roi Ramsès III va mourir. Le souverain, âgé et malade, est entré
en agonie. Après presque quarante années d'un règne qui ne fut pas de tout
repos, celui qui s'est efforcé de suivre en toutes circonstances l'exemple de
son grand prédécesseur Ramsès II, va s'embarquer pour son voyage dans
l'au-delà. Quand éclate un drame….
1-PREAMBULE
J'ai eu au cours de ma longue carrière à entrer en de nombreuses occasions
avec les héritiers de mes clients. J'ai pu constater combien les héritages
sont souvent sources de conflits entre les bénéficiaires. Devant l'attrait de
l'argent les hommes sont faibles. Mais que dire quand il s'agit de la
succession d'un trône ? L'enjeu est d'importance. Les passions se
déchaînent, les coups les plus bas sont portés. Cet épisode sombre de la fin
de vie de Ramsès III est connu sous le nom de " Conspiration du Harem" !
.C'est cette conspiration que je vais tenter de vous conter.
2-LES SOURCES
Avant d’aller plus loin, il est nécessaire de s’arrêter quelques instants sur les
sources qui ont permis la restitution de l’événement. Elles consistent en un
ensemble de papyri thébains, au premier rang desquels figurent le papyrus
judiciaire de Turin dont le contenu a été retrouvé sur des documents
annexes, les papyri Varzy, Lee et Rollin ainsi que sur divers fragments, les
textes Rifaud.
3-LE PAPYRUS JUDICIAIRE DE TURIN
Le papyrus de Turin, dont l’une des plus récentes études a été présentée par
P.Vernus, est rédigé en hiératique, l’écriture quotidienne des scribes et de
l’administration. Il dresse la liste des conjurés et des châtiments qu’ils
subirent une fois leur culpabilité prouvée. Grâce à ce document, l’objet de la
conspiration a pu être défini et ses épisodes replacés dans un contexte
relativement précis. Ce seul témoignage n’aurait cependant pas de réelle
importance si ne lui était adjoint un autre texte constituant l’une des
principales sources du règne de Ramsès III, le papyrus Harris I.
4-LA PAPYRUS HARRIS I
Conservé au British Muséum, c’est un document inhabituel à bien des
égards. Il mesure quarante deux mètres de long et se compose de quatre-
vingt feuillets mis bout à bout sur lesquels furent consignés, en gros
caractères hiératiques, les hauts faits du temps de Ramsès III. Il s’agit d’une
autobiographie posthume dans laquelle le roi, présenté comme un souverain
défunt, expose aux divinités le bilan exhaustif de son règne et se rappelle à
leur bon souvenir. Il se compare donc à une chronique du règne de Ramsès
III, une sorte de res gestae. Comme le note Vernus, le papyrus Harris I se
veut un document sacré, avec l’insertion de signes hiéroglyphiques, écriture
sacrée par définition.
5-L'AUTEUR DU PAPYRUS
P.Grandet, qui a complètement réétudié et commenté la totalité du texte, a
mis en lumière deux principaux points. Tout d’abord, que la forme et la
qualité de ce récit unique en son genre, daté des tous derniers jours du
règne de Ramsès III, a certainement été commandé par son fils et
successeur, Ramsès IV. Ensuite, que le texte fut vraisemblablement destiné
à être publié par voie d’affichage, lors de l’événement majeur qu’ont
constitué les cérémonies funéraires du roi disparu, à l’attention des prêtres et
des lettrés, afin de ranimer leur loyauté. Cet acte significatif prend toute sa
valeur si on le rapproche des événements relatés par le papyrus judiciaire de
Turin. Ces deux sources se retrouvent donc liées. Elles ont un dénominateur
commun : Ramsès IV le successeur de Ramsès III
6-QUI EST RAMSES III ?
Ramsès III succède à son père Sethnakht (Ramsès II XXe dynastie). Lors
de son couronnement, il fut acclamé par un peuple en liesse satisfait de voir
à nouveau le pays unifié. Avec la grande épouse royale Isis il eut plusieurs
fils dont trois devaient régner (Ramses IV, Ramsès VI, Ramsès VIII), Il fit de
somptueuses donations aux temples dans tout le pays. Afin de mener à bien
cette tâche il ordonna un recensement de tous les temples et divinités
égyptiennes. Les familles de prêtres connurent de nouveau richesse et
puissance. Ramsès III se voulait l'héritier et le fils spirituel du grand Ramsès
II.
7-UN CHEF MILITAIRE D'ENVERGURE
Pénétré de son rôle de défenseur du pays et se considérant comme un chef
militaire invincible il se prépara à affronter les peuples de la mer qui
devenaient de plus en plus présents aux frontières. Il mena deux guerres sur
le front ouest contre les troupes de la coalition libyenne {Libou et
Meshouesh} et un gigantesque combat au nord, sur mer (première grande
bataille navale) et sur terre contre la coalition des peuples de la mer. La
victoire de pharaon fut totale, le royaume était sauf. En l'an 12 de son règne
il partit en campagne en Asie pour tenter de sauvegarder ses possessions
syriennes. Une fois la paix revenue le royaume retrouva sa prospérité
d’antan. Le commerce reprit et pharaon organisa même une expédition à
Pount.
8-UN GRAND BATISSEUR
Ramsès III fit creuser sa tombe (N°11) dans la vallée des Rois. Le
monument le plus important érigé par pharaon fut son "château de millions
d'années" de Médinet habou. Les pylônes portent deux hymnes célébrant la
gloire de pharaon et de l’Égypte victorieuse. Sur les murs intérieurs sont
représentés des épisodes de la fête du dieu générateur Min. Le plan de ce
temple reprend celui du Ramesséum. A Karnak il fit élever un vaste temple
reposoir en grès jaune destiné aux barques de la triade thébaine, un temple
consacré à la déesse Mout et au dieu Khonsou, et il commença, sans doute,
la construction du temple de Khonsou.
9-DIFFICULTES POLITIQUES ET ECONOMIQUES
Mais la grandeur des faits d’armes du roi contre les incursions des peuples
de la mer comme son ambitieux programme architectural ne suffisent plus à
masquer la réalité de la situation politico-économique de l’Egypte au tournant
du XIIème siècle avant notre ère : une société dont les rouages
administratifs se grippent progressivement et durablement (ex. : la grève des
artisans de Deir el- Medineh). Mais ces victoires correspondent aussi à des
difficultés internes croissantes. Alors que Séthi II et Setnakht avaient travaillé
à les effacer, des problèmes latents au pouvoir central réapparaissent. Des
problèmes économiques mettent en question la prospérité de la Vallée. Qu’il
y ait eu une crise économique, au sens moderne du terme, peut expliquer
une partie des événements.
10-L'AFFAIBLISSEMENT DU POUVOIR ROYAL
Cependant, ces troubles économiques sont surtout dus à l’affaiblissement du
Pouvoir face aux clergés. Bien que cette décadence soit contrôlée tant bien
que mal par Ramsès, elle reste une réalité. Devant l’incroyable richesse
d’Amon et donc de sa puissance politique, Ramsès, conscient du danger,
favorise lui aussi d’autres clergés. Une sorte de contre-poids. De toute
évidence, cette manœuvre ne peut à long terme réussir.
11-LA PREMIERE GREVE DE L'HISTOIRE
Comme souvent dans l’Histoire égyptienne, nous connaissons peu de
choses sur la situation intérieure du pays; le village des artisans de Deir el-
Médineh demeure le seul endroit pour lequel nous sommes bien renseignés.
Malgré la richesse des temples (selon les inventaires royaux de l’an 5 et de
l’an 15), les artisans du village chargés des tombes royales connaissent
pénuries de nourriture et retards de salaire. Vers l’an 29 / 30, la situation
devient si insoutenable que le village se met en grève !
12-LA DECADENCE DU POUVOIR
Une crise politique apparaît. Pharaon doit remplacer ses vizirs. Un complot
est même découvert visant à l’assassiner. L’administration ne fonctionne
plus aussi bien. Ici aussi, la décadence du pouvoir fait son oeuvre. Mais
Ramsès, même involontairement, se rend responsable de la situation. Après
ces victoires, il honore les dieux et surtout Amon, qui reste la principale déité
de l’Empire. Il donne encore plus de richesses à Thèbes. Comment ne pas
en donner ? Il serait impardonnable de ne pas honorer le Dieu. Le
mécontentement de Thèbes aurait eu des conséquences politiques
désastreuses. Alors comme cela a été spécifié plus haut, Pharaon cherche
des appuis dans les autres temples. Ramsès est lucide, mais comment
échapper à cette logique ? C'est cette idée de décadence qui a conduit les
égyptologues à voir dans l’épisode de la conspiration l’aboutissement
inéluctable du long règne de Ramsès III.
13-LES SERAILS ETRANGERS
En Égypte ancienne, le harem est plus proche d'une institution politico-
économique que du gynécée grec, c'est à dire de l'ensemble des
appartements réservés aux femmes. Il n'a rien a voir non plus ni avec le
système du sérail ottoman, ni avec celui propre aux empereurs chinois. Dans
la structure du sérail, toutes les femmes et jeunes filles étaient regroupées
selon une hiérarchie interne, servies et surveillées par une armée
d'eunuques. C'était un haut lieu de complots, de calculs afin d'obtenir les
faveurs de leur seul maître et époux.
14- LE HAREM EGYPTIEN
En Égypte le "harem" est ouvert, bien qu'il dût répondre en son temps (on
s'en doute bien) à un certain nombre de règles internes. Ces règles sont
induites dans son nom égyptien, "khéner", qui vient du mot signifiant...
prison. L'institution est plus généralement désignée sous le terme d'Ipet. Elle
regroupe de très nombreuses femmes et jeunes filles de bonne famille,
égyptiennes ou étrangères (la khékéret ou "ornement du roi"), qui y reçoivent
une éducation, mais aussi du personnel administratif masculin ainsi qu'une
intendance. Le harem est placé sous l'autorité de la grande épouse royale et
se répartit sur plusieurs sites. Théoriquement réservées au souverain pour
son plaisir mais aussi ses distractions plus érotiques, il est très
vraisemblable que ces dames conservaient leur part d'indépendance et
d'intimité. Cette indépendance conduisit d'ailleurs à plusieurs reprises durant
l'antiquité égyptienne à la naissance de conspirations internes qui allèrent
parfois loin, comme c'est le cas ici, à la fin du règne de Ramsès III.
15-RAMSES IV FUTUR PHARAON ?
En l’an 22, un prince héritier apparaît suivant Ramsès III : il s’agit de Ramsès
(IV). Cependant, il semble que le roi n’officialise pas le statut du prince.
N’ayant pas de grande épouse royale clairement nommée, les ambitions des
reines et des fils du roi peuvent alors éclore dans ce que l’on appelle
l’institution du harem, qui ne ressemble pas au harem oriental. L’instabilité
du pays et l’âge du roi favorisent sans doute le complot. Les défilés des
princes royaux sur les murs de Médinet Habou étaient, au temps de Ramsès
III, tous anonymes : un indice montrant le non-choix de Ramsès III.
16-LE PRINCE RAMSES, UN GENEUR ?
Au moment se met en place cet imbroglio, le prince Ramsès a atteint,
voire dépassé, la quarantaine d’années. C’est donc un homme d’âge mûr et
d’expérience, qui a accompagné le roi son père sur les champs de bataille et
peut-être même secondé Pharaon à plusieurs reprises dans des actes
politiques. On conçoit aisément qu’il ait pu se forger quelques solides
inimitiés parmi les notables et qu’il se soit révélé si peu influençable qu’on lui
a vite préféré un prince moins aguerri et plus malléable. Il a souvent été dit
que la révolte de palais visait directement Ramsès III en réaction contre un
pouvoir devenu trop pesant, trop "autocratique". Bref, qu’on cherchait à
liquider le souverain. Mais rien n'est moins sûr !
17-LES RAISONS DE LA CONSPIRATION
Plantons maintenant le décor du drame : L'une des épouses secondaires de
Ramses III, la reine Tiyi ne voit pas d'un oeil favorable la désignation du
prince héritier Ramses fils de la grande épouse royale en tant que
successeur possible du vieux souverain. Elle lui préfèrerait son propre fils,
qu'elle a eu avec Ramses III, et qui n'est autre que le prince Pentaour. Elle
va donc comploter pour pouvoir l'imposer sur le trône d'Egypte. Outre qu'elle
deviendrait ainsi la mère du Pharaon, ce qui lui donnerait une place de tout
premier plan à la cour, elle se débarrasserait d'une rivale détestée, Isis, la
mère du prince Ramsès !
18-L'ORGANISATION DU COMPLOT
Le harem, si proche du pouvoir et du pharaon, n’était-ce pas le lieu idéal
pour obtenir les meilleures informations afin de savoir quand et comment
agir ? Pour parvenir à ses fins, il faut à la reine Tiyi, gagner la complicité d'un
grand nombre de dignitaires de la cour et d'officier royaux. Pour cela, elle
imagine d'utiliser les femmes du harem. Non seulement celles-ci pourront
facilement obtenir tous les renseignements nécessaires pour savoir ce qui se
passe dans l'entourage du roi (espionnage) mais elles pourront aussi
recruter les futurs acteurs du complot et les dresser contre leur souverain.
En fait cela n'est pas très difficile car on sent, en cette fin de règne le roi
est malade, se multiplier les signes d'une certaine décomposition du Pouvoir.
19-LES CONJURES
L’étude du papyrus judiciaire de Turin, la comparaison des indications
datées étayées par la logique et l’absence de preuves tangibles ont montré
depuis que le projet devait avoir plus d’envergure qu’une simple action
d’éclat menée contre un vieux pharaon.. Pour réussir leur coup, les conjurés
s’assurèrent, peut-être très rapidement, du soutien et des services, à la fois,
de serviteurs de base à l’image des femmes de la porte du harem et de
personnages importants comme les échansons royaux, hommes de
confiance du roi. Mais aussi du chef de la chambre, Pabakikamum, sorte de
chambellan, le personnage le plus important de cette cabale et le plus
proche du souverain. Le chef du trésor Soutekhemheb fit aussi partie de la
conspiration. On alla aussi recruter des hommes parmi l'administration de la
Nubie. Les conjurés n’hésitèrent pas à recruter au sein de l’armée le général
Payis puis un chef des archers de Nubie, Kouch frère d'une des femmes du
harem.
20-LA CONSPIRATION S'ETEND
La conspiration s'étend partout même parmi le clergé de Sekhmet dont les
prêtres étaient réputés pour leur science de la magie. Et aussi parmi des
hauts fonctionnaires du harem, un intendant, un trésorier royal, des scribes,
des surveillants et des femmes. Les militaires participant à ce coup d'Etat
provoqueraient le soulèvement des troupes. On ne connaîtra jamais les
motivations de ces protagonistes, le déclic qui a fait qu’ils se rallièrent aux
conjurés. Espoir d’une promotion ? Une rancœur contre le Pouvoir royal ?
Toujours est-il que quasiment tous les niveaux de l’élite de la société
thébaine de l’époque sont touchés et on voit mal comment cette ligue
pouvait échouer. Les frondeurs eux-mêmes ne semblent pas prendre
beaucoup de précautions quant à la discrétion entourant leur projet : ils
rallient et recrutent, font passer des nouvelles. Très rs d’eux, serait-je
tenté d’écrire. Trop sûrs d’eux !
21-LA SORCELLERIE
On oublie souvent un élément important de la conjuration : La sorcellerie. La
maîtrise de la magie constituait un gage de réussite, en utilisant les écrits,
les potions et figurines. La magie protégeait le roi, donc il fallait en user à
son tour pour briser la protection magique du souverain. Tiyi s'adresse à un
dignitaire, directeur des troupeaux, nommé Pen-houi-bin. Il se met en devoir
de fabriquer des statuettes de cire et procède à des rites d'envoûtement pour
endormir les gardiens des portes et donner accès aux conspirateurs
extérieurs au palais, avec lesquels des messagers avaient assuré la liaison.
D'autres statuettes représentant des dignitaires et des fonctionnaires auront
sur leurs modèles une action dégradante, les incitant à la désobéissance et
à la trahison.
22 TROP SURS D'EUX
Peu à peu grâce aux femmes qui savent se montrer convaincantes et
persuasives, le cercle des conjurés s'élargit. Presque tout ce que Thèbes
compte d'élites adhère à la cabale. L'entourage du souverain est presque
complètement gagné au complot. Il y a bientôt tant de monde dans le secret
que les conspirateurs en viennent à perdre toute prudence. Ils oublient de se
méfier de celui dont ils cherchent à se débarrasser : le Prince héritier
Ramses !
23 -LA MORT DE RAMSES IIIRamsès III meurt enfin : Ramsès IV semble
avoir recueilli la succession sans trop de difficultés, inhumant son père dans
la tombe KV 11. Les soixante dix jours traditionnels qui séparent la levée du
corps de son inhumation offrent au nouveau souverain le temps nécessaire
pour faire instruire l’affaire et rédiger le fameux papyrus biographique Harris
I. La conspiration du harem est étouffée dans l’œuf mais n’a pas fini de faire
parler d’elle !
24-QUAND TOUT SE PRECIPITE
L’étude médicale de la momie de Ramsès III a révélé que le roi souffrait
d’artériosclérose à un stade très avancé au moment de sa mort. Un certain
nombre de signes annonçant le but de son agonie durent alerter son
entourage qui, dès lors, se prépara au décès et donc à sa succession. Les
conjurés choisirent probablement ce moment de flottement et d’incertitudes
pour passer à l’action. Encore qu’il soit impossible de dire, en l’absence de
sources évocatrices, ce qu’ils firent précisément ni comment ils s’y sont pris.
Dans le même temps, on peut raisonnablement imaginer que le prince
Ramsès fut informé d’une manière ou d’une autre de l’affaire. Il ne tarda pas
à réagir, ordonnant l’arrestation des principaux protagonistes, les plus
accessibles, preuve, s’il en fallait une, qu’il détenait bien le pouvoir de le
faire, traquant leurs complices, procédant à leur mise en jugement.
25-LES MEMBRES DU TRIBUNAL
Le procès qui s'ouvre bientôt est encore l'occasion pour le nouveau
monarque de constater à quel point le mal avait gagné en profondeur. Plutôt
qu'aux magistrats professionnels dont il soupçonne la loyauté, Ramsès IV
préfère faire appel à des membres de son entourage dont la fidélité et le
dévouement ne peuvent être mis en doute. Ce tribunal, d'un genre
particulier, se compose de deux trésoriers, d'un porte-éventail, de quatre
échansons et d'un hérault.
26- LA PERTE D'IDENTITE, OPPROBRE ETERNELLE
L’existence d’un véritable projet de coup d’Etat éventé, l’usage de la
sorcellerie pour y parvenir, la trahison de très hauts personnages en qui le
roi défunt avait confiance, les multiples ramifications du scandale, toutes ces
révélations n’ont pas incité les juges à la clémence. Comme pour signifier la
répression, le mépris du pouvoir pour les comploteurs et leur privation de
toute vie dans l’au-delà, les conspirateurs reçoivent un nouveau nom ayant
un sens péjoratif. Pour l’Egyptien de l’antiquité le nom possédait une vertu
magique, prophylactique. En modifier le sens profond revenait à condamner
son propriétaire à l’opprobre éternelle. Ainsi, l’échanson royal Méryrê, "celui
que aime", se vit-il officiellement rebaptisé Mésedsourê, c’est à dire "
l’a en horreur".
27-UN JUGEMENT DIVIN.
Les Égyptiens allèrent jusqu’à nier le statut de certains accusés. Pour se
faire, on invoque Phrê. Cependant, ce complot provoque une "pudeur" dans
les propos rapportés par les différentes sources connues. En maniant la
langue de bois, on parle de la volonté d’action contre le roi sans le dire
précisément. Car finalement, comment porter atteinte à celui que l’on ne
peut pas contester? Le papyrus de Turin compare les accusés aux
abominations du pays. On touche un des aspects les plus intéressants de
ce complot : le tabou du sang, et comme on l’a vu plus haut, l’annihilation
des conjurés. En Égypte, le sang représente un certain tabou. Le
changement de nom signifie la perte des protections magiques liées
justement au nom. Ils deviennent alors des ennemis que l’on peut assimiler
au " maléfique" serpent Apopis. La mise à mort d’un ennemi n’a donc plus
rien de tabou, de mauvais pour le roi. Une manière pour Ramsès III de se
protéger dans l’au-delà ? Bref, si la commission s’avère civile, le jugement se
veut divin.
28-HORI, LE TRAITRE ?
Sur le papyrus judiciaire de Turin, rédien forme de procès verbal, les
prévenus sont répartis en cinq listes, établies en fonction des châtiments
encourus. Les trois premières, regroupant le plus de monde, subirent la
peine capitale avec une issue sous forme d’exécutions ou de suicides. Aux
coupables de la quatrième fut réservé le supplice de l’ablation des oreilles et
du nez, marque d’infamie qui mena l’un d’eux au suicide. Quant à la
cinquième liste, particulièrement laconique, elle révèle l’existence d’un seul
conjuré Cet individu, Hori, ne reçoit qu’un blâme, sans doute en
remerciement d’une dénonciation … Aurait-il racheté sa tête en trahissant ?
29-UN JUGE SOUDOYE !
L’affaire aurait pu en rester là, mais elle connut un ultime rebondissement,
révélateur sur la difficulté de rendre la justice, même à cette époque lointaine
que la tradition et le goût occidental ont un peu édulcorée. Entre deux
auditions, un juge se laissa tout simplement soudoyer par l’un des prévenus.
Mal lui en pris car il fut condamné à son tour ! Ramsès IV a vélé, dans sa
rapidité à réagir contre les frondeurs mais aussi dans le traitement qu’il leur
réserva -un procès dans les règles, avec témoignage consigné par écrit et
stricte application des peines- une réelle connaissance des exigences de la
charge à laquelle sa naissance l’avait destiné. C’est en homme d’expérience
qu’il a agi et son règne débute par la réaffirmation de son autorité
incontestable sur le pays d’Égypte.
30 UNE LABORIEUSE LEGITIMITE
La suite sera moins glorieuse… Toutefois, la conspiration du harem laissa
probablement en Ramsès IV des séquelles. Qu’on ait pu, à un moment
donné, rejeter sa légitimité et mettre en doute ses capacités pour prétendre
au trône de son père a du ouvrir une blessure qui permet de comprendre
pourquoi, tout au long de son court règne (six années attestées), il n’eut de
cesse de réaffirmer sa royale -donc divine ascendance. Cette nécessité de
ne plus jamais être contesté, ni éventuellement menacé par une autre
conspiration peut également expliquer les modifications que subirent, à partir
de l’an 2 du règne, les cartouches du monarque, c’est à dire la partie la plus
intime de ses différents noms. Le nom de initial, révélé symboliquement
lors des cérémonies du couronnement, fut simplifié pour y mettre en valeur
le terme heqa, c’est à dire "régent", "celui qui gouverne". Quant au prénom
du roi, Ramesses, on le dota d’une épithète évocatrice : une double plume,
l’adjectif maaty qui signifie "le vrai" ou encore… "celui qui est légitime".
31-LA FIN DU NOUVEL EMPIRE ET DE LA XXEME DYNASTIE.
Ramsès III à sa manière s’imposa comme une grande figure. Avec
Merenptah, il sauva l’Egypte de la destruction par les Peuples de la Mer. Il
est le dernier grand souverain du Nouvel Empire. Ses successeurs se
révèlent incapables de maintenir le pouvoir de Pharaon. Le grand prêtre
d’Amon devient l’égal des pharaons. Les premiers grands pillages des
tombes royales de la Vallée des Rois s'étaient déroulés sous Ramsès III.
L’apothéose de cette " activité " a lieu sous Ramsès IX. Moins de 80 ans
après la mort de Ramsès III, le Nouvel Empire et la XXe dynastie
disparaissaient.
32- MES CONCLUSIONS.
A l'évidence en lisant cette histoire on arrive à deux conclusions. La
première est que la sagrégation du Pouvoir à la te de l'Etat, les ennuis
financiers et économiques engendrent toujours (et même de nos jours) des
convoitises et des tentatives de coups d'Etat. Si en plus, cette situation est
doublée d'une affaire de succession au Pouvoir suprême , elle peut entraîner
la mort et la destruction d'une nation au détriment du peuple. Dans la
Conspiration du harem on remarquera que toutes les couches de la Société
sont touchées alors que l'on aurait pu croire au début qu'elle ne concernait
que l'élite du pays.
Ma deuxième conclusion est le corrolaire de la première Que l'on soit en
Egypte ancienne ou au XXI ème siècle les hommes sont hélas toujours
égaux à eux même. Ils ne cherchent que l'argent et le Pouvoir et n'ont rien
appris du passé ! Pourtant ce que découvrent les archéologues devraient
donner à réfléchir. Mais ces maladies humaines sont incurables !
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !