la tombe KV 11. Les soixante dix jours traditionnels qui séparent la levée du
corps de son inhumation offrent au nouveau souverain le temps nécessaire
pour faire instruire l’affaire et rédiger le fameux papyrus biographique Harris
I. La conspiration du harem est étouffée dans l’œuf mais n’a pas fini de faire
parler d’elle !
24-QUAND TOUT SE PRECIPITE
L’étude médicale de la momie de Ramsès III a révélé que le roi souffrait
d’artériosclérose à un stade très avancé au moment de sa mort. Un certain
nombre de signes annonçant le début de son agonie durent alerter son
entourage qui, dès lors, se prépara au décès et donc à sa succession. Les
conjurés choisirent probablement ce moment de flottement et d’incertitudes
pour passer à l’action. Encore qu’il soit impossible de dire, en l’absence de
sources évocatrices, ce qu’ils firent précisément ni comment ils s’y sont pris.
Dans le même temps, on peut raisonnablement imaginer que le prince
Ramsès fut informé d’une manière ou d’une autre de l’affaire. Il ne tarda pas
à réagir, ordonnant l’arrestation des principaux protagonistes, les plus
accessibles, preuve, s’il en fallait une, qu’il détenait bien le pouvoir de le
faire, traquant leurs complices, procédant à leur mise en jugement.
25-LES MEMBRES DU TRIBUNAL
Le procès qui s'ouvre bientôt est encore l'occasion pour le nouveau
monarque de constater à quel point le mal avait gagné en profondeur. Plutôt
qu'aux magistrats professionnels dont il soupçonne la loyauté, Ramsès IV
préfère faire appel à des membres de son entourage dont la fidélité et le
dévouement ne peuvent être mis en doute. Ce tribunal, d'un genre
particulier, se compose de deux trésoriers, d'un porte-éventail, de quatre
échansons et d'un hérault.
26- LA PERTE D'IDENTITE, OPPROBRE ETERNELLE
L’existence d’un véritable projet de coup d’Etat éventé, l’usage de la
sorcellerie pour y parvenir, la trahison de très hauts personnages en qui le
roi défunt avait confiance, les multiples ramifications du scandale, toutes ces
révélations n’ont pas incité les juges à la clémence. Comme pour signifier la
répression, le mépris du pouvoir pour les comploteurs et leur privation de
toute vie dans l’au-delà, les conspirateurs reçoivent un nouveau nom ayant
un sens péjoratif. Pour l’Egyptien de l’antiquité le nom possédait une vertu
magique, prophylactique. En modifier le sens profond revenait à condamner
son propriétaire à l’opprobre éternelle. Ainsi, l’échanson royal Méryrê, "celui
que Rê aime", se vit-il officiellement rebaptisé Mésedsourê, c’est à dire "Rê
l’a en horreur".
27-UN JUGEMENT DIVIN.
Les Égyptiens allèrent jusqu’à nier le statut de certains accusés. Pour se
faire, on invoque Phrê. Cependant, ce complot provoque une "pudeur" dans
les propos rapportés par les différentes sources connues. En maniant la
langue de bois, on parle de la volonté d’action contre le roi sans le dire
précisément. Car finalement, comment porter atteinte à celui que l’on ne
peut pas contester? Le papyrus de Turin compare les accusés aux
abominations du pays. On touche là un des aspects les plus intéressants de
ce complot : le tabou du sang, et comme on l’a vu plus haut, l’annihilation
des conjurés. En Égypte, le sang représente un certain tabou. Le
changement de nom signifie la perte des protections magiques liées
justement au nom. Ils deviennent alors des ennemis que l’on peut assimiler
au " maléfique" serpent Apopis. La mise à mort d’un ennemi n’a donc plus
rien de tabou, de mauvais pour le roi. Une manière pour Ramsès III de se
protéger dans l’au-delà ? Bref, si la commission s’avère civile, le jugement se
veut divin.
28-HORI, LE TRAITRE ?
Sur le papyrus judiciaire de Turin, rédigé en forme de procès verbal, les
prévenus sont répartis en cinq listes, établies en fonction des châtiments
encourus. Les trois premières, regroupant le plus de monde, subirent la
peine capitale avec une issue sous forme d’exécutions ou de suicides. Aux
coupables de la quatrième fut réservé le supplice de l’ablation des oreilles et
du nez, marque d’infamie qui mena l’un d’eux au suicide. Quant à la
cinquième liste, particulièrement laconique, elle révèle l’existence d’un seul
conjuré Cet individu, Hori, ne reçoit qu’un blâme, sans doute en
remerciement d’une dénonciation … Aurait-il racheté sa tête en trahissant ?
29-UN JUGE SOUDOYE !
L’affaire aurait pu en rester là, mais elle connut un ultime rebondissement,
révélateur sur la difficulté de rendre la justice, même à cette époque lointaine
que la tradition et le goût occidental ont un peu édulcorée. Entre deux
auditions, un juge se laissa tout simplement soudoyer par l’un des prévenus.
Mal lui en pris car il fut condamné à son tour ! Ramsès IV a révélé, dans sa
rapidité à réagir contre les frondeurs mais aussi dans le traitement qu’il leur
réserva -un procès dans les règles, avec témoignage consigné par écrit et
stricte application des peines- une réelle connaissance des exigences de la
charge à laquelle sa naissance l’avait destiné. C’est en homme d’expérience
qu’il a agi et son règne débute par la réaffirmation de son autorité
incontestable sur le pays d’Égypte.
30 UNE LABORIEUSE LEGITIMITE
La suite sera moins glorieuse… Toutefois, la conspiration du harem laissa
probablement en Ramsès IV des séquelles. Qu’on ait pu, à un moment
donné, rejeter sa légitimité et mettre en doute ses capacités pour prétendre
au trône de son père a du ouvrir une blessure qui permet de comprendre
pourquoi, tout au long de son court règne (six années attestées), il n’eut de
cesse de réaffirmer sa royale -donc divine ascendance. Cette nécessité de