Mère et fille dans les méandres de la fin de vie à l’hôpital Pour son troisième documentaire, le réalisateur colombien Jorge Caballero continue son enquête, à caractère sociologique, sur la condition de patient dans les hôpitaux publics à Bogota. Avec respect et discrétion, il suit Nubia, une mère célibataire – courageuse et patiente qui accompagne sa fille L eidy au service de cancérologie pédiatrique, jusqu’à la fin. Il vient de recevoir le prix du meilleur réalisateur de documentaire au 56e festival de Carthagène (FICCI). Après avoir réalisé un documentaire sur les naissances à l’hôpital, Nacer (Naître), Jorge Caballero a continué son investigation sur l’hôpital public à Bogota en Colombie. Dans son troisième documentaire, il a souhaité aborder la fin de vie. Il a voulu montrer comment « un état souhaite la bienvenue et fait ses adieux à ses citoyens ». Il ajoute : « On voulait juste accompagner quelqu’un dans ce processus de fin de vie et observer le fonctionnement de l’intérieur et ainsi, peut-être, générer de l’empathie pour pouvoir dialoguer sur un thème universel : la santé comme droit et non comme faveur. » Jamais démonstratif, Jorge Caballero se contente de montrer avec le plus de discrétion possible. « Nous n’étions que trois, un cameraman, un preneur de son et moi, on se mettait toujours à la même place. » L’état des lieux sur la condition des patients dans les hôpitaux publics de Bogota s’est focalisé sur Nubia, une femme qui accompagne sa fille Leidy, malade d’un cancer. De l’enfant, on ne voit jamais le corps, on entend tout juste la voix. La caméra ne filme que la maman, dévouée, courageuse, patiente, épuisée. De manière récurrente, on entend la télévision qui ne parle que de la beauté des Miss et des mannequins tandis que Nubia se démène, arpente les couloirs, les escaliers, pour chercher une ordonnance, une information, aider le brancardier à transporter sa fille. Elle attend, des heures dans les salles d’attente, toujours confrontée aux mêmes absurdités télévisuelles. Elle écoute les médecins lui annoncer les nouvelles. La décision urgente de lui faire une trachéotomie suivie de la décision de ne pas la faire. Enfin, de la laisser en paix. Le réalisateur colombien ouvre ainsi la porte à des questions sur le processus d’accompagnement des patients. "Les équipes soignantes ont vu le film et cela génère des réflexions. Le gros problème en Colombie, c’est le manque de dépistage, les cancers ne sont jamais pris assez tôt." Il n’aborde pas les problèmes financiers, trop compliqués, de Nubia qui bénéficiait d’un système de santé tellement précaire que sa famille l’aidait quand elle pouvait, sinon, c’était l’équipe de réalisation qui le faisait. « Le tournage a duré cinq mois. Nous étions le plus attentif possible. L’équipe est devenue très proche de la famille. Le preneur de son aidait Leidy, y compris pour des questions médicales. Un jour, c’est nous qui avons fait l’ambulance, nous avons fait tout ce que nous avons pu pour les aider. Toujours dans le plus grand respect pour Nubia et Leidy, qui étaient fortes et partageaient avec nous quelque chose d’aussi intime et délicat que la maladie. » Paciente se contente de constater, de manière extrêmement délicate, respectueuse à la fois du malade, de la famille et des soignants faisant acte d’un état de fait dont l’objectif est d’ouvrir la réflexion. Propos recueillis par Ghislaine Tabareau-Desseux. © Fiches du Cinéma 12 mars 2016