Un enseignement des « Sciences Humaines et Sociales » pour les étudiants de médecine ou à quand la valorisation d’un curriculum caché ? Angélique BONNAUD-ANTIGNAC1 L’enseignement des Sciences Humaines et Sociales (SHS) a officiellement été mis en place en 1992 dans les facultés de médecine, précisément au cours du Premier Cycle des Etudes de Médecine (PCEM1), pour faire suite à un enseignement de culture générale. Depuis cette rentrée 2010, dans le cadre de la réforme de cette Première Année des Etude de Santé (PAES), l’intitulé « SHS » a été remplacé par celui de « Homme, Santé, Société » suite à une forte demande du collège des enseignants des différentes disciplines des SHS en médecine. Cette demande a en effet été motivée par le fait que sous l’appellation « SHS » ce sont diverses disciplines, distinctes, comme l’histoire des sciences, la philosophie, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie, l’économie… qui sont dispensées, mais pas seulement puisque la santé publique, l’épidémiologie, ou la présentation des professions s’inscrivent également dans ce module. Si cet enseignement des « SHS » a été ajouté à l’ensemble des disciplines fondamentales c’est d’abord et paradoxalement pour ajouter au processus de sélection des étudiants un enseignement supplémentaire rendant ce concours encore et toujours plus centré sur les capacités d’apprentissage de l’étudiant mais surtout pas sur ses capacités de réflexion. Mais que reste-t-il de cet apprentissage des « SHS » de cette première année ? Pas grand chose ou quelques mots clés qui auront été nécessaires pour être sélectionné. Par contre, ce qu’il semble davantage rester c’est d’une part un sentiment d’amertume vis-à-vis des « SHS » du fait d’avoir été parfois à l’origine de l’ échec au concours, et d’autre part une représentation erronée qui laisse croire que les « SHS » sont une seule et même entité. Quel paradoxe donc que celui de demander aux étudiants d’apprendre par cœur des connaissances issues de disciplines qui devraient être enseignées avant tout pour susciter une réflexion ! Mais la médecine n’en est pas à ce seul paradoxe vis-à-vis des « SHS ». En effet, après 6 années de formation professionnalisante, les étudiants de médecine passent l’Examen Classant National (ECN) qui comme son nom l’indique leur permet de se classer au niveau national et de faire un choix qui correspond davantage à leur classement qu’à leur souhait. Sur quels critères et quelles compétences sont donc classés ces étudiants ? Tout simplement sur leurs connaissances déclaratives et leurs capacités à répondre correctement à des dossiers médicaux. Nous pouvons dès lors nous interroger sur l’utilité de l’enseignement des SHS durant leurs années d’étude. Car si les étudiants sont sélectionnés exclusivement sur leurs connaissances déclaratives qu’en est-il de leurs capacités, de leurs compétences à mener un raisonnement clinique en intégrant les données bio-socio-psychologiques des patients ? Et qu’en est-il de leurs capacités communicationnelle ou relationnelle nécessaires à la qualité de la prise en charge des patients et à la qualité de la relation médecin patient ? Nous pouvons alors légitimement nous interroger sur les raisons et les objectifs recherchés lorsque sont développés des enseignements « SHS ». La réponse serait à chercher du côté de la pratique médicale. Car si l’ECN est un concours qui permet d’orienter le jeune médecin vers telle ou telle spécialité, il ne dit rien quant à ses capacités dans sa pratique médicale. Il semblerait donc que la formation des médecins se décompose en deux modes d’apprentissage. Un apprentissage plutôt centré sur les connaissances théoriques et déclaratives qui seraient évaluées lors de l’ECN. Et un apprentissage pratique, dispensé sur les lieux de stage, qui renverrait précisément à l’apprentissage du raisonnement clinique et à la pratique médicale. C’est précisément à ce second apprentissage, réalisé sur le terrain de la clinique, que les compétences non strictement médicales du médecin seront appréciées. Alors s’il semble plutôt évident que les SHS ont une place dans le cursus des études de médecine, cette place est à considérer comme une part intégrée à l’apprentissage de la pratique médicale qui serait le garant de la capacité à établir une relation médecin patient de qualité. A quand donc le Curriculum Vitae qui permettra de mettre en exergue ces compétences issues des SHS ? La présente communication aura pour objectif de développer cette réflexion issue d’une expérience de 7 années passées au sein d’une faculté de médecine à enseigner la psychologie médicale. 1 Maître de conférences-HDR en psychologie médicale, Faculté de médecine de Nantes.