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CAFE HISTOIRE
LA RESISTANCE des ALSACIENS durant la SECONDE
GUERRE MONDIALE. (1939-1945).
Jeudi 14 novembre 2013 à 18h30 au Café Michel à Strasbourg.
Marcel SPISSER introduit la soirée en rapportant des propos entendus outre
Vosges : « En Alsace, vous n’avez eu que des collabos ». Il signale aussi qu’au Mémorial
d’Alsace-Moselle de Schirmeck, il n’y a qu’un mur pour évoquer la résistance. Puis il
présente l’intervenant Eric LE NORMAND, titulaire d’un Master 2 consacré aux passeurs
et rend hommage à ses deux marraines : Marie BRASSART GOERG LIEBIG et Mireille
HINCKER.
Éric remercie Monsieur SPISSER et nous donne le but de son travail : réaliser un
CD ROM ou un DVD ROM dans le cadre de l’AERI créée en 1990 par des résistants
(AUBRAC) dans le but de délocaliser au niveau régional ou départemental les études sur
la résistance intérieure. L’AERI est rattachée à la Fondation de la Résistance.
Marie, présidente de l’AERIA, parle de la convention tripartite, signée pour trois
ans entre L’AERIA et La Région Alsace et les deux départements en 2012.
Elle insiste sur un point : l’arborescence élaborée par l’AERI au niveau national n’est pas
adaptée à l’Alsace. Elle évoque ensuite le 70ème anniversaire de la rafle de Clermont
Ferrand où était repliée l’Université de Strasbourg, le massacre des jeunes de
Ballersdorf et l’exécution des membres du réseau ADAM.
Mireille HINCKER, trésorière de l’AERIA demande au public d’adhérer à
l’association, car les cotisations permettent à Eric de se déplacer en Dordogne et
facilitent ses enquêtes et recherches.
Puis Eric démarre son exposé :
I) Définitions de la Résistance : première ébauche=
Opposition des Français à l’action de l’occupant et du gouvernement de Vichy.
Pour Pierre LABORIE dans le Dictionnaire de la Résistance, il y a quatre critères :
1) La volonté de nuire à l’occupant.
2) La conscience de résister. (Ce critère est très difficile à analyser.)
3) L’engagement dans des formes d’action impliquant des comportements et des
pratiques de transgression.
4) Résister en employant des stratégies multiples en fonction de priorités spécifiques :
ex : les juifs, les républicains espagnols.
La recherche allemande distingue deux notions :
a) WIDERSTAND : abattre le régime nazi
b) RESISTENZ : opposition au nazisme.
Compte tenu du contexte, l’Alsace est plus proche de la définition allemande. Reste
le problème des incorporés de force qui est plus compliqué à définir et qui s’inscrit dans
un cadre européen.
En Alsace on trouve trois formes de Résistance :
- la forme organisée : les mouvements, les réseaux, les maquis.
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- La forme « désorganisée » : les milliers d’actes individuels ex : tracer le V sur un mur.
- Pour les incorporés de force, on distingue deux périodes « résistantes » : Avant :
refuser de signer le livret militaire ; Après : s’évader, se cacher, rejoindre le maquis.
II) EXEMPLES DE RESITANTS ALSACIENS :
1) Les trois sœurs d’Alphonse ADAM : Isabelle, Pélagie, Micheline, agents de
renseignement du Réseau ADAM, les deux plus âgés, Isabelle et Micheline ont
rejoint les FFI.
2) Marcel PETITJEAN, cheron à Grandfontaine, dont on trouve le nom sur un
monument dans une propriété privée à Grendelbruch, en souvenir de la
rencontre en juin 1944 des FFI de la région C et des délégués alsaciens de la
résistance. Marcel a aidé les FFI à emprunter les filières d’évasion.
3) Édouard SCHWARTZ : cheminot, membre du réseau WODLI, a distribué
des tracts antinazis et fait des sabotages. Une plaque en gare de Lutterbach
évoque son action.
4) Aloïs ECKERT : originaire de Rosheim, gendarme à Provenchères-sur-Fave,
récupère des évadés passant par le Val de Villé et par Sainte-Marie-aux-
Mines. Il est mort en déportation.
5) Charles NEES : ancien de l’armée d’armistice, a commandé le premier
maquis en Savoie en mars 1943, a fait sauter un barrage hydro-électrique sur
l’Isère. Déporté à Dachau, il est revenu.
6) BIRETTE Charles, né à Lutzelhouse, employé à la SNCF, membre de
l’Organisation civile et militaire, FFI, fusillé à la cascade du Bois de Boulogne.
7) Charles HERN : incorporé de force en Septembre 1942, envoyé en Grèce,
s’évade. Il est arrêté et fusillé par les Allemands le 27/08/1944 .On ne doit
pas faire mention de son exécution dans la presse. Une rue de Bischheim
porte son nom.
8) Jacques KNECHT : Incorporé de force, interprète à Tournon, FFI, fait
prisonnier, puis fusillé par les Allemands.
9) Georges RITTER, incorporé de force, évadé en Norvège, rejoint la résistance
norvégienne, participe à des actes de sabotage, est arrêté.
10) Henri ADAM : commis boucher à Molsheim, s’évade par Avignon et grâce à
Henri MECK passe en Tunisie où il s’engage comme parachutiste dans les
Forces Françaises libres (FFL) avant de tomber au combat en Bretagne le 18
juin 1944.
11) Albert ZIMMER : FFL, participe à la libération de Strasbourg le
23/11/1944, conducteur du char, toujours visible, tué pendant l’assaut.
III) QUE RESTE-T-IL DE LA RESITANCE ALSACIENNE AUJOURD’HUI ?
Il faut insister sur le contexte particulier de l’Alsace. Il est évident que la
Résistance n’est pas au premier plan. Cela peut s’expliquer par les déchirures politiques
(gauche, droite), les déchirures entre les premiers arrêtés en 1942/43 et les FFI de
1944, les déchirures entre la France de l’intérieur et l’Alsace. Dans les camps de
Schirmeck et d’Ensisheim on mélangeait tous les détenus, droits communs et
politiques, alors qu’en Savoie il y avait deux prisons distinctes.
Le premier plan mémoriel est occupé par les incorporés de force avec leurs
associations qui comptent: souvenir d’Oradour-sur-Glane, du procès de Bordeaux. Pour
la Résistance ce sont plus les individualités que les groupes qui sont mis en avant, par
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exemple, Joseph Rey, maire de Colmar et grand artisan du rapprochement franco-
allemand.
CONCLUSION : à JEBSHEIM (68) en 2003 a été inauguré un sentier de la paix à la Croix
du Moulin, un monument composé de plusieurs plaques et stèles où de nombreux
groupes ayant participé à la Résistance sont présentés.
IV°QUESTIONS ET INTERVENTIONS DES AUDITEURS : qui étaient très nombreux,
on a refusé du monde, faute de places !
Q1) De nos jours on s’intéresse beaucoup au rôle des femmes, est-ce impossible
pour la résistance ?
R1) Si on s’en tient à la base administrative on ne parle que des combattants : les
combattants volontaires de la résistance, mais certains n’ont pas de dossier.
L’opposition pouvait prendre diverses formes, à Gresswiller par exemple, un homme est
arrêté pour avoir chanté la Marseillaise dans les rues du village.
Q2) Intervention de Madame Marie-Noëlle HATT : La chronologie est très
importante, les gens sont abattus en 1940 et voient Pétain comme un sauveur, puis
quand il s’engage dans la collaboration, ils changent d’avis. Daniel CORDIER, parachuté
en France en novembre 1942 est effrayé par l’émiettement de la résistance et réalise
que les consignes venues de Londres sont impossibles ! Des individus essayent de se
coordonner, mais il y a déjà des répressions. Après le 6 juin 1944 « ceux de la 25ème
heure», d’anciens collabos rejoignent le maquis, un préfet pétainiste avertit le maquis
(qui va s’en emparer) d’un transfert de huit milliards de francs de la Banque de France.
Il est certain qu’il ne l’aurait pas fait en 1941 !
En fait il y a des zones grises. Le problème des jeunes générations : dans les films (ex :
Lucie AUBRAC) les résistants sont des saboteurs. Les gens qui donnent des
informations sont souvent des femmes, elles servent de télégraphistes, de boîtes à
lettres. Ex : sur la route entre Périgueux et Bergerac une femme mettait un chiffon ou
une couverture verte à sa fenêtre quand la voie était libre, rouge quand il fallait l’éviter.
Cette femme n’a jamais demandé de carte de résistante.
Q3) En mai 1952 un Alsacien qui s’était engagé dans l’armée française en 14-18
confesse qu’il n’a pas bougé entre 40 et 44, de peur d’être dénoncé.
R3) Il faut tenir compte de la situation très différente de l’Alsace, récupérée par les
Allemands en 1870 et en 1940, bien reprendre les termes de la recherche historique
allemande. Dés 1942, il y a des passages par les Vosges et des mouvements de gens anti
nazis et anti allemands, comme Weinum et des jeunes lycéens.
Q4) L’incorporation de force : un artiste Camille CLAUSS l’a refusée, mais s’est
retrouvé dans le piège de TAMBOV dont 1500 seulement ont été libérés. Les évasions
étaient difficiles, on craignait les Russes et les familles risquaient d’être internées dans
des camps. . Il y a eu une résistance formelle, venue souvent d’anciens scouts, la
formation scoute a favorisé le patriotisme.
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Q5) Dans les colonies : il y eut des résistants alsaciens giraudistes en Algérie, des
pieds noirs d’origine alsacienne domiciliés en Algérie, d’autres au Maroc, en Tunisie et
en Afrique noire.
R5) Si on voulait être complet il faudrait regarder le passé des Alsaciens partis après
1870 et après 1919. Dans ce cas, il faudrait quinze ans de recherche !
Q6) Le fichier de Schirmeck a pu être récupéré, combien de personnes sont
considérés comme résistantes ?
R6) Les résistants sont considérés comme politiques, on en a dénombré 8 000 jusqu’à
présent, en tout ils étaient peut-être 15 000. Monsieur Léon Strauss précise qu’en
1941/42 le Sondergericht de Strasbourg condamne à la fois des politiques et des droits
communs surtout pour des écoutes radios et du marché noir ; les condamnations de
droit commun ont été confirmées par des tribunaux français.
Q7) Il faut insister sur la chronologie et la sociologie des villes, des campagnes, des
vallées ; faire la différence entre les expulsés et les départs volontaires. On peut
remarquer que les journaux régionaux ont peu parlé de la résistance alsacienne.
Entre 1914 et 1918, 100 000 Alsaciens ont déserté l’armée allemande, cela a pu être un
prétexte pour la génération suivante.
R7) Il y avait des fonctionnaires alsaciens nommés à l’Intérieur qui ont fait de la
résistance et ont été condamnés. Ex : Keller à Nancy a coupé un câble reliant Paris à
Strasbourg.
Q8) La brigade Alsace-Lorraine devrait s’appeler Alsace Moselle. Y a t il une AERI
Moselle ?
R9) L’AERI est formée de bénévoles, rares sont les AERI qui ont des salariés
permettant de coordonner les travaux. En Moselle, le projet est au point mort, car le
professeur désigné a été muté à Montpellier. Eric s’appuie sur les informations
disponibles pour ce département.
Q10) EN juin 2004, le fils de Marc Bloch a déclaré lors d’une conférence qu’il n’y
avait pas de résistants avant 43/44.
R 10) En Mars 1942 il y a les PURS SANGS et dès Juillet 1941, Weinum.
Q 11) La MAIN NOIRE de WEINUM a-t-elle un lien avec celle de SARAJEVO ?
R 11) Non, le nom a été choisi car il s’agit d’une activité clandestine.
En conclusion Éric nous informe que la prochaine réunion de l’AERIA aura lieu à
THANN, importante vallée de la Résistance le Vendredi 22 novembre 2013 à 18 heures
à la Mairie. Une autre réunion est prévue à Reichshoffen.
Notes prises par Jean-Marie ESCH, vice–président de l’AERIA.
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