Chapitre 3 De la diversification des êtres vivants a l

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Chapitre 3 De la diversification des êtres vivants à l’évolution de la biodiversité
La biodiversité telle qu’on l’observe à une période donnée est à la fois le résultat et une étape de
l’évolution. Il existe, en effet des mécanismes qui engendrent une modification de la diversité
génétique des populations au cours du temps.
I.
Une évolution des populations
1. L’histoire d’une population
Bordas 66-67Une population est un ensemble d’individus de la même espèce qui, vivant à proximité
les uns des autres, se reproduisent majoritairement entre eux, c’est-à-dire plus fréquemment qu’avec
les individus d’autres populations. Dans les populations, les fréquences des caractères (et des allèles)
varient au cours du temps, de génération en génération.
Pour comprendre l’histoire d’une population et sa structure à un moment donné, il est nécessaire de
faire appel à la fois aux mécanismes de la sélection naturelle et de la dérive génétique. L’histoire des
populations d’ »éléphants sans défenses », en Afrique en est un exemple : les éléphants ayant ete
chasses pour le commerce de leurs défenses a augmenté au cours du XXe siècle, par sélection
« naturelle » (cette proportion tend a diminuer a nouveau depuis l’interdiction du commerce de
l’ivoire). Cependant, dans des populations constituées à partir d’un petit nombre d’individus, on
relève des fréquences d’ »éléphants sans défenses » qui restent élevées : ceci résulte d’une dérive
génétique.
2. L’effet du hasard
Le hasard intervient de façon multiple dans l’évolution des populations. Il peut être à l’origine d’une
diversité biologique, mais il influe également sur son devenir.
En effet, les événements qui sont à l’origine d’une diversification génétique des êtres vivants se
produisent de façon aléatoire : mutations ponctuelles, duplications géniques, répartitions des allèles
lors de la formation des gamètes, rencontre lors de la fécondation, polyploïdisation, transferts
horizontaux de gènes, etc.
Par ailleurs, l’effectif d’une population étant fini, il se produit lors de la reproduction un
échantillonnage aléatoire des gamètes participant à une fécondation, ce qui modifie les fréquences
des allèles d’une génération à une autre. Ce phénomène est la dérive génétique ; son effet est
d’autant plus marqué que les populations sont petites.
À une autre échelle, l’évolution de la biodiversité peut être modifiée, voire bouleversée, par des
événements impromptus : ce fut le cas lors de la chute d’une météorite géante qui, à la fin du
Cretacé, entraîna la disparition brutale de nombreuses espèces (dont les dinosaures) sur toute la
planète ; il peut également s’agir d’événements plus localisés.
3. La sélection naturelle
D’un point de vue historique, la véritable « révolution » est le concept de sélection naturelle,
développé par Charles Darwin en 1859. Il s’agit d’un mécanisme évolutif qui se produit sous trois
conditions :
- Les êtres vivants présentent une variabilité
- Cette variabilité est au moins en partie héritable
- Cette variabilité est corrélée à une variation du succès reproducteur
Cela veut dire que certains individus, avantages par rapport à d’autres, vont vivre plus longtemps, se
reproduire davantage et laisser plus de descendants. Les caractères avantageux sont alors de plus en
plus représentés : ils sont sélectionnés. Inversement, les individus qui possèdent des caractères
désavantageux laissent moins de descendants, ces caractères sont ainsi de moins en moins
représentés et peuvent même être éliminés.
Un caractère qui permet à un individu de survivre et de se reproduire mieux que s’il en était
dépourvu est ce que l’on appelle une adaptation. En accumulant les modifications aléatoires
avantageuses, la sélection naturelle se traduit donc par une adaptation parfois très étroite des espèces
à leur milieu et à leurs conditions de vie, adaptation qui peut étonner l’observateur. C ‘est pourtant
un mécanisme automatique, « aveugle », c’est-à-dire dépourvu d’intention vis-à-vis du résultat
produit.
II.
La notion d’espèce
1. Les définitions pré-évolutionnistes
Avant le développement de la théorie darwinienne de l’évolution, l’espèce est conçue comme une
entité permanente et stable. Une espèce se définit par rapport à un individu type : tous les individus
qui lui ressemblent et sont interféconds sont rattaches à cette espèce. L’existence d’une variation par
rapport au type de référence est considérée comme une anomalie. Les scientifiques ont alors une
vision discontinue de la biodiversité, triée en groupes n’ayant pas de liens de parente entre eux.
Puisque les espèces ont toujours existé et sont stables, la question de l’origine et du devenir des
espèces ne se pose pas et relève de la théologie.
2. Une conception évolutionniste
Au XIXe siècle, la pensée évolutionniste modifie complètement le concept d’espèce. La variabilité
des individus n’est plus considérée comme une anomalie, mais, au contraire, comme un attribut
essentiel et apparaît comme le moteur de l’évolution. L’idée d’une filiation entre les espèces
s’impose et la question des origines est envisagée sur le plan scientifique.
Dans l’arbre des êtres vivants, une espèce est alors définie comme une sous-partie du réseau
généalogique, un rameau qui diverge définitivement de la branche dont il est issu.
3. Des critères pour définir une espèce
Pour savoir si différents êtres vivants appartiennent à une même espèce ou non, il faut disposer de
critères opérationnels.
Les critères qualifiés de phénétiques reposent sur les ressemblances morphologiques : deux individus
qui se ressemblent appartiennent à la même espèce. En d’autres termes, les individus d’une espèce se
ressemblent plus entre eux qu’ils ne ressemblent aux individus des autres espèces. Cependant,
l’existence d’une grande variabilité des individus dans certaines espèces, par exemple les cas de
dimorphisme sexuel (différences entre mâles et femelles), conduit parfois à des groupements erronés
ou, au contraire, à des distinctions injustifiées.
Les critères qualifiés de biologiques sont liés, quant à eux, à la notion d’interfécondité. En 1942,
Ernst Mayr propose ce que l’on appelle, aujourd’hui, la définition biologique de l’espèce : »une
espèce est une population ou ensemble de populations dont les individus peuvent effectivement ou
potentiellement se reproduire entre eux et engendrer une descendance viable et féconde, dans des
conditions naturelles. » Pour confirmer que ces individus sont de la même espèce, il « suffit » donc
de s’assurer qu’ils sont susceptibles de se reproduire entre eux et que leurs descendants sont bien
fertiles. Théoriquement très puissant, ce critère est cependant souvent difficile à utiliser
pratiquement.
D’autres critères découlant de la notion d’interfécondité peuvent être utilisés : l’analyse de l’ADN
peut ainsi révéler l’existence de flux des gènes entre des populations, indicateurs de reproduction.
Une déclinaison écologique est également utilisée : par exemple, chez les végétaux, des individus
qui n’ont pas la même période de floraison ou qui occupent des milieux de vie différents, ne peuvent
pas se reproduire et appartiennent, sans doute, à des espèces différentes.
III.
La spéciation
1. Une espèce est temporaire
Une espèce peut donc être définie comme une population d’individus suffisamment isolés
génétiquement des autres populations. Elle n’existe que pendant une durée de temps finie. L’espèce
disparaît si l’ensemble des individus concernés disparaît, on parle alors d’extinction, ou bien si elle
cesse d’être isolée génétiquement. Au contraire, si un nouvel ensemble s’individualise, une espèce
supplémentaire apparaît : c’est ce que l’on appelle la spéciation.
L’événement déterminant dans tout processus de spéciation est l’apparition d’un isolement
reproductif entre deux populations. Plusieurs situations peuvent aboutir à un tel résultat.
2. La spéciation par isolement géographique
Il peut arriver que deux populations de la même espèce et qui partagent un même territoire
deviennent isolées géographiquement, par exemple suite a une modification du climat ou du milieu.
Les deux populations vont alors évoluer indépendamment sous l’effet de la sélection naturelle et de
la dérive génétique.
Parfois, il est possible que les différences deviennent telles que, même réunies à nouveau, les
populations ne sont plus interfécondes. Elles forment alors deux espèces distinctes.
3. La spéciation sans isolement géographique
Au sein d’une population et dans un même lieu, il existe souvent une variabilité des individus pour
un certain nombre de caractères (par exemple comportement alimentaire).
Il peut arriver que les hybrides, présentant un caractère « intermédiaire » soient défavorisés parce
que mal adaptés, alors que les individus présentant un caractère plus marqué, dans un sens ou dans
un autre, apparaissent, au contraire, mieux adaptés à leur milieu. La sélection naturelle va favoriser
alors les individus qui ont tendance à se reproduire avec un partenaire du même type. À terme, deux
populations coexistent et ne se reproduisent plus entre elles, ayant, par exemple, adopté des
comportements reproducteurs différents. Si l’isolement reproducteur est atteint, elles forment alors
deux espèces distinctes.
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