L`épistémologie des principes de la finance islamique s`appuie sur

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Dynamique principielle de la finance
islamique versus Dynamique infernale
de la finance conventionnelle
Mohamed Ahnani1
Ancien Banquier d’affaires et expert économiste & financier
Boite Postale 878 - 62000 Nador, Maroc.
[email protected]
Depuis le krach boursier de 1987, puis après la crise des Savings and Loans (1991– 1993), la
crise des émergents et de LTCM (1997 – 1998), l’explosion de la bulle des nouvelles technologies
(IT) (2001 – 2003), les économistes constatent la même dynamique économique qui se répète :
l’apparition d’une crise financière conduit les banques centrales à une relance monétaire qui fait
démarrer l’excès d’endettement et de hausse des prix des actifs, à un autre endroit de
l’économie, et conduit à la crise suivante. Parallèlement, le total des actifs du système financier
islamique a doublé en dix ans et dépasse 1300 Milliards de dollars, avec une croissance 50% de
plus que la finance conventionnelle. Il a gagné rapidement en importance pour devenir une part
plus importante du système financier international et, commence à contribuer à une plus grande
intégration financière mondiale en renforçant les perspectives de croissance et la stabilité
économique mondiale bancaire, étant donné que les causes des crises dévastatrices de
l’économie conventionnelle ne sont pas admises dans l’Islam qui s’appuie éternellement sur les
cinq principes suivants : P1: Prohibition du ribâ (usure), P2: Prohibition du Gharar (aléa majeur
ou évitable) et Maysir (jeu de hasard ou pari de mise), P3: Al-ghounm bi al-ghourm (partage des
pertes et profits) , P4: Pas de financement d'activités illicites et P5: L'adossement à un actif
tangible .
De l’autre cote de l’atlantique, cinq ans après la crise de 2008 l'économie américaine est
encore sous perfusion de la "Fed". Cette institution il y a nommé Barak Obama, Mercredi 9
octobre 2013, une femme. Janet Yellen, 67 ans, économiste soucieuse de croissance et de l'emploi
en priorité, en plus elle l'une des premières économistes à diagnostiquer une future récession dès
la fin 2007 due aux Subprimes et a l’instabilité financière résultante d’une déviation des taux
d'intérêt du marché par rapport aux taux de profit réels. Elle a aujourd’hui comme tache lourde
d’arrêter la dynamique infernale de la finance conventionnelle.
.
1
Mohamed Ahnani est diplômé de l’école nationale de la statistique et de l'administration économique de Paris, complété
par un DEA en finance d’entreprise et d’un doctorat en sciences de gestion financière de l’université de Paris-Dauphine.
1
1- LA DYNAMIQUE INFERNALE DE LA FINANCE CONVENTIONNELLE
Comme l’a bien remarqué Thomas Jefferson (1802)2 qui a dit “Je pense que les institutions
bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le
peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et
toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession,
d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans
maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis”.
En regardons les situations des États-Unis et de la zone euro, le comportement de distribution de
crédit par les banques est pro-cyclique : le crédit et les taux d'endettement croissent très rapidement en
période de croissance sans difficultés financières, sont restreints fortement en période de récession ou
de difficultés pour les emprunteurs. Une l'alternance de périodes où les banques sont très libérales dans
la distribution de crédit (1996-1999 ; 2003-2006) et de moments, durant les récessions, ou les crises où
elles sont très restrictives (1998 après LTCM, 2000, 2003, 2007). Les banques financent, de plus, des
emprunteurs en "Ponzi finance" : la solvabilité de l'emprunteur n'est pas assurée par ses flux de revenus
futurs, et il assure le service de sa dette en se ré-endettant périodiquement, le plus souvent à partir des
plus-values en capital réalisées sur ces actifs.
Depuis le krach boursier de 1987, puis après la crise des Savings and Loans (1991– 1993), la crise
des émergents et de LTCM (1997 – 1998), l’explosion de la bulle des nouvelles technologies (2001 –
2003), la même dynamique se répète : l’apparition d’une crise financière conduit les banques centrales à
une relance monétaire qui fait démarrer l’excès d’endettement et de hausse des prix des actifs, à un
autre endroit de l’économie, et conduit à la crise suivante. La crise immobilière présente aux États-Unis
vient ainsi de l’excès d’endettement, de construction, de hausse des prix de l’immobilier qui découle de
la politique monétaire expansionniste mise en place après l’explosion de la bulle des nouvelles
technologies. Il est de même très probable que, au moins aux États-Unis, la crise présente (chute de
l’activité de construction et des prix des maisons; freinage du crédit aux ménages; défauts des
emprunteurs en subprime, arrêt des créations d’emplois, mènera aussi à une politique monétaire très
expansionniste, ce que commencent à anticiper les marchés. Dans la zone euro, au Royaume-Uni et au
Japon, il pourrait s’agir d’un simple statuquo sur les politiques monétaires, mais il y aura aussi
ralentissement économique et disparition du risque inflationniste. Nous appelons "dynamique
infernale" la réaction de la politique monétaire aux crises financières et ses effets ultérieurs. Lorsqu'une
crise financière (correction d'un excès d'endettement, d'un excès de hausse des prix d'actifs) survient, la
politique monétaire devient très expansionniste, ce qui est raisonnable : Il faut éviter l'extension de la
crise ; une crise systémique des banques, le rationnement du crédit, les pertes patrimoniales
excessives… Mais puisque la politique monétaire devient très expansionniste, elle favorise la croissance
de l'endettement et des prix d'actifs à un autre endroit de l'économie. La réaction légitime à une crise
génère donc les conditions de la crise suivante, selon la dynamique suivante :
2
Thomas Jefferson, né le 13 avril 1743 à Shadwell et mort le 4 juillet 1826 à Monticello, a été le troisième président des ÉtatsUnis d'Amérique de 1801 à 1809. Cet homme d'État était également philosophe, agronome, inventeur et architecte. Jefferson
était attaché aux Droits de l'Homme pour lesquels il lutta au sein de son État et du pays. Il faisait partie de l'élite des Lumières
et a connu les plus grands esprits de son temps. Rédacteur d'une partie de la Déclaration d'indépendance, il doubla la superficie
des États-Unis par l'achat de la Louisiane.
2
Crise financiere
Exces
d'endettement
et prix d'actifs
excessifs
Stabilisation et
controle de la
crise financiere
Reprise de
l'endettement et
de la hausse
des prix d'actifs
Politique
monetaire
expansionniste
La politique monétaire a permis, de 1985 à 1988, de 1994 à 2000, depuis 2004-2005 qu’il y ait
hausse de l’endettement, des prix des actifs et ces périodes se sont toutes achevées en crise. Lorsqu'une
crise financière survient, les banques centrales doivent absolument éviter qu'elle devienne une crise
systémique des banques, qu'elle s'étende, en raison des ventes forcées d'actifs par les investisseurs, à
tous les marchés d'actifs. Les banques centrales doivent donc injecter les liquidités nécessaires en cas de
crise pour éviter des défauts de paiement de banques, si possible un "credit crunch". Mais elles doivent
aussi éviter de faire apparaître les conditions de déclenchement de la crise suivante, ce qui a été le cas
dans le passé comme nous l'avons vu ci-dessus.
Le problème qui se pose aujourd'hui à la Réserve Fédérale et à la BCE est le même que celui
qui se posait en 2001-2003 : comment arrêter une crise financière une fois qu'elle est déclenchée
sans mettre en place des conditions monétaires qui favoriseraient l'apparition de la crise suivante
? On peut en effet attribuer à la politique monétaire très expansionniste de la période 2001-2005,
visant à corriger les effets de la crise boursière (des sociétés des nouvelles technologies),
l'apparition de la bulle d'endettement des ménages et de la bulle des prix de l'immobilier qui a
explosé aux Etats-Unis (qui se corrige plus progressivement dans la zone euro) depuis 2006. La
politique monétaire a donc fait "sauter" d'une crise de l'endettement des entreprises et des cours
boursiers, à une crise de l'endettement des ménages et des prix de l'immobilier.
Nous essayons d'inventorier les maladies de la finance conventionnelle, qui ont conduit aux
crises à répétition que nous avons connues depuis 25 ans, et de suggérer quelques remèdes. Les
maladies les plus sérieuses de la finance contemporaine semblent être :
- l'irresponsabilité de certaines banques, due à la présence d'aléas de moralité, dans la
distribution de crédit ("Ponzi Finance"), qui s'ajoute à leur comportement pro-cyclique habituel.
3
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L'existence de banques qui présentent un écart important entre la liquidité et la maturité de
leurs ressources et celles de leur actif, et qui sont en grave difficulté lorsque les financements
deviennent transitoirement moins aisés à obtenir (on parle de "banques sans dépôts").
Alors que la titrisation (le fait que les banques puissent revendre leurs prêts aux investisseurs)
doit pouvoir continuer, l'inadéquation entre la nature des actifs qui servent à la titrisation et les
besoins des investisseurs ; l'incapacité de certains investisseurs de supporter les risques ainsi
transférés.
La présence d'un horizon de jugement et de mesure de la performance pour certains
investisseurs (fonds de pension, sociétés d'assurance…) beaucoup plus court que l'horizon
naturel que ces investisseurs devraient avoir, ce qui pousse d'une part au mimétisme, d'autre
part à des ventes massives d'actifs risqués peu liquides en cas de choc.
Finalement, la persistance d'une exigence trop élevée de rentabilité du capital, qui pousse à
prendre trop de risques (par exemple le levier d'endettement des fonds de certaines
entreprises…).
Regardons cette "dynamique infernale" dans l'enchainement entre la crise des sociétés des
nouvelles technologies (2001-2003) et la crise immobilière (2006-2007). L'enchaînement entre les deux
crises de la décennie 2000 : la crise des sociétés des nouvelles technologies et ses causes. La décennie
2000 commence par la crise des sociétés des nouvelles technologies. Durant les dernières années de la
décennie 1990, la politique monétaire reste assez expansionniste (les taux d'intérêt légèrement inférieur
à la croissance. Dans cette période, malgré les niveaux très élevés de valorisation, non seulement les
entreprises (par les rachats et les acquisitions) mais aussi les investisseurs institutionnels, sont
collectivement et massivement acheteurs d'actions, ce qui aussi est facilité par la politique monétaire
expansionniste. Lorsque la bulle actions éclate, la crise se transmet à l'économie réelle par
l'intermédiaire des comptes des entreprises. La perte de valeur des actions affecte en effet assez peu le
taux d'épargne des ménages, qui ont le sait, résiste aux États-Unis aux moins-values en capital. Mais elle
réduit la valeur des actifs détenus par les entreprises (après les acquisitions…), rend donc l'endettement
des entreprises excessif, et les force, pour se désendetter à réduire leur investissement et leur emploi
d'où la récession.
4
A titre d’exemple, la crise mondiale actuelle vient de la politique monétaire très expansionniste mise en
place en 2001-2002 pour réagir à la crise des sociétés des nouvelles technologies3. Cette politique
monétaire déclenche la hausse de l'endettement et se poursuit alors que les taux d'endettement et les
prix de l'immobilier montent déjà fortement. Il s'agit d'abord, on l'a vu, de l'endettement des ménages
puis de l'endettement des entreprises ; aussi de l'endettement des fonds.
1- LA DYNAMIQUE PRINCIPIELLE DE LA FINANCE ISLAMIQUE
Dans un environnement de turbulences financières, la finance islamique réalise des avancées et
intéresse de plus en plus la communauté internationale en raison de sa dimension éthico-religieuse et
socialement responsable et de son ancrage à l’économie réelle. La crise financière des subprimes ayant
frappés toutes les places financières n’a pas freiné le développement de la finance islamique qui réalise
une percée continentale remarquable (Europe, Asie, Afrique et Etats-Unis). En règle générale, la finance
islamique respecte les règles économiques et sociales conformes à la loi islamique (Chari’a) permettant
d’offrir un modèle à la fois éthique et rentable. A la différence de la finance conventionnelle, la finance
islamique interagit avec un environnement conventionnel et un environnement religieux régissant les
transactions commerciales et financières (Mou’amalat). La loi islamique impose aux activités financières
et bancaires des orientations précises et des limites claires, établies à partir du Coran, de la Sunna, du
Ijmaa (consensus) du Qiyas (raisonnement par analogie) et de l’Ijtihad (effort de raisonnement
personnel).
Jusqu'à présent le commerce et la banque avaient, en effet, été approchés sous un angle assez
informel et la normalisation internationale corollaire du développement du système bancaire
international a amené les musulmans à formaliser également un système bancaire avec ses valeurs
propres. Le système bancaire islamique est un système financier participatif basé sur des règles et une
éthique religieuses qu’est l’Islam : tel est le principe développé par la finance islamique, aujourd’hui en
plein boom. Le principe du rejet du prêt à intérêt est une caractéristique fondamentale du système
bancaire islamique mais il diffère du système bancaire actuel à d'autres titres et notamment par le
rapport particulier que joue la banque islamique dans ce système. En effet la banque islamique n'est pas
un simple pourvoyeur de fond intéressé uniquement aux garanties offertes par les emprunteurs, encore
moins un simple coffre de dépôt de valeurs, mais un véritable partenaire de l'entrepreneur emprunteur.
La banque islamique offre à ce titre des nombreux services de gestion à ses clients, afin de les soutenir
dans leur entreprise et assurer ainsi une activité économique saine et profitable aux deux partenaires.
Londres a lancé sa première obligation publique «charia compatible». Cette «sukuk», d'une valeur de
200 millions de livres, est la première émise en dehors du monde musulman. Le premier ministre
britannique David Cameron l’a bien annoncé le 29/10/2013, lors de l'ouverture du 9e Forum
économique islamique mondial, qui s’est tenu pour la première fois à Londres. Il a réunit plus de 1500
participants dont une quinzaine de chefs d'État. A savoir que la finance islamique est entrée dans une
nouvelle étape de sont développement après les crises financières internationales qui ont heurté
l’économie mondiale. Elle progresse aujourd’hui 50% plus vite que la banque conventionnelle avec des
investissements qui doivent atteindre en 2014 environ $ 1300 milliards, en plus les États du Golfe
disposent de plus de $ 1000 milliards selon l'OCDE à investir notamment dans des obligations «charia
compatible» ainsi les pays d'Afrique du Nord et du printemps arabe paraissent tout particulièrement
intéressés.
3
Patrick Artus, 2008, 140 p., La crise financière. Causes, effets et réformes nécessaires, Les Cahiers-Le Cercle
des économistes, éd. PUF et Descartes & Cie.
5
L'épistémologie des principes de la finance islamique s'appuie sur deux règles de méthodologie de
jurisprudence islamique et leurs corollaires respectifs:
Règle 1 : La règle en matière de Chari'a est le commandement et non la prohibition.
Corollaire 1 : Le commandement précède la prohibition: " Allah a rendu licite le commerce, et illicite
l'intérêt" (Coran, II: 275).Le ribâ est prohibée en islam, qu’elle qu’en soit la forme. Cette prohibition
s’applique au débiteur comme au créancieri ; que le bénéficiaire soit riche ou pauvre.
Règle 2 : La règle en matière de transactions financières est la permission.
Corollaire 2 : Le prohibé dans les transactions financières est minime comparé au permis.
Selon la théorie économique islamique, les grands objectifs de l’activité économique sont : (1)
L’augmentation de la richesse, définie comme l’accroissement du capital productif réel; (2)
L’augmentation de l’emploi, celle-ci étant favorisée par la participation des intéressés au
fonctionnement des projets de production; (3) La distribution équitable de la richesse et des revenus,
celle-ci étant renforcée par (a) La pratique obligatoire de la zakat4, ou aumône légale; (b) L’absence du
gaspillage sous la forme, par exemple, de la thésaurisation. Allāh dit : « Ce que vous donnez comme
usure pour accroître le bien des autres, ne croîtra pas chez Dieu, c’est ce que vous donnez en aumône
pour la face de dieu qui sera doublé…»5. Les principes de la finance islamique, qui découlent plus ou
moins clairement de ces objectifs sont : (1) Le profit doit être encouragé, déterminé ex-post et exprime
la performance de l’entreprise; (2) L’intérêt est prohibé et l’usure l’est aussi, car, fixé ex-ante. La
récompense ne peut pas être liée au passage du temps mais doit être en relation avec la nature du
projet d’investissement, ce qui est le cas du profit6; (3) Comme il peut y avoir perte, il y a bien entendu
un risque licite (Halāl) attaché au profit.
Les cinq principes gouvernant la dynamique de la finance islamique évoqués sont les suivants7 :
4
La zakāt est levée au taux, en général, de 2,5 % sur la richesse et l’accroissement de cette dernière, soit l’épargne, c’est-à-dire
à l’exclusion du revenu affecté à la consommation.
5 Coran, Sourate Les Romains, verset 39
6 La prohibition de l’intérêt est parfois accompagnée du commentaire selon lequel elle augmente le bien-être de tous, ce qui la
rend efficiente au sens de Pareto
7 Abderrazak Belabes (2009), “Épistémologie des principes de la finance islamique” ; Les Cahiers de la Finance Islamique N°2 ;
page 8.
6
Prohibition du ribâ
(usure),
Prohibition du gharar (aléa
majeur ou évitable) et
maysir (jeu de hasard ou
pari de mise),
L'adossement à un
actif tangible
Al-ghounm bi alghourm (partage des
pertes et profits)
Pas de financement
d'activités illicites,
Dynamique principielle de la finance islamique
Les cinq principes de la finance islamique évoqués sont les suivants :
P1: Prohibition du ribâ (usure)
P2: Prohibition du gharar (aléa majeur ou évitable) et maysir (jeu de hasard ou pari de mise)
P3: Al-ghounm bi al-ghourm (partage des pertes et profits)
P4: Pas de financement d'activités illicites.
P5: L'adossement à un actif tangible
Elle fait intervenir, dans une sorte de système dynamique, un attracteur permettant d'améliorer les
signaux à impact positif et un filtre permettant d'exclure les signaux à impact négatif sur le plan spirituel,
éthique, social et environnemental. Il en découle que les cinq configurations possibles : Du point de vue
épistémologique, la fonction principielle (fp) de la finance islamique (FI) peut s'écrire de la manière
suivante: fp(FI) = {αP1, βP2, δP3, λP4, ηP5} où P1, P2, P3, P4, P5 désignent les principes de la finance
islamique et α, β, δ, λ, η les coefficients de leurs pondérations respectives. En vertu de cette dynamique
principielle (figure ci-dessous) se dégage cinq configurations conformément au poids du coefficient de
pondération le plus fort. On voit clairement, que ces principes qui régissent les relations financières, aux
niveaux micro, méso et macro, sont intelligibles, car la Chari'a vise à consolider les avantages et à
minimiser les inconvénients. En vertu de cette dynamique principielle se dégage cinq configurations
conformément au poids du coefficient de pondération le plus fort. Dans un tel système, les banques ne
font pas de prêts portant l’intérêt, ne créent pas d'argent et ne financent pas la spéculation. Bien que les
prêts ne soient pas interdits dans l'islam, ils doivent être libres de tout élément qui peut être considérée
comme un intérêt. Les produits financiers et les services fondés sur les intérêts de prêts ne peuvent pas
faire partie de l'activité économique islamique. Dans tous ces cas, une banque islamique est un
propriétaire direct de l'investissement du moment que ses services sont basés sur un partage plus
équitable des risques et des bénéfices, et qu'elle se veut associé de l'emprunteur entrepreneur, et non
un simple créancier pesant dans son passif et intéressé seulement par les garanties financière offertes
par lui. Dans un tel système, une institution financière participe directement à l'évaluation, la gestion et
le suivi du processus d'investissement, s’associe ex-post sur les bénéfices ou les pertes de l'opération, et
qui sont distribués aux déposants comme s'ils étaient actionnaires de capitaux propres. Le défaut de
remboursement s’avère quasiment absent, et les déposants sont confrontés à un faible risque de pertes
de leurs actifs.
7
Logiquement, il ne fait guère de doute qu'un système financier qui tire ses principes de
fonctionnement du Coran et la Sunna sera fondamentalement stable. Dans un tel système, les banques
ne font pas de prêts portant l’intérêt, ne créent pas d'argent et ne financent pas la spéculation. Bien que
les prêts ne soient pas interdits dans l'islam, ils doivent être libres de tout élément qui peut être
considérée comme un intérêt. Les produits financiers fondés sur les intérêts de prêts ne peuvent pas
faire partie de l'activité économique islamique. Dans tous ces cas, une banque islamique est un
propriétaire direct de l'investissement. Dans un tel système, une institution financière participe
directement à l'évaluation, la gestion et le suivi du processus d'investissement. Renvoie à des fonds
investis surgir ex-post sur les bénéfices ou les pertes de l'opération, et sont distribués aux déposants
comme s'ils étaient actionnaires de capitaux propres. Depuis défaut de remboursement est absent, les
déposants sont confrontés à un faible risque de pertes de leurs actifs. En finance classique, défaut de
paiement est très répandu et le taux de défaut augmente plus que proportionnellement par rapport au
taux d'expansion du crédit. En outre, plus la part des prêts à la consommation, plus le risque de défaut.
Défaillance de crédit peut devenir un risque systémique et dégénérer en une crise bancaire. Sans
garantie du gouvernement, les déposants sont confrontés à un risque significatif de perte de leurs
dépôts.
2.1- LA PROHIBITION DU RIBA DANS L’ISLAM : LES IMPERFECTIONS DE
L’INTERET DANS LE MODELE DE FINANCEMENT DE L’ECONOMIE
CONVENTIONNEL ?
De nos jours, les marchés de capitaux mondiaux et les institutions financières constituent une
source considérable de financement des gouvernements, des entreprises, des projets d'investissement
et des citoyens, en leur offrant les fonds nécessaires au développement d’activités commerciales et
d'investissements avec un choix de programmes pour obtenir des prêts. La plupart des banques
commerciales et institutions financières commence à offrir des prêts et même un choix entre un
financement classique ou un financement islamique. La finance islamique est une finance simple;
pérenne et participative qui s'inscrit dans une perspective de long terme sans rupture entre le
rendement et le risque. L’Islam favorise l’investissement pour le développement économique et interdit
la thésaurisation. « La thésaurisation est un terme technique économique décrivant une accumulation
de monnaie soit pour en tirer un profit ou soit par absence de meilleur emploi, et non par principe
d'économie ou d'investissement productif ». Il est important de faire la distinction entre épargne et
thésaurisation. Cette dernière notion induit l’idée de non-productivité du capital. Par exemple, un
compte d’épargne ne générant pas d’intérêt n’est pas une forme de thésaurisation car ce capital est
utilisé par la banque à des fins productives8. Le Coran prohibe la thésaurisation car dans l’Islam l’argent
ne doit pas constituer une source de puissance. De plus, si un croyant musulman thésaurise ses avoirs
cela signifie, dans cette religion, qu’il ne participe qu’à son enrichissement personnel et ne fait pas
profiter l’économie en général.
La crise actuelle dans le monde a débuté avec les difficultés rencontrées par les ménages
américains à faible revenu pour rembourser les crédits qui leur avaient été consentis pour l’achat de leur
logement. L’endettement des ménages américains a pu s’appuyer sur les taux d’intérêt bas pratiqués
par la Banque centrale des Etats-Unis (la « FED ») à partir de 2001. En plus de prêter à un taux bas, les
crédits étaient rechargeables, c’est-à-dire que régulièrement on prenait en compte la hausse de la
valeur du bien, et on autorisait l’emprunteur à se ré endetter du montant de la progression de la valeur
de son patrimoine. Cela a soutenu la forte croissance des Etats-Unis, mais a fortement endetté les
8
Abbas Mirakhor, Hossein Askari, Noureddine Krichenne, Zamir Iqbal, 2010, The Stability of Islamic Finance: Creating a
Resilient Financial Environment for a Secure Future.
8
ménages moyens. La FED a progressivement relevé ses taux de 1 % en 2004 à plus de 5 % en 2006 pour
tenir compte de l’évolution de l’inflation et de la croissance américaine. Les charges financières des
emprunts se sont considérablement alourdies. Un nombre croissant de ménages n’a pu faire face. En
conséquence, l’immobilier chute dans l’ensemble des Etats-Unis. Résultat : la valeur des habitations est
devenue inférieure à la valeur des crédits qu’elles étaient supposées garantir. L’afflux des défaillances
des emprunteurs et des reventes de leurs maisons hypothéquées a accéléré la baisse des prix de
l’immobilier. Les pertes se sont donc accumulées également du côté des prêteurs. Des établissements
de crédit spécialisés se sont, les premiers, retrouvés en difficulté.
C’est a peu près ce qu’on observe actuellement dans le monde, la nouvelle présidente de la
banque centrale des Etats-Unis (Fed), Janet Yellen, formellement intronisée le 3 février 2014, a
ainsi assuré que la Fed continuerait une politique monétaire "hautement accommodante" de la
Fed, et notamment le maintien de taux d'intérêt proche de zéro, selon le texte de son
intervention communiqué à la presse. De même, la Banque centrale européenne (BCE) a
maintenu le jeudi 9 janvier 2014, son principal taux d'intérêt directeur inchangé au niveau
historiquement bas de 0,25 %. Le taux de dépôt auquel les banques placent leurs liquidités
excédentaires auprès de la BCE pour vingt-quatre heures, a également été laissé à son niveau de
0 %. Dans ces conditions, les pressions désinflationnistes observées se maintiennent avec un taux
d’inflation de 0,9% dans la zone euro en novembre et de 1% aux Etats-Unis au mois d’octobre.
Quand au Maroc, lors de sa réunion du 24 septembre 2013, le Conseil de la Banque du Maroc a
décidé de maintenir inchangé le taux directeur à 3%.
L'inefficacité des politiques monétaires dans la période contemporaine vient surtout de
deux facteurs : (1) la mobilité internationale de la liquidité (par les carry-trades, par
l'accumulation de réserves de change par les Banques Centrales) a fait perdre le contrôle de la
liquidité locale aux banques centrales nationales, la création de liquidité devenant un mécanisme
mondial et plus national ; (2) les conflits d'objectif se sont multipliés : les banques centrales
veulent à la fois éviter le retour de l'inflation, stabiliser l'activité réelle et soutenir l'investissement
productif, empêcher les crises bancaires et financières, maintenir une politique assez restrictive
pour que n'apparaissent plus d'excès d'endettement ou de bulle de prix des actifs. Tous ces
objectifs peuvent être souvent contradictoires, et pourtant les banques centrales n'ont qu'un
instrument : le taux d'intérêt directeur.
Aujourd'hui, les politiques monétaires sont donc condamnées à l'inefficacité et peuvent
même créer des désordres économiques et financiers. Pour sortir de cette situation, il n'y a que
deux possibilités : (a) mettre en place une gestion mondiale de la liquidité, ce qui est nécessaire
puisqu'il s'agit bien d'un "bien public mondial" ; (b) augmenter le nombre d'instruments de la
politique monétaire, en pouvant modifier, en cas de besoin, non seulement les taux d'intérêt,
mais aussi les taux de réserves obligatoires, les ratios de liquidité, de capital.
A partir de 2003, on a observé aux Etats-Unis une forte hausse de l’endettement des ménages, de
l’activité de construction, des prix des maisons. Ce boom de l’immobilier a conduit à une crise pour trois
raisons : (1) Le nombre trop élevé de maisons construites, ce qui a conduit à une hausse très importante
du stock de maisons invendues, d’où la baisse des prix; (2) La hausse des prix de l’immobilier résidentiel
qui a rendu les maisons trop chères pour les américains (ce que montre l’affordability index), d’où la
chute de la demande; (3) L’attitude des banques, qui ont poussé des américains à revenu faible à
s’endetter à taux variable, de 2003 à 2006, avec des conditions initiales très favorables, d’où la crise du
subprime lorsque la Réserve Fédérale a remonté ses taux directeurs. La crise du subprime s’étend aux
marchés financiers en raison de l’importance de la titrisation ou de la structuration basée sur des crédits
subprime, et de la baisse de la valeur de marché de ces crédits. Durant cette dernière grande dépression
des subprimes, un certain nombre de savants américains, en particulier des économistes associées au
département d'économie de l'Université de Chicago, ont fait une proposition au gouvernement des
9
U.S.A pour la réforme du système financier. Le point crucial du plan de réforme de Chicago correspond
dans une large mesure au cœur du système financier qui émerge des enseignements islamiques. La
réforme proposée un double système bancaire: (i) 100 pour cent la banque de réserve qui ferait
obstacle à la création de monnaie et de la destruction par le système bancaire, ce qui serait par
conséquent protéger pleinement les dépôts de la nation et le système de paiements, et (ii) un système
bancaire réglementé les investissements système sans la protection du gouvernement comme un
système de dépôt de garantie d'assurance. On note bien que la finance islamique convertit le deuxième
pilier dans un système fondé sur l'équité, dans lequel les transactions fondées sur les intérêts de la dette
sont interdites. Les analyses théoriques d'un tel système ont démontré leur stabilité inhérente. Cette
conclusion découle du fait qu’il existe un système ou on considère 100% de monnaie dans la Réserve et
que toute hausse des prix des actifs secondaires ou de la déflation, est mappée totalement sur le passif
du bilan de l'institution financière. Cela dit, la finance islamique est-elle en mesure de compléter et de
calmer la fougue de certaines pratiques financières et bancaires traditionnelles ? Cette finance peut-elle
être une «alternative» dans la mesure où elle propose des services et de nouveaux produits répondant à
l’éthique islamique, encourage l’investissement productif, réduit la spéculation, enracine la culture du
partenariat et accroît les activités sociales ? Les modes alternatifs de financement et d’investissement
proposés par les acteurs majeurs de la finance islamique répondent-ils aux besoins de agents
économiques (ménages, entreprises, organisations et institutionnels) ? Avec sa dimension éthique et
religieuse, la finance fondée sur la loi islamique est-elle en mesure de remédier aux dérives du
capitalisme financier libéral ?9
De ce fait, la finance islamique se voit comme une alternative plus équitable et plus efficace de
l'approche conventionnelle. En effet, les transactions fondées sur l'intérêt sont interdites puisque l'islam
encourage le commerce et les affaires génératrices de profit équitable et légitime. Il y a dans une
économie islamique toujours un lien étroit entre flux financiers et productivité. Cette propriété
intrinsèque d’attachement a un bien tangible et réel, souligne les avantages de la finance islamique et
montre qu’elle est fondamentalement stable et toujours à l’ abri des risques potentiels résultant des
excès de levier financier et des activités spéculatives dévastatrices, comme celle de la crise financière de
2008 provoquée par la bulle immobilière et les prêts à risques (subprime), et qui a poussée
inévitablement le Gouvernement Fédéral Américain a injecté des billions de dollars dans son économie
pour empêcher son système bancaire de s'effondrer10.
2.2- L’IMPORTANCE DE L’ADOSSEMENT A UN ACTIF TANGIBLE
Le terme d’économie réelle n’est jamais utilisé seul dans le discours économique contemporain. Il
s’inscrit, explicitement ou implicitement, en opposition par rapport à la sphère des transactions et des
flux financiers qui se trouve, en retour, disqualifiée et que l’on décrit, surtout en période de crise,
comme une “bulle” spéculative. Concrètement, “l’économie réelle” recouvre les processus de
production et d’échanges de biens et services tangibles, concrets et palpables, ainsi que la rémunération
des facteurs de production directement impliqués dans ce processus : le travail et le capital. Mais cette
définition, basée sur l’opposition d’une économie réelle et d’une économie factice ou virtuelle, appelle
en fait à réfléchir chez les économistes sur la place de la finance conventionnelle dans l’économie d’une
façon générale.
9
Source : Finance islamique : Réalités et perspectives
Cela a inclus la subvention de $700 milliards approuvée par le Congrès en 2008, presque $200 milliards pour le sauvetage de
Bear Stearns et AIG et $150 milliards pour le Fannie Mae et de Freddie Mac.
10
10
Les pratiques économiques et commerciales que préconise la finance islamique
entretiennent un juste équilibre entre travail, capital et impact sociétal11. Elle valorise et
encourage la création de richesses réelles, tangibles et bénéfiques, en accordant toute sa place à
une économie de bienfaisance finançant l'économie réelle : des actifs tangibles, des projets
d'infrastructure dans des collectivités locales, des biens immobiliers, des flottes de véhicules
automobiles, la construction de navires, de réseaux de chemin de fer…. De nos jours, la finance
conventionnelle rend les économies beaucoup plus cycliques (avec les corrections des prix des
actifs, le "crédit Crunch"…). Pourquoi ? Voici trois explications : (1) Les banques prêtent facilement
en période de croissance des économies et des prix d'actifs, durcissent les conditions du crédit dès
qu'il y a retournement de la situation économique; de plus, elles pratiquent de la finance de
Ponzi, en prêtant à des emprunteurs qui ne sont solvables que s'ils peuvent se réendetter, ce qui
renforce le lien entre le crédit et les prix des actifs. Ce comportement est renforcé par
l'abondance de liquidité. (2) Le report des risques sur les marchés par la titrisation, la vente de
produits structurés, ont induit une divergence entre l'horizon naturel de ces produits, qui est long,
et l'horizon de fait des investisseurs, qui est court. De ce fait, les investisseurs vendent
massivement ces actifs illiquides issus de la titrisation lorsque leurs prix baissent, et ne pourraient
légitimement les détenir jusqu'à l'échéance. (3) Le rating des actifs financiers doit rester lié
uniquement à la qualité des actifs sous jacents, alors qu’on observe des actifs dont le rating se
dégrade lorsque les prix de marché baissent indépendamment de la valeur fondamentale. Ce
comportement déstabilisant encourage pour le retrait des investisseurs et des banques quand les
ratings se dégradent.
Aujourd’hui, Il y a sur les marchés financiers internationaux 300 fois plus de transactions
financières relevant de la stricte spéculation et d’arbitrage que d'investissements concrets, c'est à
dire que les acteurs du marché se vendent et s'achètent en permanence beaucoup plus de
produits financiers qu'ils n'injectent de liquidités dans des projets créant de la richesse matérielle.
En plus, on sait qu'une tendance récente de la finance conventionnelle a été la
"désintermédiation" : les banques et dans une moindre mesure les assureurs ont reporté leurs
risques sur les marchés par la titrisation, la vente de produits structurés. Les banques ont ainsi
utilisé le marché des ABS (de crédits immobiliers, de crédits aux entreprises, de fonds
d'investissement, d'obligations …) pour sortir de leurs bilans les risques liés aux prêts aux ménages
ou aux entreprises. Le problème qui se pose est alors le suivant : beaucoup de ces actifs de
titrisation sont illiquides et sont conçus pour être conservés à long terme : un CDO par exemple a
un rendement élevé s'il n'y a pas de défaut sur les obligations sous-jacentes pendant la durée de
vie de la structure ; de même pour un CLO si le taux de défaut sur les prêts sous-jacents reste
voisin de la normale. Mais les investisseurs (fonds d'investissement, assureurs, fonds de pension),
les banques acheteuses de ces actifs ont de fait un horizon de court terme avec le mark to market,
les normes IAS, Bâle II, Solvency II, les résultats trimestriels… Ceci implique que si, par accident, en
raison d'un léger choc, la valeur de ces actifs de titrisation structurés baisse, leurs détenteurs les
vendent massivement pour éviter de pénaliser davantage leur valeur liquidative ou leurs résultats.
On génère donc, comme on l'a vu dans la période récente, une chute énorme des prix de
ces actifs dus aux "ventes panique". On voit donc qu'il y incompatibilité entre la
désintermédiation basée sur la vente au marché d'actifs illiquides à détenir normalement à long
terme et la nature de fait à court terme de l'ensemble des investisseurs et acheteurs de ces actifs.
Pour que la désintermédiation reprenne sans provoquer ce type de crise, il faudrait donc : (1)
qu'elle se fasse avec des actifs liquides (par exemple covered bonds pour les crédits
736 ,41‫ ط‬,‫ بيروت‬,‫ دار التّعارف للمطبوعات‬,‫ اقتصادنا‬,‫محمّد باقر الصّدر‬11
11
hypothécaires); (2) ou qu'apparaissent de vrais investisseurs à long terme, indifférents aux variations
transitoires des prix des actifs illiquides qu'ils détiennent. On pourrait imaginer, en contradiction avec
les tendances actuelles, que certains actifs illiquides puissent être mis dans des portefeuilles non
marked to market à l'actif des investisseurs à horizon long (fonds de pension, assurance-vie) ; sinon que
les banques centrales qui ont des réserves considérables puissent en immobiliser une partie.
L’économie conventionnelle de crédit implique depuis toujours un niveau très élevé
d’endettement; le problème est que cet endettement ne peut pas être porté par les banques, en effet,
si les banques conservaient tout le risque de défaut, elles seraient en difficulté lors des reculs cycliques,
avec la hausse des défauts des ménages (en 2001 – 2002) et des entreprises, et il y aurait une succession
de crises bancaires.
2.3- La prohibition du Gharar (aléa majeur), Maysir (jeu de hasard) et du
financement d'activités illicites.
Le terme Gharar signifie littéralement « incertitude, hasard » et sa prohibition sous-tend le
principe suivant12 : un musulman doit tout faire pour qu’il ne résulte de ses actes aucun conflit ni aucune
tension. C’est la raison pour laquelle il ne doit pas effectuer de bay’oul Gharar (achat avec incertitude)
dont la transaction englobe une part non négligeable d’ambiguïté, d’incertitude et de hasard sur les
caractéristiques du bien échangé telles que son prix, sa taille, sa couleur, la date de livraison, les
échéances ainsi que les montants de remboursements.
Durant la seconde moitié des années 1990, on a assisté en parallèle: (a) À une forte hausse de la
valorisation boursière en particulier pour les sociétés des nouvelles technologies; (b) À une forte
croissance de l’activité de fusions-acquisitions, en particulier dans le secteur des nouvelles technologies;
(c) À une forte hausse de l’endettement des entreprises finançant des acquisitions faites à des prix
élevés, des rachats d’actions. Lorsque les quelques pressions inflationnistes conduisent à une (faible)
hausse des taux d’intérêt de la Réserve Fédérale, il y a explosion de la bulle des nouvelles technologies
et chute de la valeur des actions. Les entreprises se trouvent alors excessivement endettées, et, pour
rééquilibrer leurs bilans doivent réduire fortement leur investissement et leur emploi et se désendetter.
De même, la première crise de liquidité est celle qui est liée à la faillite du hedge fund LTCM en 1998.
Créé par le trader John Meriwether, LTCM réunit tous les ingrédients du succès : équipe composée des
meilleurs spécialistes de la finance (comme Myron Scholes et Robert Merton, les pères des modèles les
plus connus d’évaluation d’option), confiance des plus grands investisseurs mondiaux (Merrill Lynch,
Mckinsey, Bear Sterns, Paine Webber, banque d’Italie, la banque japonaise Sumitomo, UBS ou encore la
banque de Chine). Chaque investisseur apporte au minimum 10 millions de dollars, qui sont bloqués
pendant 3 ans, sans avoir le droit de regard sur les transactions de LTCM. Les très bons rendements du
fonds (entre 20 et 40 % annuels) s’expliquent par le recours à l’effet de levier, c’est-à-dire à
l’endettement pour financer les achats d’actifs ou d’options. Grisés par le succès, les associés de LTCM
adoptent des positions de plus en plus importantes pour augmenter leur effet de levier sans diminuer
pourtant les risques. Fin 1997, ils ont décuplé la mise initiale : de 150 millions. Mais après la crise des
pays émergents et de la Russie à la mi-août 1998, les investisseurs fuient vers les titres les plus sûrs,
c’est-à-dire les emprunts américains et abandonnent les titres les plus risqués dont les cours chutent. De
son côté, LTCM a vendu à découvert ses emprunts américains (qui ne cessent d’augmenter) et acheté
des titres risqués dont le cours s’effondre. Le fonds ne peut parvenir à liquider ses positions pour faire
face aux appels de marge. A la suite de rumeurs de faillite, la Fed finit pas rendre visite à LTCM et
s’aperçoit de la gravité de la situation. Les positions de LTCM sont nettement plus importantes que ce
12
M. Umer Chapra «Toward a Just Monetary System – A discussion of money, banking and monetary policy in the light of
Islamic teaching», The Islamic Foundation, London, UK, 1985.
12
que le marché imaginait. Une liquidation du hedge fund conduirait à ce que des centaines de milliards
de transactions ne trouvent plus de contreparties et causerait plusieurs milliards de perte aux quelques
75 banques qui se sont engagées dans des transactions avec lui. Pour éviter autant de dégâts, la Fed
demande aux banques de Wall Street de sauver LTCM. Elles finiront par injecter 3,65 milliards de dollars
pour éviter la faillite. Le Fonds LTCM est entraîné dans la faillite après la crise des émergents (crise russe
avec défaut sur les bons du Trésor, ouverture des spreads de crédit. La Réserve Fédérale réagit en
organisant, après la crise des émergents et celle de LTCM, une injection massive de liquidités dans
l’économie pour éviter la crise de liquidité qu’aurait entraînée le défaut du fonds dont le levier
d’endettement était extrêmement élevé. Au total, si on y ajoute les capitaux perdus par les actionnaires
et les prêts irrécouvrables des banques, on parvient à une perte de 110 milliards $.
La fin de la "finance de Ponzi" : quelles conséquences pour la finance conventionnelle ?
«L'économie des pays développés, c'est globalement de la finance Ponzi, une escroquerie
grandiose ! » en effet, la dette cumulée (Etat, entreprises, ménages) des pays de l'OCDE est passée de
160% du PIB en 1980 à 321% en 2010. Quant a Charles Ponzi, c’est un escroc d'origine italienne qui avait
floué dans les années 1920 des milliers d'épargnants de Boston en leur promettant des taux de
rendements exceptionnels et qu'il rémunérait avec l'argent récolté chez d'autres épargnants. Il y a
quelques années, un certain Bernard Madoff avait construit la même arnaque sur des
sommes faramineuses.
La "finance de Ponzi" est une situation où la solvabilité d'un agent économique (d'un
emprunteur) n'est pas assurée par ses flux futurs de revenus, qui ne couvrent pas sa dette
présente. Elle n'est assurée que s'il peut se ré-endetter périodiquement pour faire face au service
de sa dette, par exemple s'il détient des actifs dont le prix augmente à un rythme supérieur au
taux d'intérêt et qui servent de garantie à cet endettement. Mais cette situation n'étant pas
durable, la finance de Ponzi finit normalement en un défaut de l'emprunteur. Pourtant, elle a été
fréquemment utilisée même au niveau macroéconomique : Financement des acquisitions
pendant les bulle nouvelles technologies (IT) à la fin des années 1990, financement d'une partie
des LBOs, crédits immobiliers subprime aux États-Unis. Après la crise de l'été 2007, on peut
espérer que la finance de Ponzi va disparaître, les banques comprenant enfin son issue. Les
conséquences de sa disparition seraient : (1) une plus grande stabilité financière ; (2) la décote
permanente des actifs liés à la finance de Ponzi antérieure ; (3) la réduction du levier
d'endettement, donc du rendement des actifs financiers.
Trois exemples récents de finance de Ponzi
Il s'agit (1) du financement des acquisitions faites par les entreprises au moment de la bulle des sociétés
des nouvelles technologies (seconde moitié des années 1990) ; (2) du financement des LBOs (ou au
moins d'une partie importante d'entre eux) dans la période récente ; (3) des crédits immobiliers
subprime aux États-Unis.
# La crise de la Bulle des sociétés des nouvelles technologies : Au moment de la bulle des
sociétés des nouvelles technologies (1996 & 2000) le crédit aux entreprises et leur taux
d'endettement croissent très rapidement aux États-Unis et en Europe pour financer des
acquisitions faites à des niveaux de valorisation extraordinairement élevés surtout des sociétés
des nouvelles technologies. Les prêteurs et les emprunteurs ne pouvaient pas avoir l'illusion que,
à ces niveaux de valorisation, les revenus fournis par les entreprises acquises pourraient suffire à
assurer le service de la dette. Ils comptaient sur la poursuite de la hausse de la valeur des
acquisitions faites, soit pour les revendre, soit pour servir de collatéral à un supplément de dette.
Lorsque la bulle des sociétés des nouvelles technologies a explosé, beaucoup d'entreprises se sont
13
retrouvées insolvables (graphiques 17), les autres ont dû se désendetter, d'où le recul de
l'investissement et de l'emploi.
# La crise des LBOs : L'activité de LBO s'est beaucoup accrue dans la période récente. Mais, de
plus en plus, le rendement du private equity est assuré par la revente des entreprises détenues en
portefeuille par un fonds à d'autres fonds à un prix plus élevé (à un multiple plus élevé) que le prix
d'achat. Ceci explique la hausse de l'endettement des fonds de private equity, cet endettement
finançant les achats-ventes faits à des valorisations de plus en plus élevées. Ici aussi, il s'agit bien d'une
finance à la Ponzi où l'endettement lié à l'achat d'une entreprise par un fonds ne peut être remboursé
que si cette entreprise est revendue à une valorisation plus élevée, pas seulement avec les profits de
l'entreprise.
# La crise des Subprime : On sait que beaucoup d'emprunteurs en subprime aux États-Unis ne
peuvent pas rembourser leurs crédits (et payer les intérêts contractuels qui montent après quelques
années de crédit) avec leurs revenus. Tant que les prix des maisons augmentaient, la solution était soit
de vendre la maison achetée avec une plus value pour rembourser le prêt, soit de contracter un
supplément d'endettement basé sur le gain en capital sur la maison, et permettant d'assurer le service
de la dette. Mais lorsque les prix des maisons ont commencé à baisser avec l'excès de construction et
l'apparition d'un énorme stock de maisons invendues, cette solution a disparu, et les défauts en
subprime se sont multipliés. Puisque la finance de Ponzi conduit inexorablement à une crise et à une
vague des défauts des emprunteurs, on peut espérer que les banques choisiront d'arrêter de financer ce
type de montage.
Que se passerait-il si la finance de Ponzi disparaissait ?
D'abord, ne soyons pas naïf : il est possible que le même type de financement avec solvabilité liée
aux plus values en capital sur les actifs détenus par l'emprunteur se reproduise dans le futur avec un
support autre que l'immobilier : à nouveau actions des sociétés des nouvelles technologies, ou
émergent. Mais supposons que la finance de Ponzi disparaisse. Quelles seraient les conséquences de
cette disparition ? (1) évidemment, une plus grande stabilité financière ; (2) l'absence de demande, donc
la décote, des actifs émis antérieurement et liés à ce type de financement ; (3) une réduction du levier
d'endettement, donc de la rentabilité des actifs financiers.
− la Réserve Fédérale a laissé monter les taux d’endettement (des ménages, des entreprises, des fonds
d’investissement) pendant une longue période de temps sans réagir, parce qu’il n’y avait pas de signe
avant coureur d’inflation (alors que les taux d’endettement montaient. Les crédits aux ménages
augmentent rapidement de 1985 à 1990, depuis 2003 ; les crédits aux entreprises de 1985 à 1990, de
1995 à 2000, depuis 2004 ; à ces périodes, l’inflation est faible (jusqu’en 1988) et la politique monétaire
ne devient pas restrictive ;
− Lorsque les pressions inflationnistes (hausses des coûts salariaux unitaires) apparaissent, la Réserve
Fédérale accroît les taux d’intérêt : 1988-89, 1999-2000, 2006. Ceci déclenche la crise soit directement
en accroissant le service de la dette, soit indirectement en faisant baisser les prix des actifs ;
− la crise force la Réserve Fédérale à changer rapidement l’orientation de la politique monétaire pour
éviter une crise de solvabilité, une crise bancaire, une crise de liquidité. La politique monétaire redevient
expansionniste en 1991, en 1997-98, en 2001 devant la hausse des taux de défaut ou, dans le case de
LTCM, devant le risque de crise systémique.
2.4- L’importance du principe de partage des pertes et profits (d’Alghounm bi al-ghourm) : Pas « d’économie conventionnelle à crédit » sans
titrisation
14
Mirakhor13 a défini un système financier islamique comme celui dans lequel il n'y a pas
d'actifs sans risque et où tous les arrangements financiers sont basés sur le risque et le partage
des profits et pertes. Ainsi, tous les actifs financiers sont des créances éventuelles et il n'y a pas
d'instruments de dette avec des taux d'intérêt fixe ou flottant. Dans la modélisation du système
financier, il a montré que le taux de rendement de l'actif financier est principalement déterminé
par le retour dans le secteur réel, et donc dans une économie en croissance, les banques
islamiques seront toujours d'une expérience nette des rendements positifs. Mirakhor a noté
l'absence d'une pyramide inversée de crédit et a montré qu'il existe une vraie correspondance
entre l'économie réelle et financière. Parce que le taux d'intérêt est absent, il n'y a pas de
divergence entre l'intérêt et les taux de profit et, partant, l'économie fonctionne toujours à
l'équilibre de plein emploi. Plus précisément, l'équilibre du sous-emploi (élaboré par l'économiste
britannique John Maynard Keynes), basé sur le rôle crucial des taux d'intérêt, trappe à liquidité et
de la demande déficiente, est inapplicable à la finance islamique. Conceptuellement, un système
bancaire islamique peut avoir deux types de base de l'activité bancaire: d'abord une économie
sûre avec un système de paiements comparable a ceux de l'activité préislamique et au début des
périodes de l'islam, et le second sont des activités d'investissement.
Le premier type d'activité est similaire au système avec 100% de réserves, avec les dépôts
restants très liquides et les services de contrôle entièrement disponibles. Ce système doit être un
système payant pour couvrir les frais de dépôt, les transferts et les services de paiements.
L’économie dans l’Islam s’attache à respecter le principe de l’association aux profits et pertes
dans le maniement de l’argent, et dans l’union du capital et du travail. Cette association est
appelée « Mudarãba » ou société de spéculation islamique (expression qu’il ne convient pas ici de
prendre dans le sens péjoratif qui nous est connu, mais dans son sens étymologique d’observer et
de compter sur. De nombreux intellectuels ont de leur côté fustigé l'usure, le prêt à intérêt, en
argumentant que celui-ci dissuade l'investissement dans ce qui n'est pas directement et
certainement rentable, même si cet investissement a une importance sociale (développement des
infrastructures, éducation, etc.). L'économiste et philosophe Adam Smith14 (1723-1790) estima
pour sa part que par l'usure "le capital est au risque de l'emprunteur qui est comme l'assureur de
celui qui prête". On voit très nettement apparaitre ici cette inversion qui amène celui qui a besoin
à devenir l'assureur de celui qui possède. La notion de partage des pertes et profits est un des
éléments clés dans le concept de finance islamique car elle est le reflet des valeurs que l’Islam
transmet à ses fidèles, à savoir justice, égalité sociale et fraternité. Le principe de partage des
pertes et profits est utilisé dans plusieurs techniques de financements islamiques tels que le
Mudharaba où la banque va financer entièrement le projet et l’entrepreneur va fournir son travail
afin de faire fructifier le montant investi. Les profits sont partagés tandis que les pertes sont
entièrement assumées par la banque. Ou encore le Musharaka, transaction qui permet à la
banque et l’entrepreneur de s’associer pour un projet et partager les pertes et profits. Ces
méthodes de financement se rapprochent du capital risque17 où l’investisseur va financer la
phase. Dans la Shari’a, la Mudarãba est définie comme un contrat associant le capital de l’un au
commerce exercé par l’autre. C’est une forme de coopération qui unit les deux facteurs de la
production, le capital et le travail. La société de « spéculation islamique » autorise
l’investissement des capitaux dans des projets utiles à la nation et estime que le capital ne
représente qu’un dépôt entre les mains de l’ouvrier. Enfin, elle exige que les bénéfices ne soient
pas fixés d’avance en volume ou en priorité, mais selon des quote-parts du profit indivis. Cette
spéculation peut aboutir soit à des gains, soit à des pertes, sans que rien ne soit garanti à l’avance.
13
14
Abbas Mirakhor, Zamir Iqbal, 2011, An Introduction to Islamic Finance: Theory and Practice, 2nd Edition,
"Le capital est au risque de l'emprunteur qui est comme l'assureur de celui qui prête" Adam Smith.
15
La notion de risque est ici mutualisée La principale différence entre la spéculation islamique sur laquelle
la Banque Islamique est fondée et le prêt à intérêt, moteur de notre système financier, réside dans le
fait que notre système bancaire détermine a priori l’intérêt, qu’il soit prêteur ou emprunteur ; alors que
la spéculation islamique (qui observe) ne le détermine qu’en fin de période, a posteriori.
Par exemple : « en ce qui concerne les déposants de fond à la banque, à qui on annoncerait
préalablement qu’à la fin de l’année ils percevront, disons 3 % que la banque ait réalisé ou non un
bénéfice suffisant pour remplir cette promesse, cela l’Islam l’interdit ; par contre, si la banque dit à la fin
de l’année : nous avons réalisé des bénéfices ; après déductions des réserves contre les éventualités,
nous sommes en mesure de vous payer disons les mêmes 3 %, à titre de participation proportionnelle
aux gains, l’Islam l’admet volontiers ». La spéculation islamique peut donc s’analyser, quant au fond,
comme un contrat associant les spéculateurs, l’épargnant qui apporte le capital et l’ouvrier qui emploie
celui-ci, aux profits et pertes résultant de l’opération.
En 2006, le montant global des émissions de titrisation en Europe était de 452 milliards € contre
78 milliards en 2000. Les émissions américaines représentaient environ le double. En effet, aux USA
comme en Europe, les banques ne peuvent accorder de crédits que dans une certaine proportion de
limites de risque de crédit exigées par la réglementation en vigueur. Pour créer un effet de levier et
distribuer plus de crédits aux clients, les banques ont donc commencé à céder des créances peu liquides
et à les « dégager de leur bilan », ce qui mécaniquement réduits les engagements en terme de risque de
crédit et leur redonnait des possibilités de consentir de nouvelles lignes de crédit. La technique s’est
sophistiquée ; entre la banque et l’investisseur qui achète ces créances, s’est interposée une société ad
hoc, qu’on appelle des termes anglais SPV ou SPC15, et les différentes créances ont été « mélangées » à
des titres de meilleure qualité servant de réserve en cas de défaillance.
 Une grande partie des institutions financières qui sont des acheteuses potentielles de ces actifs
à base de prêts immobiliers n'achèteront pas ou sont limitées d'acheter ce type de dettes car
elle est considérée comme trop risquée.
 Pour contourner ce problème, ce que les banquiers d'investissement ont fait, c'est construire un
pool qui contenait des crédits immobiliers à risque et l'ont divisé en niveaux différents
(également dénommé tranches) de telle sorte que si par exemple des emprunteurs à risque
dans le pool ont cessé de faire leurs paiements immobiliers. Les niveaux inférieurs ont été les
premiers prendre ces pertes et les niveaux plus élevés ont été les derniers.
 Ensuite, ils sont les entreprises qui attribuent des notes de crédit pour les différents types de
titres de créance qui sont désignés comme les agences de notation à entrer et à attribuer des
notes de crédit différentes à chaque niveau. Les niveaux les plus élevés qui sont les derniers à
prendre des pertes et auront des notes de crédit élevées alors que les niveaux inférieurs qui
sont les premiers à prendre les pertes recevront les notes subprimes.
 Ce que ceci a permis aux banquiers d'investissement de vendre une grande partie des prêts
subprimes comme des instruments de la dette au-dessus des notes de crédit prime élargissant
ainsi le nombre d'acheteurs potentiels de cette dette.
L’économie de crédit implique donc un niveau très élevé d’endettement ; le problème est que cet
endettement ne peut pas être porté par les banques. En effet, si les banques conservaient tout le risque
de défaut, elles seraient en difficulté lors des reculs cycliques, avec la hausse des défauts des ménages
(en 2001 – 2002) et des entreprises, et il y aurait une succession de crises bancaires. Si les banques
conservaient tous les crédits qu’elles distribuent et les risques de défaut qui les accompagnent, elles
auraient besoin d’un niveau de fonds propres bien plus élevé que celui qu’elles détiennent. En calculant
le ratio entre l’encours de crédit bancaire distribué et l’encours de crédit bancaire qui reste à l’actif des
15
Special Purpose Vehicle ou Company
16
banques, par exemple aux États-Unis. Si les banques conservaient tous les crédits, la
consommation de capital par les banques serait presque deux fois plus importante
qu’aujourd’hui, ce qui est incompatible avec les fonds propres dont disposent les banques. Il est
impossible, à moyen terme, d'arrêter la titrisation : si les banques devaient conserver dans leurs
livres l'ensemble des crédits qu'elles distribuent, leur consommation de capital serait beaucoup
plus importante et, puisqu'elles ne disposent pas de ce capital, il y aurait un "credit Crunch"
massif. Mais il faut aussi responsabiliser les banques dans la distribution de crédit, faire
disparaître le double aléa de moralité. Puisqu'il s'agit d'aléas de moralité, on peut penser à utiliser
les techniques connues en assurance. (1) Franchise : on ne peut pas s'assurer complètement ; ceci
veut dire que les banques devraient garder une partie minimale obligatoire des crédits et des
risques associés dans leurs bilans. (2) Malus : on est pénalisés si on utilise l'assurance ; les
banques qui ont un "track record" de taux de défaut élevé sur les crédits qu'elles ont accordé,
sont pénalisées, par exemple par des ratios de capital plus élevés, des taux de réserves
obligatoires plus élevés, des taux de cotisation plus élevés à l'assurance des dépôts.
17
3- ALEAS DE MORALITE & CAUSES DE DESASTRE DANS LA FINANCE
CONVENTIONNELLES
Nous avons donc vu que (1) le Monde s’est installé dans un modèle de croissance à crédit, ou la
hausse de l’endettement contribue fortement au soutien de la croissance ; (2) ce modèle impose la
titrisation, puisque les banques, pour plusieurs raisons, ne peuvent pas conserver dans leurs livres
l’encours de crédit qu’elles ont distribué et les risques de défaut qui vont avec ; (3) si la titrisation ne
reprend pas, si la demande d’ABS reste aussi faible, alors il y aura nécessairement réduction de l’offre de
crédit bancaire, donc de la croissance mondiale.
3.1 ALEAS DE MORALITES
- La titrisation
On le sait, les banques (particulièrement aux États-Unis), reportent, surtout depuis le début des années
2000, une partie importante (65%) des risques de défaut qu'elles prennent en distribuant du crédit sur
les marchés financiers (sur les investisseurs) par la titrisation, soit au travers des agences (Fannie Mae,
Freddie Mac…), soit au travers des ABS. Le fait qu'une partie importante des crédits et des risques de
défaut soit ainsi rejetée des banques vers les investisseurs est évidemment une première incitation pour
les banques à ne pas examiner suffisamment attentivement la situation des emprunteurs.
- La réaction des banques centrales
Ici aussi, la situation est plus nette encore aux États-Unis qu'en Europe. Chaque fois qu'un excès
d'endettement a conduit à une bulle sur un prix d'actif, et que l'explosion de la bulle a mis en difficulté
les emprunteurs, donc les banques, la Réserve Fédérale est venue à la rescousse en baissant
agressivement les taux d'intérêt et en injectant des liquidités. Ceci s'est vu lors de la crise des Savings
and Loans au début des années 1990 avec à la fois une croissance plus rapide de la base monétaire et
une baisse du taux des Fed Funds, alors que le crédit aux ménages ralentissait et que leur taux de défaut
montait. Ceci s'est vu exactement de la même manière lors de la crise des sociétés des nouvelles
technologies au début des années 2000, vis-à-vis du crédit aux entreprises et des crédits aux entreprises.
Ceci va probablement se voir aujourd'hui avec la crise immobilière et déjà une première forte baisse des
taux de la Réserve Fédérale, avec le changement de position de la Banque d'Angleterre. Si, chaque fois
qu'un choc défavorable mettant en cause la solvabilité des emprunteurs survient, les Banques Centrales
passent immédiatement à une politique monétaire très expansionniste, pour réduire le coût de la dette
pour les emprunteurs et réduire le coût du financement des banques, celles-ci sont évidemment incitées
à ne pas examiner précisément les risques qu'elles prennent.
3.2 LES CAUSES
- "Ponzi Finance"
La "Finance de Ponzi" est une situation où la solvabilité d'un emprunteur n'est pas liée à ses revenus
futurs, mais à sa capacité à emprunter à nouveau, à utiliser des plus-values en capital, pour assurer le
service de sa dette. Le problème est qu'évidemment si cette capacité d'emprunt supplémentaire
disparaît, ou si les plus values en capital attendues ne se réalisent pas, l'emprunteur fait défaut, et la
banque prêteuse est en difficulté. Des situations de Ponzi finance sont apparues fréquemment : lorsque
les banques finançaient, à la fin des années 1990, les acquisitions dans les nouvelles technologies faites
à des prix évidemment surévalués, et qui ne pouvaient avoir de sens que si les entreprises achetées
étaient revendues encore plus cher ; lors du financement, dans la période récente, des LBOs faits avec
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des leviers d'endettement et des multiples de plus en plus élevés ; lorsque les banques américaines
distribuaient, en 2005 et 2006, des mortgages subprime, ce qui devait provoquer la crise récente , alors
que tout indiquait (excès de stocks de maisons invendues, retournement des prix) que la disparition des
plus values en capital rendrait ces emprunteurs insolvables. Il n'y a ici pas d'hésitation à avoir : les prêts
qui relèvent de la finance de Ponzi doivent être interdits. Les banques ont usuellement un
comportement pro-cyclique d'offre de crédit : elles prêtent de façon généreuse dans les périodes
d'expansion et de hausse des prix des actifs, elles deviennent restrictives dans les récessions et lorsque
les prix des actifs baissent. Ceci se voit par exemple sur l'évolution des conditions de crédit aux ÉtatsUnis.
- Gap de maturité dans les bilans des banques
Le fait de faire des crédits du type "Finance de Ponzi" dans les périodes d'expansion aggrave ce
caractère pro-cyclique de l'offre de crédit. Un certain nombre de banques financent une partie
importante de leurs actifs par des financements de maturité courte. L'exemple de la banque Northern
Rock, en difficulté en septembre 2007, au Royaume-Uni est éclairant. Cette banque est parfaitement
rentable : en 2006, elle a un revenu de 1 milliard de £, d’où un ROE de 23,5 %. Ses emprunteurs ne
posent pas problème : le taux de provision est de 0,15 % de l’encours. Son ratio de capital est de 8,5 %
en Tiers 1, de 11,6 % au total. L’allure simplifiée de son bilan fin 2006 est la suivante : Le gap de liquidité
est donc considérable. Quelle que soit la nature des crédits à l’actif (2/3 à taux variable, 1/3 à taux fixe),
le problème est donc clair : (1) Les dépôts ne financent que 31 % des crédits ; (2) La maturité de la dette
est très courte et nécessite un renouvellement permanent, d’où la crise.
Ceci implique que, en cas de hausse de l'aversion pour le risque, comme après la crise du subprime, de
tension sur les financements à court terme, comme après juillet 2007 (voir graphiques ci-dessous), ces
banques sont en difficulté alors même qu'elles sont solvables et même profitables. Il semble donc que
les régulateurs des banques devraient imposer une adéquation minimale entre la duration de l'actif des
banques et celle du passif pour éviter ce type de crise de liquidité. Ceci pose aussi la question de la
pertinence du modèle de "banque sans dépôts", où les actifs sont essentiellement financés par des
émissions sur les marchés.
- L'inadéquation des actifs qui servent à la titrisation aux besoins des investisseurs
La titrisation, c'est-à-dire le fait que les banques sortent de leurs bilans une partie des crédits et des
risques de défaut qui les accompagnent, est absolument nécessaire. Prenons le cas particulièrement
clair des banques américaines. Elles ne conservent dans leurs livres qu'une faible fraction (1/3) des
crédits qu'elles distribuent. Une partie très importante des crédits est donc titrisée, soit au travers des
agences (Freddie Mac, Fannie Mae…), soit au travers de l'émission d'ABS. Cette titrisation est
absolument nécessaire pour que le taux d'endettement des agents économiques privés puisse être aussi
élevé. Si les banques ne pouvaient plus titriser, elles seraient contraintes par la consommation de
capital, elles ne pourraient plus distribuer de crédit, et il y aurait un crédit Crunch généralisé. Le
problème est d'abord le désajustement entre certains des actifs émis pour assurer la titrisation et les
besoins des investisseurs. Beaucoup d'ABS (CDOs, ABS basés sur des mortgages…) sont en réalité des
actifs très peu liquides faits pour être conservés jusqu'à l'échéance. Les investisseurs ont au contraire
des contraintes à court terme (liquidité, valorisation aux prix de marché, concurrence à court terme avec
d'autres investisseurs….). Il y a donc contradiction entre la liquidité et la maturité réelles des actifs qui
servent à la titrisation à la maturité et à la liquidité qui convient aux investisseurs. Le résultat de cette
contradiction est que, dès que le prix de ces actifs baisse un peu, les investisseurs sont obligés de les
vendre (pour éviter d'afficher des pertes, pour préserver leurs résultats), d'où une baisse massive de ces
prix, comme on l'a vu durant l'été 2007.
Le second problème est que certains investisseurs ne sont pas aptes à porter les risques qui leur sont
transférés par les banques. Prenons, par exemple, le cas d'un petit hedge fund avec du levier s'il fait une
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perte sur un ABS, il est confronté à des appels de marge de la part des banques, à des demandes de
retrait de la part des investisseurs, et doit vendre d'autres actifs, ce qui génère de la contagion entre
marchés. C'est ainsi qu'on explique la transmission de la crise, durant l'été 2007, du marché des RMBS
au marché actions. Il serait donc utile que les actifs qui servent à la titrisation aient des caractéristiques
plus proches de celles qui correspondent aux besoins des investisseurs.
- Horizon de gestion différent de l'horizon naturel
Les fonds de pension, les sociétés d'assurance-vie, ont normalement des horizons longs. Ils gèrent en
principe de l'argent pour pouvoir verser des revenus ou un capital dans une longue période de temps.
Cependant, pour diverses raisons (normes comptables, règles prudentielles –Bâle II, Solvency, on
observe une concurrence basée sur les résultats à court terme, ces investisseurs ont des horizons courts
et ne peuvent pas ignorer le marked to market de leurs actifs à court terme, alors même que leurs
horizon naturel est le long terme.
- Exigence d'une rentabilité trop élevée du capital
Mais les marchés financiers sont efficients ; ceci veut dire qu'une prime de risque exigée très élevée
implique que soit prise la dose de risque correspondante. Ce n'est que grâce à ce risque, qui peut être
d'une nature tout à fait particulière (pas un risque continu de variabilité des prix des actifs, mais le
risque d'un évènement catastrophique – un défaut par exemple - avec une probabilité faible) que des
primes de risque (des excès de rendement par rapport aux actifs sans risque) aussi élevées peuvent être
obtenues. Une des manières les plus usuelles de générer ce risque est l'accroissement du levier
d'endettement : on l'a vu dans le cas des fonds de private equity, des hedge funds, des entreprises qui
rachètent leurs actions aux États-Unis.
Récession de remontée des taux d'intérêt : Il serait donc raisonnable que la finance accepte des
rendements du capital plus faibles. Cette évolution sera sans doute favorisée par le fait que les banques,
devant consommer davantage de capital (avec les difficultés de la titrisation, voir plus haut, avec la
hausse de la volatilité) vont pousser dans le sens d'une réduction du levier d'endettement.
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