L
ES CROISADES EN
M
EDITERRANEE
Martin Pairault
Guillaume Silhol
4
ème
année,
Culture et Société (2011-2012)
2
SOMMAIRE
Partie Page
Introduction 3
I- Les croisades en Méditerranée dans leur déroulement historique 5
A- Que sont les croisades ? 5
B- Approche chronologique des croisades 7
C- Valeurs, justifications, représentations et utilisations de la Croisade 10
II- Le système des croisades, échanges et organisation matérielle 12
A- Qui prend la croix ? 12
B- Préparer les croisades 14
C- Echanges pacifiques 16
Conclusion 18
Bibliographie 19
3
INTRODUCTION
Les récits et études des croisades oscillent depuis l’époque de Voltaire entre une
nostalgie souvent d’inspiration romantique pour les pèlerinages et des critiques acerbes
1
.
Ainsi, le médiéviste Jacques Le Goff, affilié à l’Ecole des Annales, affirme que « les
croisades n’ont apporté à la Chrétienté ni l’essor commercial né de rapports antérieurs avec le
monde musulman et du développement interne de l’économie occidentale, ni les techniques et
les produits venus par d’autres voies, ni l’outillage intellectuel fourni par les centres de
traduction et les bibliothèques de Grèce, d’Italie (de Sicile avant tout) et d’Espagne […] » : le
passif en tensions, en abus financiers et en exactions sur les routes d’Europe vers Jérusalem
ne laisserait voir « que l’abricot comme fruit possible ramené des croisades par les
chrétiens
2
. »
Si elles semblent appartenir à un passé entièrement révolu, les croisades gardent un
imaginaire important, nourri par la menace ottomane en Europe aux XVIème et XVIIème
siècles, par la colonisation et la décolonisation
3
. À ce titre, la polysémie du terme même de
croisade mérite l’attention. Dans son acception restreinte, la Croisade avec un C majuscule est
un phénomène historique associé au Moyen Âge et aux voyages en Terre sainte, une
succession de croisades singulières dont des aspects violents, religieux, économiques et
culturels sont variablement soulignés selon les études. En revanche, dans son acception
élargie, une croisade est une action militante pour une cause tenue pour morale ou juste,
comme la Prohibition de l’alcool dans l’entre-deux-guerres aux Etats-Unis, ou comme les
conflits dits « humanitaires » et contre le terrorisme des années 1990 et 2000, avec ou sans
ironie. Cette superposition sémantique doit être interrogée dans la mesure elle peut être
reliée à des constructions intellectuelles historiques de l’autre et à des justifications érudites
des croisades remontant parfois au XIIIème siècle
4
.
1
Said, Edward W., Orientalism, Londres : Penguin Books, 2003 (1
ère
éd. 1978), pp.168-169
2
Le Goff, Jacques, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris : Flammarion, 2008 (1
ère
éd. 1964),
pp.53-55
3
Poumarède, Géraud,
Pour en finir avec la Croisade, Mythes et réalités de la lutte contre les Turcs aux
XVIème et XVIIème siècle, Paris : Presses Universitaires de France, 2009 (1
ère
éd. 2004), 702 p.
4
Tolan, John, Les sarrasins, Paris : Flammarion, 2003, pp.22-24
4
Les croisades médiévales concernaient des territoires très différents : la Terre sainte,
l’Espagne, le pays cathare au nord des Pyrénées et les régions autour de la Baltique
5
. En
considérant la dimension méditerranéenne des croisades, il s’agit essentiellement des voyages
et des échanges vers des lieux aujourd’hui en Turquie, en Syrie, au Liban, en Irak, en
Jordanie, en Israël, dans les territoires de l’Autorité palestinienne et en Egypte, dans une
moindre mesure pour la Reconquista et la croisade des Albigeois. Pour la présente étude,
l’acception des croisades se restreint aux expéditions médiévales, entre 1095 et 1304 vers la
Terre sainte, avec la Reconquista espagnole jusqu’à la chute de Grenade en 1492 étant
considérée comme une pré-croisade, davantage politique que religieuse, par la majorité des
historiens. En replaçant ces éléments dans leur contexte médiéval, il convient d’interroger leur
insertion dans la Méditerranée : les échanges, les oppositions, les pratiques et les institutions
autour de cet espace maritime qui ont amené au durcissement des rapports entre les ensembles
latin, grec et arabe. C’est aussi regarder les relations entre ces éléments sous la forme d’un
système, articulé à son environnement naturel et ses supports culturels, ses dynamiques et son
déclin à partir de la deuxième moitié du XIIIème siècle. Dans quelle mesure les croisades,
dans leur acception historique et restreinte, constituent-elles un système méditerranéen?
Nous aborderons cette question en considérant, premièrement, la définition, la
chronologie et les représentations mobilisées par les croisades. Ensuite, il s’agira de regarder,
de manière synchronique et dans un découpage thématique, les échanges opérés,
l’organisation humaine et matérielle dans les croisades en Méditerranée.
5
Le Goff, Jacques, op. cit., pp.49-54
5
I- LES CROISADES EN MEDITERRANEE DANS LEUR
DEROULEMENT HISTORIQUE
A-
Q
UE SONT LES CROISADES
?
En premier lieu, comme beaucoup de termes d’histoire médiévale, tels que la féodalité,
la croisade est un label appliqué rétrospectivement à des phénomènes divers mais assimilés.
Le terme de croisade, passé à postérité, apparaît sous la forme de croisiée, selon Jonathan
Riley-Smith, seulement vers 1250. Auparavant, il n’est fait référence qu’aux crocesignati, en
italien, ceux qui font le signe de croix
6
: le croisé est un peregrinus qui accomplit un saint
voyage. Autrement dit, il convient de garder à l’esprit l’imposition tardive de ce terme pour
désigner des expéditions hétéroclites, dont la plupart avaient déjà eu lieu avant la fin du
XIIIème siècle
7
. Le mouvement des croisades débute avec l’appel à la guerre sainte contre
ceux qui restreignent l’accès des pèlerins à Jérusalem et menacent les chrétiens orientaux,
entrés en schisme contre Rome en 1054 ; il s’agit des Turcs, mais les musulmans dans leur
ensemble sont désignés par le pape Urbain II, lors du Concile de Clermont en 1095 : « Quelle
honte ne serait-ce pas pour nous si cette race infidèle si justement méprisée, dégénérée de la
dignité d’homme et vile esclave du démon, l’emportait sur le peuple élu du Dieu tout-
puissant… D’un côté seront des misérables privés des vrais biens, de l’autre des hommes
comblés des vraies richesses, d’une part combattront les ennemis du Seigneur, de l’autre ses
amis
8
. »
6
Riley-Smith, Jonathan, Atlas des croisades, Paris : Autrement, 1996 (1
ère
éd. 1990), pp.8-9
7
Le Goff, Jacques, op. cit., p.56
8
Ibid., p.120
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