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ad hoc là où la majeure partie de l’activité publicitaire repose, au contraire, sur une sorte
d’industrialisation et de sérialisation des discours. En cela, elle reste une forme d’artisanat qui
n’a pas empêché ses promoteurs de prospérer et d’étendre leurs activités parfois sur plusieurs
continents, tels le chimiste Georges Claude, l’inventeur des tubes au néon, très actif aux États-
Unis dans les années 1920 et 1930, ou encore Gaétan Deodato, le fondateur de la société
DÉFI-Group, actuel leader mondial de la publicité lumineuse.
Malgré tout, en termes d’innovation, l’étude de la publicité lumineuse montre à quel
point ses cheminements n’ont pas suivi de trajectoire linéaire. La prise en charge du support
fut le fait d’hommes au parcours singulier. Fernand Jacopozzi débuta sa carrière comme
peintre, et ce sont les aléas de sa vie professionnelle qui le conduisirent à produire des
tableaux lumineux qui firent sensation durant l’entre-deux-guerres ; de même, dans ses
mémoires, Gaétan Deodato avoue avoir choisi la voie de la publicité car le bureau qu’on lui
proposait avait plus d’allure que celui offert pour un autre poste... Comme l’illustrent ces
exemples, l’importance de l’humain dans cette histoire particulière est facteur à la fois
d’incertitude dans l’évolution des innovations techniques, et de réussite dans les résultats
obtenus.
Ces hésitations de l’innovation sont renforcées par le poids des différents contextes,
qu’ils soient économiques ou politiques, locaux ou mondiaux, ainsi que par les stratégies,
certes volontaristes, mais parfois indécises des firmes. Ensemble, elles dessinent une histoire
qui n’a rien d’une success story. Bien loin de correspondre à ce qui serait un schéma idéalisé
de l’innovation technologique (invention, diffusion, massification), la publicité lumineuse
illustre le rôle des bifurcations, des hésitations et des remises en cause d’une technologie. Par
exemple, durant les années 1970, l’économie en berne, la concurrence de la télévision et la
montée des préoccupations écologiques semblaient annoncer la fin du support. Son renouveau
des années 1990, tant aux États-Unis, en Asie qu’en Europe, montre qu’il n’en fut rien. Les
transformations successives de la publicité lumineuse témoignent donc bien d’une capacité
d’adaptation des acteurs, mais également d’une fragilité des technologies employées.
2- La co-construction du paysage urbain
M.-E. Chessel avait déjà mené des travaux de recherche sur les acteurs de la publicité
en retraçant la constitution du métier de publicitaire. Dans sa lignée, cette thèse insiste sur le
rôle de ces hommes qui surent capter une technique fondée sur l’électricité et l’éclairage pour
la détourner et lui conférer un nouvel usage. Par la suite, l’institutionnalisation de la publicité
lumineuse se caractérisa par une disparition progressive de ces hommes au profit des