Cette historisation du texte sacré fait du peuple juif un acteur de l’Histoire et légitime en
quelque sorte sa pénétration en Palestine, qui demeure discrète dans les années 1880. Cependant
elle est favorisée par les pogroms tsaristes d’Europe centrale au cours d’une période où le libéralisme
européen semble s’épuiser et où la montée de différentes formes d’antisémitisme génère
l’expression d’un nationalisme juif dans sa forme la plus radicale: le sionisme. Révolté par les
pogroms, Theodor Herzl, auteur de L’Etat des Juifs (1896), justifie la nécessité d’un Etat pour
protéger les juifs persécutés – l’assimilation ayant échouée. Il veut entamer une colonisation juive
européenne et représente ainsi l’initiateur d’un nationalisme juif explicité, touchant la diaspora juive.
Il fonde le mouvement sioniste lors du premier Congrès à Bâle en 1897. Son plan d’action préconise
la colonisation de la Terre Sainte pour une nation et non plus pour une religion. Les Congrès suivants
sont révélateurs d’une institutionnalisation et d'une organisation du mouvement, notamment à
travers la création de la Banque Nationale juive, à l’initiative de Chaïm Weizman –futur président
d’Israël en 1949— et à la création en 1905 du Fond National Juif destiné à l’achat de terres agricoles
en Palestine. La volonté de colonisation semble claire, faisant fi de toute population sur place et
n’excluant pas leur expulsion: « une terre sans peuple, pour un peuple sans terre ». Cependant, les
autorités ottomanes refusent : elles ne contestent pas les arrivées individuelles mais s’opposent à
une arrivée de masse.
II- La Palestine dans le jeu des puissances.
Le succès et l’évolution du mouvement sioniste est possible par l’internationalisation qu’il
donne au problème juif et à la question de son territoire. Le mouvement n'hésite pas à prendre
contact avec des personnalités influentes afin de légitimer son action: des chefs d’Etat, le pape Pie X,
le sultan Hamid III, l’empereur Guillaume II ou le ministre britannique Joseph Chamberlain. Ce
dernier est d’ailleurs à l’origine d’une première offre pour constituer un Etat juif : l’Ouganda, alors
possession britannique. Ceci révèle l’attachement de la Grande Bretagne au sionisme dans un
processus de concurrence avec la France. Herzl n’hésite pas à accepter, faute de mieux, révélant
son aspect non traditionaliste et son insensibilité à la composante religieuse du problème. En fait, il
annonce cette offre en 1903, peu après le premier Pogrom du XX° siècle. Mais le refus de cette offre
par une certaine partie de juifs, révèle l’existence de l'hétérogénéité du nationalisme juif concernant
la question de la Palestine: différenciant un territorialisme radical et un nationalisme moins radical.
Au moment de la Grande Guerre, la question de la Palestine se conçoit comme une question
d'intérêts, qui se révèle par la politique hésitante et contradictoire de la part de la France et de la
Grande Bretagne, chacun essayant de préserver le soutient des mondes juifs et musulman.
Néanmoins, la première guerre mondiale donne aux sionistes l’opportunité de s’identifier à
l’Angleterre. En effet, Lloyd George veut établir une influence britannique en Palestine pour en faire
un Etat tampon entre l’Egypte et la Syrie, alors que l’Empire Ottoman est en déliquescence. De plus,
les Anglais ne veulent pas d’une présence française à Jérusalem. Lloyd Georges se montre donc
favorable à la cause sioniste engendrant la rédaction de la lettre de Balfour le 2 novembre 1917.
Celle-ci représente une impulsion décisive dans la question de Palestine. En effet, Lord Balfour,
ministre des affaires étrangères britanniques, adresse cette lettre au Congrès national juif mondial
en promettant la création par la Grande Bretagne d’un foyer national juif en Palestine. Les projets
sionistes justifieraient ainsi la mise en place d’un protectorat et permettraient à la Grande Bretagne
de constituer une zone tampon entre la Syrie française et l’Egypte, et écarterait ainsi la France d’une