La fidélité à l`Église - Oeuvre Marie Mère et Reine de l`Unité

« La fidélité à l’Église »
par Mgr Joseph Madec, évêque émérite
du diocèse de Toulon, résidant dans le Morbihan.
Retranscription de son enseignement donné
le vendredi 28 juillet 2006,
à la session nationale de VANNES
Je suis heureux de vous parler en cette salle j’ai enseigné la théologie dogmatique pendant douze
ans et de vous entretenir sur ce thème de la Fidélité à l’Église.
FIDÉLITÉ À L’ÉGLISE
On désigne souvent les chrétiens sous le beau nom de fidèles, « Les Fidèles ». Le chrétien en effet est
fidèle à son baptême lorsque par une attitude permanente de conversion, il accueille la grâce de Dieu
et s’applique de tout cœur à obéir à la Volonté de Dieu. La Fidélité exprime donc la constance dans le
maintien de la parole donnée ou de l’engagement contracté.
Le premier, c’est Dieu qui est Fidèle. Dieu est fidèle par l’envoi de son Fils. Il accomplit la promesse
faite jadis à Israël. Et l’Église reste le sacrement, le signe efficace de cette Fidélité divine et la Fidélité
du Christ imitera celle de son Dieu. La théologie voit dans cette Fidélité l’un des douze fruits du Saint
Esprit.
Chaque sacrement engage la fidélité du baptisé. Par exemple, le mariage fait entrer un homme et une
femme dans le jeu de la Fidélité du Christ pour son Église et parce que cette Fidélité est indéfectible,
le mariage ne peut être dissous. Le sacrement de l’ordre incorpore un homme prêtre et pasteur à la
personne du Christ, et par Lui, le ministre s’engage jusqu’à la mort. Mais ces formes de fidélités
longues sont aujourd’hui remises en cause. L’allongement de la durée de la vie fait que pour la
première fois dans l’histoire, l’homme et la femme s’engagent à demeurer ensemble cinquante ans et
plus. Je me souviens d’un prêtre de mon diocèse de Toulon qui m’a dit un jour que son grand plaisir,
sa grande joie, était de célébrer des noces d’or des époux qui vivent ensemble depuis cinquante
ans. C’est beau cette fidélité de cinquante années : un demi-siècle. Or aujourd’hui, on a tendance à
laisser tomber cette fidélité là. Les rigueurs de l’emploi obligent souvent à changer d’entreprise ou à
changer de région. Le rapport au temps se modifie considérablement. L’homme ne perçoit plus guère
la durée, il ne saisit qu’une succession d’instants et toute régularité lui devient pesante. Et sa tendance
aujourd’hui c’est d’opposer sincérité et fidélité. Comme disait France Quéré, nous sommes entrés dans
l’ère des interruptions volontaires. On change de pays, on change de métier.
Pendant quelques années, j’ai été recteur de la paroisse saint Louis des Français à Rome dont « les
paroissiens » changent souvent : beaucoup d’entre eux sont en effet des diplomates et au bout de deux
ou trois ans à un poste, ils sont mutés dans un autre pays et parfois à l’autre bout du monde. Cela m’a
donné l’habitude de vivre avec des gens qui passent : en trois ans, cette paroisse était complètement
renouvelée. Or j’ai remarqué que ces français travaillant à l’étranger (ils sont environ un million et
demi) étaient heureux de découvrir, dans les différentes villes ils étaient nommés, une paroisse de
langue française et de s’y retrouver entre eux. Les Français de Rome ne venaient pas tous les
dimanches à la messe à saint Louis : il y avait bien des églises plus proches de leur domicile, mais une
fois par mois, ils venaient volontiers à saint Louis pour s’y retrouver. Or, j’ai constaté que pour ces
français de l’étranger, une valeur demeurait solide : la famille. Ils étaient très soucieux de maintenir les
liens familiaux, malgré des séparations géographiques. Hélas, voici qu’aujourd’hui on remet en cause
la famille elle-même…
Aujourd’hui, on voit bien qu’il y a une crise profonde des engagements durables : crise du mariage,
crise de l’ordination presbytérale ou diaconale, crise des vœux de religion, crise aussi du baptême. En
Allemagne, pour ne pas payer d’impôts religieux, un certain nombre d’Allemands ont renié leur
appartenance à l’Église. C’est une crise profonde que connaît notre Église aujourd’hui. Et il serait
hasardeux de croire que le creux de la vague se situe derrière nous : cette crise profonde n’est pas
encore évacuée. Pour réconcilier l’homme moderne avec la fidélité, sans doute n’y a-t-il pas de tâche
plus urgente que de l’aider à apprivoiser la durée : il faut durer. Qui dit être fidèle, dit durer dans la
fidélité. Or le moderne zappe, il passe d’une activité à une autre, d’un métier à un autre, d’une chaîne
de télévision à une autre. La fidélité est mise en cause.
FIDÉLITE À L’ÉGLISE : QU’EST-CE QUE CELA VEUT DIRE ?
Qu’entend-t-on par ce mot Église ? S’agit-il seulement de ce milliard de personnes plus ou moins
croyantes, plus ou moins pratiquantes qui se réclament de l’Église catholique ? C’est ainsi que les
médias la voient trop souvent : un ensemble d’hommes et de femmes qui ont été baptisés, qui ne sont
ni meilleurs ni pires que ceux qui ne se rattachent à aucune religion ou qui se rattachent à une autre
religion que la leur ou à une confession chrétienne autre que le catholicisme. La tendance, en tout cas,
dans les médias occidentaux, serait aujourd’hui d’être très critique à l’égard de l’Église Catholique. On
prédit même sa fin prochaine : c’est quand même une plaisanterie un peu grosse parce qu’on ne fait
pas disparaître comme cela, un milliard de personnes du jour au lendemain. Mais cela se dit dans les
médias : l’ère du verseau remplace l’ère du poisson selon les écrits du New Age.
Quelqu’un de sérieux comme l’historien René Raymond, a pu parler d’un courant anticlérical, ce qui
est classique depuis fort longtemps et pas seulement en France, mais aussi d’un courant antichrétien
dans la pensée contemporaine, un antichristianisme : ce ne sont pas seulement les curés qui sont
rejetés, pas seulement l’Église qui est rejetée, c’est le Christ qui est mis en cause. Il s’agit d’un courant
antichrétien. C’est le cas d’une fameuse thèse, l’athéologie, de Michel Onfray, un philosophe, sorte
de cri de haine contre l’Église Catholique. Il y a quelques années, un journaliste, Gérard Leclerc, a
écrit un livre intitulé : Pourquoi veut-on tuer l’Église ? Quand on parle de fidélité à l’Église, s’agit-
il seulement de se reconnaître membre d’un groupe religieux particulier comme on est citoyen d’un
pays donné à côté d’un citoyen d’autres nations ? Est-ce que je suis chrétien comme je suis Français
tout simplement ? Ce n’est pas cela qu’enseigne Vatican II dans sa constitution sur l’Église dans
Lumen Gentium. En fidélité à l’enseignement traditionnel chrétien, Vatican II nous présente l’Église
comme une réalité humano-divine. L’Église est humaine et en même temps elle est divine, comme
Jésus est à la fois homme et Dieu. L’Église qui est la continuation de Jésus, est à la fois humaine et
divine. Elle est théandrique comme disent les théologiens orientaux. Oh ! elle est humaine parce que
composée d’hommes et de femmes pécheurs et leurs péchés défigurent le vrai visage de l’Église. Mais
elle est aussi divine car une force divine travaille à la sanctification de ce peuple de pécheurs que nous
sommes.
Dans la constitution sur la liturgie, le Concile s’exprime ainsi : « La liturgie par laquelle, surtout dans
le divin sacrifice de l’Eucharistie, ‘s’exerce l’œuvre de notre Rédemption’, contribue au plus haut
point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la
nature authentique de la véritable Église. Car il appartient en propre à celle-ci d’être à la fois humaine
et divine, visible et riche de réalités invisibles, fervente dans l’action et occupée à la contemplation,
présente dans le monde et pourtant étrangère . Mais de telle sorte qu’en elle ce qui est humain est
ordonné et soumis au divin ; ce qui est visible à l’invisible ; ce qui relève de l’action, à la
contemplation ; et ce qui est présent, à la cité future que nous recherchons. » (N° 2 du préambule de la
Constitution sur la liturgie).
Oui par la liturgie, en particulier par la réception des sacrements, ce feu divin qu’est l’Esprit Saint
transforme les pécheurs que nous sommes en fils de Dieu, en frères de Jésus-Christ, le Bien Aimé du
Père. Alors je vous conseille de relire de temps en temps le magnifique premier chapitre de Lumen
Gentium, la Constitution de Vatican II sur l’Église. En lisant ce chapitre, vous comprendrez que
l’Église n’est pas seulement une somme d’individus, d’hommes ou de femmes plus ou moins
vertueux, plus ou moins pécheurs, que l’Église est un mystère, un mystère qui plonge ses racines dans
la Sainte Trinité.
Relisez de temps en temps, ce premier chapitre. J’étais professeur ici pendant le Concile Vatican II,
quand j’ai eu entre les mains le projet pour le traité sur l’Église. J’en étais vraiment emballé. C’est vrai
que notre Église n’est pas une réalité purement humaine. Notre Église a ses racines dans la Sainte
Trinité, Dieu Père, Fils et Esprit Saint. L’Église universelle est un peuple qui tire son unité, disait déjà
Saint Irénée, de l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. C’est cela pour moi l’Église. Les médias,
eux, évidemment ne voient que le côté humain de l’Église et volontiers, ils vous jettent à la figure : les
papes de la Renaissance ou l’Inquisition etc.. . Je sais bien que cela a existé, cela est vrai ; je les
connais bien, les papes de la Renaissance : je les ai bien étudiés, ils n’étaient pas si méchants que cela,
au fond. C’étaient des princes de l’époque, c’étaient des mécènes. Ils aimaient les artistes. Leur vie
morale a été plus ou moins conforme à la loi de l’Église, c’est vrai. Ils n’ont pas fait de grosses bêtises
quand même. L’inquisition, c’est vrai, c’est dur, mais il n’y a pas que cela dans l’Église, c’est l’aspect
humain de l’Église. Et c’est vrai que nous aussi nous sommes pécheurs, chacun de nous doit se
reconnaître pécheur devant Dieu. Ce n’est pas pour rien qu’au début de chaque Eucharistie, on répète,
« Reconnaissons que nous sommes pécheurs ». Mais l’Église c’est autre chose que cela. C’est aussi
une force de sanctification. C’est la force de Dieu qui travaille cette pâte humaine, si lourde, c’est vrai,
mais elle la travaille quand même et cela produit du fruit. Dans notre Église, il y a aussi des Saints et
c’est cela la véritable Église. Dans tous les pays, il y a de la Sainteté. Je suis né pas loin d’ici dans une
maison à l’époque de la révolution française, j’avais un arrière-arrière grand-oncle qui était prêtre
(en effet ma famille habite de père en fils, au moins depuis le quinzième siècle) et lorsque le prêtre
de la paroisse a refusé de signer la constitution civile du clergé comme de partir en exil, il n’avait plus
le droit d’accéder à l’église paroissiale, il venait dire la messe chez moi, là je suis né. Donc, je suis
dans une maison qui a accueilli les messes clandestines pendant la révolution française et cela a
profondément marqué notre famille. Si bien que chez mon père, il ne fallait pas dire du mal de
l’Église. Dans ma famille maternelle, c’était autre chose. On était radical socialiste et on mangeait
volontiers du curé. Aussi, je comprenais mal ces nuances quand je passais de ma grand-mère
paternelle qui était une chouanne, à ma grand-mère maternelle qui était républicaine. Je sentais bien la
différence mais je ne savais pas pourquoi. Je l’ai compris après coup.
Notre Église, c’est une pâte humaine, mais une pâte humaine dans laquelle travaille la force de
l’Esprit Saint, d’où l’importance extraordinaire de la liturgie et des sacrements dans notre
Église.
De tous les vocables bibliques désignant l’Église, trois ont été spécialement consacrés par
l’interprétation chrétienne : le Peuple de Dieu, le Corps du Christ, le Royaume de Dieu. Il y en aurait
bien d’autres : l’Église est l’épouse du Christ etc..
L’ÉGLISE, PEUPLE DE DIEU ET CORPS DU CHRIST :
Dans sa signification propre, l’Église se rattache au peuple de Dieu de l’Ancien Testament. Le peuple
de Dieu de l’Ancien Testament alisait l’accomplissement de la promesse du rassemblement des
peuples, promesse qui était incluse dans la vocation du peuple élu. Le peuple juif a été élu par Dieu,
mais ce n’était pas pour être séparé de tous les autres, c’était pour être porteur du rassemblement de
tous les peuples du monde et Jésus, Lui, a donné à son Église une dimension universelle : « De toutes
les nations faites des disciples ». L’Église ne peut s’identifier à un peuple particulier pas plus qu’un
peuple particulier ne peut devenir comme tel, l’Église. Je sais bien que les Francs que nous sommes,
nous aimons bien nous dire que nous sommes ‘la fille aînée de l’Église’. Comme j’ai voyagé de temps
en temps dans ma vie, quand je vais en Arménie, je constate que l’Arménie était une nation chrétienne
avant la France et que la Géorgie aussi était une nation chrétienne avant la France. Il ne faut pas trop
chanter sur les toits que nous sommes la fille aînée de l’Église !. L’Église ne peut pas s’identifier avec
un pays. Elle peut même disparaître d’une région. Il y a trois ans, j’ai fait un pèlerinage aux Églises de
l’Apocalypse, les sept Églises de l’Apocalypse de l’Asie Mineure : Éphèse, Smyrne, Pergame,
Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée. Qu’est-ce qu’il en reste ? Des ruines ! Smyrne est devenue
une grande ville mais musulmane avec trois millions d’habitants. Il y reste un évêque catholique. Je
suis allé lui rendre visite. Je lui ai demandé combien il avait de diocésains. Il m’a répondu :
« 1250 pour tout le diocèse ». 1250, une petite paroisse de chez nous. Tout le reste est passé à l’Islam !
L’Asie mineure qui a été profondément chrétienne est devenue musulmane. L’Afrique du Nord qui a
connu jusqu’à environ 800 évêchés est devenue une terre musulmane. Alors je me dis, la France, la
France chrétienne n’a pas les promesses de la vie éternelle. L’Église peut disparaître en France, on est
sur cette voie en ce moment. Alors il faut faire attention. Je sais bien qu’il y a, Dieu merci, quelques
bonnes ressources chez nous et j’espère que l’on triomphera de cette crise mais aucun pays n’a les
promesses de la vie éternelle. Il n’y a pas tellement longtemps, quand j’étais simplement étudiant ici,
l’Église était ? les catholiques étaient à ce moment ? : essentiellement dans le pourtour de la
méditerranée. Et maintenant où sont les catholiques ? : Plus de la moitié sont dans les pays du Sud. Un
de mes amis du séminaire d’ici qui a voulu devenir missionnaire est entré aux missions étrangères de
Paris. Il a passé le reste de sa vie comme missionnaire à Bangalore en Inde. Eh bien maintenant, il n’y
a plus besoin de missionnaires blancs en Inde car le pays du monde qui comprend maintenant le plus
grand nombre de séminaristes c’est l’Inde. Il y a plus de séminaristes en Inde qu’il n’y en a en Italie ou
en Amérique et même en Pologne. L’Église peut se déplacer. L’Église n’est pas attachée à un territoire
donné. L’Église est le témoin et l’instrument du rassemblement du peuple de Dieu universel à partir de
différents peuples, de différentes cultures et différents groupes d’hommes. Or l’Église ne peut jouer ce
rôle qu’en étant le Corps du Christ, le Corps du Christ crucifié en qui est déjà réconciliée l’humanité
divisée comme nous l’enseigne Saint Paul dans l’Épitre aux Éphésiens, (chapitre 2). Et puis elle joue
ce rôle de Corps du Christ en écoutant l’Esprit de Pentecôte qui surmonte la dispersion de Babel
comme disent les actes des Apôtres (au chapitre 2). Voilà : L’Église est une Force de Dieu travaillant
dans la pâte humaine. Elle n’est pas attachée à une zone géographique. La place de l’Église a varié au
cours des siècles. Actuellement elle bascule de l’hémisphère Nord vers l’hémisphère Sud. Tant mieux
pour l’hémisphère Sud. Tant pis pour nous ! Je souhaite que l’hémisphère Nord se réveille. Comme
sont en train de se réveiller les pays de l’Est. Au mois de mars dernier, j’étais en Pologne à la frontière
entre la Pologne, la Biélorussie et l’Ukraine. Qu’est-ce que j’ai constaté en Pologne : il y a plein de
monde dans les églises. Le dimanche, il y a toujours des gens dehors sur le parvis, il n’y a pas de
places dans les églises, il n’y a pas de places dans les grands séminaires, il y a plein de vocations et
nous, le groupe de Français qui avaient mon âge, des vieux, qui étions -bas, nous trouvions qu’il y
avait partout des prêtres jeunes. Résultat, alors qu’il y a quarante ou cinquante ans c’était nous qui
envoyions des missionnaires à l’étranger, maintenant ce sont les Polonais qui sont missionnaires à
l’étranger, même en France.
L’Église n’est pas attachée à un peuple mais c’est une Force de Dieu qui travaille dans la pâte
humaine. La tradition reconnaît trois institutions constitutives de l’Église à savoir :
1- la doctrine de la Foi, la Foi en tant qu’elle est susceptible d’une formulation et d’une transmission.
2- Les sacrements de la Nouvelle Alliance ce qui est très important, je vous le disais tout à l’heure.
3- Le ministère pastoral de la communion ecclésiale.
Quand vous avez ces trois choses : la Foi, la vraie Foi, les vrais sacrements, le vrai ministère, vous
avez l’Église. C’est pour cela que chaque fois que je rencontre maintenant des orthodoxes, je me dis :
ces trois choses fondamentales, nous les trouvons aussi chez eux : ils ont la Foi, il y a juste quelques
broutilles qui subsistent. Ils nous chahutent un peu sur le filioque. Bien, mais c’est trois fois rien, ils
ont le même credo que nous. Les sacrements : ils ont les mêmes sacrements que nous. Le ministère
pastoral : ils ont le même ministère pastoral que nous : des évêques, des prêtres. Qu’est-ce qui
empêche que nous soyons unis ? Rien sinon l’histoire, les évènements historiques malheureux. Il est
vrai que lorsqu’on lit l’histoire de la quatrième croisade, ce n’est pas très glorieux pour nous. Les
Croisés, les Francs, au lieu d’aller libérer le tombeau du Christ, sont allés attaquer Constantinople. Ils
ont conquis Constantinople, ils l’ont pillée, ils l’ont violée. Ils ont volé des reliques qu’on a fait venir
en Occident. Je me souviens d’avoir visité un jour le monastère de Daphni pas loin d’Athènes. C’était
un monastère byzantin mais devant l’arrivée des Francs, les moines byzantins sont partis, on les a
remplacés par des moines bourguignons, ils ont pris la place des byzantins et dans le cloître, quand je
voyais les noms inscrits sur les tombes, c’était des noms bien de chez nous. Sans vergogne, les moines
latins étaient venus, avaient pris la place des moines byzantins. Eh bien, le peuple grec n’a pas oublié
cela. Jean Paul II a demandé pardon pour ce qui s’est passé en 1204. L’Église, dans son humanité,
s’est trouvée divisée au cours des âges. Il n’empêche que le Corps du Christ est là, aussi bien dans
l’Église catholique que dans l’Église orthodoxe.
LÉGLISE EST LE ROYAUME DE DIEU :
Le terme de Royaume de Dieu désignant l’établissement définitif du règne de Dieu sur la terre comme
au ciel semble bien avoir été une des expressions caractéristique de la prédication de Jésus. Ses
paraboles commencent toujours par cela : ‘Le Royaume de Dieu est comparable à …’. Le Royaume de
Dieu est inauguré par la parole, l’action et la vie de Jésus-Christ. Mais la personne singulière de Jésus-
Christ n’éclipse pas le Royaume de Dieu qui est l’achèvement de la création toute entière. Jésus-Christ
ouvre l’histoire des hommes à cet achèvement et de cette ouverture l’Église est le témoin. Autrement
dit, l’Église n’est pas seulement une réalité d’ici-bas, c’est une réalité qui prépare le Royaume de Dieu
qui est déjà commencé mais qui n’est pas encore achevée. L’Église annonce le Royaume de Dieu et
elle en constitue elle-même l’anticipation grâce aux dons de l’Esprit qu’elle reçoit comme prémices du
monde à venir comme dit Saint Paul. Le Royaume de Dieu est l’achèvement de l’histoire et donc du
monde et de l’Église en tant qu’elle est sacrement du salut. Comme nous le lisons dans Lumen
Gentium à la fin du premier chapitre : « l’Église avance dans son pèlerinage à travers les persécutions
du monde et des consolations de Dieu, annonçant la croix et la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il
vienne. La vertu du Seigneur ressuscité est sa force, pour lui permettre de vaincre dans la patience
et la charité les afflictions et les difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du dedans, et de
révéler fidèlement au milieu du monde le mystère du Seigneur encore enveloppé d’ombres, jusqu’au
jour où, finalement, il éclatera dans la pleine lumière. » (N° 8)
L’Église c’est cela : réalité humaine composée d’hommes et de femmes mais surtout réalité divine et
quels que soient les hommes, quelle que soit la valeur, quelle que soit la vertu des ministres, des
prêtres ou des évêques, eh bien, la grâce de Dieu passe à travers les sacrements, à travers la liturgie. Et
cette Église avance et prépare le Royaume de Dieu à venir. C’est à cette Église que je suis fidèle
mais pas seulement à un groupe religieux particulier parmi d’autres groupes religieux du monde. C’est
la Force de Dieu agissant dans le monde, c’est l’Esprit de Pentecôte qui est là.
FIDÉLITÉ À L’ÉGLISE COMME ELLE EST :
Je viens de vous dire que l’Église est à la fois humaine et divine. Mais de nombreuses personnes, et
parfois nous-mêmes, ne retiennent de l’Église que son seul aspect humain. Les incroyants ou les
agnostiques en tout cas, ne considèrent que cet aspect-là. Or après tout, même si je regarde simplement
l’histoire de l’Église comme elle a été vécue concrètement depuis deux siècles, cette Église, je n’ai pas
à en rougir, je n’ai pas à rougir du passé de mon Église. Dans le chapitre 25 de Saint Mathieu, il est
question du jugement dernier et là, Jésus, dans cette parabole du jugement dernier, nous dit qu’à la fin
de l’histoire nous serons jugés sur l’amour, « ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens,
c’est à moi que vous l’aurez fait ». Eh bien, regardez l’histoire de l’Église : au fond, notre Église a été
fidèle à ce chapitre 25 de Saint Mathieu plus qu’on ne le pense. L’histoire montre qu’au cours de ces
vingt siècles d’histoire, l’Église a vraiment mis en pratique la consigne du Seigneur. Elle s’est mise au
service de l’homme par toutes sortes d’initiatives que ce soit dans le domaine de l’enseignement, dans
le domaine de la santé ou dans la promotion de la justice sociale. Et cela depuis le début. Dans mon
diocèse, on avait créé une fraternité Saint Laurent. C’était pour aider les personnes qui se mettaient au
service des plus pauvres. Saint Laurent c’est qui? C’était un diacre. Il a été torturé sur un grill. Mais
pourquoi a-t-il été torturé ? Parce que l’empereur de l’époque voulait mettre la main sur les biens de
l’Église. Et Saint Laurent qu’est-ce qu’il a fait ? Un beau jour, il est allé chercher non pas des trésors
en or ou en argent mais il est allé chercher des pauvres et il a dit : « Voilà le trésor de l’Église, ce sont
les pauvres ». Et bien avant lui, deux siècles avant lui, au temps de Saint Justin, à la messe, telle qu’on
la voit décrite par Saint Justin dans son apologie à l’empereur vers l’an 150, il y avait un rite que l’on
accomplissait déjà à cette époque : la quête. On faisait la quête, pourquoi ? Pour aider des prisonniers
et des pauvres et lorsque l’empereur romain est tomsous les coups des barbares et que toutes les
institutions de l’empire ont été détruites, en fait, qui a pris en charge l’éducation, l’enseignement ?
c’est l’Église.
Quand Charlemagne a voulu reconstituer des écoles, il ne s’est pas cassé la tête : il a donné l’ordre
aux monastères et aux évêchés d’avoir une école à côté des monastères ou à côté des évêchés. C’est
comme cela qu’on a résolu le problème des écoles. C’est l’Église qui a créé l’école à la chute de
l’empire romain. Au Moyen Age, c’est l’Église qui a inventé l’université. Toutes les vieilles
universités européennes ont été fondées par l’Église. Et pendant de longs siècles, en occident, les
seules écoles existantes furent celles de l’Église. Pour le soin des malades, qui a inventé les
hôpitaux ? C’est l’Église qui a inventé les hôpitaux, ce n’est pas la société civile, c’est l’Église d’où
le nom qui leur est resté : ‘Hôtel-Dieu’. C’est l’Église qui a inventé les hôpitaux pour soigner les
malades. C’est même l’Église qui a inventé les banques : ‘les Monts de Piété’. Et l’Église a vu naître
dans son sein, de multiples congrégations religieuses en particulier depuis le XVIème siècle, qui ont
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