Département des Fondements et pratiques en Éducation
Faculté des sciences de l’éducation
Université Laval
Session : hiver 2006 Professeur : Lucien Morin
Horaire : mercredi 12h30-15h30 Bureau : TSE 618
Local : DES-1245 Tél : 656-2131, poste 11601
Séminaire doctoral de recherche
CSO-63591
Description dans le programme
« Le séminaire porte globalement sur la recherche en sciences de l’éducation dans lesquelles s’inscrivent
les sciences de l’orientation. Plus précisément, le séminaire se penchera sur l’éventail des recherches en
cours à la Faculté et au Département, leurs problématiques et leurs méthodologies respectives, ainsi que
sur les questions d’ordre épistémologique qu’elles soulèvent. »
Introduction
Ce séminaire a acquis une tradition et une réputation. Il tentera de respecter cet héritage en puisant dans le
legs de la première et en honorant les vertus de la seconde.
I. Buts et orientations du séminaire
Le séminaire a pour but principal de permettre aux étudiantes et aux étudiants d’approfondir les principes,
les processus et les finalités d’une recherche doctorale, en commençant par leur propre recherche. Les
étudiantes et les étudiants sont notamment invités à analyser quelques-unes des dimensions fondamentales
de la conduite d’une recherche scientifique au niveau doctoral touchant, entre autres, les postures et
motivations personnelles, l’objet de la recherche, la méthode, les cadres épistémologiques, les postulats,
les fondements théoriques, le respect des sources, les finalités proprement scientifiques, les impacts
socioculturels, les exigences éthiques. Enfin, ce séminaire vise aussi à ce que les étudiantes et les
étudiants mettent en pratique leurs habiletés de réflexion critique en s’exprimant sur leurs projets propres,
ceux de leurs pairs ainsi que sur les textes et exposés présentés par les professeurs invités.
II. Objectifs du séminaire
Le séminaire se veut une occasion, pour l’étudiante et pour l’étudiant:
- de développer ou de perfectionner une attitude de « savant-chercheur » par rapport au savoir dans son
domaine, d’asseoir sa position comme « auteur » et « producteur » de connaissances, et de donner un
sens personnel approfondi à l’expression : « contribuer substantiellement et directement à l’avancement
des connaissances dans un domaine de savoir »;
- d’identifier, d’élucider et de situer sa propre position de recherche et de philosophie scientifique dans
quelques-uns des grands débats épistémologiques contemporains;
- de se construire une vision argumentée et émancipée de ce que signifie la rigueur scientifique et de ce
que peut être la pratique de la recherche scientifique;
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- de comprendre et d’approfondir les principes qui fondent les pratiques de la recherche, les énoncés
théoriques et les procédés méthodologiques;
- de saisir, d’apprécier et de savoir composer avec la place non négligeable des influences écologiques,
pour ainsi dire, entourant la recherche scientifique comme, par exemple, les postulats éthiques,
cognitifs, sociologiques, économiques, pédagogiques, idéologiques, politiques, axiologiques,
théologiques, esthétiques, métaphysiques, etc
III. Problématique et contenu du séminaire
Pour l’essentiel, la problématique est double. D’une part, elle est faite de l’examen collectif des projets de
recherche de chacune et de chacun des participants au séminaire. D’autre part, elle est constituée
d’analyses et de discussions approfondies de thèmes, de sujets et de questions « théoriques » choisis par
le responsable du séminaire, les professeurs invités et les étudiants. Pour le moment, les thèmes retenus
pourraient être choisis parmi les suivants:
- Science, objet et thode. Une science se définit par son objet et sa méthode. Faire de la science,
c’est-à-dire entreprendre une recherche scientifique, c’est comme faire un voyage, la méthode étant à
la route ou au chemin choisis ce que l’objet est au but ou à la destinée du voyage. Quels sont les liens
entre les deux? Plusieurs sortes de méthodes? Méthodes quantitatives et qualitatives? Plusieurs
méthodes pour un même objet? L’inverse est-il défendable? Une science de la méthode, ou des
méthodes, existe-t-elle? Faut-il prioriser l’objet sur la méthode? L’inverse? Y a-t-il une méthode
propre à chaque science? La qualité de science est-elle davantage accrochée à la connaissance de la
méthode ou à la connaissance de l’objet? Les deux? Changer de méthode implique-t-il un changement
automatique d’objet, c’est-à-dire de science? Existe-t-il une méthode universelle applicable à toute
science? Y a-t-il un lien entre l’objet et le réel? Qu’est-ce que le réel?
- Science et connaissance. Toute science est connaissance mais toute connaissance n’est pas science.
Que veut dire connaître? Pourquoi cherche-t-on à connaître? Pourquoi préférer la connaissance à
l’ignorance? Pourquoi certaines connaissances seraient-elles préférables à d’autres, les connaissances
certaines, rigoureuses et démontrables, par exemple? Qu’est-ce qu’une preuve scientifique? La
certitude? La science peut-elle se passer des connaissances sensibles comme voir, entendre, toucher,
sentir, mémoriser, imaginer? La science peut-elle se passer de la connaissance d’expérience ou de sens
commun? La connaissance d’art et la science. Existe-t-il une science de la connaissance? Qu’est-ce
qu’une science? Les sciences? Les sciences pratiques, les sciences théoriques, les sciences
expérimentales. Les sciences humaines et sociales? Les sciences de l’orientation et de l’éducation?
Certaines sciences sont-elles plus, ou moins, « science » que les autres? Est-il de l’objet d’une science
de se définir elle-même? Tout peut-il être objet de science? De toute science? La théologie est-elle une
science? La philosophie est-elle une science? La philosophie des sciences a-t-elle une valeur
scientifique? Comment s’acquiert une science? Il n’y a de science que de l’universel, dit-on les
vivants grenouilles, par exemple, les vivants éléphants, les vivants lapins. Comment, dès lors,
connaissons-nous les êtres singuliers Kermit, par exemple, cette grenouille-ci, Dumbo, cet éléphant-
ci, ou Bugs Bunny, ce lapin-ci s’il n’y a pas de science du singulier?...
- Science et éthique. Une définition « provisoire » de l’éthique (Descartes)? L’éthique peut-elle, doit-
elle, être un guide pour la science? Liens entre « vertus » intellectuelles de science et « vertus »
morales ou éthiques (Bernard Williams)? La science corrompt les mœurs (Rousseau). La science est
cause de formation morale (Platon) et de réconfort moral (Marie Curie). La science parle à l’indicatif
et non à l’impératif (Poincaré), s’occupe de faits, seulement de faits, et non d’éthique (Wittgenstein).
Des qualités éthiques fondamentales pour tout chercheur, toute chercheuse? Si toute éthique est
relative, comment une éthique, celle-ci plutôt que celle-la, peut-elle servir de principe ou de guide à la
science? Existe-t-il une science de l’éthique? Est-ce que tout est permis en science? La science peut-
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elle faire du mal (moral) dans le but de faire du bien? Quelqu’un peut-il être un excellent scientifique
tout en étant une personne parfaitement immorale? Ou faut-il être une « bonne » personne morale pour
être un « bon » scientifique? Différences entre normes techniques et normes éthiques? Conscience
morale et conscience scientifique? Recherche scientifique et études de cas : enfants, malades, malades
mentaux, détenus, armements, manipulations génétiques, euthanasie. Déclaration d’Helsinki. Code
d’éthique de Nuremberg. Éthique et recherche en sciences de l’éducation, sciences humaines…
- Science et beau. Watson, Heisenberg et Hardy prétendent que le premier critère (cause) de la science
est le critère esthétique, le beau. Qu’est-ce que le beau? Si, selon certains, le beau, c’est la splendeur
du vrai et du bien, cela entraîne-t-il que l’excellence en science soit synonyme d’un « bien vivre »
moral? Le beau peut-il être un impératif dans l’ordre de l’agir? Y compris l’agir scientifique? Existe-t-
il une science du beau? L’affect et l’intellect en science...
- Science et vérité. Le fantasme de la vérité? Qu’est-ce que la vérité? Vériutile et vérité inutile.
Objectivité et subjectivité. Faits et valeurs. Rationnel et irrationnel en sciences. La science, le
consensus des savants et la vérité. Le goût, l’amour, le désir de la vérité. Une science de la vérité, des
vérités, existe-t-elle? La science et la technoscience. La raison instrumentale…
- Science et société. En démocratie, la fin du politique, c’est la promotion et la distribution du bien
commun. L’éducation est-elle un bien commun? La recherche scientifique est-elle un bien commun?
Qu’est-ce que le bien commun? L’État peut-il, doit-il, subventionner la recherche scientifique? La
recherche utile seulement, comme en médecine et en agriculture? La recherche inutile également,
comme en littérature et en théologie? N’est-il pas immoral ou, du moins, fortement discutable, de
subventionner une recherche sur « le onzième sens du mot catharsis dans l’œuvre d’Hippocrate », par
exemple, ou une autre sur « la genèse des cinq livres du Pentateuque », alors que les garderies et les
hôpitaux manquent cruellement d’argent? Un scientifique subventionné par l’État est-il encore libre de
critiquer la politique scientifique de ce même État? L’État a-t-il le droit d’imposer ses propres sujets
de recherche à des chercheurs universitaires? Ses critères partisans de politique scientifique?...
- La science et les ismes. Scientisme. Rationalisme. Matérialisme. Réalisme. Constructivisme.
Pragmatisme. Universalisme. Déterminisme. Naturalisme. Structuralisme. Humanisme. Utilitarisme.
Relativisme. Scepticisme…
- Postures de recherche : opinions, goûts, intérêts personnels dans une recherche scientifique; rapports à
soi, aux autres au monde. Valeurs personnelles et valeurs de science. Existe-t-il un point de vue de
« nulle part », en science, ou tout « point de vue » n’est-il pas nécessairement ancré dans un point de
départ avoué ou inavoué, connu ou inconnu, choisi ou imposé, etc.?…
IV. Formule pédagogique et mode d’évaluation
Ce séminaire n’est ni un séminaire de supervision de thèse, ni un cours de méthodologie, ni un séminaire
d’épistémologie scientifique. Il se veut surtout un forum d’échanges, de discussions, de dialectique et de
dialogue sur la nature, le sens, et la valeur de la recherche scientifique. Concrètement, à chaque semaine,
les travaux d’un étudiant-chercheur ou d’une étudiante-chercheuse sont discutés par les participants. Un
échantillon de ces travaux, sous forme d’un texte de 10 à 15 pages, doit être disponible une semaine
avant la discussion même. Les travaux ainsi discutés ne doivent pas nécessairement être terminés, les
objectifs du séminaire impliquant que toutes les étapes d’un processus de recherche du moment de
l’intuition initiale à celui de la présentation finale – puissent faire l’objet d’analyses et de discussion.
Chaque étudiant doit présenter un texte et prendre en charge l’une des treize sessions du trimestre, le
calendrier et l’ordre des présentations étant décidés lors de la première rencontre du trimestre.
L’évaluation porte essentiellement sur la qualité du document présenté, amélioré ou non à la suite des
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commentaires des autres participants. Un autre élément d’évaluation prend la forme d’un examen oral
d’environ une demi heure avec le professeur responsable du séminaire, à la fin du trimestre, à son bureau,
portant sur le travail écrit et sur une synthèse des grandes questions retenues par l’étudiant.
Chaque étudiant doit également remettre par courriel au moins une page (simple interligne) de
commentaires, questions et réflexions au présentateur ou à la présentatrice de la semaine. Le contenu de
ces commentaires écrits n’est pas évalué mais est jugé essentiel et nécessaire pour alimenter les
discussions du séminaire.
Les étudiantes et les étudiants doivent assister à tous les séminaires sous peine de voir leur note finale
affectée. Le défaut de remettre un commentaire écrit sera également sanctionné.
Enfin, les plages horaires non occupées par les étudiants inscrits le seront par des professeurs invités et
par le professeur responsable du séminaire.
V. Bibliographie
Voici quelques repères en attendant les références complémentaires du séminaire.
Bachelard, G. Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, 2003.
Blackburn, S. Truth-A Guide, Oxford, Oxford University Press, 2005.
Christophorou, L.C. Place of Science in a World of Values and Facts, Kluwer Academic, 2001.
Comte, A. Discours sur l’esprit positif, Paris, Vrin, 2002.
Desautels, J. et M. Larochelle, Qu’est-ce que le savoir scientifique?, Québec, PUL, 1989.
Descartes, R. Discours de la méthode. (Plusieurs éditions).
Einstein, A. Comment je vois le monde, Paris, Champs/Flammarion, 1979.
Einstein, A. Œuvres choisies, vol.5, Science, éthique, philosophie, Paris, Seuil, 1991.
Engel, P. et Rorty, R. À quoi bon la vérité?, Paris, Grasset, 2005.
Feyerabend, P. Adieu la raison, Paris, Seuil, 1989.
Hadamard, J. The Psychology of Invention in the Mathematical Field, N.Y., Dover, 1954.
Hardy, G.H. L’Apologie d’un mathématicien, Paris, Belin, 1985.
Hawking, S. Une brève histoire du temps, Paris, Flammarion, 1989.
Heisenberg, W. Physics and Philosophy, N.Y. Harper, 1962.
Hofstadter, D. Gödel, Escher, Bach: An Eternal Golden Braid, New York, Vintage Books, 1989.
Hottois, G. Pour une éthique dans un univers technicien, Bruxelles, Éd, Univ de Bruxelles, 1984.
Kuhn, T. La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1983.
Merton, R.K. The Sociology of Science, University of Chicago Press, 1973.
Morin, L. et L. Brunet, Philosophie de l’éducation, Québec, PUL, 2001.
Penfield, W. The Mystery of the Mind, Princeton University Press, 1975.
Pépin, Y. “Foi, croyance, opinion, connaissance: est la différence? », Revue de l’Association pour la
recherche qualitative, Pratiques de recherche 2, vol.6, 1992.
Poincaré, H. La valeur de la science, Paris, Champs/Flammarion, 1970.
Popper, K. La logique de la découverte scientifique, Paris, Payot, 1973.
Putnam, H. Fait/Valeur, la fin d’un dogme, Éditions de l’éclat, 2004.
Prigogine, I. et I. Stengers, La nouvelle alliance, Paris, Gallimard, 1979.
Rorty, R. Science et solidarité, La vérité sans le pouvoir, Éditions de l’Éclat, 1990.
Salet, G. Hasard et certitude, Paris, Éditions Saint-Edme, 1972.
Schrödinger, E. Science et humanisme, Paris, Desclée de Brouwer, 1954.
Snow, C.P., The Two Cultures and the Scientific Revolution, Cambridge Univ. Press, 1959.
Thom, R. Entretiens avec Le Monde, Paris, Éditions La Découverte, 1984.
Weber, Max, Le Savant et le politique, Paris, Plon/1018, 2002.
Wittgenstein, L. Tractatus logico-philosophicus, Paris, Gallimard/Idées, 1972.
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