UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES M.S.B.M MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE 2001-2002 UNIVERSITE DE NANTES LE MUSCLE SUPINATEUR Par IVON Vincent LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. J. LEBORGNE Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : • • • • • • • • • • Pr. O. ARMSTRONG Pr. P. COSTIOU Pr. D. CROCHET Pr. A. DE KERSAINT-GILLY Pr. B. DUPAS Pr. Y. HELOURY Pr. J.P. MOISAN Pr. N. PASSUTI Pr. R. ROBERT Pr. O. RODAT UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES M.S.B.M MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE 2001-2002 UNIVERSITE DE NANTES LE MUSCLE SUPINATEUR Par IVON Vincent LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. J. LEBORGNE Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : • • • • • • • • • • Pr. O. ARMSTRONG Pr. P. COSTIOU Pr. D. CROCHET Pr. A. DE KERSAINT-GILLY Pr. B. DUPAS Pr. Y. HELOURY Pr. J.P. MOISAN Pr. N. PASSUTI Pr. R. ROBERT Pr. O. RODAT Je remercie : - Monsieur le Professeur ROGEZ - Monsieur le Professeur DUPAS, pour leur aide et leurs conseils. Je remercie le personnel du laboratoire d’anatomie de la faculté de médecine de Nantes : - Monsieur LAGIER Monsieur BLIN, pour leur aide, leur disponibilité et leur patience. PLAN I – INTRODUCTION II – RAPPELS ANATOMIQUES A/ DESCRIPTIONS MORPHOLOGIQUES ET INSERTIONS B/ RAPPORTS OSTEO-MUSCULAIRES C/ RAPPORTS VASCULO-NERVEUX III – DISSECTIONS A/ MATERIEL ET METHODES DE DISSECTION 1- Matériel 2- Méthodes de dissection B/ COMPTE-RENDU DES DISSECTIONS IV – FONCTIONS ET ASPECTS PHYLOGENETIQUES V – PATHOLOGIES ET APPLICATIONS CHIRURGICALES VI – CONCLUSION I - INTRODUCTION Le muscle supinateur est un muscle large, profond, enroulé sur la partie externe de la moitié proximale du segment ante-brachial. Son action principale est la supination : le coude étant fléchi à 90° et la main adoptant la position indifférente (paume orientée en dedans et pouce dirigé vers le haut), la contraction de ce muscle permet à la paume de s’orienter vers le haut (pouce dirigé en dehors) dans un geste d’offrande avec les deux os de l’avant-bras côte à côte, placés parallèlement. Il faut souligner cependant dans ce mouvement l’importance du muscle biceps brachial qui agit en synergie avec le muscle supinateur. Le muscle supinateur rentre dans le cadre de mouvements possédant un degré de complexité élevé, la prono-supination. Il n’est présent que chez certains animaux phylogénétiquement évolués. De plus après avoir envisagé la description de l’anatomie et des fonctions du muscle supinateur, nous étudierons les applications chirurgicales, notamment dans le cadre des compressions du nerf radial, nerf en rapport intime avec ce muscle. II – RAPPELS ANATOMIQUES A/ DESCRIPTIONS MORPHOLOGIQUES ET INSERTIONS REINHOLD, au début du siècle précédent, fut un des premiers anatomistes à décrire le muscle supinateur. Sa position profonde et sa morphologie particulière rendent sa classification dans un groupe musculaire un peu délicate : en effet, ce muscle intéresse la partie latéro-externe du coude dans son insertion proximale et la partie supérieure de l’avant-bras dans son insertion distale. Cependant la majorité des anatomistes considèrent le muscle supinateur comme appartenant à la loge latérale des muscles du segment ante-brachial. Enroulé autour de l’articulation huméro-radiale, le muscle supinateur se compose de deux chefs, l’un superficiel, l’autre profond entre lesquels passe la branche motrice (postérieure) du nerf radial : • le faisceau superficiel s’insère en haut sur la face antérieure de l’épicondyle latéral. Ses fibres musculaires s’enroulent selon une courbe à concavité interne autour du col du radius pour se terminer sur sa face antérieure et sur le tiers proximal de la diaphyse radiale. • le faisceau profond s’insère sur l’ulna immédiatement audessous de l’incisure radiale. Il vient ensuite cravater le col du radius pour se terminer sur les faces externe et antérieure de ce même col. LE MUSCLE SUPINATEUR (d’après Testut et Latarjet) 1. Extrémité inférieure de l’humérus 2. Nerf radial 2’. Branches antérieure et postérieure du nerf radial 3. Faisceau superficiel du supinateur 4. Faisceau profond du supinateur 5. Corde de Weitbrecht 6. Radius 7. Ulna 8. Faisceau moyen du ligament latéral externe B/ RAPPORTS OSTEO-MUSCULAIRES Le muscle supinateur appartient aux muscles de la loge latérale de l’avant-bras. Elle comprend quatre muscles : - le muscle supinateur - le muscle court extenseur radial du carpe - le muscle long extenseur radial du carpe - le muscle brachio-radial Ces muscles forment un espace anatomique qui est maintenant bien décrit : le tunnel radial. Il se situe dans la gouttière bicipitale externe du coude, son plancher étant formé par le plan antérieur articulaire avec à sa partie basse le supinateur. Les parois de ce tunnel sont constituées par la superposition de ventral à dorsal et de proximal à distal des muscles : brachio-radial, long extenseur radial du carpe et court extenseur radial du carpe. C/ RAPPORTS VASCULO-NERVEUX Le muscle supinateur répond à sa face antérieure aux vaisseaux et nerfs qui cheminent dans la région épicondylienne : • l’artère récurrente radiale antérieure. Cette branche se détache de l’extrémité supérieure de l’artère radiale et monte obliquement dans la gouttière externe du pli du coude. LA VASCULARISATION ARTERIELLE AU NIVEAU DU COUDE 4. Artère collatérale interne supérieure 4’. Artère collatérale interne inférieure 5. Artère récurrente ulnaire postérieure 6. Artère récurrente ulnaire antérieure (anastomosée avec la collatérale interne inférieure) 7. Artère ulnaire 8. Tronc des interosseuses 9. Artère radiale 10. Artère récurrente radiale postérieure 11. Branche antérieure de la brachiale profonde (anastomosée avec la récurrente radiale antérieure) 12. Branche postérieure de la brachiale profonde • le tunnel radial qui s’étend de l’interligne huméro-radial à la partie proximale du faisceau superficiel du muscle supinateur est un espace cellulograisseux dans lequel cheminent les deux branches du nerf radial : - une branche antérieure sensitive va cheminer dans la gaine aponévrotique du muscle brachio-radial. - Une branche postérieure, musculaire, ou nerf interosseux postérieur va passer entre les deux faisceaux du supinateur et décrire un trajet en spirale. En effet elle répond à la face antérieure du col du radius puis la face externe et enfin la face postérieure le contournant donc dans un trajet oblique en bas, en dehors et en arrière. Elle ressort distalement où elle éclate en de multiples branches pour les muscles extenseurs des doigts. III - DISSECTIONS A/ MATERIEL ET METHODES DE DISSECTION 1- Matériel Nous avons disséqué chronologiquement : - un membre thoracique droit d’un sujet humain féminin et formolé - un membre thoracique droit d’un sujet humain masculin frais et injecté au latex coloré en rouge 1 - un membre thoracique droit d’un sujet humain masculin frais - un membre thoracique droit d’un sujet congelé pour la réalisation de coupes anatomiques transversales nettoyées puis photographiées telles quelles. Le matériel utilisé pour les dissections était composé de : - pinces à disséquer - bistouri - ciseaux courbes - écarteurs 1 Les injections artérielles de latex ont été effectuées au niveau de l’artère brachiale (au niveau de la région axillaire). Après dissection de l’artère et ligature en amont, nous introduisons une canule autour de laquelle nous ligaturons l’artère, puis nous injectons le latex que nous durcissons par une injection d’acide sulfurique. 2. Méthodes de dissection Elles ont peu varié lors des différentes séances de dissection. L’incision cutanée antérieure et verticale a été depuis un point, se situant au tiers proximal du bras, jusqu’au poignet. Les incisions horizontales perpendiculaires à cette ligne ont ensuite permis de rabattre de chaque côté les lambeaux cutanés ainsi réalisés. Nous verrons un peu plus loin une voie d’abord plus adaptée à l’accessibilité du muscle supinateur dans le cadre d’interventions chirurgicales. B/ COMPTE-RENDU DES DISSECTIONS Ces dissections successives ont permis de mieux caractériser la morphologie particulière du muscle supinateur ainsi que ses rapports intimes avec le nerf radial. Après avoir incisé le plan cutané, on découvre le plan graisseux sous-cutané où chemine le réseau veineux superficiel : - veine céphalique située en dehors de l’avant-bras - veine basilique en dedans - veine médiane entre les deux. Les nerfs sensitifs (musculo-cutané en dehors, cutané médial de l’avant-bras en dedans) sont aussi individualisés. Sous le tissu graisseux apparaît l’aponévrose, pellicule solide, nacrée et translucide à travers laquelle nous pouvons distinguer le contour des muscles. Pour bien dégager les différentes masses musculaires, il a été nécessaire d’inciser complètement cette aponévrose. La photographie n° 1 montre ainsi le plan superficiel des muscles de l’avant-bras. Veine céphalique Veine basilique Muscle biceps brachial Muscle brachio-radial Muscle rond pronateur Artère radiale Muscle long palmaire Muscle fléchisseur radial du carpe Photo N°1 Au niveau du pli du coude et du tiers proximal de l’avant-bras on peut remarquer trois groupes musculaires latéral, moyen et médial correspondant aux trois saillies de l’anatomie de surface : - latéralement, le muscle brachio-radial - médialement le muscle rond pronateur en partie caché par le muscle long palmaire. - entre les deux, la terminaison distale de deux muscles importants superposés, le biceps brachial qui recouvre et laisse déborder de chaque côté le muscle brachial antérieur. Il faut remarquer que le bord interne du biceps émet une expansion aponévrotique plus ou moins épaisse qui se dirige en bas et en dedans recouvrant la face antérieure du groupe musculaire médial (fléchisseur radial du carpe et rond pronateur). L’approche du muscle supinateur devient plus aisée après l’écartement du muscle brachio-radial. On peut distinguer la partie antérieure de son faisceau superficiel (photographie n°2) Faisceau superficiel du muscle supinateur (après écartement du brachio-radial) vue antérieure droite Muscle brachioradial Canule rentrant sous l’arcade du supinateur Branche motrice du nerf radial Arcade de FRÖHSE Branche sensitive du nerf radial Faisceau superficiel du muscle supinateur Muscle rond pronateur Artère radiale Photo N°2 Ce faisceau s’étale en éventail avec un aspect très charnu et des invasions graisseuses. Ses fibres musculaires se dirigent en bas et médialement. La résection du muscle brachio-radial permet de mettre en évidence la division du nerf radial au niveau de la partie latérale du pli du coude et notamment sa branche sensitive car celle-ci est intimement liée à la face postérieure du brachio-radial. La partie latérale du faisceau superficiel devient visible après avoir récliné les muscles court et long extenseurs radiaux du carpe (photographie n°3). Faisceau superficiel du muscle supinateur (résection court et long extenseurs radiaux du carpe)vue latérale droite Photo N°3 Tendon bicipital Branche motrice du nerf radial Branche sensitive du nerf radial Faisceau superficiel du muscle supinateur Nerf radial Muscle extenseur commun des doigts Sur une vue latérale, le faisceau superficiel du supinateur se comporte comme un véritable auvent musculaire sous lequel s’engage la branche profonde, motrice, du nerf radial. La partie proximale de cette nappe musculaire est souvent membraneuse mais présente dans un tiers des cas, classiquement, l’aspect d’une lame fibreuse et acérée qui prend le nom d’arcade de FRÖHSE, du nom de l’anatomiste qui l’aurait décrite pour la première fois en 1908 (photographies n°2 et n°4). Cette lame aponévrotique joue un rôle important dans la pathologie de la région épicondylienne, mais nous en reparlerons plus tard. Arcade du muscle supinateur- vue antérieure droite Branche sensitive du nerf radial Branche motrice du nerf radial Arcade de FRÖHSE Photo N°4 La dissection des fibres épicondyliennes du faisceau superficiel n’est pas aisée car ces fibres sont intriquées avec les autres fibres des muscles latéraux (en particulier le court extenseur radial du carpe) mais aussi avec les muscles superficiels de la loge postérieure de l’avant-bras qui s’insèrent sur l’épicondyle latéral (extenseur commun des doigts, extenseur du V et extenseur ulnaire du carpe). De plus toutes ces fibres musculaires sont solidement amarrées à la capsule articulaire de l’articulation huméro-ulno-radiale et plus précisément à son ligament collatéral latéral. De plus l’insertion sur la face postérieure et latérale de l’ulna est difficile à mettre en évidence puisqu’elle est recouverte par les insertions des muscles extenseur commun des doigts et anconé (photographie n°5). Insertion ulnaire du faisceau superficiel- vue ¾ postérieure droite Insertions des muscles extenseur commun des doigts et anconé Partie du ligament collatéral latéral adhérant à la capsule articulaire Muscle fléchisseur ulnaire du carpe Partie postérieure du faisceau superficiel du supinateur Photo N°5 Le faisceau profond déborde en haut la partie proximale du faisceau superficiel d’environ ½ cm. Le faisceau profond du supinateur apparaît en désinsérant le faisceau superficiel par sa terminaison radiale et en le réclinant latéralement (Photographie n°6). Faisceau profond du supinateur après résection du faisceau superficiel – vue antérieure droite. Tendon bicipital Branche motrice du nerf radial Nerf médian Ligament annulaire Muscle court extenseur radial du carpe réséqué Branche sensitive du nerf radial Faisceau profond du supinateur Faisceau superficiel récliné Diaphyse radiale Photo N°6 Le faisceau profond est beaucoup plus épais que le faisceau superficiel et ses fibres musculaires sont disposées plus transversalement. La partie supérieure de ce chef profond est intimement liée au ligament annulaire et suivent tous les deux le même trajet : ils cravatent la partie supérieure du radius (tête et col). La réalisation de coupes transversales et de clichés scannographiques à hauteur du col radial permet de bien visualiser l’aspect cylindrique du trajet des faisceaux du muscle supinateur (Photographies n°7 et n°8). Le col radial se trouve ainsi entièrement encapsulé dans une épaisse couche musculaire. Coupe transversale gauche au niveau du col radial Muscle brachioradial Muscles de la loge antérieure et superficielle Faisceau superficiel du supinateur Insertion du brachial antérieur Faisceau profond du supinateur Photo N°7 Coupe scannographique gauche au niveau du col radial Photo N°8 Trajet cylindrique des fibres musculaires du supinateur La résection du chef profond met en évidence son insertion sur l’ulna au niveau de la fosse supinatrice (en dessous de l’incisure radiale) et montre son corps charnu une fois déroulé (photographie n°9). Résection du chef profond du supinateur-vue latérale droite Photo N°9 Branche sensitive du nerf radial Branche motrice du nerf radial Epicondyle latéral Ligament annulaire réséqué Col radial Insertion du faisceau profond au niveau de la fosse supinatrice Faisceau profond réséqué Il faut de plus remarquer l’étroite relation du faisceau profond avec le tendon du biceps brachial au niveau de la tubérosité radiale (Photographie n°10). Cette interrelation vient conforter l’idée d’une action synergique du biceps brachial et du supinateur dans le mouvement de supination. Nous l’étudierons plus tard. Vue médiale droite du chef profond Photo N°10 Branche sensitive du nerf radial Chef profond du supinateur Muscle rond pronateur Tendon du biceps brachial Tendon du muscle brachial antérieur La dissection du nerf radial au niveau de la gouttière bicipitale externe permet de mettre en évidence sa division en deux branches à environ 2 cm au-dessus de l’interligne huméro-radial. La branche antérieure sensitive se dirige en bas et en avant pour devenir satellite du muscle brachio-radial. La branche postérieure, ou nerf interosseux postérieur, est plus volumineuse : elle a une direction en bas, en arrière et en dehors. Elle s’engage entre les deux faisceaux du supinateur pour l’innerver (Photographie n°11). Le nerf radial au niveau du coude-vue antérieure droite Nerf radial Branche sensitive du nerf radial Epicondyle latéral Nerf médian Interligne huméroradial Tendon bicipital Muscle rond pronateur Nerf interosseux postérieur Photo N°11 On peut voir la vascularisation du muscle supinateur sur une vue antérieure qui montre la présence de l’artère radiale et de sa collatérale récurrente, l’artère récurrente radiale antérieure. Celle-ci, par une branche descendante, accompagne le nerf interosseux postérieur pour vasculariser le supinateur (Photographie n°12). Vascularisation du muscle supinateur-vue antérieure Photo N°12 Artère récurrente radiale antérieure Nerf radial Nerf interosseux postérieur Branche descendante pour le supinateur Artère radiale Branche pour les muscles latéraux Faisceau superficiel du supinateur Branche sensitive du nerf radial Ainsi cette région antérieure et moyenne est extrêmement riche sur le plan vasculo-nerveux mais elle rend périlleux l’abord chirurgical du muscle supinateur par cette voie. Un abord plus externe est préférable. Nous y reviendrons. IV – FONCTIONS ET ASPECTS PHYLOGENETIQUES Le muscle supinateur n’a qu’un unique rôle : celui de la supination, en particulier chez l’homme où elle acquiert son degré maximal de réalisation grâce à la morphologie si particulière du muscle supinateur, d’une part, et grâce à l’action de ce dernier en synergie avec d’autres muscles, d’autre part. Le muscle supinateur rentre dans un ensemble de mouvements complexes, la prono-supination. Elle est définie comme la rotation de l’avant-bras autour de son axe longitudinal et assimilée en première approximation à une rotation du radius autour de l’axe de l’ulna. Il s’agit en fait d’un couplage fonctionnel entre les deux articulations radio-ulnaires. Ce couplage procure à la rotation de la main, à la fois, force et précision : un seul os, le radius, tournant autour de l’ulna, assure la précision du geste, l’ulna se présentant comme le tuteur de l’avant-bras et de la main. En supposant l’ulna fixe, l’axe de la prono-supination passe par la tête radiale au coude, la tête de l’ulna au poignet et le 5ème doigt. KAPANDJI remarque que les axes du corps radial suivent trois courbures reproduisant l’efficacité d’une manivelle. L’axe de l’extrémité supérieure du radius est une courbure supinatrice : le biceps est supinateur car il tire sur le sommet de la courbure supinatrice formée par la tubérosité bicipitale. Le muscle supinateur s’étale sur la face latérale du col du radius et, venant de l’arrière, il déroule la courbure supinatrice en se contractant. Depuis la tubérosité bicipitale jusqu’à l’extrémité inférieure, c’est la courbure pronatrice : le muscle rond pronateur s’insère au sommet de cette courbure pronatrice, sur la face latérale du radius, le muscle carré pronateur déroule sa branche basse en rapprochant les deux os (Photographie n°13). Les muscles de la prono-supination - vue antérieure droite Muscle biceps brachial Nerf radial Nerf médian Muscle rond pronateur Chef profond du muscle supinateur Photo N°13 Les muscles pronateurs sont moins puissants que les supinateurs : l’amplitude de la pronation est de 85°, la supination 90°. L’anatomie comparée des vertébrés a permis de constater que la fonction de prono-supination s’est modulée et perfectionnée en fonction de la différenciation de certaines espèces. En ce qui concerne le muscle supinateur, on constate parmi les espèces le possédant une présence irrégulière avec parfois une fonction différente de ce muscle. Par exemple chez l’Echidné (Mammifère Monotrème d’Australie couvert de piquants, pourvu de glandes venimeuses sur les pattes) , le supinateur est un muscle puissant où il unit la face postérieure de l’épicondyle à toute la longueur du bord externe du radius. Les Pholidotes (Mammifères placentaires couverts d’écailles ou pangolins) montrent une particularité du supinateur avec une origine ulnaire : les fibres charnues naissent d’un osselet sésamoïde articulé, au moyen de deux facettes, respectivement avec l’épicondyle huméral et avec le rebord de la tête radiale, et uni par deux liens tendineux d’une part à l’épicondyle huméral externe, d’autre part au bord radial de la cavité sigmoïde de l’ulna. Le muscle qui s’insère ici tout au long de la diaphyse radiale est un puissant extenseur de l’avant- bras, incapable de prono-supination, et la double liaison sésamo-ulno-humérale a pour effet de renforcer l’articulation. Ainsi chez ces mammifères fouisseurs, l’inaptitude du membre aux mouvements de pronosupination retentit diversement sur les muscles associés : disparition complète du carré pronateur et bon développement du supinateur, mais en association avec le mouvement de flexion-extension. Un sésamoïde du supinateur a été signalé chez les Chiroptères ( Mammifères volants dont la main est transformée en aile : les chauves-souris), mais cette fois avec un rôle plus de contention de l’articulation que de flexion-extension. Les Lagomorphes (Lapins) et les Ongulés (Mammifères à sabots) sont caractérisés par la fixation de l’avant-bras en pronation et ne possèdent donc pas de supinateur, de rond pronateur, de carré pronateur et même de brachio-radial. Au contraire, c’est chez les grands singes anthropomorphes (Hominidés et Pongidés) que la prono-supination prend toute son amplitude. C’est l’apparition d’un chef profond du supinateur qui est sans doute à l’origine de ce degré de perfectionnement dans le mouvement de prono-supination. Ainsi certains anatomistes établissent un rapport direct entre l’existence de ces fibres ulno-radiales et le perfectionnement des mouvements de prono-supination. De plus le rond pronateur acquiert également chez l’Homme un faisceau profond et vient renforcer l’action prono-supinatrice de ce muscle. Ainsi cette grande amplitude de la prono-supination chez l’Homme va de pair avec l’opposabilité du pouce, « mécanisme le plus parfait qui permet le jeu le plus complexe et le plus subtil des mouvements tant préhensifs que tactiles » V – PATHOLOGIES ET APPLICATIONS CHIRURGICALES La pathologie du muscle supinateur n’est pas liée à sa fonction mais plutôt à ses particularités morphologique, nerveuse et vasculaire. La connaissance de l’anatomie de la région épicondylienne latérale permet de bien comprendre la physiopathologie des traumatismes de cette région. L’épicondylalgie désigne la douleur de la région épicondylienne quelque soit sa cause. La douleur peut être d’origine articulaire, musculaire, nerveuse… Une confusion regrettable est fréquente car ces pathologies ont le même contexte de surmenage microtraumatique sportif ou professionnel. Le muscle supinateur rentre dans une des causes d’épicondylalgie d’origine nerveuse. Le mécanisme physiopathologique est la compression de la branche postérieure du nerf radial. Les compressions du nerf radial au coude dans les épicondylalgies avaient déjà été envisagées dès 1883, donc avant la description précise du supinateur, par WINCKWORTH et O’SULLIVAN. Le plan superficiel du supinateur présente assez souvent une arcade fibreuse (dans 1/3 de la population) dénommée arcade de FRÖHSE, sous laquelle s’engage la branche profonde du nerf radial (nerf interosseux postérieur) pour contourner le col du radius entre les plans (superficiel et profond) de ce muscle. C’est cette arcade de FRÖHSE qui peut atteindre 1 cm de large et plusieurs mm d’épaisseur qui est vulnérante surtout lors de la pronation. Dans cette position elle est fortement tendue selon une double concavité vers le haut et vers l’arrière. Le syndrome dit « de l’arcade de FRÖHSE » se traduit généralement par des douleurs imprécises postéro-externes du coude ou du quart supérieur de l’avant-bras lors de certaines activités, posant souvent des problèmes de diagnostic différentiel, notamment avec les épicondylites. Il se présente exceptionnellement sous la forme d’un déficit moteur. En fait la plupart des auteurs décrivent sous le terme de syndrome de l’arcade de FRÖHSE une compression de la branche profonde du nerf radial pouvant siéger non seulement au niveau de l’arcade elle-même, mais également le long de ce que certains ont défini anatomiquement comme le tunnel radial. En effet le nerf interosseux postérieur circule dans une sorte de tunnel musculo-fibreux dont les éléments constitutifs peuvent devenir des agents d’agression pour les fascicules nerveux : - les mouvements de prono-supination et d’extension vont repousser le nerf en avant - le muscle court extenseur radial du carpe peut former un auvent fibreux croisant le nerf, tractus fibreux qui peut venir aggraver un processus compressif réalisé par l’arcade de FRÖHSE - l’artère récurrente radiale antérieure, qui croise en avant le nerf interosseux postérieur, l’empêche de glisser en avant dans la prono-supination et majore ainsi les phénomènes constrictifs. La branche profonde du nerf radial n’est pas seulement un nerf moteur mais transporte des fibres sensitives efférentes de l’articulation du poignet ainsi que des muscles ce qui explique les douleurs associées avec le déficit moteur dans certains cas, et également les formes purement douloureuses sans déficit moteur, qui sont les plus fréquentes et posent un problème de diagnostic différentiel, notamment avec les épicondylites. Les douleurs liées aux syndromes de compression du nerf interosseux postérieur peuvent disparaître spontanément. Une thérapie chirurgicale est indiquée après 3 mois. Dans ce cas l’abord du muscle supinateur est plus aisé par la voie antérieure de HENRY. L’incision suit une ligne partant de la gouttière bicipitale en haut et se décroche en dehors sur le relief des épicondyliens et descend ensuite au bord externe de l’avant-bras. L’aponévrose est incisée verticalement au bord externe du brachioradial qui est écarté et apparaît le nerf radial. L’artère récurrente radiale antérieure et sa veine doivent être liées précautionneusement car elles se trouvent à proximité du rameau sensitif du nerf radial. Une légère flexion du coude permet de mieux aborder le supinateur. La résection du couperet fibrineux pseudo-tendineux (arcade de FRÖHSE) est réalisée aisément. Il faut effectuer ensuite la neurolyse du nerf radial. Pour cela il faut ouvrir le faisceau superficiel en respectant le plus possible ses possibilités de fonction : l’incision est réalisée suivant l’axe des fibres, en bas et en dedans, pour respecter au mieux leur continuité. C’est au cours de cette neurolyse qu’il faudra prendre garde aux variations anatomiques des différents branches et en particulier du rameau sensitif et également tester avant la fermeture la liberté du nerf radial dans les mouvements de pronosupination. VI - CONCLUSION Le muscle supinateur est donc un muscle essentiel rentrant avec d’autres muscles dans le jeu de la prono-supination et permettant ainsi une adaptation parfaite de la position de la main à toutes les situations. Son développement est variable selon les espèces avec acquisition parfois d’une autre fonction, voire d’absence de fonction. Il est situé dans une région anatomiquement riche. Sa singularité est due notamment à sa morphologie si particulière et à son innervation. La connaissance de son anatomie et de ses fonctions est très intéressante pour la pathologie aux multiples aspects dans cette région, cible souvent d’un surmenage fonctionnel. BIBLIOGRAPHIE 1- ARGENSON C, MAESTRO M, PEQUIGNOT JP . Anatomie fonctionnelle et biomécanique du coude Revue de médecine du travail 1982 ; 10, n°2 : 57-62 2- BOUCHET A, CUILLERET J. Anatomie topographique descriptive et fonctionnelle. Le membre supérieur 3- BOUE CHANTON. Zoologie. Anatomie comparée des Vertébrés 4- CHEVALLIER JM. 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