LE MUSCLE SUPINATEUR

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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
M.S.B.M
MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE
2001-2002
UNIVERSITE DE NANTES
LE MUSCLE SUPINATEUR
Par
IVON Vincent
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. J. LEBORGNE
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Pr. O. ARMSTRONG
Pr. P. COSTIOU
Pr. D. CROCHET
Pr. A. DE KERSAINT-GILLY
Pr. B. DUPAS
Pr. Y. HELOURY
Pr. J.P. MOISAN
Pr. N. PASSUTI
Pr. R. ROBERT
Pr. O. RODAT
UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE DE MEDECINE
MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES
M.S.B.M
MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE
2001-2002
UNIVERSITE DE NANTES
LE MUSCLE SUPINATEUR
Par
IVON Vincent
LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES
Président du jury :
Pr. J. LEBORGNE
Vice-Président :
Pr. J.M. ROGEZ
Enseignants :
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Pr. O. ARMSTRONG
Pr. P. COSTIOU
Pr. D. CROCHET
Pr. A. DE KERSAINT-GILLY
Pr. B. DUPAS
Pr. Y. HELOURY
Pr. J.P. MOISAN
Pr. N. PASSUTI
Pr. R. ROBERT
Pr. O. RODAT
Je remercie :
- Monsieur le Professeur ROGEZ
- Monsieur le Professeur DUPAS,
pour leur aide et leurs conseils.
Je remercie le personnel du laboratoire d’anatomie de la faculté de médecine de Nantes :
-
Monsieur LAGIER
Monsieur BLIN,
pour leur aide, leur disponibilité
et leur patience.
PLAN
I – INTRODUCTION
II – RAPPELS ANATOMIQUES
A/ DESCRIPTIONS MORPHOLOGIQUES ET INSERTIONS
B/ RAPPORTS OSTEO-MUSCULAIRES
C/ RAPPORTS VASCULO-NERVEUX
III – DISSECTIONS
A/ MATERIEL ET METHODES DE DISSECTION
1- Matériel
2- Méthodes de dissection
B/ COMPTE-RENDU DES DISSECTIONS
IV – FONCTIONS ET ASPECTS PHYLOGENETIQUES
V – PATHOLOGIES ET APPLICATIONS CHIRURGICALES
VI – CONCLUSION
I - INTRODUCTION
Le muscle supinateur est un muscle large, profond, enroulé sur la partie externe
de la moitié proximale du segment ante-brachial.
Son action principale est la supination : le coude étant fléchi à 90° et la main
adoptant la position indifférente (paume orientée en dedans et pouce dirigé vers le
haut), la contraction de ce muscle permet à la paume de s’orienter vers le haut (pouce
dirigé en dehors) dans un geste d’offrande avec les deux os de l’avant-bras côte à
côte, placés parallèlement. Il faut souligner cependant dans ce mouvement
l’importance du muscle biceps brachial qui agit en synergie avec le muscle
supinateur.
Le muscle supinateur rentre dans le cadre de mouvements possédant un degré
de complexité élevé, la prono-supination. Il n’est présent que chez certains animaux
phylogénétiquement évolués.
De plus après avoir envisagé la description de l’anatomie et des fonctions du
muscle supinateur, nous étudierons les applications chirurgicales, notamment dans le
cadre des compressions du nerf radial, nerf en rapport intime avec ce muscle.
II – RAPPELS ANATOMIQUES
A/ DESCRIPTIONS MORPHOLOGIQUES ET INSERTIONS
REINHOLD, au début du siècle précédent, fut un des premiers anatomistes à
décrire le muscle supinateur. Sa position profonde et sa morphologie particulière
rendent sa classification dans un groupe musculaire un peu délicate : en effet, ce
muscle intéresse la partie latéro-externe du coude dans son insertion proximale et la
partie supérieure de l’avant-bras dans son insertion distale. Cependant la majorité des
anatomistes considèrent le muscle supinateur comme appartenant à la loge latérale
des muscles du segment ante-brachial.
Enroulé autour de l’articulation huméro-radiale, le muscle supinateur se
compose de deux chefs, l’un superficiel, l’autre profond entre lesquels passe la
branche motrice (postérieure) du nerf radial :
• le faisceau superficiel s’insère en haut sur la face antérieure de
l’épicondyle latéral. Ses fibres musculaires s’enroulent selon une courbe à concavité
interne autour du col du radius pour se terminer sur sa face antérieure et sur le tiers
proximal de la diaphyse radiale.
• le faisceau profond s’insère sur l’ulna immédiatement audessous de l’incisure radiale. Il vient ensuite cravater le col du radius pour se terminer
sur les faces externe et antérieure de ce même col.
LE MUSCLE SUPINATEUR
(d’après Testut et Latarjet)
1. Extrémité inférieure de l’humérus
2. Nerf radial
2’. Branches antérieure et postérieure du nerf
radial
3. Faisceau superficiel du supinateur
4. Faisceau profond du supinateur
5. Corde de Weitbrecht
6. Radius
7. Ulna
8. Faisceau moyen du ligament latéral externe
B/ RAPPORTS OSTEO-MUSCULAIRES
Le muscle supinateur appartient aux muscles de la loge latérale de l’avant-bras.
Elle comprend quatre muscles :
- le muscle supinateur
- le muscle court extenseur radial du carpe
- le muscle long extenseur radial du carpe
- le muscle brachio-radial
Ces muscles forment un espace anatomique qui est maintenant bien décrit : le
tunnel radial. Il se situe dans la gouttière bicipitale externe du coude, son plancher
étant formé par le plan antérieur articulaire avec à sa partie basse le supinateur. Les
parois de ce tunnel sont constituées par la superposition de ventral à dorsal et de
proximal à distal des muscles : brachio-radial, long extenseur radial du carpe et court
extenseur radial du carpe.
C/ RAPPORTS VASCULO-NERVEUX
Le muscle supinateur répond à sa face antérieure aux vaisseaux et nerfs qui
cheminent dans la région épicondylienne :
• l’artère récurrente radiale antérieure. Cette branche se détache de
l’extrémité supérieure de l’artère radiale et monte obliquement dans la gouttière
externe du pli du coude.
LA VASCULARISATION ARTERIELLE AU
NIVEAU DU COUDE
4. Artère collatérale interne supérieure
4’. Artère collatérale interne inférieure
5. Artère récurrente ulnaire postérieure
6. Artère récurrente ulnaire antérieure (anastomosée avec la
collatérale interne inférieure)
7. Artère ulnaire
8. Tronc des interosseuses
9. Artère radiale
10. Artère récurrente radiale postérieure
11. Branche antérieure de la brachiale profonde (anastomosée avec
la récurrente radiale antérieure)
12. Branche postérieure de la brachiale profonde
• le tunnel radial qui s’étend de l’interligne huméro-radial à la partie
proximale du faisceau superficiel du muscle supinateur est un espace cellulograisseux dans lequel cheminent les deux branches du nerf radial :
- une branche antérieure sensitive va cheminer dans la gaine aponévrotique
du muscle brachio-radial.
- Une branche postérieure, musculaire, ou nerf interosseux postérieur va
passer entre les deux faisceaux du supinateur et décrire un trajet en spirale.
En effet elle répond à la face antérieure du col du radius puis la face externe
et enfin la face postérieure le contournant donc dans un trajet oblique en
bas, en dehors et en arrière. Elle ressort distalement où elle éclate en de
multiples branches pour les muscles extenseurs des doigts.
III - DISSECTIONS
A/ MATERIEL ET METHODES DE DISSECTION
1- Matériel
Nous avons disséqué chronologiquement :
- un membre thoracique droit d’un sujet humain féminin et formolé
- un membre thoracique droit d’un sujet humain masculin frais et injecté au
latex coloré en rouge 1
- un membre thoracique droit d’un sujet humain masculin frais
- un membre thoracique droit d’un sujet congelé pour la réalisation de coupes
anatomiques transversales nettoyées puis photographiées telles quelles.
Le matériel utilisé pour les dissections était composé de :
- pinces à disséquer
- bistouri
- ciseaux courbes
- écarteurs
1
Les injections artérielles de latex ont été effectuées au niveau de l’artère brachiale (au niveau de la
région axillaire). Après dissection de l’artère et ligature en amont, nous introduisons une canule
autour de laquelle nous ligaturons l’artère, puis nous injectons le latex que nous durcissons par une
injection d’acide sulfurique.
2. Méthodes de dissection
Elles ont peu varié lors des différentes séances de dissection. L’incision
cutanée antérieure et verticale a été depuis un point, se situant au tiers proximal du
bras, jusqu’au poignet. Les incisions horizontales perpendiculaires à cette ligne ont
ensuite permis de rabattre de chaque côté les lambeaux cutanés ainsi réalisés.
Nous verrons un peu plus loin une voie d’abord plus adaptée à l’accessibilité
du muscle supinateur dans le cadre d’interventions chirurgicales.
B/ COMPTE-RENDU DES DISSECTIONS
Ces dissections successives ont permis de mieux caractériser la morphologie
particulière du muscle supinateur ainsi que ses rapports intimes avec le nerf radial.
Après avoir incisé le plan cutané, on découvre le plan graisseux sous-cutané
où chemine le réseau veineux superficiel :
- veine céphalique située en dehors de l’avant-bras
- veine basilique en dedans
- veine médiane entre les deux.
Les nerfs sensitifs (musculo-cutané en dehors, cutané médial de l’avant-bras en
dedans) sont aussi individualisés.
Sous le tissu graisseux apparaît l’aponévrose, pellicule solide, nacrée et
translucide à travers laquelle nous pouvons distinguer le contour des muscles. Pour
bien dégager les différentes masses musculaires, il a été nécessaire d’inciser
complètement cette aponévrose.
La photographie n° 1 montre ainsi le plan superficiel des muscles de l’avant-bras.
Veine
céphalique
Veine
basilique
Muscle
biceps
brachial
Muscle
brachio-radial
Muscle rond
pronateur
Artère radiale
Muscle long
palmaire
Muscle
fléchisseur
radial du
carpe
Photo N°1
Au niveau du pli du coude et du tiers proximal de l’avant-bras on peut remarquer
trois groupes musculaires latéral, moyen et médial correspondant aux trois saillies de
l’anatomie de surface :
- latéralement, le muscle brachio-radial
- médialement le muscle rond pronateur en partie caché par le muscle long
palmaire.
- entre les deux, la terminaison distale de deux muscles importants
superposés, le biceps brachial qui recouvre et laisse déborder de chaque côté
le muscle brachial antérieur. Il faut remarquer que le bord interne du biceps
émet une expansion aponévrotique plus ou moins épaisse qui se dirige en
bas et en dedans recouvrant la face antérieure du groupe musculaire médial
(fléchisseur radial du carpe et rond pronateur).
L’approche du muscle supinateur devient plus aisée après l’écartement du
muscle brachio-radial. On peut distinguer la partie antérieure de son faisceau
superficiel (photographie n°2)
Faisceau superficiel du muscle supinateur (après écartement du brachio-radial)
vue antérieure droite
Muscle
brachioradial
Canule
rentrant sous
l’arcade du
supinateur
Branche
motrice du
nerf radial
Arcade de
FRÖHSE
Branche
sensitive
du nerf
radial
Faisceau
superficiel
du muscle
supinateur
Muscle
rond
pronateur
Artère
radiale
Photo N°2
Ce faisceau s’étale en éventail avec un aspect très charnu et des invasions
graisseuses. Ses fibres musculaires se dirigent en bas et médialement. La résection du
muscle brachio-radial permet de mettre en évidence la division du nerf radial au
niveau de la partie latérale du pli du coude et notamment sa branche sensitive car
celle-ci est intimement liée à la face postérieure du brachio-radial.
La partie latérale du faisceau superficiel devient visible après avoir récliné les
muscles court et long extenseurs radiaux du carpe (photographie n°3).
Faisceau superficiel du muscle supinateur (résection court et long extenseurs radiaux du carpe)vue latérale droite
Photo N°3
Tendon
bicipital
Branche
motrice du
nerf radial
Branche
sensitive
du nerf
radial
Faisceau
superficiel
du muscle
supinateur
Nerf radial
Muscle
extenseur
commun
des doigts
Sur une vue latérale, le faisceau superficiel du supinateur se comporte comme
un véritable auvent musculaire sous lequel s’engage la branche profonde, motrice, du
nerf radial. La partie proximale de cette nappe musculaire est souvent membraneuse
mais présente dans un tiers des cas, classiquement, l’aspect d’une lame fibreuse et
acérée qui prend le nom d’arcade de FRÖHSE, du nom de l’anatomiste qui l’aurait
décrite pour la première fois en 1908 (photographies n°2 et n°4). Cette lame
aponévrotique joue un rôle important dans la pathologie de la région épicondylienne,
mais nous en reparlerons plus tard.
Arcade du muscle supinateur- vue antérieure droite
Branche
sensitive
du nerf
radial
Branche
motrice du
nerf radial
Arcade de
FRÖHSE
Photo N°4
La dissection des fibres épicondyliennes du faisceau superficiel n’est pas aisée
car ces fibres sont intriquées avec les autres fibres des muscles latéraux (en particulier
le court extenseur radial du carpe) mais aussi avec les muscles superficiels de la loge
postérieure de l’avant-bras qui s’insèrent sur l’épicondyle latéral (extenseur commun
des doigts, extenseur du V et extenseur ulnaire du carpe). De plus toutes ces fibres
musculaires sont solidement amarrées à la capsule articulaire de l’articulation
huméro-ulno-radiale et plus précisément à son ligament collatéral latéral.
De plus l’insertion sur la face postérieure et latérale de l’ulna est difficile à
mettre en évidence puisqu’elle est recouverte par
les insertions des muscles
extenseur commun des doigts et anconé (photographie n°5).
Insertion ulnaire du faisceau superficiel- vue ¾ postérieure droite
Insertions des
muscles extenseur
commun
des doigts
et anconé
Partie du ligament
collatéral latéral
adhérant à la
capsule articulaire
Muscle
fléchisseur
ulnaire du
carpe
Partie postérieure
du faisceau
superficiel
du supinateur
Photo N°5
Le faisceau profond déborde en haut la partie proximale du faisceau superficiel
d’environ ½ cm. Le faisceau profond du supinateur apparaît en désinsérant le
faisceau superficiel par sa terminaison radiale et en le réclinant latéralement
(Photographie n°6).
Faisceau profond du supinateur après résection du faisceau superficiel
– vue antérieure droite.
Tendon
bicipital
Branche
motrice du
nerf radial
Nerf
médian
Ligament
annulaire
Muscle court
extenseur radial
du carpe réséqué
Branche
sensitive
du nerf
radial
Faisceau
profond du
supinateur
Faisceau
superficiel
récliné
Diaphyse
radiale
Photo N°6
Le faisceau profond est beaucoup plus épais que le faisceau superficiel et ses
fibres musculaires sont disposées plus transversalement. La partie supérieure de ce
chef profond est intimement liée au ligament annulaire et suivent tous les deux le
même trajet : ils cravatent la partie supérieure du radius (tête et col).
La réalisation de coupes transversales et de clichés scannographiques à hauteur
du col radial permet de bien visualiser l’aspect cylindrique du trajet des faisceaux du
muscle supinateur (Photographies n°7 et n°8). Le col radial se trouve ainsi
entièrement encapsulé dans une épaisse couche musculaire.
Coupe transversale gauche au niveau du col radial
Muscle
brachioradial
Muscles
de la loge
antérieure
et
superficielle
Faisceau
superficiel du
supinateur
Insertion
du brachial
antérieur
Faisceau
profond du
supinateur
Photo N°7
Coupe scannographique gauche au niveau du col radial
Photo N°8
Trajet
cylindrique
des fibres
musculaires du
supinateur
La résection du chef profond met en évidence son insertion sur l’ulna au niveau
de la fosse supinatrice (en dessous de l’incisure radiale) et montre son corps charnu
une fois déroulé (photographie n°9).
Résection du chef profond du supinateur-vue latérale droite
Photo N°9
Branche
sensitive
du nerf
radial
Branche
motrice du
nerf radial
Epicondyle
latéral
Ligament
annulaire
réséqué
Col radial
Insertion du
faisceau
profond au
niveau de la
fosse
supinatrice
Faisceau
profond
réséqué
Il faut de plus remarquer l’étroite relation du faisceau profond avec le tendon
du biceps brachial au niveau de la tubérosité radiale (Photographie n°10). Cette interrelation vient conforter l’idée d’une action synergique du biceps brachial et du
supinateur dans le mouvement de supination. Nous l’étudierons plus tard.
Vue médiale droite du chef profond
Photo N°10
Branche
sensitive
du nerf radial
Chef profond
du
supinateur
Muscle rond
pronateur
Tendon du
biceps
brachial
Tendon du
muscle
brachial
antérieur
La dissection du nerf radial au niveau de la gouttière bicipitale externe permet
de mettre en évidence sa division en deux branches à environ 2 cm au-dessus de
l’interligne huméro-radial.
La branche antérieure sensitive se dirige en bas et en avant pour devenir
satellite du muscle brachio-radial.
La branche postérieure, ou nerf interosseux postérieur, est plus volumineuse :
elle a une direction en bas, en arrière et en dehors. Elle s’engage entre les deux
faisceaux du supinateur pour l’innerver (Photographie n°11).
Le nerf radial au niveau du coude-vue antérieure droite
Nerf radial
Branche sensitive du
nerf radial
Epicondyle
latéral
Nerf
médian
Interligne
huméroradial
Tendon bicipital
Muscle
rond
pronateur
Nerf
interosseux
postérieur
Photo N°11
On peut voir la vascularisation du muscle supinateur sur une vue antérieure qui
montre la présence de l’artère radiale et de sa collatérale récurrente, l’artère
récurrente radiale antérieure. Celle-ci, par une branche descendante, accompagne le
nerf interosseux postérieur pour vasculariser le supinateur (Photographie n°12).
Vascularisation du muscle supinateur-vue antérieure
Photo N°12
Artère
récurrente
radiale
antérieure
Nerf radial
Nerf
interosseux
postérieur
Branche
descendante
pour le
supinateur
Artère
radiale
Branche pour
les muscles
latéraux
Faisceau
superficiel
du
supinateur
Branche
sensitive
du nerf
radial
Ainsi cette région antérieure et moyenne est extrêmement riche sur le plan
vasculo-nerveux mais elle rend périlleux l’abord chirurgical du muscle supinateur par
cette voie. Un abord plus externe est préférable. Nous y reviendrons.
IV – FONCTIONS ET ASPECTS PHYLOGENETIQUES
Le muscle supinateur n’a qu’un unique rôle : celui de la supination, en
particulier chez l’homme où elle acquiert son degré maximal de réalisation grâce à la
morphologie si particulière du muscle supinateur, d’une part, et grâce à l’action de ce
dernier en synergie avec d’autres muscles, d’autre part.
Le muscle supinateur rentre dans un ensemble de mouvements complexes, la
prono-supination. Elle est définie comme la rotation de l’avant-bras autour de son axe
longitudinal et assimilée en première approximation à une rotation du radius autour
de l’axe de l’ulna. Il s’agit en fait d’un couplage fonctionnel entre les deux
articulations radio-ulnaires.
Ce couplage procure à la rotation de la main, à la fois, force et précision : un
seul os, le radius, tournant autour de l’ulna, assure la précision du geste, l’ulna se
présentant comme le tuteur de l’avant-bras et de la main. En supposant l’ulna fixe,
l’axe de la prono-supination passe par la tête radiale au coude, la tête de l’ulna au
poignet et le 5ème doigt.
KAPANDJI remarque que les axes du corps radial suivent trois courbures
reproduisant l’efficacité d’une manivelle.
L’axe de l’extrémité supérieure du radius est une courbure supinatrice : le
biceps est supinateur car il tire sur le sommet de la courbure supinatrice formée par la
tubérosité bicipitale. Le muscle supinateur s’étale sur la face latérale du col du radius
et, venant de l’arrière, il déroule la courbure supinatrice en se contractant.
Depuis la tubérosité bicipitale jusqu’à l’extrémité inférieure, c’est la courbure
pronatrice : le muscle rond pronateur s’insère au sommet de cette courbure
pronatrice, sur la face latérale du radius, le muscle carré pronateur déroule sa branche
basse en rapprochant les deux os (Photographie n°13).
Les muscles de la prono-supination - vue antérieure droite
Muscle biceps
brachial
Nerf radial
Nerf médian
Muscle rond
pronateur
Chef
profond
du
muscle
supinateur
Photo N°13
Les muscles pronateurs sont moins puissants que les supinateurs : l’amplitude
de la pronation est de 85°, la supination 90°.
L’anatomie comparée des vertébrés a permis de constater que la fonction de
prono-supination s’est modulée et perfectionnée en fonction de la différenciation de
certaines espèces.
En ce qui concerne le muscle supinateur, on constate parmi les espèces le
possédant une présence irrégulière avec parfois une fonction différente de ce muscle.
Par exemple chez l’Echidné (Mammifère Monotrème d’Australie couvert de
piquants, pourvu de glandes venimeuses sur les pattes) , le supinateur est un muscle
puissant où il unit la face postérieure de l’épicondyle à toute la longueur du bord
externe du radius.
Les Pholidotes (Mammifères placentaires couverts d’écailles ou pangolins)
montrent une particularité du supinateur avec une origine ulnaire : les fibres charnues
naissent d’un osselet sésamoïde articulé, au moyen de deux facettes, respectivement
avec l’épicondyle huméral et avec le rebord de la tête radiale, et uni par deux liens
tendineux d’une part à l’épicondyle huméral externe, d’autre part au bord radial de la
cavité sigmoïde de l’ulna. Le muscle qui s’insère ici tout au long de la diaphyse
radiale est un puissant extenseur de l’avant- bras, incapable de prono-supination, et
la double liaison sésamo-ulno-humérale a pour effet de renforcer l’articulation. Ainsi
chez ces mammifères fouisseurs, l’inaptitude du membre aux mouvements de pronosupination retentit diversement sur les muscles associés : disparition complète du
carré pronateur et bon développement du supinateur, mais en association avec le
mouvement de flexion-extension.
Un sésamoïde du supinateur a été signalé chez les Chiroptères ( Mammifères
volants dont la main est transformée en aile : les chauves-souris), mais cette fois avec
un rôle plus de contention de l’articulation que de flexion-extension.
Les Lagomorphes (Lapins) et les Ongulés (Mammifères à sabots) sont
caractérisés par la fixation de l’avant-bras en pronation et ne possèdent donc pas de
supinateur, de rond pronateur, de carré pronateur et même de brachio-radial.
Au contraire, c’est chez les grands singes anthropomorphes (Hominidés et
Pongidés) que la prono-supination prend toute son amplitude. C’est l’apparition d’un
chef profond du supinateur qui est sans doute à l’origine de ce degré de
perfectionnement dans le mouvement de prono-supination. Ainsi certains anatomistes
établissent un rapport direct entre l’existence de ces fibres ulno-radiales et le
perfectionnement des mouvements de prono-supination.
De plus le rond pronateur acquiert également chez l’Homme un faisceau
profond et vient renforcer l’action prono-supinatrice de ce muscle.
Ainsi cette grande amplitude de la prono-supination chez l’Homme va de pair
avec l’opposabilité du pouce, « mécanisme le plus parfait qui permet le jeu le plus
complexe et le plus subtil des mouvements tant préhensifs que tactiles »
V – PATHOLOGIES ET APPLICATIONS
CHIRURGICALES
La pathologie du muscle supinateur n’est pas liée à sa fonction mais plutôt à
ses particularités morphologique, nerveuse et vasculaire. La connaissance de
l’anatomie de la région épicondylienne latérale permet de bien comprendre la
physiopathologie des traumatismes de cette région.
L’épicondylalgie désigne la douleur de la région épicondylienne quelque soit
sa cause. La douleur peut être d’origine articulaire, musculaire, nerveuse… Une
confusion regrettable est fréquente car ces pathologies ont le même contexte de
surmenage microtraumatique sportif ou professionnel.
Le muscle supinateur rentre dans une des causes d’épicondylalgie d’origine
nerveuse. Le mécanisme physiopathologique est la compression de la branche
postérieure du nerf radial.
Les compressions du nerf radial au coude dans les épicondylalgies avaient déjà
été envisagées dès 1883, donc avant la description précise du supinateur, par
WINCKWORTH et O’SULLIVAN.
Le plan superficiel du supinateur présente assez souvent une arcade fibreuse
(dans 1/3 de la population) dénommée arcade de FRÖHSE, sous laquelle s’engage la
branche profonde du nerf radial (nerf interosseux postérieur) pour contourner le col
du radius entre les plans (superficiel et profond) de ce muscle.
C’est cette arcade de FRÖHSE qui peut atteindre 1 cm de large et plusieurs
mm d’épaisseur qui est vulnérante surtout lors de la pronation. Dans cette position
elle est fortement tendue selon une double concavité vers le haut et vers l’arrière.
Le syndrome dit « de l’arcade de FRÖHSE » se traduit généralement par des
douleurs imprécises postéro-externes du coude ou du quart supérieur de l’avant-bras
lors de certaines activités, posant souvent des problèmes de diagnostic différentiel,
notamment avec les épicondylites. Il se présente exceptionnellement sous la forme
d’un déficit moteur.
En fait la plupart des auteurs décrivent sous le terme de syndrome de l’arcade
de FRÖHSE une compression de la branche profonde du nerf radial pouvant siéger
non seulement au niveau de l’arcade elle-même, mais également le long de ce que
certains ont défini anatomiquement comme le tunnel radial. En effet le nerf
interosseux postérieur circule dans une sorte de tunnel musculo-fibreux dont les
éléments constitutifs peuvent devenir des agents d’agression pour les fascicules
nerveux :
- les mouvements de prono-supination et d’extension vont repousser le nerf
en avant
- le muscle court extenseur radial du carpe peut former un auvent fibreux
croisant le nerf, tractus fibreux qui peut venir aggraver un processus
compressif réalisé par l’arcade de FRÖHSE
- l’artère récurrente radiale antérieure, qui croise en avant le nerf interosseux
postérieur, l’empêche de glisser en avant dans la prono-supination et majore
ainsi les phénomènes constrictifs.
La branche profonde du nerf radial n’est pas seulement un nerf moteur mais
transporte des fibres sensitives efférentes de l’articulation du poignet ainsi que des
muscles ce qui explique les douleurs associées avec le déficit moteur dans certains
cas, et également les formes purement douloureuses sans déficit moteur, qui sont les
plus fréquentes et posent un problème de diagnostic différentiel, notamment avec les
épicondylites.
Les douleurs liées aux syndromes de compression du nerf interosseux
postérieur peuvent disparaître spontanément. Une thérapie chirurgicale est indiquée
après 3 mois. Dans ce cas l’abord du muscle supinateur est plus aisé par la voie
antérieure de HENRY.
L’incision suit une ligne partant de la gouttière bicipitale en haut et se décroche
en dehors sur le relief des épicondyliens et descend ensuite au bord externe de
l’avant-bras. L’aponévrose est incisée verticalement au bord externe du brachioradial qui est écarté et apparaît le nerf radial.
L’artère récurrente radiale antérieure et sa veine doivent être liées
précautionneusement car elles se trouvent à proximité du rameau sensitif du nerf
radial. Une légère flexion du coude permet de mieux aborder le supinateur.
La résection du couperet fibrineux pseudo-tendineux (arcade de FRÖHSE) est
réalisée aisément. Il faut effectuer ensuite la neurolyse du nerf radial. Pour cela il faut
ouvrir le faisceau superficiel en respectant le plus possible ses possibilités de
fonction : l’incision est réalisée suivant l’axe des fibres, en bas et en dedans, pour
respecter au mieux leur continuité.
C’est au cours de cette neurolyse qu’il faudra prendre garde aux variations
anatomiques des différents branches et en particulier du rameau sensitif et également
tester avant la fermeture la liberté du nerf radial dans les mouvements de pronosupination.
VI - CONCLUSION
Le muscle supinateur est donc un muscle essentiel rentrant avec d’autres
muscles dans le jeu de la prono-supination et permettant ainsi une adaptation parfaite
de la position de la main à toutes les situations.
Son développement est variable selon les espèces avec acquisition parfois
d’une autre fonction, voire d’absence de fonction.
Il est situé dans une région anatomiquement riche. Sa singularité est due
notamment à sa morphologie si particulière et à son innervation.
La connaissance de son anatomie et de ses fonctions est très intéressante pour
la pathologie aux multiples aspects dans cette région, cible souvent d’un surmenage
fonctionnel.
BIBLIOGRAPHIE
1- ARGENSON C, MAESTRO M, PEQUIGNOT JP . Anatomie fonctionnelle et
biomécanique du coude
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