Edition du 2 avril 2012
Relations de la Suisse avec l’UE
Un nouvel EEE : la voie à suivre
la meilleure pour les salarié-e-s
Il est de plus en plus clair que la voie bilatérale pour régler nos relations avec l’UE est en
bout de course. Travail.Suisse préconise une solution de type Espace économique euro-
péen (EEE). Elle permettrait aux travailleurs et travailleuses de bénéficier des acquis so-
ciaux et du travail de l’UE et aux entreprises suisses d’avoir un accès plus sûr et plus com-
plet au marché des pays de l’UE.
Denis Torche, responsable de la politique extérieure, Travail.Suisse
En raison de la crise de l’endettement dans la zone euro, tout rapprochement avec l’UE ne re-
cueille guère d’estime actuellement dans la population. Mais, dans le même temps, il devient de
plus en plus clair que la voie bilatérale ne représente plus le cadre adéquat pour la mise en œuvre
des accords bilatéraux et le développement des relations de la Suisse avec l’UE ; cette dernière
montre clairement que le développement futur de ses relations avec la Suisse nécessite préala-
blement un nouveau cadre pour la reprise du droit européen et son évolution dans les domaines
couverts par les accords bilatéraux.
Nécessité d’une nouvelle approche de la souveraineté
Sur ce sujet, on voit mal comment l’UE, composée de 27 Etats membres, pourrait accepter une
cour mixte Suisse-UE pour décider de l’évolution du droit européen en lien avec les accords bilaté-
raux. Et il ne peut y avoir deux arbitres différents pour fixer les règles du jeu. Il paraît judicieux d’en
prendre acte et de négocier les meilleures conditions possibles d’une participation de la Suisse
dans la prise de décision. La reprise de la solution existante pour l’EEE, avec une instance de sur-
veillance de l’EEE et une cour de justice opérationnelle, paraît à cet égard une solution satisfai-
sante et certainement pas plus préjudiciable à la souveraineté que de se murer dans une voie bila-
térale synonyme d’ impasse. Reconnaissons donc que notre souveraineté devient forcément une
notion relative. Dans un contexte politique de plus en plus multilatéral et économique de plus en
plus internationalisé, la souveraineté peut être aussi bien - sinon mieux - défendue par une ap-
proche de type EEE que par la voie strictement bilatérale.
Si donc la voie bilatérale ne défend pas mieux la souveraineté de la Suisse dans ses relations avec
l’UE qu’une solution de type EEE, figer les relations avec l’UE, sous prétexte d’une perte de souve-
raineté, pourrait nous coûter cher à terme. En effet, jouer trop longtemps la montre ou se montrer
inflexible sur la façon de reprendre le droit européen finira par isoler la Suisse et certains pans de
son économie. Pour ne prendre que l’exemple du marché de l’électricité, l’UE n’attendra pas indé-
finiment que la Suisse se décide. Elle modernisera et développera ses grands réseaux électriques
en contournant la Suisse. Notre pays sera progressivement évincé alors qu’il a des atouts très
importants pour jouer le rôle de plaque tournante des échanges et de stockage de l’électricité.
Plutôt que de se braquer sur les questions de souveraineté, la Suisse devrait trouver rapidement
une solution sur les questions institutionnelles afin de négocier le contenu de ses relations avec
l’UE justement dans un moment où l’UE est encore fragilisée par la crise de l’euro. La Suisse ob-
tiendra certainement de meilleures conditions dans ses relations avec l’UE à un moment où notre
partenaire européen est quelque peu affaibli. Une fois l’UE remise en forme et ayant retrouvé le
chemin de la croissance, il y a fort à parier qu’elle se montrera un partenaire plus exigeant et moins
disposé aux concessions.
Avantages d’un nouvel EEE pour les salarié-e-s suisses
Pour le futur des relations de la Suisse avec l’UE, Travail.Suisse préconise une approche de type
EEE, en conformité avec son document de position
1
et celui du Congrès de novembre 2011.
2
La
question de l’adhésion ne doit pas être définitivement fermée, mais vu le contexte politique inté-
rieur et extérieur, ce ne peut être qu’une option à long terme et répondant à des conditions pré-
cises.
Pour Travail.Suisse, les éléments les plus importants dans les futures relations de la Suisse avec
l’UE sont, d’une part, l’extension aux salarié-e-s suisses des bénéfices de la législation du travail et
sociale de l’UE et, d’autre part, un accès mieux garanti et plus complet au marché de l’UE pour les
entreprises suisses, ce qui permet de maintenir et de créer des emplois en Suisse. Un nouvel EEE
est justement l’architecture institutionnelle qui répond le mieux à ces deux exigences. Les entre-
prises suisses éviteraient ainsi de possibles futures discriminations du fait du blocage de la voie
bilatérale. En cas de reprise de l’EEE, les travailleurs et travailleuses bénéficieraient automatique-
ment de la reprise obligatoire de la législation sociale de l’UE (acquis communautaire) faisant par-
tie du marché intérieur. Plus concrètement, les travailleurs et travailleuses suisses bénéficieraient
des principales améliorations suivantes :
Introduction d’un congé parental de quatre mois jusqu’à ce que l’enfant ait 8 ans avec la garan-
tie de retrouver son poste de travail ou un poste de travail équivalent.
Egalité de traitement pour les travailleurs/euses à temps partiel avec ceux à temps plein. La
principale amélioration aurait lieu dans le 2ème pilier avec la réduction, voire la suppression de la
déduction de coordination qui défavorise les personnes à temps partiel.
►Reprise de la directive sur l’aménagement du temps de travail. Cela devrait réduire quelque peu
la durée maximale hebdomadaire du temps de travail dans notre pays.
1
Relations de la Suisse avec l’UE. Renforcer l’intégration à l’UE dans l’intérêt des travailleurs et travailleuses,
septembre 2010
2
Revaloriser le travail. Positions et revendications 2012-2015, p.52. Novembre 2011
Droits de participation plus étendus. On sait que la législation suisse est faible sur ce point, en
comparaison européenne. Les travailleurs/euses suisses seraient sensiblement mieux protégés en
cas de restructurations et de licenciements collectifs.
Meilleure protection légale contre la discrimination au lieu de travail. La protection contre la dis-
crimination reste un point faible de notre pays sur le plan légal. La Suisse devrait reprendre les lois
de l’UE contre la discrimination. Et comme celles-ci incluent l’interdiction de la discrimination dans
les conditions d’emploi et de travail, les travailleurs/euses seraient mieux protégés.
Enfin, chose ignorée en Suisse, il existe un dialogue social européen où employeurs et syndicats
négocient des accords-cadres, qui sont ensuite transposés dans les différents Etats membres de
l’UE/EEE. Les partenaires sociaux suisses pourraient alors participer à ce dialogue/négociations et
nous donneraient la possibilité d’influencer l’évolution sociale et du travail dans l’UE.
Certes, il existe actuellement dans l’UE une tendance défavorable aux travailleurs/euses. Les
droits économiques passent avant les droits sociaux lorsque les deux sont en conflit. Dans certains
pays, sous l’effet de la crise financière et économique, le droit du travail est réformé dans le sens
de la flexibilité et l’autonomie des partenaires sociaux est atteinte avec l’affaiblissement de la né-
gociation collective. Néanmoins, ces tendances ne remettent pas en cause les améliorations men-
tionnées ci-dessus qui s’appliqueraient aux travailleurs et travailleuses suisses en cas de reprise
de l’EEE.
Les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) pourraient certes repré-
senter un problème de compatibilité avec les mesures d’accompagnement à la libre circulation des
personnes. Celles-ci doivent être préservées et même renforcées sur certains points. Mais il paraît
vraisemblable qu’une solution puisse être trouvée en cas de divergences. Et sans doute, il sera
plus facile de faire lâcher du lest à ce sujet à l’UE tant qu’elle est en position de relative faiblesse
et si on fait des concessions inévitables de toute façon top ou tard sur certains régimes fiscaux
discriminatoires en vigueur dans certains cantons suisses.
Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, Tél. 031 370 21 11, info@travailsuisse.ch,
www.travailsuisse.ch
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