Titre IV : Sanctions des conditions de formation du contrat
Par principe, si les parties exécutent leurs obligations respectives c’est parce qu’elles ont
valablement formé leur contrat. Car à défaut, la nullité serait encourue. La nullité est donc la
sanction du non respect d’une condition de validité du contrat, c’est-à-dire des règles relatives
aux vices du consentement, à la capacité, à l’objet et à la cause. Elle devra être prononcée par
le juge dès qu’il constatera l’existence d’une cause de nullité. En la matière, le juge n’a aucun
pouvoir d’appréciation sauf cas particuliers (actes passés par un majeur pas encore sous
tutelle si la cause de mise sous tutelle existait notoirement à l’époque il a conclu la
contrat).
L'art. 90 du projet de loi (dans la section 5 les sanctions chapitre VI validité, titre III les
obligations, livre III, le premier paragraphe s'intéresse à la nullité) prévoit ainsi que « le
contrat qui ne remplit pas les conditions requises dans sa validité est nul. Il est censé n'avoir
jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution en nature ou en valeur... ».
Toutefois, la nullité n’est pas la seule technique permettant l’anéantissement du contrat. En
effet, tout d’abord, il existe l’abrogation volontaire qui découle de la liberté contractuelle des
parties car comme les parties peuvent librement contracter, elles ont corrélativement la liberté
de mettre fin à leur relation. A coté, on trouve l’inopposabilité, qui sanctionne au profit des
tiers le défaut de publicité des certains actes ou de certains renseignements. Cette sanction a
été reprise dans le projet de réforme du droit des obligations à l’article 102. Celui-ci adopte
une conception plus large de l’inopposabilité. En effet, il prévoit que l’inopposabilité n’annule
pas le contrat qui produira ses effets entre les parties mais ne fait qu’en neutraliser les effets à
l’égard des tiers. Ensuite, le contrat peut disparaître par caducité. Cette sanction n'intervient
que dans le cas le contrat, bien que valablement conclu, a subordonné son efficacité à la
survenance d’un élément supplémentaire qui ne s’est pas réalisé. Le projet reprend le droit
positif de la caducité (article 101) et consacre également une conception plus large en
prévoyant que la caducité est le fait que le contrat ne sera pas valable si un des éléments
constitutifs ou un élément déterminant pour son exécution lui fait défaut. Mais contrairement
à ce qui été prévu dans l’avant-projet de réforme, la caducité n’aura pas d’effets rétroactifs.
L’action en nullité étant la plus répandue nous avons choisi de d’y consacrer nos
développements. Afin de comprendre le mécanisme de la nullité, nous analyserons dans un
premier temps les conditions de l’action en nullité puis dans un second temps nous nous
attacherons aux effets de cette action.
Section 1 - Conditions de l'action en nullité
La nullité a longtemps été considérée comme un état de l'acte. Aujourd'hui, depuis Japiot, elle
est analysée comme un droit de critique contre les effets d'un acte, conféré à une ou plusieurs
personnes.
Tout contrat est présumé valablement conclu. Il appartient à celui qui en critique la validité
d'en rapporter la preuve. Cette critique ne peut être formulée que devant un juge qui seul a le
pouvoir d'annuler un contrat. Cette nécessité ne se retrouve cependant pas dans les projets
européens.
Il existe deux manières possibles de faire valoir la nullité d'un contrat: l'action en nullité et
l'exception de nullité. Dans la première hypothèse, le titulaire du droit de critique peut prendre
l'initiative d'intenter directement l'action en nullité, que le contrat ait ou non été exécuté. Dans
la seconde hypothèse, le titulaire du droit de critique peut rester passif et attendre que le
créancier lui demande l'exécution du contrat annulable et faire alors valoir l'exception de
nullité. Celle-ci apparaît alors comme une demande reconventionnelle en nullité soulevée en
défense et elle peut être invoquée sans limitation de durée (c'est à dire y compris lorsque le
délai de prescription a expiré).
Nous allons ici nous intéresser à l'action en nullité proprement dite en étudiant tout d'abord les
cas et les titulaires avant de nous intéresser à l'extinction de l'action.
§ 1 : Cas et titulaires
Il convient tout d'abord de faire une distinction entre la nullité absolue et la nullité relative. Il
s'agira ensuite de déterminer les titulaires de l'action en nullité dans les deux hypothèses.
A ) Distinction entre la nullité absolue et la nullité relative
La doctrine classique proposait de fonder la distinction entre nullité relative et nullité absolue
sur la gravité du vice affectant l'acte. Le critère aujourd'hui retenu a été inspiré par Japiot ( «
des nullités en matière d'actes juridiques » thèse, Dijon, 1909) et Gaudemet (« théorie
générale des obligations », Sirey, 1937): La nullité n'est pas considérée comme un vice
affectant l'acte, mais comme un droit critique reconnu à certaines personnes dès lors qu'une
règle de droit n'a pas été observée. Si cette règle protège un intérêt particulier, ce droit de
critique est réservé à ceux qui doivent être protégés ; le nullité est relative. Si la règle de droit
est d'intérêt général, ce droit peut être exercé par tout intéressé; la nullité est absolue. (On peut
ainsi déterminer le domaine d'application de chaque nullité. Sont donc relatives les nullités
pour vice de consentement, lésion et incapacité. Sanctionnent une règle destinée à protéger
l'intérêt général les nullités pour objet ou pour cause illicite) Mais l'absence de critère général
permettant de pouvoir délimiter règles d'intérêt général et règles d'intérêt privé laisse parfois
survivre en jurisprudence l'ancien critère de distinction entre nullité absolue et nullité relative,
qui se fondait sur la gravité du vice affectant l'acte. Ainsi les nullités pour vice de forme,
défaut de consentement, de cause ou d'objet sont en général considérées comme absolues ( ex:
civ. 1Ère , 20 octobre 1981, bull. Civ., n° 301 ).
Le projet de loi reprend la solution du droit positif et consacre la distinction entre la nullité
absolue qui protège l'intérêt néral, et la nullité relative qui protège les intérêts privés. Les
articles 90 à 93 concernent la nullité absolue et la nullité relative. Ainsi, il est prévu que la
nullité est absolue ou d'ordre public lorsque la règle violée intéresse l'intérêt général et qu'elle
est relative lorsque que la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé.
B ) La nullité absolue
Elle peut être invoquée par tout personne ayant un intérêt à agir. Il peut s'agir des
contractants, de leur héritiers ou de leurs créanciers et exceptionnellement d'un tiers ayant un
intérêt à voir le contrat annulé mais cet intérêt doit avoir un lien avec le contrat. Le ministère
public, agissant pour la défense de l'ordre public, peut aussi invoquer la nullité. Enfin, le juge
a la possibilité de soulever d'office la nullité d'un contrat, soit a priori, soit lorsque le contrat
vicié fait l'objet d'une demande judiciaire en exécution par l'une des parties. Cependant le juge
ne peut soulever d'office une nullité que sous réserve de se fonder sur les seuls faits qui sont
apportés au débat et de respecter les principes du contradictoire.
C ) La nullité relative
Elle est caractérisée par des règles opposées à celles de la nullité absolue:
En principe, elle ne peut être invoquée que par la ou les personnes que la loi a voulu
protéger en édictant la règle violée mais aussi par le représentant en cas de nullité pour
incapacité. En réalité, les héritiers, les créanciers par la voie de l'action oblique peuvent aussi
invoquer la nullité relative. Il en va de même pour le ministère publique. Enfin, le juge peut la
soulever d'office. La principale distinction entre la nullité absolue et la nullité relative résulte
dans le fait que le cocontractant à l'origine de la nullité ne peut s'en prévaloir. On peut
considérer que relèvent de la nullité relative les cas la règle violée tend à protéger l'intérêt
particulier de l'un des cocontractants. Ainsi, tel est le cas pour la violation des règles relatives
à l'incapacité d'exercice (action en nullité réservée à l'incapable ou à son représentant), aux
vices du consentement, à la lésion ou aux clauses abusives.
Il s'agit à présent de s'intéresser à l'extinction de l'action en nullité, soit dans l'hypothèse
l'action est prescrite, soit dans celle de la confirmation.
§ 2 : Extinction de l'action
La question de la possibilité de réparer un contrat vicié peut se poser. Lorsqu'un contrat est
affecté d'une cause de nullité, il est possible de faire un nouveau contrat. Il s'agit d'une
réfection du contrat. Il peut aussi y avoir régularisation. Il y a régularisation quand un élément
manquant, essentiel à la validité du contrat, peut être apporté par la suite,, ce qui permet de
valider un acte initialement nul. C'est une hypothèse que l'on retrouve notamment en droit
des sociétés.
Nous nous intéresserons seulement ici à la prescription de l'action en nullité ainsi qu'à la
confirmation.
A ) La prescription
Dans le régime actuel, il est prévu que la nullité absolue se prescrit par 30 ans et que la nullité
relative se prescrit par l'écoulement d'un délai de 5 ans. Le point de départ, en cas de vice de
consentement, est le découverte de l'erreur ou du dol ou la fin de la violence. L'article 97 du
projet de loi énonce que le délai de prescription est de 5 ans, qu'il s'agisse d'une nullité
absolue ou relative, à moins que la loi en dispose autrement. L'exception de nullité ne se
prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution. L'article 98 prévoit
que les parties peuvent constater la nullité d'un commun accord et qu'à défaut elle peut être
prononcée par le juge.
Le cadre commun de référence prévoit (chap. 2 causes d'invalidité section 2 vices du
consentement) que l'annulation est réalisée par voie de notification au cocontractant et qu'elle
n'est efficace qula condition d'avoir été notifiée dans un délai raisonnable, eu égard aux
circonstances, à partir du moment la partie qui annule connaissait ou pouvait
raisonnablement connaître les faits pertinents, ou pouvait agir librement.
B ) La confirmation
La confirmation est l'acte juridique par lequel une personne qui peut demander la nullité d'un
acte renonce à s'en prévaloir. Seule la nullité relative est susceptible de confirmation. Il y a
confirmation lorsque celui que la loi entend protéger renonce à invoquer la nullité et confirme
l'acte. Elle doit donc émaner de la personne qui pouvait se prévaloir de la nullité. Si l'action en
nullité relative appartient à plusieurs titulaires, la renonciation de l'un n'empêche pas les
autres d'agir. La confirmation est subordonnée à 3 conditions. Il faut tout d'abord que le vice
affectant l'acte ait disparu au moment de la confirmation. Ensuite, celle-ci doit intervenir en
connaissance de cause et, enfin, il faut qu'il y ait eu intention de réparer le vice. Elle n'est
soumise à aucune condition de forme; elle peut donc être expresse ou tacite. Lorsque ces
conditions sont remplies, la confirmation valide l'acte rétroactivement, ce dernier est alors
considéré comme ayant été valable ab initio. Cependant, cette confirmation doit se produire
sans préjudice du droit des tiers.
L'article 94 du projet de loi définit la confirmation comme « un acte par lequel celui qui peut
se prévaloir de la nullité y renonce ». De plus, il précise que cette confirmation ne peut
intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'acte de confirmation doit mentionner la
substance de l'obligation, le vice affectant la convention ainsi que l'intention de le réparer.
L'exécution du contrat en connaissance du vice emporte aussi confirmation. La confirmation a
pour effet la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre ce
contrat, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
L'article 95 prévoit que celui dont dépend la confirmation peut être mis en demeure par l'autre
partie soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de
forclusion. La mise en demeure n'a d'effets que si la cause de la nullité a cessé et si elle
mentionne expressément qu'à défaut d'action en nullité exercée dans le délai, l'acte est réputé
confirmé.
Le cadre commun de référence, quant à lui, prévoit que le contrat ne peut être annulé lorsque
la partie en droit d'agir en nullité l'a confirmé da façon expresse ou implicite, après que le
délai pour notifier l'annulation a commencé à courir.
Après nous être intéressés à l'action en nullité, il convient à présent d'étudier les effets de
celle-ci, c'est-à-dire son étendue ainsi que les questions relatives aux restitutions et aux
responsabilités.
Section 2 - Les effets de l’action en nullité
Quel que soit le vice qui affecte le contrat, le juge devra en prononcer la nullité. Mais
tant qu’il ne l'a pas fait, le contrat demeure valable et obligatoire sauf à en demander
l’exception de nullité.
Une fois le jugement rendu, le résultat est le même que la nullité soit relative ou
absolue, il y aura un anéantissement total et rétroactif du contrat. Ce principe a été
régulièrement affirmé au visa de nombreux arrêts de la Cour de cassation, et notamment celui
rendu par la 1ère Chambre Civile le 15 mai 2001
1
« ce qui est nul est réputé n'avoir jamais
existé ».
La nullité ainsi prononcée est de droit et non facultative. Ainsi, les effets de la nullité
sont variables.
1
Bull. civ., I, n°133; RTD civ., 2003, 284, J. Mestre
§1 : L’étendue de la nulli
Une fois la nullité prononcée, le contrat va être anéanti. Mais en pratique, la nullité ne
s'étendra pas toujours à l'ensemble du contrat. L'anéantissement pourra donc être total ou
partiel selon ce qui sera nécessaire pour éliminer le vice.
A ) Le principe: anéantissement total du contrat
En principe, lorsque le contrat est nul il disparaît totalement et rétroactivement. Ainsi,
il ne produit aucun effet. Par conséquent, les parties ne pourront se prévaloir d’aucune des
clauses même celles qui pouvaient prévoir les conséquences de la rupture. Le contrat est donc
effacé dans son entier à l'exception de certaines clauses autonomes telles que la clause
compromissoire, ou la clause de conciliation. C'est une solution qui avait déjà été affirmé
dans les contrats internationaux avant d'être reprise en droit interne. (Cass. 1ère civ., 21 mai
1997
2
et Cass. 2ème civ., 4 avril 2002
3
).
Même si ce principe conserve un champ d’application important, il est de plus en plus
battue en brèche. Toutefois, il semble logique qu'il continue à s'appliquer. D'ailleurs, le projet
de réforme de droit des contrats et le cadre commun de référence reprennent ce principe sans
toutefois l'affirmer clairement car comme chacun d'eux consacre un article à l'annulation
partielle nous pouvons en déduire qu'il existe le principe de l'anéantissement total.
Une question apparaît donc sur le fait de savoir si lorsqu’une seule clause du contrat
est nulle doit-on se borner à la réputer non écrite et maintenir le contrat ou faut-il annuler le
contrat dans sa totalité ? Cette question est très importante dans les cas seulement une
clause serait illicite, excessive ou abusive. Donc ce principe souffre de quelques exceptions.
B ) Les exceptions: anéantissement partiel du contrat
Les exceptions au principe d'anéantissement total peuvent être classées en trois
catégories. En effet, on peut trouver les clause réputées non écrites, la réduction des clauses
excessives, et la conversion des clauses invalidées.
1- Les clauses réputées non écrites
C'est l'hypothèse selon laquelle une seule clause du contrat est nulle. La question est
donc de savoir si seule la clause sera annulée ou si l'acte en entier disparaitra. La réponse à
cette question n'est pas aisée. En effet, le Code civil fournit deux solutions contradictoires
selon qu'il s'agisse d'un contrat à titre gratuit ou d'un contrat à titre onéreux.
Dans l'article 900 du Code civil, qui dispose que « dans toutes dispositions entre vifs
ou testamentaires, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux
bonnes m?urs, seront réputées non écrites ». Cet article prône donc une nullité partielle. Alors
que l'article 1172 du même code, qui dispose « toute condition d'une chose impossible, ou
contraire au bonnes m?urs, ou prohibées par la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en
dépend ». Ici la solution est une nullité totale.
Mais cette contradiction n'est qu'apparente car pour déterminer l'étendue de la nullité, on
tiendra compte de la volonté des parties et de l'efficacité de la sanction. En effet, il semble
souvent plus efficace de réputer la seule clause non écrite que d'anéantir tout le contrat. Ainsi,
2
Bull. civ., I, n° 159
3
JCP 2002, II, 10154
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