Titre IV : Sanctions des conditions de formation du contrat Par principe, si les parties exécutent leurs obligations respectives c’est parce qu’elles ont valablement formé leur contrat. Car à défaut, la nullité serait encourue. La nullité est donc la sanction du non respect d’une condition de validité du contrat, c’est-à-dire des règles relatives aux vices du consentement, à la capacité, à l’objet et à la cause. Elle devra être prononcée par le juge dès qu’il constatera l’existence d’une cause de nullité. En la matière, le juge n’a aucun pouvoir d’appréciation sauf cas particuliers (actes passés par un majeur pas encore sous tutelle si la cause de mise sous tutelle existait notoirement à l’époque où il a conclu la contrat). L'art. 90 du projet de loi (dans la section 5 les sanctions chapitre VI validité, titre III les obligations, livre III, le premier paragraphe s'intéresse à la nullité) prévoit ainsi que « le contrat qui ne remplit pas les conditions requises dans sa validité est nul. Il est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution en nature ou en valeur... ». Toutefois, la nullité n’est pas la seule technique permettant l’anéantissement du contrat. En effet, tout d’abord, il existe l’abrogation volontaire qui découle de la liberté contractuelle des parties car comme les parties peuvent librement contracter, elles ont corrélativement la liberté de mettre fin à leur relation. A coté, on trouve l’inopposabilité, qui sanctionne au profit des tiers le défaut de publicité des certains actes ou de certains renseignements. Cette sanction a été reprise dans le projet de réforme du droit des obligations à l’article 102. Celui-ci adopte une conception plus large de l’inopposabilité. En effet, il prévoit que l’inopposabilité n’annule pas le contrat qui produira ses effets entre les parties mais ne fait qu’en neutraliser les effets à l’égard des tiers. Ensuite, le contrat peut disparaître par caducité. Cette sanction n'intervient que dans le cas où le contrat, bien que valablement conclu, a subordonné son efficacité à la survenance d’un élément supplémentaire qui ne s’est pas réalisé. Le projet reprend le droit positif de la caducité (article 101) et consacre également une conception plus large en prévoyant que la caducité est le fait que le contrat ne sera pas valable si un des éléments constitutifs ou un élément déterminant pour son exécution lui fait défaut. Mais contrairement à ce qui été prévu dans l’avant-projet de réforme, la caducité n’aura pas d’effets rétroactifs. L’action en nullité étant la plus répandue nous avons choisi de d’y consacrer nos développements. Afin de comprendre le mécanisme de la nullité, nous analyserons dans un premier temps les conditions de l’action en nullité puis dans un second temps nous nous attacherons aux effets de cette action. Section 1 - Conditions de l'action en nullité La nullité a longtemps été considérée comme un état de l'acte. Aujourd'hui, depuis Japiot, elle est analysée comme un droit de critique contre les effets d'un acte, conféré à une ou plusieurs personnes. Tout contrat est présumé valablement conclu. Il appartient à celui qui en critique la validité d'en rapporter la preuve. Cette critique ne peut être formulée que devant un juge qui seul a le pouvoir d'annuler un contrat. Cette nécessité ne se retrouve cependant pas dans les projets européens. Il existe deux manières possibles de faire valoir la nullité d'un contrat: l'action en nullité et l'exception de nullité. Dans la première hypothèse, le titulaire du droit de critique peut prendre l'initiative d'intenter directement l'action en nullité, que le contrat ait ou non été exécuté. Dans la seconde hypothèse, le titulaire du droit de critique peut rester passif et attendre que le créancier lui demande l'exécution du contrat annulable et faire alors valoir l'exception de nullité. Celle-ci apparaît alors comme une demande reconventionnelle en nullité soulevée en défense et elle peut être invoquée sans limitation de durée (c'est à dire y compris lorsque le délai de prescription a expiré). Nous allons ici nous intéresser à l'action en nullité proprement dite en étudiant tout d'abord les cas et les titulaires avant de nous intéresser à l'extinction de l'action. § 1 : Cas et titulaires Il convient tout d'abord de faire une distinction entre la nullité absolue et la nullité relative. Il s'agira ensuite de déterminer les titulaires de l'action en nullité dans les deux hypothèses. A ) Distinction entre la nullité absolue et la nullité relative La doctrine classique proposait de fonder la distinction entre nullité relative et nullité absolue sur la gravité du vice affectant l'acte. Le critère aujourd'hui retenu a été inspiré par Japiot ( « des nullités en matière d'actes juridiques » thèse, Dijon, 1909) et Gaudemet (« théorie générale des obligations », Sirey, 1937): La nullité n'est pas considérée comme un vice affectant l'acte, mais comme un droit critique reconnu à certaines personnes dès lors qu'une règle de droit n'a pas été observée. Si cette règle protège un intérêt particulier, ce droit de critique est réservé à ceux qui doivent être protégés ; le nullité est relative. Si la règle de droit est d'intérêt général, ce droit peut être exercé par tout intéressé; la nullité est absolue. (On peut ainsi déterminer le domaine d'application de chaque nullité. Sont donc relatives les nullités pour vice de consentement, lésion et incapacité. Sanctionnent une règle destinée à protéger l'intérêt général les nullités pour objet ou pour cause illicite) Mais l'absence de critère général permettant de pouvoir délimiter règles d'intérêt général et règles d'intérêt privé laisse parfois survivre en jurisprudence l'ancien critère de distinction entre nullité absolue et nullité relative, qui se fondait sur la gravité du vice affectant l'acte. Ainsi les nullités pour vice de forme, défaut de consentement, de cause ou d'objet sont en général considérées comme absolues ( ex: civ. 1Ère , 20 octobre 1981, bull. Civ., n° 301 ). Le projet de loi reprend la solution du droit positif et consacre la distinction entre la nullité absolue qui protège l'intérêt général, et la nullité relative qui protège les intérêts privés. Les articles 90 à 93 concernent la nullité absolue et la nullité relative. Ainsi, il est prévu que la nullité est absolue ou d'ordre public lorsque la règle violée intéresse l'intérêt général et qu'elle est relative lorsque que la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé. B ) La nullité absolue Elle peut être invoquée par tout personne ayant un intérêt à agir. Il peut s'agir des contractants, de leur héritiers ou de leurs créanciers et exceptionnellement d'un tiers ayant un intérêt à voir le contrat annulé mais cet intérêt doit avoir un lien avec le contrat. Le ministère public, agissant pour la défense de l'ordre public, peut aussi invoquer la nullité. Enfin, le juge a la possibilité de soulever d'office la nullité d'un contrat, soit a priori, soit lorsque le contrat vicié fait l'objet d'une demande judiciaire en exécution par l'une des parties. Cependant le juge ne peut soulever d'office une nullité que sous réserve de se fonder sur les seuls faits qui sont apportés au débat et de respecter les principes du contradictoire. C ) La nullité relative Elle est caractérisée par des règles opposées à celles de la nullité absolue: • En principe, elle ne peut être invoquée que par la ou les personnes que la loi a voulu protéger en édictant la règle violée mais aussi par le représentant en cas de nullité pour incapacité. En réalité, les héritiers, les créanciers par la voie de l'action oblique peuvent aussi invoquer la nullité relative. Il en va de même pour le ministère publique. Enfin, le juge peut la soulever d'office. La principale distinction entre la nullité absolue et la nullité relative résulte dans le fait que le cocontractant à l'origine de la nullité ne peut s'en prévaloir. On peut considérer que relèvent de la nullité relative les cas où la règle violée tend à protéger l'intérêt particulier de l'un des cocontractants. Ainsi, tel est le cas pour la violation des règles relatives à l'incapacité d'exercice (action en nullité réservée à l'incapable ou à son représentant), aux vices du consentement, à la lésion ou aux clauses abusives. Il s'agit à présent de s'intéresser à l'extinction de l'action en nullité, soit dans l'hypothèse où l'action est prescrite, soit dans celle de la confirmation. § 2 : Extinction de l'action La question de la possibilité de réparer un contrat vicié peut se poser. Lorsqu'un contrat est affecté d'une cause de nullité, il est possible de faire un nouveau contrat. Il s'agit d'une réfection du contrat. Il peut aussi y avoir régularisation. Il y a régularisation quand un élément manquant, essentiel à la validité du contrat, peut être apporté par la suite,, ce qui permet de valider un acte initialement nul. C'est une hypothèse que l'on retrouve notamment en droit des sociétés. Nous nous intéresserons seulement ici à la prescription de l'action en nullité ainsi qu'à la confirmation. A ) La prescription Dans le régime actuel, il est prévu que la nullité absolue se prescrit par 30 ans et que la nullité relative se prescrit par l'écoulement d'un délai de 5 ans. Le point de départ, en cas de vice de consentement, est le découverte de l'erreur ou du dol ou la fin de la violence. L'article 97 du projet de loi énonce que le délai de prescription est de 5 ans, qu'il s'agisse d'une nullité absolue ou relative, à moins que la loi en dispose autrement. L'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution. L'article 98 prévoit que les parties peuvent constater la nullité d'un commun accord et qu'à défaut elle peut être prononcée par le juge. Le cadre commun de référence prévoit (chap. 2 causes d'invalidité section 2 vices du consentement) que l'annulation est réalisée par voie de notification au cocontractant et qu'elle n'est efficace qu'à la condition d'avoir été notifiée dans un délai raisonnable, eu égard aux circonstances, à partir du moment où la partie qui annule connaissait ou pouvait raisonnablement connaître les faits pertinents, ou pouvait agir librement. B ) La confirmation La confirmation est l'acte juridique par lequel une personne qui peut demander la nullité d'un acte renonce à s'en prévaloir. Seule la nullité relative est susceptible de confirmation. Il y a confirmation lorsque celui que la loi entend protéger renonce à invoquer la nullité et confirme l'acte. Elle doit donc émaner de la personne qui pouvait se prévaloir de la nullité. Si l'action en nullité relative appartient à plusieurs titulaires, la renonciation de l'un n'empêche pas les autres d'agir. La confirmation est subordonnée à 3 conditions. Il faut tout d'abord que le vice affectant l'acte ait disparu au moment de la confirmation. Ensuite, celle-ci doit intervenir en connaissance de cause et, enfin, il faut qu'il y ait eu intention de réparer le vice. Elle n'est soumise à aucune condition de forme; elle peut donc être expresse ou tacite. Lorsque ces conditions sont remplies, la confirmation valide l'acte rétroactivement, ce dernier est alors considéré comme ayant été valable ab initio. Cependant, cette confirmation doit se produire sans préjudice du droit des tiers. L'article 94 du projet de loi définit la confirmation comme « un acte par lequel celui qui peut se prévaloir de la nullité y renonce ». De plus, il précise que cette confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'acte de confirmation doit mentionner la substance de l'obligation, le vice affectant la convention ainsi que l'intention de le réparer. L'exécution du contrat en connaissance du vice emporte aussi confirmation. La confirmation a pour effet la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre ce contrat, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. L'article 95 prévoit que celui dont dépend la confirmation peut être mis en demeure par l'autre partie soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion. La mise en demeure n'a d'effets que si la cause de la nullité a cessé et si elle mentionne expressément qu'à défaut d'action en nullité exercée dans le délai, l'acte est réputé confirmé. Le cadre commun de référence, quant à lui, prévoit que le contrat ne peut être annulé lorsque la partie en droit d'agir en nullité l'a confirmé da façon expresse ou implicite, après que le délai pour notifier l'annulation a commencé à courir. Après nous être intéressés à l'action en nullité, il convient à présent d'étudier les effets de celle-ci, c'est-à-dire son étendue ainsi que les questions relatives aux restitutions et aux responsabilités. Section 2 - Les effets de l’action en nullité Quel que soit le vice qui affecte le contrat, le juge devra en prononcer la nullité. Mais tant qu’il ne l'a pas fait, le contrat demeure valable et obligatoire sauf à en demander l’exception de nullité. Une fois le jugement rendu, le résultat est le même que la nullité soit relative ou absolue, il y aura un anéantissement total et rétroactif du contrat. Ce principe a été régulièrement affirmé au visa de nombreux arrêts de la Cour de cassation, et notamment celui rendu par la 1ère Chambre Civile le 15 mai 20011 « ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ». La nullité ainsi prononcée est de droit et non facultative. Ainsi, les effets de la nullité sont variables. 1 Bull. civ., I, n°133; RTD civ., 2003, 284, J. Mestre §1 : L’étendue de la nullité Une fois la nullité prononcée, le contrat va être anéanti. Mais en pratique, la nullité ne s'étendra pas toujours à l'ensemble du contrat. L'anéantissement pourra donc être total ou partiel selon ce qui sera nécessaire pour éliminer le vice. A ) Le principe: anéantissement total du contrat En principe, lorsque le contrat est nul il disparaît totalement et rétroactivement. Ainsi, il ne produit aucun effet. Par conséquent, les parties ne pourront se prévaloir d’aucune des clauses même celles qui pouvaient prévoir les conséquences de la rupture. Le contrat est donc effacé dans son entier à l'exception de certaines clauses autonomes telles que la clause compromissoire, ou la clause de conciliation. C'est une solution qui avait déjà été affirmé dans les contrats internationaux avant d'être reprise en droit interne. (Cass. 1ère civ., 21 mai 19972 et Cass. 2ème civ., 4 avril 20023). Même si ce principe conserve un champ d’application important, il est de plus en plus battue en brèche. Toutefois, il semble logique qu'il continue à s'appliquer. D'ailleurs, le projet de réforme de droit des contrats et le cadre commun de référence reprennent ce principe sans toutefois l'affirmer clairement car comme chacun d'eux consacre un article à l'annulation partielle nous pouvons en déduire qu'il existe le principe de l'anéantissement total. Une question apparaît donc sur le fait de savoir si lorsqu’une seule clause du contrat est nulle doit-on se borner à la réputer non écrite et maintenir le contrat ou faut-il annuler le contrat dans sa totalité ? Cette question est très importante dans les cas où seulement une clause serait illicite, excessive ou abusive. Donc ce principe souffre de quelques exceptions. B ) Les exceptions: anéantissement partiel du contrat Les exceptions au principe d'anéantissement total peuvent être classées en trois catégories. En effet, on peut trouver les clause réputées non écrites, la réduction des clauses excessives, et la conversion des clauses invalidées. 1- Les clauses réputées non écrites C'est l'hypothèse selon laquelle une seule clause du contrat est nulle. La question est donc de savoir si seule la clause sera annulée ou si l'acte en entier disparaitra. La réponse à cette question n'est pas aisée. En effet, le Code civil fournit deux solutions contradictoires selon qu'il s'agisse d'un contrat à titre gratuit ou d'un contrat à titre onéreux. Dans l'article 900 du Code civil, qui dispose que « dans toutes dispositions entre vifs ou testamentaires, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux bonnes m?urs, seront réputées non écrites ». Cet article prône donc une nullité partielle. Alors que l'article 1172 du même code, qui dispose « toute condition d'une chose impossible, ou contraire au bonnes m?urs, ou prohibées par la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ». Ici la solution est une nullité totale. Mais cette contradiction n'est qu'apparente car pour déterminer l'étendue de la nullité, on tiendra compte de la volonté des parties et de l'efficacité de la sanction. En effet, il semble souvent plus efficace de réputer la seule clause non écrite que d'anéantir tout le contrat. Ainsi, 2 3 Bull. civ., I, n° 159 JCP 2002, II, 10154 la jurisprudence retient une solution identique pour tous les actes, suivant que la clause soit déterminante et impulsive du contrat. C'est d'ailleurs le cas en droit de la consommation pour les clauses abusives. Ces clauses se retrouvent le plus souvent dans les contrats d'adhésion, lesquels sont prérédigés par l'une des parties. Dans ce cas, le professionnel sera davantage sanctionné si la clause qu'il cherchait à imposer est annulé mais qu'il est tenu d'exécuter le contrat sans la clause, plutôt que de lui permettre de conclure un nouveau contrat avec un autre consommateur. Le cadre commun de référence, consacre dans son chapitre 9 « contenu et effet du contrat » une section 4 intitulée « des clauses abusives » et prévoit également l'annulation de la clause dite abusive. Quant au projet de réforme du droit des contrats, il reprend le droit positif. En effet, l'article 99 dispose: « lorsque la cause de la nullité n'affecte qu'une clause du contrat, elle n'emporte pas nullité de l'acte tout entier sauf si cette clause à constituer un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elle ». De plus, les parties ne pourront pas aménager l'étendue de la nullité. Toutefois, cet article prévoit que si la clause constitue un élément essentiel « déterminant de l'engagement des parties » tout le contrat sera nul. Mais le législateur prévoit une exception à cette exception. En effet, le contrat ne sera pas nul si la clause est maintenue par une disposition législative. Le cadre commune de référence dans son article 7: 214 prévoit également l'hypothèse de l'annulation partielle: « lorsqu'une clause d'annulation n'affecte que certaines clauses du contrat, l'annulation se limite à ces clauses, à moins qu'eu égard aux circonstances de l'espèce il ne soit déraisonnable de maintenir les autres dispositions du contrat ». Cette solution est également retenue dans les principes d'Unidroit relatifs aux contrats du commerce international. (article 3-1-16 « l'annulation se limite aux seules clauses du contrat visées par la cause d'annulation, à moins que, eu égard aux circonstances, il ne soit déraisonnable de maintenir les autres dispositions du contrat »). 2 - La réduction des clauses excessives C'est l'hypothèse où une clause dépasse le quantum autorisé par la loi. Dans ce cas, la clause est illicite dans son montant et les parties peuvent procéder à une régularisation de l'acte en ramenant le montant à ce qui est autorisé. Mais il est possible que la loi l'impose. C'est la cas par exemple avec l'article 313-4 du Code de la consommation qui prévoit que le taux d'intérêt usuaire sera ramené au taux permis. La jurisprudence a fait application de cette technique dans différents domaines. Notamment par exemple: la clause de non-concurrence qui est excessive dans son champ territorial (arrêt de la chambre sociale rendu le 1er décembre 1982 4) ou la reconnaissance de dette dont le montant est supérieur à la dette (arrêt de la 1ère chambre civile du 11 mars 20035). 3-La conversion C'est la technique juridique tendant à sauver un acte de la nullité en le disqualifiant en un autre sous réserve qu'il réponde aux conditions de validité de cet autre acte et qu'il réponde à la volonté des parties. La jurisprudence donne plusieurs exemples de conversion. 4 5 Bull. civ., V, n° 668, p. 493 JCP 2003, IV, 1818 Par exemple: la lettre de change incomplète convertie en billet à ordre ( arrêt de la chambre commerciale du 23 janvier 20076). L'avant-projet Catala avait défini cette exception mais elle ne semble pas reprise dans la projet adopté en 2008. Cette exception rare en droit français mais est très répandue droit allemand ou en droit italien. Donc on pourrait pensé que si un jour on assiste à une harmonisation du droit européen des contrats, ce principe s'étendrait au droit français. L'étendue de la nullité n'est pas le seul problème auquel le juge peut-être confronté. En effet, les restitutions suivant cette nullité vont également poser le nombreuses difficultés. § 2 : Les restitutions consécutives à l'annulation Par principe, la nullité entraine la disparition rétroactive du contrat, si bien qu'il y a lieu à des restitutions réciproques des prestations déjà exécutées. Il faut que les parties se retrouvent comme si le contrat n'avait jamais existé. Ce principe a été réaffirmé dans le projet de réforme qui reprend la jurisprudence dans un souci de clarté. En effet, l'article 90 prévoit que la conséquence de la nullité sera la restitution soit en nature soit en équivalent. De plus, une section est consacrée aux restitutions. (section 6: « les restitutions consécutives à l'anéantissement du contrat »). De plus, l'article 103 prévoit que les règles de restitution vont jouer que le contrat ait été annulé, caduc, ou que les parties ait opté pour la résolution. De son coté, le cadre commun de référence en fait mention dans son article 7: 212 (2) ; « chaque partie est en droit d'obtenir la restitution de tout ce qu'elle a fourni ou transféré en vertu du contrat qui a été annulé ». Il découle donc de ce principe que le contrat n'aura pas d'effet dans l'avenir et qu'il faudra effacer le passé. Chaque contractant doit restituer la chose qu'il a reçue et n'a pas, en principe, à payer une indemnité correspondant à l'utilisation de la chose. Toutefois, dans le contrat de bail, il pourra y avoir une compensation car il est impossible de revenir sur le passé. La restitution se fera généralement en nature; par conséquent, si une chose a été reçue, elle seule fera l'objet de la restitution. Par contre, si un prix a été reçu, en vertu du principe du nominalisme monétaire, cette somme d'argent devra être restituée et non un montant réévalué en fonction de l'érosion monétaire. Le projet de réforme reprend dans son article 104 le principe de la restitution intégrale en nature ou en équivalent. Toutefois, cet article ajoute que la restitution pourra comprendre la compensation de la jouissance de la chose en question. C'est une nouveauté, qui va permettre à la partie qui va récupérer son bien d'être « dédommagée » du fait qu'elle n'a pas pu utiliser le bien pendant le temps ou le contrat été valide. Celle-ci est évaluée au jour où le juge statue. De plus, le projet de réforme précise dans les articles 105 à 107 que la restitution doit porter sur la chose et ses accessoires. Dans son article 108, le projet de réforme fixe les règles relatives au montant des restitutions et notamment le fait de prendre en compte les plus ou moins values subies par la chose. Lesquelles seront appréciées au jour de la restitution. Le cadre commun de référence prévoit la restitution en nature ou en « équivalent monétaire » et ce afin d'éviter un enrichissement sans cause, qui ouvrirai une action sur ce fondement. De plus, dans l'article 7: 212 (3) les restitutions de chose sont régies par les règles 6 D. 2007, p. 437 du transfert de propriété. Autrement dit, la propriété est transférée dès la conclusion du contrat donc dès lors que le juge prononcera la nullité du contrat, la propriété sera réputée toujours avoir appartenu au vendeur. Par ailleurs, en pratique, les restitutions posent de nombreuses difficultés ce qui peut expliquer les atténuations et exceptions qui sont apportées au principe. En effet, il peut être impossible de restituer la chose et certaines restitutions peuvent être demandées soit à titre de protection, soit à titre de sanction. A ) Impossibilité de restitution en nature C'est l'hypothèse selon laquelle l'une des parties ne peut pas restituer la chose objet du contrat à l'identique soit parce qu'elle est s'est usée soit parce qu'elle n'existe plus. Si la restitution en nature est impossible parce que la chose est abimée le contractant devra rendre la chose et payer le coût de la remise en état et ce même s'il n'a pas commis de faute. De plus, si la restitution est impossible car la chose est un corps certain ou qu'il s'agit d'une obligation de faire entièrement exécutée (ex: obligation de non concurrence d'un salarié), le juge pourra débouter de demandeur de son action en nullité et lui allouer des dommages et intérêts. Par contre, si la perte de la chose résulte d'un cas fortuit, le propriétaire assumera les conséquences et ce en application de la théorie des risques. En effet, par exemple, le vendeur étant du fait de l'annulation du contrat demeuré propriétaire, c'est à ses risques et périls que la chose a disparu. Donc l'acquéreur n'aura pas à restituer la chose et pourra en récupérer le prix versé. Le plus souvent, s'il est impossible de restituer la chose, le juge ne prononcera pas une disparition rétroactive du contrat. Et donc, la partie dans l'impossibilité de restituer la chose devra verser une indemnité à son cocontractant pour éviter tout enrichissement sans cause. Cette solution est également prévue dans l'article 7: 212 alinéa 2 du Cadre commun de référence qui dispose: « la question de savoir si chaque partie est en droit d'obtenir la restitution de tout ce qu'elle a transféré ou fourni en vertu du contrat qui a été annulé en application de la présente section, ou un équivalent monétaire, est régit par les règles sur l'enrichissement injustifié ». Ainsi, par exemple, pour l'annulation d'un contrat de vente d'actions qui seraient entre temps revendues, le vendeur aurait droit d'obtenir la remise en valeur au jour de l'annulation de l'acte. (Chambre commerciale le 14 juin 20057). De son coté, la projet de réforme prévoit également la restitution en équivalent dans son article 104 mais ne fait pas mention d'un enrichissement sans cause si ce mode de restitution n'était pas effectué. B ) Les restitutions à titre de protection Ponctuellement, certaines règles régissant les restitutions vont venir protéger soit l'une des parties, soit les tiers. Ainsi, le possesseur de bonne foi pourra faire des fruits siens (article 549 du Code civil). Il en ira de même pour l'incapable qui ne sera tenu à restitution que de ce qui aura « tourné à son profit » (article 1312 du Code civil). Bien que ces hypothèses n'étant pas explicitement prévues dans le projet, on imagine bien qu'il ne les écarte pas. Les tiers sont également protéger de la disparition rétroactive du contrat. En effet, cette question se pose lorsque qu'avant l'annulation du contrat, l'un des cocontractant a 7 Bull. civ., IV, n°130 ; RTD civ., 2005, 778 conféré à des tiers des droits sur la chose objet du contrat annulé. Par principe, la nullité du premier contrat devrait entrainer la nullité des autres contrats. Mais pour éviter toute insécurité juridique, la loi et la jurisprudence ont choisi de maintenir les droits des tiers de bonne foi. On applique alors la théorie de l'apparence. Ainsi, un acheteur pourra conserver les droits qu'il tient du contrat qui a été ultérieurement annulé. C ) Les restitutions à titre de sanction Les règles de restitution peuvent également être aménagées pour sanctionner l'une des parties. C'est ce qui résulte de deux adages du code civil; le premier étant « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (nul ne peut alléger sa propre turpitude) et le second « in paris causa turpitudinis cessat repetitio » (en égale turpitude, pas de répétition). Par conséquent, à la lecture de ces adages on pourrait penser qu'ils ont un champs d'application large. Cependant, en droit des contrats ce n'est pas le cas. En effet, les cocontractants peuvent toujours demander la nullité du contrat ce qui semble logique du fait que le contrat étant illicite, le refus de l'annuler validerait cette illicéité. En application de ces règles, la jurisprudence a admis que lorsque la nullité est prononcée pour immoralité, celui qui s'en prévaut ne pourra pas obtenir restitution de ce qu'il a fourni (arrêt de la 1ère chambre civile du 25 janvier 19728). Toutefois, ces hypothèses semblent quelque peu désuètes aujourd'hui et le projet de réforme du droit des contrats n'en fait pas mention, ni le cadre commun de référence. § 3 : Les responsabilités consécutives à l'annulation Suite à l'annulation et aux restitutions certains préjudices subis par un des cocontractants et non réparés peuvent apparaître. Dans ces hypothèses, la responsabilité contractuelle préconisée par Ihering, n'est pas retenue. En effet, le cocontractant qui aura subi un préjudice pourra se fonder sur la responsabilité délictuelle pour demander des dommages et intérêts. Le demandeur devra donc faire la preuve de la faute de son partenaire. Néanmoins, seule la partie de bonne foi au contrat annulé peut demandé la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé (arrêt de la chambre mixte du 9 juillet 20049 « le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant au seul usage que l'acquéreur a eu de la chose ; il ne peut pas davantage obtenir de réparation de son préjudice s'il a été coupable de dol car la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé »). Mais cette action ne sert pas à verser à la victime ce qu'elle aurait obtenu si le contrat aurait été exécuté. La réparation peut être en nature, il s'agit de priver le responsable du vice du droit d'invoquer la nullité. Mais d'une manière générale, c'est une réparation en équivalent qui va être opérée. Elle va se manifester sous la forme de dommages-intérêts compensant le préjudice subi. Dans son article 7: 214 le cadre commun de référence prévoit également la possibilité que la partie lésée puisse se faire allouer des dommages et intérêts. (article 214 alinéa 2: « les dommages et intérêts dus doivent mettre la partie lésée dans une situation aussi proche que possible de celle où elle se serait trouvée si le contrat n'avait pas été conclu »). Il s'agit, ici, de 8 9 D. 1972, 413 RDCO n°2, 1er avril 2005, p. 280 dommages et intérêts négatifs. (remboursement des frais engendrés par la conclusion de l'acte). Enfin, le projet de réforme de droit des contrats prévoit cette action en responsabilité (article 104 in fine « la partie à laquelle la nullité est imputable peut en outre voir engager sa responsabilité ».) Toutefois, les modalités de cette action ne sont pas expressément mentionnées.