Titre IV : Sanctions des conditions de formation du contrat

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Titre IV : Sanctions des conditions de formation du contrat
Par principe, si les parties exécutent leurs obligations respectives c’est parce qu’elles ont
valablement formé leur contrat. Car à défaut, la nullité serait encourue. La nullité est donc la
sanction du non respect d’une condition de validité du contrat, c’est-à-dire des règles relatives
aux vices du consentement, à la capacité, à l’objet et à la cause. Elle devra être prononcée par
le juge dès qu’il constatera l’existence d’une cause de nullité. En la matière, le juge n’a aucun
pouvoir d’appréciation sauf cas particuliers (actes passés par un majeur pas encore sous
tutelle si la cause de mise sous tutelle existait notoirement à l’époque où il a conclu la
contrat).
L'art. 90 du projet de loi (dans la section 5 les sanctions chapitre VI validité, titre III les
obligations, livre III, le premier paragraphe s'intéresse à la nullité) prévoit ainsi que « le
contrat qui ne remplit pas les conditions requises dans sa validité est nul. Il est censé n'avoir
jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution en nature ou en valeur... ».
Toutefois, la nullité n’est pas la seule technique permettant l’anéantissement du contrat. En
effet, tout d’abord, il existe l’abrogation volontaire qui découle de la liberté contractuelle des
parties car comme les parties peuvent librement contracter, elles ont corrélativement la liberté
de mettre fin à leur relation. A coté, on trouve l’inopposabilité, qui sanctionne au profit des
tiers le défaut de publicité des certains actes ou de certains renseignements. Cette sanction a
été reprise dans le projet de réforme du droit des obligations à l’article 102. Celui-ci adopte
une conception plus large de l’inopposabilité. En effet, il prévoit que l’inopposabilité n’annule
pas le contrat qui produira ses effets entre les parties mais ne fait qu’en neutraliser les effets à
l’égard des tiers. Ensuite, le contrat peut disparaître par caducité. Cette sanction n'intervient
que dans le cas où le contrat, bien que valablement conclu, a subordonné son efficacité à la
survenance d’un élément supplémentaire qui ne s’est pas réalisé. Le projet reprend le droit
positif de la caducité (article 101) et consacre également une conception plus large en
prévoyant que la caducité est le fait que le contrat ne sera pas valable si un des éléments
constitutifs ou un élément déterminant pour son exécution lui fait défaut. Mais contrairement
à ce qui été prévu dans l’avant-projet de réforme, la caducité n’aura pas d’effets rétroactifs.
L’action en nullité étant la plus répandue nous avons choisi de d’y consacrer nos
développements. Afin de comprendre le mécanisme de la nullité, nous analyserons dans un
premier temps les conditions de l’action en nullité puis dans un second temps nous nous
attacherons aux effets de cette action.
Section 1 - Conditions de l'action en nullité
La nullité a longtemps été considérée comme un état de l'acte. Aujourd'hui, depuis Japiot, elle
est analysée comme un droit de critique contre les effets d'un acte, conféré à une ou plusieurs
personnes.
Tout contrat est présumé valablement conclu. Il appartient à celui qui en critique la validité
d'en rapporter la preuve. Cette critique ne peut être formulée que devant un juge qui seul a le
pouvoir d'annuler un contrat. Cette nécessité ne se retrouve cependant pas dans les projets
européens.
Il existe deux manières possibles de faire valoir la nullité d'un contrat: l'action en nullité et
l'exception de nullité. Dans la première hypothèse, le titulaire du droit de critique peut prendre
l'initiative d'intenter directement l'action en nullité, que le contrat ait ou non été exécuté. Dans
la seconde hypothèse, le titulaire du droit de critique peut rester passif et attendre que le
créancier lui demande l'exécution du contrat annulable et faire alors valoir l'exception de
nullité. Celle-ci apparaît alors comme une demande reconventionnelle en nullité soulevée en
défense et elle peut être invoquée sans limitation de durée (c'est à dire y compris lorsque le
délai de prescription a expiré).
Nous allons ici nous intéresser à l'action en nullité proprement dite en étudiant tout d'abord les
cas et les titulaires avant de nous intéresser à l'extinction de l'action.
§ 1 : Cas et titulaires
Il convient tout d'abord de faire une distinction entre la nullité absolue et la nullité relative. Il
s'agira ensuite de déterminer les titulaires de l'action en nullité dans les deux hypothèses.
A ) Distinction entre la nullité absolue et la nullité relative
La doctrine classique proposait de fonder la distinction entre nullité relative et nullité absolue
sur la gravité du vice affectant l'acte. Le critère aujourd'hui retenu a été inspiré par Japiot ( «
des nullités en matière d'actes juridiques » thèse, Dijon, 1909) et Gaudemet (« théorie
générale des obligations », Sirey, 1937): La nullité n'est pas considérée comme un vice
affectant l'acte, mais comme un droit critique reconnu à certaines personnes dès lors qu'une
règle de droit n'a pas été observée. Si cette règle protège un intérêt particulier, ce droit de
critique est réservé à ceux qui doivent être protégés ; le nullité est relative. Si la règle de droit
est d'intérêt général, ce droit peut être exercé par tout intéressé; la nullité est absolue. (On peut
ainsi déterminer le domaine d'application de chaque nullité. Sont donc relatives les nullités
pour vice de consentement, lésion et incapacité. Sanctionnent une règle destinée à protéger
l'intérêt général les nullités pour objet ou pour cause illicite) Mais l'absence de critère général
permettant de pouvoir délimiter règles d'intérêt général et règles d'intérêt privé laisse parfois
survivre en jurisprudence l'ancien critère de distinction entre nullité absolue et nullité relative,
qui se fondait sur la gravité du vice affectant l'acte. Ainsi les nullités pour vice de forme,
défaut de consentement, de cause ou d'objet sont en général considérées comme absolues ( ex:
civ. 1Ère , 20 octobre 1981, bull. Civ., n° 301 ).
Le projet de loi reprend la solution du droit positif et consacre la distinction entre la nullité
absolue qui protège l'intérêt général, et la nullité relative qui protège les intérêts privés. Les
articles 90 à 93 concernent la nullité absolue et la nullité relative. Ainsi, il est prévu que la
nullité est absolue ou d'ordre public lorsque la règle violée intéresse l'intérêt général et qu'elle
est relative lorsque que la règle violée a pour objet la sauvegarde d'un intérêt privé.
B ) La nullité absolue
Elle peut être invoquée par tout personne ayant un intérêt à agir. Il peut s'agir des
contractants, de leur héritiers ou de leurs créanciers et exceptionnellement d'un tiers ayant un
intérêt à voir le contrat annulé mais cet intérêt doit avoir un lien avec le contrat. Le ministère
public, agissant pour la défense de l'ordre public, peut aussi invoquer la nullité. Enfin, le juge
a la possibilité de soulever d'office la nullité d'un contrat, soit a priori, soit lorsque le contrat
vicié fait l'objet d'une demande judiciaire en exécution par l'une des parties. Cependant le juge
ne peut soulever d'office une nullité que sous réserve de se fonder sur les seuls faits qui sont
apportés au débat et de respecter les principes du contradictoire.
C ) La nullité relative
Elle est caractérisée par des règles opposées à celles de la nullité absolue:
• En principe, elle ne peut être invoquée que par la ou les personnes que la loi a voulu
protéger en édictant la règle violée mais aussi par le représentant en cas de nullité pour
incapacité. En réalité, les héritiers, les créanciers par la voie de l'action oblique peuvent aussi
invoquer la nullité relative. Il en va de même pour le ministère publique. Enfin, le juge peut la
soulever d'office. La principale distinction entre la nullité absolue et la nullité relative résulte
dans le fait que le cocontractant à l'origine de la nullité ne peut s'en prévaloir. On peut
considérer que relèvent de la nullité relative les cas où la règle violée tend à protéger l'intérêt
particulier de l'un des cocontractants. Ainsi, tel est le cas pour la violation des règles relatives
à l'incapacité d'exercice (action en nullité réservée à l'incapable ou à son représentant), aux
vices du consentement, à la lésion ou aux clauses abusives.
Il s'agit à présent de s'intéresser à l'extinction de l'action en nullité, soit dans l'hypothèse où
l'action est prescrite, soit dans celle de la confirmation.
§ 2 : Extinction de l'action
La question de la possibilité de réparer un contrat vicié peut se poser. Lorsqu'un contrat est
affecté d'une cause de nullité, il est possible de faire un nouveau contrat. Il s'agit d'une
réfection du contrat. Il peut aussi y avoir régularisation. Il y a régularisation quand un élément
manquant, essentiel à la validité du contrat, peut être apporté par la suite,, ce qui permet de
valider un acte initialement nul. C'est une hypothèse que l'on retrouve notamment en droit
des sociétés.
Nous nous intéresserons seulement ici à la prescription de l'action en nullité ainsi qu'à la
confirmation.
A ) La prescription
Dans le régime actuel, il est prévu que la nullité absolue se prescrit par 30 ans et que la nullité
relative se prescrit par l'écoulement d'un délai de 5 ans. Le point de départ, en cas de vice de
consentement, est le découverte de l'erreur ou du dol ou la fin de la violence. L'article 97 du
projet de loi énonce que le délai de prescription est de 5 ans, qu'il s'agisse d'une nullité
absolue ou relative, à moins que la loi en dispose autrement. L'exception de nullité ne se
prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution. L'article 98 prévoit
que les parties peuvent constater la nullité d'un commun accord et qu'à défaut elle peut être
prononcée par le juge.
Le cadre commun de référence prévoit (chap. 2 causes d'invalidité section 2 vices du
consentement) que l'annulation est réalisée par voie de notification au cocontractant et qu'elle
n'est efficace qu'à la condition d'avoir été notifiée dans un délai raisonnable, eu égard aux
circonstances, à partir du moment où la partie qui annule connaissait ou pouvait
raisonnablement connaître les faits pertinents, ou pouvait agir librement.
B ) La confirmation
La confirmation est l'acte juridique par lequel une personne qui peut demander la nullité d'un
acte renonce à s'en prévaloir. Seule la nullité relative est susceptible de confirmation. Il y a
confirmation lorsque celui que la loi entend protéger renonce à invoquer la nullité et confirme
l'acte. Elle doit donc émaner de la personne qui pouvait se prévaloir de la nullité. Si l'action en
nullité relative appartient à plusieurs titulaires, la renonciation de l'un n'empêche pas les
autres d'agir. La confirmation est subordonnée à 3 conditions. Il faut tout d'abord que le vice
affectant l'acte ait disparu au moment de la confirmation. Ensuite, celle-ci doit intervenir en
connaissance de cause et, enfin, il faut qu'il y ait eu intention de réparer le vice. Elle n'est
soumise à aucune condition de forme; elle peut donc être expresse ou tacite. Lorsque ces
conditions sont remplies, la confirmation valide l'acte rétroactivement, ce dernier est alors
considéré comme ayant été valable ab initio. Cependant, cette confirmation doit se produire
sans préjudice du droit des tiers.
L'article 94 du projet de loi définit la confirmation comme « un acte par lequel celui qui peut
se prévaloir de la nullité y renonce ». De plus, il précise que cette confirmation ne peut
intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'acte de confirmation doit mentionner la
substance de l'obligation, le vice affectant la convention ainsi que l'intention de le réparer.
L'exécution du contrat en connaissance du vice emporte aussi confirmation. La confirmation a
pour effet la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre ce
contrat, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
L'article 95 prévoit que celui dont dépend la confirmation peut être mis en demeure par l'autre
partie soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de
forclusion. La mise en demeure n'a d'effets que si la cause de la nullité a cessé et si elle
mentionne expressément qu'à défaut d'action en nullité exercée dans le délai, l'acte est réputé
confirmé.
Le cadre commun de référence, quant à lui, prévoit que le contrat ne peut être annulé lorsque
la partie en droit d'agir en nullité l'a confirmé da façon expresse ou implicite, après que le
délai pour notifier l'annulation a commencé à courir.
Après nous être intéressés à l'action en nullité, il convient à présent d'étudier les effets de
celle-ci, c'est-à-dire son étendue ainsi que les questions relatives aux restitutions et aux
responsabilités.
Section 2 - Les effets de l’action en nullité
Quel que soit le vice qui affecte le contrat, le juge devra en prononcer la nullité. Mais
tant qu’il ne l'a pas fait, le contrat demeure valable et obligatoire sauf à en demander
l’exception de nullité.
Une fois le jugement rendu, le résultat est le même que la nullité soit relative ou
absolue, il y aura un anéantissement total et rétroactif du contrat. Ce principe a été
régulièrement affirmé au visa de nombreux arrêts de la Cour de cassation, et notamment celui
rendu par la 1ère Chambre Civile le 15 mai 20011 « ce qui est nul est réputé n'avoir jamais
existé ».
La nullité ainsi prononcée est de droit et non facultative. Ainsi, les effets de la nullité
sont variables.
1
Bull. civ., I, n°133; RTD civ., 2003, 284, J. Mestre
§1 : L’étendue de la nullité
Une fois la nullité prononcée, le contrat va être anéanti. Mais en pratique, la nullité ne
s'étendra pas toujours à l'ensemble du contrat. L'anéantissement pourra donc être total ou
partiel selon ce qui sera nécessaire pour éliminer le vice.
A ) Le principe: anéantissement total du contrat
En principe, lorsque le contrat est nul il disparaît totalement et rétroactivement. Ainsi,
il ne produit aucun effet. Par conséquent, les parties ne pourront se prévaloir d’aucune des
clauses même celles qui pouvaient prévoir les conséquences de la rupture. Le contrat est donc
effacé dans son entier à l'exception de certaines clauses autonomes telles que la clause
compromissoire, ou la clause de conciliation. C'est une solution qui avait déjà été affirmé
dans les contrats internationaux avant d'être reprise en droit interne. (Cass. 1ère civ., 21 mai
19972 et Cass. 2ème civ., 4 avril 20023).
Même si ce principe conserve un champ d’application important, il est de plus en plus
battue en brèche. Toutefois, il semble logique qu'il continue à s'appliquer. D'ailleurs, le projet
de réforme de droit des contrats et le cadre commun de référence reprennent ce principe sans
toutefois l'affirmer clairement car comme chacun d'eux consacre un article à l'annulation
partielle nous pouvons en déduire qu'il existe le principe de l'anéantissement total.
Une question apparaît donc sur le fait de savoir si lorsqu’une seule clause du contrat
est nulle doit-on se borner à la réputer non écrite et maintenir le contrat ou faut-il annuler le
contrat dans sa totalité ? Cette question est très importante dans les cas où seulement une
clause serait illicite, excessive ou abusive. Donc ce principe souffre de quelques exceptions.
B ) Les exceptions: anéantissement partiel du contrat
Les exceptions au principe d'anéantissement total peuvent être classées en trois
catégories. En effet, on peut trouver les clause réputées non écrites, la réduction des clauses
excessives, et la conversion des clauses invalidées.
1- Les clauses réputées non écrites
C'est l'hypothèse selon laquelle une seule clause du contrat est nulle. La question est
donc de savoir si seule la clause sera annulée ou si l'acte en entier disparaitra. La réponse à
cette question n'est pas aisée. En effet, le Code civil fournit deux solutions contradictoires
selon qu'il s'agisse d'un contrat à titre gratuit ou d'un contrat à titre onéreux.
Dans l'article 900 du Code civil, qui dispose que « dans toutes dispositions entre vifs
ou testamentaires, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux
bonnes m?urs, seront réputées non écrites ». Cet article prône donc une nullité partielle. Alors
que l'article 1172 du même code, qui dispose « toute condition d'une chose impossible, ou
contraire au bonnes m?urs, ou prohibées par la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en
dépend ». Ici la solution est une nullité totale.
Mais cette contradiction n'est qu'apparente car pour déterminer l'étendue de la nullité, on
tiendra compte de la volonté des parties et de l'efficacité de la sanction. En effet, il semble
souvent plus efficace de réputer la seule clause non écrite que d'anéantir tout le contrat. Ainsi,
2
3
Bull. civ., I, n° 159
JCP 2002, II, 10154
la jurisprudence retient une solution identique pour tous les actes, suivant que la clause soit
déterminante et impulsive du contrat.
C'est d'ailleurs le cas en droit de la consommation pour les clauses abusives. Ces
clauses se retrouvent le plus souvent dans les contrats d'adhésion, lesquels sont prérédigés par
l'une des parties. Dans ce cas, le professionnel sera davantage sanctionné si la clause qu'il
cherchait à imposer est annulé mais qu'il est tenu d'exécuter le contrat sans la clause, plutôt
que de lui permettre de conclure un nouveau contrat avec un autre consommateur.
Le cadre commun de référence, consacre dans son chapitre 9 « contenu et effet du contrat »
une section 4 intitulée « des clauses abusives » et prévoit également l'annulation de la clause
dite abusive.
Quant au projet de réforme du droit des contrats, il reprend le droit positif. En effet,
l'article 99 dispose: « lorsque la cause de la nullité n'affecte qu'une clause du contrat, elle
n'emporte pas nullité de l'acte tout entier sauf si cette clause à constituer un élément
déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elle ». De plus, les parties ne pourront
pas aménager l'étendue de la nullité. Toutefois, cet article prévoit que si la clause constitue un
élément essentiel « déterminant de l'engagement des parties » tout le contrat sera nul. Mais le
législateur prévoit une exception à cette exception. En effet, le contrat ne sera pas nul si la
clause est maintenue par une disposition législative.
Le cadre commune de référence dans son article 7: 214 prévoit également l'hypothèse
de l'annulation partielle: « lorsqu'une clause d'annulation n'affecte que certaines clauses du
contrat, l'annulation se limite à ces clauses, à moins qu'eu égard aux circonstances de l'espèce
il ne soit déraisonnable de maintenir les autres dispositions du contrat ».
Cette solution est également retenue dans les principes d'Unidroit relatifs aux contrats
du commerce international. (article 3-1-16 « l'annulation se limite aux seules clauses du
contrat visées par la cause d'annulation, à moins que, eu égard aux circonstances, il ne soit
déraisonnable de maintenir les autres dispositions du contrat »).
2 - La réduction des clauses excessives
C'est l'hypothèse où une clause dépasse le quantum autorisé par la loi. Dans ce cas, la
clause est illicite dans son montant et les parties peuvent procéder à une régularisation de
l'acte en ramenant le montant à ce qui est autorisé. Mais il est possible que la loi l'impose.
C'est la cas par exemple avec l'article 313-4 du Code de la consommation qui prévoit que le
taux d'intérêt usuaire sera ramené au taux permis.
La jurisprudence a fait application de cette technique dans différents domaines.
Notamment par exemple: la clause de non-concurrence qui est excessive dans son champ
territorial (arrêt de la chambre sociale rendu le 1er décembre 1982 4) ou la reconnaissance de
dette dont le montant est supérieur à la dette (arrêt de la 1ère chambre civile du 11 mars
20035).
3-La conversion
C'est la technique juridique tendant à sauver un acte de la nullité en le disqualifiant en
un autre sous réserve qu'il réponde aux conditions de validité de cet autre acte et qu'il réponde
à la volonté des parties. La jurisprudence donne plusieurs exemples de conversion.
4
5
Bull. civ., V, n° 668, p. 493
JCP 2003, IV, 1818
Par exemple: la lettre de change incomplète convertie en billet à ordre ( arrêt de la chambre
commerciale du 23 janvier 20076).
L'avant-projet Catala avait défini cette exception mais elle ne semble pas reprise dans la
projet adopté en 2008.
Cette exception rare en droit français mais est très répandue droit allemand ou en droit
italien. Donc on pourrait pensé que si un jour on assiste à une harmonisation du droit
européen des contrats, ce principe s'étendrait au droit français.
L'étendue de la nullité n'est pas le seul problème auquel le juge peut-être confronté. En
effet, les restitutions suivant cette nullité vont également poser le nombreuses difficultés.
§ 2 : Les restitutions consécutives à l'annulation
Par principe, la nullité entraine la disparition rétroactive du contrat, si bien qu'il y a
lieu à des restitutions réciproques des prestations déjà exécutées. Il faut que les parties se
retrouvent comme si le contrat n'avait jamais existé.
Ce principe a été réaffirmé dans le projet de réforme qui reprend la jurisprudence dans
un souci de clarté. En effet, l'article 90 prévoit que la conséquence de la nullité sera la
restitution soit en nature soit en équivalent. De plus, une section est consacrée aux
restitutions. (section 6: « les restitutions consécutives à l'anéantissement du contrat »). De
plus, l'article 103 prévoit que les règles de restitution vont jouer que le contrat ait été annulé,
caduc, ou que les parties ait opté pour la résolution.
De son coté, le cadre commun de référence en fait mention dans son article 7: 212 (2) ;
« chaque partie est en droit d'obtenir la restitution de tout ce qu'elle a fourni ou transféré en
vertu du contrat qui a été annulé ».
Il découle donc de ce principe que le contrat n'aura pas d'effet dans l'avenir et qu'il
faudra effacer le passé. Chaque contractant doit restituer la chose qu'il a reçue et n'a pas, en
principe, à payer une indemnité correspondant à l'utilisation de la chose. Toutefois, dans le
contrat de bail, il pourra y avoir une compensation car il est impossible de revenir sur le
passé. La restitution se fera généralement en nature; par conséquent, si une chose a été reçue,
elle seule fera l'objet de la restitution. Par contre, si un prix a été reçu, en vertu du principe du
nominalisme monétaire, cette somme d'argent devra être restituée et non un montant réévalué
en fonction de l'érosion monétaire.
Le projet de réforme reprend dans son article 104 le principe de la restitution intégrale
en nature ou en équivalent. Toutefois, cet article ajoute que la restitution pourra comprendre
la compensation de la jouissance de la chose en question. C'est une nouveauté, qui va
permettre à la partie qui va récupérer son bien d'être « dédommagée » du fait qu'elle n'a pas
pu utiliser le bien pendant le temps ou le contrat été valide. Celle-ci est évaluée au jour où le
juge statue. De plus, le projet de réforme précise dans les articles 105 à 107 que la restitution
doit porter sur la chose et ses accessoires. Dans son article 108, le projet de réforme fixe les
règles relatives au montant des restitutions et notamment le fait de prendre en compte les plus
ou moins values subies par la chose. Lesquelles seront appréciées au jour de la restitution.
Le cadre commun de référence prévoit la restitution en nature ou en « équivalent
monétaire » et ce afin d'éviter un enrichissement sans cause, qui ouvrirai une action sur ce
fondement. De plus, dans l'article 7: 212 (3) les restitutions de chose sont régies par les règles
6
D. 2007, p. 437
du transfert de propriété. Autrement dit, la propriété est transférée dès la conclusion du contrat
donc dès lors que le juge prononcera la nullité du contrat, la propriété sera réputée toujours
avoir appartenu au vendeur.
Par ailleurs, en pratique, les restitutions posent de nombreuses difficultés ce qui peut
expliquer les atténuations et exceptions qui sont apportées au principe. En effet, il peut être
impossible de restituer la chose et certaines restitutions peuvent être demandées soit à titre de
protection, soit à titre de sanction.
A ) Impossibilité de restitution en nature
C'est l'hypothèse selon laquelle l'une des parties ne peut pas restituer la chose objet du
contrat à l'identique soit parce qu'elle est s'est usée soit parce qu'elle n'existe plus.
Si la restitution en nature est impossible parce que la chose est abimée le contractant
devra rendre la chose et payer le coût de la remise en état et ce même s'il n'a pas commis de
faute. De plus, si la restitution est impossible car la chose est un corps certain ou qu'il s'agit
d'une obligation de faire entièrement exécutée (ex: obligation de non concurrence d'un
salarié), le juge pourra débouter de demandeur de son action en nullité et lui allouer des
dommages et intérêts.
Par contre, si la perte de la chose résulte d'un cas fortuit, le propriétaire assumera les
conséquences et ce en application de la théorie des risques. En effet, par exemple, le vendeur
étant du fait de l'annulation du contrat demeuré propriétaire, c'est à ses risques et périls que la
chose a disparu. Donc l'acquéreur n'aura pas à restituer la chose et pourra en récupérer le prix
versé.
Le plus souvent, s'il est impossible de restituer la chose, le juge ne prononcera pas une
disparition rétroactive du contrat. Et donc, la partie dans l'impossibilité de restituer la chose
devra verser une indemnité à son cocontractant pour éviter tout enrichissement sans cause.
Cette solution est également prévue dans l'article 7: 212 alinéa 2 du Cadre commun de
référence qui dispose: « la question de savoir si chaque partie est en droit d'obtenir la
restitution de tout ce qu'elle a transféré ou fourni en vertu du contrat qui a été annulé en
application de la présente section, ou un équivalent monétaire, est régit par les règles sur
l'enrichissement injustifié ». Ainsi, par exemple, pour l'annulation d'un contrat de vente
d'actions qui seraient entre temps revendues, le vendeur aurait droit d'obtenir la remise en
valeur au jour de l'annulation de l'acte. (Chambre commerciale le 14 juin 20057).
De son coté, la projet de réforme prévoit également la restitution en équivalent dans
son article 104 mais ne fait pas mention d'un enrichissement sans cause si ce mode de
restitution n'était pas effectué.
B ) Les restitutions à titre de protection
Ponctuellement, certaines règles régissant les restitutions vont venir protéger soit l'une
des parties, soit les tiers.
Ainsi, le possesseur de bonne foi pourra faire des fruits siens (article 549 du Code
civil). Il en ira de même pour l'incapable qui ne sera tenu à restitution que de ce qui aura
« tourné à son profit » (article 1312 du Code civil). Bien que ces hypothèses n'étant pas
explicitement prévues dans le projet, on imagine bien qu'il ne les écarte pas.
Les tiers sont également protéger de la disparition rétroactive du contrat. En effet,
cette question se pose lorsque qu'avant l'annulation du contrat, l'un des cocontractant a
7
Bull. civ., IV, n°130 ; RTD civ., 2005, 778
conféré à des tiers des droits sur la chose objet du contrat annulé. Par principe, la nullité du
premier contrat devrait entrainer la nullité des autres contrats. Mais pour éviter toute
insécurité juridique, la loi et la jurisprudence ont choisi de maintenir les droits des tiers de
bonne foi. On applique alors la théorie de l'apparence. Ainsi, un acheteur pourra conserver les
droits qu'il tient du contrat qui a été ultérieurement annulé.
C ) Les restitutions à titre de sanction
Les règles de restitution peuvent également être aménagées pour sanctionner l'une des
parties. C'est ce qui résulte de deux adages du code civil; le premier étant « nemo auditur
propriam turpitudinem allegans » (nul ne peut alléger sa propre turpitude) et le second « in
paris causa turpitudinis cessat repetitio » (en égale turpitude, pas de répétition). Par
conséquent, à la lecture de ces adages on pourrait penser qu'ils ont un champs d'application
large. Cependant, en droit des contrats ce n'est pas le cas. En effet, les cocontractants peuvent
toujours demander la nullité du contrat ce qui semble logique du fait que le contrat étant
illicite, le refus de l'annuler validerait cette illicéité.
En application de ces règles, la jurisprudence a admis que lorsque la nullité est prononcée
pour immoralité, celui qui s'en prévaut ne pourra pas obtenir restitution de ce qu'il a fourni
(arrêt de la 1ère chambre civile du 25 janvier 19728).
Toutefois, ces hypothèses semblent quelque peu désuètes aujourd'hui et le projet de
réforme du droit des contrats n'en fait pas mention, ni le cadre commun de référence.
§ 3 : Les responsabilités consécutives à l'annulation
Suite à l'annulation et aux restitutions certains préjudices subis par un des
cocontractants et non réparés peuvent apparaître. Dans ces hypothèses, la responsabilité
contractuelle préconisée par Ihering, n'est pas retenue. En effet, le cocontractant qui aura subi
un préjudice pourra se fonder sur la responsabilité délictuelle pour demander des dommages
et intérêts. Le demandeur devra donc faire la preuve de la faute de son partenaire. Néanmoins,
seule la partie de bonne foi au contrat annulé peut demandé la condamnation de la partie
fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé (arrêt
de la chambre mixte du 9 juillet 20049 « le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet
rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant au seul usage que
l'acquéreur a eu de la chose ; il ne peut pas davantage obtenir de réparation de son préjudice
s'il a été coupable de dol car la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule
demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison
de la conclusion du contrat annulé »). Mais cette action ne sert pas à verser à la victime ce
qu'elle aurait obtenu si le contrat aurait été exécuté.
La réparation peut être en nature, il s'agit de priver le responsable du vice du droit
d'invoquer la nullité. Mais d'une manière générale, c'est une réparation en équivalent qui va
être opérée. Elle va se manifester sous la forme de dommages-intérêts compensant le
préjudice subi.
Dans son article 7: 214 le cadre commun de référence prévoit également la possibilité
que la partie lésée puisse se faire allouer des dommages et intérêts. (article 214 alinéa 2: « les
dommages et intérêts dus doivent mettre la partie lésée dans une situation aussi proche que
possible de celle où elle se serait trouvée si le contrat n'avait pas été conclu »). Il s'agit, ici, de
8
9
D. 1972, 413
RDCO n°2, 1er avril 2005, p. 280
dommages et intérêts négatifs. (remboursement des frais engendrés par la conclusion de
l'acte).
Enfin, le projet de réforme de droit des contrats prévoit cette action en responsabilité
(article 104 in fine « la partie à laquelle la nullité est imputable peut en outre voir engager sa
responsabilité ».) Toutefois, les modalités de cette action ne sont pas expressément
mentionnées.
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