;l Lês questions qiic vous ine posez et auxquelles je no me flatte nullement de donner une repense décisive, me montreni quelie importancc vous
attachez à Ia philosophie et combien vous senliez vivement Ia crise qifelle traverse.
Je grouperai trois de cês questions, Ia première, Ia deu-xièrne et Ia quatrième,, qui mettent en lumière trois opposition^ Tune .entre «Fancienne et Ia
nouvelle philosophie», 1'autre entre «Ia science et Ia philosophie», Ia troisiòme entre «riatellecltia-lisme et rantiintellectualisme».
A - (2me. quesiion) Et je commcncerai par ia seconcfe^ Avant d'y repondre, je veux vous meítre en garde contre ,une conception, fausse quoique três
répandue, de 1'histoire de Ia philosophie: il n'est pás vrai qu'il y ait d"abord! eu une épo^ que ou Ia philosophie contenait et dbminait toutes Ics
sciences, puis qifelles se soient détachées d'elle pejj à peu, Ia laissant ainsi sans contenu. La vérité, c'est que lês sciences dites positives sont nées
de techniques pratiques,, qui n'ont aucun rap-
j:ort avec Ia philosophie: Ia necessite de mesurer lês terrain.sx d'écftanger lês produits, de regler lês travaux dês champs a donné naissance à Ia géométrie,
à Ia arithiiré tique, à Ia astro-nornie; Ia physique et Ia chimie sont nées da techniques, telles que celles de Ia métallurgie ou díe Ia prepara tion dês
breuva-gês et médicaments; Ia science dês êtres vivants vient de Ia medicine. Lê catctère commum de toutes cês techniques est de sé livrer à dês opérations
,sur Ia matière?; ellej ont tonjours réilé positives, et jamais elles n'ont eu à lê devenir. La philosop/hie a un objet tout différent: cet objet, c'est, d'une
manière gé-nérale, Fesprit. Qucls soní dans cês conditions, lês rapports eníre h philosophic et lês sciences? Pour se comprendre, il faut savoir comment
ils sont né.s: or, ils sont nés, diez lês OreaX, cTexig-ences qui éíaient inhérentes a ti développe.ment meme dê Ia ccience. Lês règles si.mplem.ent techniques et
empiriqués trou-vent e i cffet rapideinent leurs limites: ainsi, pour prendre un exemple célebre, Ton s'est aperçti que Ton ne pouvait ]:as
prendre n'impor te quelle uni té pour mesurer une íon-guer: li diagonal d''u n carré ne saurait être mesurée exao tement en prenant pour unité lê
cote du carré ou Ia rnoitié de cê cote, ou son quarí, ou son huitièmc, etc.; -cefíe de GO u-veríe de «rirrationnel» force Pesprit à se interroger sur lês
capacites et lês limites cie Ia raison hunraine, e[ de ceíterquestioíi naíssentdesphilosoplnes comme celles dês Pythagoriciens et de Platon;les abstacles gue
rencontrent lês sciencas ont faie naitre 1'effort pour le.3 vaincre; dans cet effort, lê travail spirituel, cjifest Ia science, prend conscience de lui meme,
cette çon; -cience, c'est Ia phiJosophie. L'experien-ce de Tliistoire inon-tre que Ia plupart dês grands savants, en appi"ofondissanf leur science,
sont arrivés à Ia philosophie: qu'il suffise de rappeler lês noms de d'Alenibert, d'Henri Poincaré, de Duhem, d?Einstein, et án plus illustre
de tons, Descarnes, qui a cherché dans lês mathématiques lês conditions générales de toute certitude. L'utilií;é de Ia philosophie pour Ia science ne
disparaítrait que si lês sciences étaient réduiles à de simples techniques, doní lês règles pe.uvent être appliquées sans qu'on lês comprenne.
B - - (ínu et 4ute. qiiesilons) - - Pour répondre à Ia pre-miLre eí à Ia quatrième question, 51 me faut rappeler briève-ment dans quelles conditions
sont nées lês philosophies Irra-tionalistes, pragmatisíes et antiintellectualistes. Elles son une protestation, .absolument justifiée, contre lê caractere abstrai,
éloigné de Ia vie réelle, qu'avait pris Ia philosophie díans leis dernières décades dtt XIXe siôcle; toutes cês doctrines affirment avec rai:on, qu'tme vérité,
pour être telle, doit avoir une sigf-
niiication concrète, c^st-à-dire dioit modifier Pattitude de Pin-
dividu qui connait à Pégard du réel: elles donaaient en exem
ple íes >jérités experimeníales de Ia science, qui, à mesuro
qu elles sont découvertes^ transforment notre condiute, ou bieri
lês vérités religieuses qui sont, elles aussi, inséparables de
Taction, Mais il faut remarquer deux choses: lê. Ia
défaut de Tintellectualisme contre lequel cês doctrines protes-aient, n?est pás inhérent à rintellectualisme véritable; Pla,ton, lê typ'e et lê chef de
rintellectualisme, voyait, díans lês -sciérn cês et Ia Contemplation dês Idáes, Ia condition à laquelle lês philosophes pourraient instituer lê justice
dans Ia cite; Descartes voyait «lês fruits de Tarbre de Ia philosophie» dans Ia medicine, Ia morale et La mécanique»; Ia doctrine de Hegel s'a-
chève en une phiíosophie du droit, de 1'art, de Ia relig^ion. L'irrationalisme a donc rendu lês plus graiids services á Ia philosophie ien Ia rappelant à sã