La rhinopneumonie équine : épidémiologie moléculaire et

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1993, 12 (2), 493-504
La rhinopneumonie équine
:
épidémiologie
moléculaire et diagnostic par sondes
moléculaires à partir d'organes
S. ZIENTARA et C. SAILLEAU *
Résumé : Les auteurs rappellent brièvement les formes cliniques de la
rhinopneumonie équine et présentent les modifications de la nomenclature des
herpèsvirus équins. Ils décrivent l'intérêt des profils de restriction dans le cadre
d'études épidémiologiques en prenant l'exemple de souches virales isolées en
France.
D'autre part, sont présentées une méthodologie d'obtention de sondes
moléculaires ainsi que l'utilisation de ces sondes comme outils de diagnostic
direct
à
partir de prélèvements biologiques.
MOTS-CLÉS : Diagnostic - Herpèsvirus équins - Profils de restriction -
Rhinopneumonie équine - Sondes moléculaires.
INTRODUCTION
A l'origine de troubles respiratoires, abortifs ou nerveux, les herpèsvirus équins (ou
equine herpes virus) 1 et 4 (EHV-1 et EHV-4) sont responsables de lourdes pertes
économiques à la fois au niveau de l'élevage et de l'entraînement. Bien que la
vaccination soit maintenant largement répandue, les faibles propriétés immunogènes et
la biologie de ces herpèsvirus (notamment les phénomènes de latence - réactivation)
expliquent l'apparition régulière d'épizooties dans les régions d'élevage. Depuis une
dizaine d'années, la biologie moléculaire a permis, d'une part de mieux appréhender le
monde des herpèsvirus en général et des herpèsvirus équins en particulier et, d'autre
part, de disposer d'outils moléculaires susceptibles d'améliorer considérablement le
diagnostic de ces infections.
LES DIFFÉRENTS HERPÈSVIRUS ÉQUINS ET L'ÉVOLUTION
DE LA NOMENCLATURE
Les herpèsvirus des différentes espèces animales ont des caractéristiques structurales
communes : un corps contenant une molécule d'acide désoxyribonucléique (ADN)
linéaire double brin, une capside icosaédrique et une enveloppe hérissée de spicules
* Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, Laboratoire central de recherches
vétérinaires, 22, rue Pierre-Curie, 94703 Maisons-Alfort, France.
494
glycoprotéiques. Cette famille des Herpesviridae est divisée en trois sous-familles en
fonction de leurs propriétés biologiques (16) : les alpha herpesvirinae, les bêta
herpesvirinae et les gamma herpesvirinae. Depuis une dizaine d'années, la classification
des herpèsvirus équins a évolué en même temps que se précisaient les connaissances sur
le génome et la biologie de ces virus et qu'étaient isolés de nouveaux virus, notamment à
partir d'asins (15).
TABLEAU
I
Les différents herpèsvirus
(24)
Désignation Nom commun
Sous-
famille G + C
(%)
Génome
Groupe Taille
(kb)
Herpesvirus équin 1 EHV-1
;
virus de l'avortement a 57 D 142
Herpesvirus équin 2 EHV-2 ; cytomegalovirus ß 57 A 192
Herpesvirus équin 3 EHV-3
;
virus de l'exanthème
coital a 66 D 148
Herpesvirus équin 4 EHV-4
;
virus de la
rhinopneumonie équine a 56 D 148
Herpesvirus équin 5 EHV-5 ß 150
Herpesvirus équin 6 HV-1 asinien a
Herpesvirus équin 7 HV-2 asinien ß
Herpèsvirus équin 8 HV-3 asinien a
G + C (% )
:
pourcentage
de
guanine
+
cytosine
kb :
kilobase
Huit herpèsvirus ont été décrits dans la famille des équidés (Tableau I). Chez le
cheval, les principaux virus sont les suivants :
- le virus EHV-1 ou virus de l'avortement, responsable également de troubles
respiratoires ou nerveux,
- le virus EHV-2, ou cytomégalovirus, dont le pouvoir pathogène est peu connu,
- le virus EHV-3, ou virus de l'exanthème coïtal, à l'origine d'infections
vénériennes,
- le virus EHV-4, ou virus de la rhinopneumonie équine stricto sensu, à l'origine de
troubles respiratoires essentiellement (mais parfois isolé chez des avortons).
Les deux herpèsvirus EHV-1 et EHV-4, responsables de la rhinopneumonie équine
au sens large, sont à l'origine d'énormes pertes économiques et sont l'objet de très
nombreux travaux de recherche, notamment dans le domaine de l'immunologie, la
prophylaxie médicale pouvant parfois s'avérer déficiente.
Les sous-types 1 et 2 d'un même virus dit de la rhinopneumonie équine sont décrits
depuis une vingtaine d'années et ont pu être différenciés par la technique de
neutralisation sérologique. L'analyse des variations génétiques des ADN génomiques
495
de ces deux sous-types viraux, initialement par l'emploi d'enzymes de restriction
(18,20) puis par séquençage, a permis ultérieurement de modifier la taxonomie virale
et de distinguer les sous-types 1 et 2 en deux virus, EHV-1 et EHV-4 respectivement.
LES FORMES CLINIQUES DE LA RHINOPNEUMONIE
La rhinopneumonie se manifeste sous diverses formes cliniques dont l'épidémiologie
est différente.
La
forme respiratoire
La forme respiratoire affecte le poulain nouveau-né et le poulain d'un an au cours de
l'automne et de l'hiver. Les adultes sont plus rarement atteints. Après deux à vingt jours
d'incubation, le cheval présente une hyperthermie pouvant atteindre 40,5 °C à 41 °C
pendant cinq à sept jours. Apparaissent ensuite un jetage séreux abondant, parfois du
larmoiement, et une toux sèche et improductive qui peut être déclenchée par palpation
du pharynx. La maladie évolue en une à deux semaines. Cette évolution est rarement
fatale. Il est toutefois possible d'observer des complications, sous la forme de rhinite
mucopurulente due à une infection bactérienne secondaire (streptocoques), de
pharyngite purulente, d'atteinte des poches gutturales, de toux persistante, de broncho-
pneumonie et de pneumonie interstitielle chez le poulain nouveau-né.
La
forme abortive
En France, le virus EHV-1 est la première cause d'avortement d'origine virale
chez le cheval. La prévalence varie d'une année à l'autre et dépend de l'apparition
d'épizooties (7, 12, 13). Dans de rares cas, le virus EHV-4 peut également être à
l'origine d'avortement (1,20).
L'avortement survient généralement entre le 6e et le 11e mois de gestation avec une
plus grande fréquence entre le 8e et le 10e mois. La jument ne présente aucun signe
précurseur. Le fœtus est expulsé rapidement, suivi du placenta.
Dans le cas d'infections tardives de l'utérus et du fœtus, le poulain, à la naissance, est
faible, hypotrophique ou apparemment sain. Mais rapidement, il cesse de téter, ne peut
se tenir sur ses membres, présente une détresse respiratoire, parfois de la diarrhée et
meurt en quelques jours.
La
forme nerveuse
La forme nerveuse est caractérisée par de la parésie, de l'incoordination motrice, de
la paralysie et peut entraîner la mort. Elle peut apparaître chez des poulinières après
avortement mais aussi, après des troubles respiratoires, chez des chevaux ou des
juments de tout âge.
En France, dominent les formes respiratoires et abortives qui ont pour conséquence,
chaque année, de sérieuses pertes économiques, tant au haras qu'à l'entraînement. Les
mesures sanitaires préventives ainsi que le développement de la prophylaxie médicale à
l'aide de vaccins (virus atténués, virus inactivés, sous-unités virales et bientôt virus
recombinants) permettent de diminuer l'incidence de cette pathologie.
496
LA LATENCE DES HERPÈSVIRUS
Une des propriétés communes à l'ensemble des herpèsvirus des mammifères est leur
capacité à persister dans l'organisme, dans des sites spécifiques (leucocytes, neurones)
à l'état quiescent (8). Ce phénomène de latence virale est très important dans
l'épidémiologie de ces infections. Après plusieurs mois ou années, le virus va retrouver
sa virulence, suite à une réactivation dont les causes sont mal connues.
Chez le cheval, les virus EHV-1 et EHV-4 peuvent être hébergés par leur hôte dans
un état de non réplication. Après réactivation, les animaux infectés constituent une
source dangereuse d'infection dans un troupeau.
Le prototype des alpha herpèsvirus (le virus herpes simplex humain) est connu pour
entraîner une infection latente des ganglions nerveux chez l'Homme, la souris et lé lapin
(11,17,24).
De nombreux auteurs ont montré que l'administration de fortes doses de
corticostéroïdes à des chevaux sains permettait de réactiver et de réisoler les virus
EHV-1 et EHV-4 (5,6).
Contrairement à de nombreux autres alpha herpèsvirus, les virus EHV-1 et EHV-4
ne semblent pas présenter de neurotropisme.
Les lésions du système nerveux central dans les formes neurologiques de la
rhinopneumonie sont, semble-t-il, la conséquence de vascularites dues à la
multiplication du virus EHV-1 dans les cellules endothéliales et non à une infection des
neurones par ce virus (9,14).
PROFILS DE RESTRICTION ET ÉPIDÉMIOLOGIE
MOLÉCULAIRE
Le développement spectaculaire de la biologie moléculaire depuis dix ans a permis
de mieux appréhender le monde des herpèsvirus équins. Les premiers travaux de
comparaison de souches par profil de restriction datent de 1981 (18,20,21).
La possibilité d'identifier les deux types viraux sans ambiguïté - et ceci de façon plus
précise que par des méthodes sérologiques - permet de mieux cerner l'épidémiologie de
ces virus.
En effet, les enzymes de restriction sont des endonucléases bactériennes qui clivent
l'ADN en des sites très spécifiques (de quatre à six paires de bases en moyenne). Les
fragments d'ADN génomique ainsi obtenus peuvent être séparés en fonction de leur
poids moléculaire et visualisés par électrophorèse sur gel d'agarose en présence de
bromure d'éthidium.
La perte ou l'acquisition de sites de restriction, conséquences d'une modification de
la séquence génétique de l'ADN viral, se traduit par une modification du profil de
restriction (disparition ou apparition de nouveaux segments d'ADN). Ainsi, la
comparaison des profils électrophorétiques de différentes souches virales permettra de
les classer selon leurs différences génétiques.
497
C'est ainsi que les deux sous-types 1 et 2 du virus EHV-1 ont été reconnus comme
étant deux virus distincts du cheval, respectivement EHV-1 et EHV-4.
D'autre part, la variabilité génétique de ces virus a pu être confirmée par la
comparaison des profils de restriction de souches virales avant et après de nombreux
passages en cultures cellulaires hétérologues (10,23).
Par contre, Allen et coll. ont montré que le génome du virus EHV-1 était
suffisamment stable lors de la réplication du virus en cultures cellulaires d'origine
équine pour permettre d'utiliser les profils de restriction comme méthode de
comparaison de souches virales entre elles (2).
Les Figures 1 et 2 représentent les profils de restriction de vingt souches virales de
EHV-1 isolées au Laboratoire central de recherches vétérinaires à partir d'écouvillons
respiratoires ou d'organes d'avortons. Seule la souche n° 15 (Fig. 1 et 2) est un virus
EHV-4 de référence. Deux enzymes furent utilisées pour analyser ces virus (Bam H 1 et
Pst 1). La première a permis de différencier les virus EHV-1 et EHV-4 (11,20).
L'enzyme Pst 1, quant à elle, n'a jamais été employée et possède un très grand
nombre de sites de restriction sur l'ADN du virus EHV-1 induisant un profil de
restriction particulièrement chargé en fragments génomiques, permettant ainsi une
comparaison très précise entre les souches.
Toutes les souches isolées en France ont un profil de restriction comparable à celles
décrites par Allen et coll. (1) sous le nom de «profil type EHV-1.1P». Un autre profil variant
a été décrit simultanément, le profil
1
B, qui n'a pas été observé dans la présente étude.
M :
marqueurs de poids moléculaire
N°
1
à 14
:
souches d'herpèsvirus équin 1
N° 15
:
souche d'herpèsvirus équin 4
FIG.l
Profils de restriction obtenus par digestion par l'enzyme Bam H1
de l'acide désoxyribonucléique génomique de 14 souches
d'herpèsvirus équin 1 et d'une souche d'herpèsvirus équin 4
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