Collection US ARMY CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM par Jean-Claude Janssens INTRODUCTION E n 1860, le Kentucky occupait une position fort centrale dans les Etats-Unis “utiles”. La partie septentrionale des Cumberland Mountains formait un relief important et éminemment stratégique. Le Kentucky possède le statut d'Etat depuis 1792. Sa capitale est Frankfort qui, à l'époque de la guerre civile, n'était pas la ville la plus peuplée de l'Etat. Ce titre revenait à Louisville qui, en 1860, comptait environ 68.000 habitants, chiffre considérable à l'échelle des Etats-Unis de l'époque. Le Kentucky était bordé au nord, par trois Etats abolitionnistes : l'Illinois, l'Indiana et l'Ohio. Le fleuve Ohio déterminait naturellement sa frontière. A l'est, il touchait à l'abolitionniste Virginie occidentale et l'esclavagiste Virginie, au sud au sécessionniste Tennessee et, à l'ouest, au Missouri, aux sentiments plutôt mitigés. Son activité économique principale était l'agriculture. Il occupait la septième place au niveau du potentiel économique agricole et la cinquième au niveau de l'importance du bétail. Il n'est cependant pas totalement exclu que les gisements de charbon des Cumberland Mountains n'aient pas été exploités. D'autre part, l'industrie lourde était quasiment inexistante. La plupart des échanges s’effectuaient naturellement CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM avec le Sud par le fleuve Mississippi. Le réseau ferroviaire, quoique moins dense que dans la partie orientale du pays, était loin d'être négligeable. Le Kentucky occupait une position stratégique de premier plan pour un assaillant venu du Sud. En effet, la possession de cet Etat lui assurerait d'abord une frontière naturelle relativement facile à défendre : le fleuve Ohio. Il pourrait ensuite servir de tremplin à une offensive dont l'objectif évident serait l'invasion des Etats de l'Indiana et de l'Ohio, ce qui couperait littéralement l'Union en deux. Le Kentucky était également un Border State1, ce qui posait des problèmes politiques. Le Missouri voisin était de même un Border State. Dès lors, on ne s'étonnera guère si le Kentucky finit par attirer la convoitise des belligérants. Au Kentucky, comme ailleurs, les tendances politiques commencèrent à se dessiner lors de l'élection présidentielle de 1860. Bien que la population du Kentucky fût principalement originaire de Virginie (dont elle a fait partie intégrante jusqu'en 1792) et de Caroline du Nord, deux Etats esclavagistes, les futurs sécessionnistes furent battus. Les partisans du Sud votèrent principalement pour le démocrate sudiste John Cabell Breckinridge2, issu d'un puissant clan local. Le candidat républicain et abolitionniste Abraham Lincoln de l'Illinois fut élu seizième président des Etats-Unis et les réactions ne manquèrent pas de s'enchaîner. Le 20 décembre 1860, la Caroline du Sud proclamait sa séparation de l’Union. En janvier et février 1861, elle était suivie d'une première série d'Etats du Sud : Floride, Alabama, Géorgie, Louisiane et Texas. Le 12 avril 1861, les premiers obus sudistes tombaient sur le Fort Sumter, dans la baie de Charleston, Caroline du Sud. L'inévitable guerre civile avait commencé ! Dans l'euphorie de ce succès facile, d'autres Etats du Sud vinrent renforcer la Confédération sudiste entre avril et juin 1861 : Virginie, Arkansas, Caroline du Nord et Tennessee. Quant au Kentucky, il refusa de fournir le contingent requis par Lincoln pour l'armée de l'Union, ce qui n'empêcha pas les bureaux de recrutement des deux camps de s'y installer. Le 20 mai 1861, cet Etat proclamait sa neutralité. Un accord conclu en juin entre Simon B. Buckner3, major général de la State Guard du Kentucky “indépendant” et Georges B. McClellan4, major général des volontaires de l'Illinois voisin et unioniste, allait dans le même sens. Cependant, chacun savait que cette situation ambiguë ne pourrait perdurer. Déjà, les deux camps se préparaient à l'inévitable affrontement. La Kentucky State Guard du général Buckner nourrissait une sympathie évidente pour la cause du Sud. Malheureusement, Richmond avait déjà toutes les peines du monde à équiper sa propre armée et ne pouvait pas grand chose pour ses alliés potentiels, qu'ils fussent du Kentucky ou d'ailleurs. La nouvelle Home Guard, par contre, était résolument unioniste et partant, autrement mieux équipée par Washington. Parmi ses cadres les plus actifs figurait le lieutenant de la US Navy et futur général William “Bull” Nelson. Le 4 septembre 1861, les Confédérés du général Gideon J. Pillow5 occupaient Columbus au sud. Réagissant aussi vite, les Nordistes du général Ulysses S. Grant6 1 Border State : Etat esclavagiste situé à la limite des zones nordiste et sudiste et où le sentiment unioniste est très fort ou même l'emporte sur le sentiment sécessionniste. Les autres "Border States" sont le Missouri, le Maryland et le Delaware. 2 John C. Breckinridge (1821-1875). Vice-président des Etats-Unis sous la présidence de james Buchanan (1857-1860). Général confédéré (1861-1865) et ministre de la Guerre (4 février 1865). 3 Simon B. Buckner (1823-1914, USMA 1844 11/25). Général confédéré. Signataire de la reddition du département du TransMississippi (26 mai 1865). 4 George B. McClellan (1826-1885, USMA 1846 2/59). Général de l'Union (1861-1862). Commandant en chef des armées de l'Union (1861-1862). Malheureux adversaire de Lee en Virginie (1862). 5 Gideon J. Pillow (1806-1878). Général confédéré (1861-1862). Sa lâche conduite au Fort Donelson,Tennessee (15 février 1862), lui valut d'être limogé. CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM s'installaient à Paducah au nord. Les Unionistes, le vent en poupe, obtinrent le retrait des Confédérés. Le Kentucky n'était plus neutre. Il réintégrait de facto l'Union. Au début de ce même mois de septembre 1861, de nombreux partisans du Sud fuirent le Kentucky nordiste. Parmi les plus connus : Breckinridge, Buckner et John Hunt Morgan7. Ils deviendront tous les trois généraux dans l'armée confédérée. Le 17 septembre, les troupes de Buckner, promu général dans la Confédération, occupaient Bowling Green, Kentucky. Le 29 octobre, une convention sudiste se réunit à Russelville et condamnait le gouvernement officiel de Frankfort pour sa politique, à leurs yeux trop unioniste. Le 10 décembre 1861, le Kentucky était officiellement admis dans la Confédération. Le gouverneur confédéré vint s'établir à Bowling Green, mais son autorité sera inexistante au-delà des lignes confédérées. Le conflit s'était limité au domaine politique. Seuls les grands tribuns avaient eu l'occasion de donner de la voix. Bientôt, les armes allaient leur reprendre la parole. En septembre 1861, chaque camp avait pris pied au Kentucky : les Sudistes à Columbus et à Bowling Green, les Nordistes à Paducah. Les Confédérés du général-journaliste Felix Zollicoffer occupèrent également le très stratégique Cumberland Gap. Le 21 octobre eut lieu la première escarmouche sérieuse. Zollicoffer fut sèchement repoussé à Rockcastle Hills. Par contre, le 28 décembre, le colonel Nathan B. Forrest8 défaisait les troupes de l'Union à Sacramento. Le 19 janvier 1862, à Mill Springs, Kentucky, les Confédérés subissaient une défaite complète. Le général Zollicoffer y laissa la vie. Ce revers confédéré rendit intenables leurs positions à Columbus et le général sudiste Leonidas Polk9 les abandonna. Son supérieur, le général Albert S. Johnston, commandant l'immense Département n°2, évacua également Bowling Green et battit en retraite jusqu'à Murfreesboro, Tennessee. Le nouveau gouverneur confédéré du Kentucky, Georges Johnson, était du voyage. Le Nordiste Don Carlos Buell s’emparait de Bowling Green le 14 février et de Nashville, Tennessee, quinze jours plus tard. Les 6 et 7 avril, Grant bloquait les Confédérés à Shiloh, Tennessee. Albert S. Johnston y trouvait la mort le 6 avril. Le gouverneur Johnson, volontaire au 4th Kentucky, y était blessé mortellement le 7 avril 1862. La Chambre des représentants confédérés du Kentucky élut un nouveau gouverneur, Richard Hawes. Après avoir été contraints de quitter le Kentucky et le Tennessee, les Confédérés se retrouvaient en juin 1862 finalement bien plus au sud que prévu, à Tupelo, Mississippi. Le 17 juin, le général Braxton Bragg10 prenait le commandement de l'Armée du Mississippi. Du 21 au 23 juillet, l'armée quittait Tupelo. Le 30 juillet, après un périple inégalé à l'époque,11 elle débarquait intacte à Chattanooga, Tennessee. Les Nordistes ne restaient pas inactifs. Le 11 juin, l'Armée de l'Ohio du général Don Carlos Buell avait quitté la zone de Corinth-Tupelo. Le 12 juillet, elle était de retour à Nashville, Tennessee. Cependant, malgré cette impressionnante série de revers, les 6 Ulysses S. Grant (1822-1885, USMA 1843 21/39). Général de l'Union (1861-1865). Général en chef des armées du Nord (18641866). Le grade de lieutenant général fut restauré expressément pour lui (12 mars 1864). Il reçut la reddition de Lee à Appomatox, Virginie (9 avril 1865). Ministre de la Guerre. Président des Etats-Unis (1869-1877). 7 John H. Morgan (1825-1864). Général de cavalerie confédéré (1862-1864). Il lança de nombreux raids en Kentucky, en Tennessee et en Ohio. Tué à Greenville, Tennessee (4 septembre 1864). 8 Nathan B. Forrest (1821-1877). Général de cavalerie confédéré (1862-1865). Il dirigea de nombreuses opérations en Tennessee, en Mississippi et en Alabama. Autodidacte, son principe stratégique aussi simple qu'efficace consistait à "the first with the most" (être le premier sur place avec le plus d'hommes). 9 Leonidas Polk (1806-1864, USMA 1827 8/38). Evêque épiscopalien de Louisiane en 1841. Général confédéré (1861-1864). Vainqueur de Grant à Belmont, Missouri (2 novembre 1861). Tué à Pine Mountain, Géorgie, le 14 juin 1864. 10 Braxton Bragg (1817-1876, USMA 1837 5/50). Général confédéré (1861-1865). Il connut la défaite dans toutes ses campagnes, sauf à Chickamauga, Géorgie (septembre 1863). En 1864, il devint "conseiller militaire" du Président Jefferson Davis. 11 776 miles (1.249 km), sur six lignes de chemin de fer différentes, via Mobile et Montgomery (Alabama) et Atlanta (Géorgie). CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM Confédérés préparaient la contre-offensive. Pendant tout le mois de juillet 1862, la cavalerie confédérée harcela les arrières nordistes dans le nord de l'Alabama, au Tennessee et au Kentucky. Le 31 juillet, Bragg rencontrait le général Edmund KirbySmith12, commandant le département voisin du Tennessee oriental et régnant en maître à Knoxville depuis le 8 mars 1862. Ils élaborèrent de grands projets pour le mois d'août : rien moins que la reconquête du Tennessee et l'invasion du Kentucky ! C'est à cette époque que la diplomatie du Sud s'affairait intensément à obtenir la reconnaissance de la Confédération par la France et la Grande-Bretagne. L'effort diplomatique devait être étayé par des résultats militaires positifs. A l'est, l'Armée de Virginie du Nord (général Robert E. Lee) progresserait en Maryland. A l'ouest, Braxton Bragg ferait de même en Kentucky. La troupe manifestait à nouveau un moral à ce point élevé que les soldats promirent à Bragg le poste de gouverneur militaire de... l'Indiana ! Les Confédérés vivaient manifestement en plein délire ! L'offensive se développerait sur trois axes. Kirby-Smith attaquerait à partir de Knoxville avec pour objectif Frankfort. Il serait rejoint à mi-chemin par les quelque 3.000 hommes du général Humphrey Marshall13, responsable du département (ou district) de Virginie du sud-ouest. Quant à Bragg et à l'Armée du Mississippi, ils s'élanceraient de Chattanooga vers Louisville. Le mouvement exigerait une parfaite coordination et la jonction des trois forces au centre du Kentucky visait à sonner le glas de l'armée nordiste de Buell. LES CONFEDERES ENVAHISSENT LE KENTUCKY (voir carte n° 2) C onformément au plan arrêté le 31 juillet, le général Kirby-Smith eut l'honneur de lancer le premier l'offensive. Précédé par sa cavalerie (brigades John H. Morgan et Scott, chacune 900 hommes), Kirby-Smith quittait son fief de Knoxville, le 14 août 1862. Sa petite armée de 21.000 fantassins se composait de quatre “grandes” unités : les divisions Cleburne (“prêtée” par Bragg, le 5 août), Heth, Churchill et Stevenson. La progression s'effectua sous des températures caniculaires. La sécheresse sévissait et les troupes en souffrirent énormément. Le ravitaillement en vivres et en eau en particulier n'était pas chose aisée et les civils du Kentucky se montraient plutôt réticents envers les “libérateurs” confédérés qui les malmenaient fréquemment. Le 16 août, la division Stevenson assiégea celle du général Georges W. Morgan14 à Cumberland Gap, Tennessee. Avec les trois divisions disponibles, KirbySmith progressait vers le Nord. Le 30 août, à Richmond, Kentucky, les vétérans confédérés rencontraient les recrues du marin devenu général, William “Bull” Nelson, envoyées d'urgence de l'Indiana et de l'Ohio voisins. Les divisions Cleburne et Churchill et les cavaliers de Scott anéantirent totalement l'adversaire. Le lendemain, la division Heth rejoignait l'armée de Bragg. Kirby-Smith n'avait plus rien d'organisé devant lui, à l'exception de quelques Home Guards rapidement dispersées ou capturées. Il en profita pour occuper méthodiquement le terrain. Du 1er au 6 septembre, ses troupes s'installaient à Lexington, 12 Edmund Kirby-Smith (1824-1893, USMA 1845 25/41). Général confédéré (1861-1865). Vétéran de Manassas (1861), il commanda de façon autonome et énergique le département du Trans-Mississippi (1863-1865). 13 Humphrey Marshall (1812-1872, USMA 1832 42/45). Général confédéré (1861-1863). Après avoir combattu sur la frontière Virginie-Kentucky, il quitta l'armée pour siéger au deuxième Congrès confédéré à Richmond, Virginie (1863). 14 Georges Washington Morgan (1820-1893). Général de l'Union (1861-1863). Admis à West Point (USMA) en 1841, il démissiona l'année suivante. Colonel du 2d Ohio à 26 ans durant la guerre contre le Mexique (1846-1848). Originaire de Pennsylvanie, il ne possède aucun lien avec avec le général confédéré John H. Morgan du Kentucky. CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM Frankfort, capitale de l'Etat, Cynthiana et Covington, faubourg sud de Cincinnati, Ohio. Le 4 septembre, Scott et sa cavalerie poussaient vers Louisville. Le 22 septembre, la division Cleburne occupait Shelbyville. Le colonel Basil Duke (2nd Kentucky Cavalry CSA, brigade Morgan) envisagea même de traverser le fleuve Ohio et d'attaquer Cincinnati. Bien que le raid ne fût en définitive pas lancé, il provoqua autant de panique à Louisville et à Cincinnati que s'il avait réellement eu lieu ! Cantonnées dans le nord du Kentucky pendant le reste du mois de septembre 1862, les troupes de Kirby-Smith vécurent alors une véritable villégiature. La population locale, travaillée à coups de proclamations enflammées, se montrait finalement plus accueillante pour ses “libérateurs” confédérés, les vainqueurs du moment ! Cependant, les volontaires kentuckiens ne se bousculaient guère devant les bureaux de recrutement. On incorpora péniblement l'effectif d'une brigade ! Entre-temps, du 16 août au 17 septembre 1862, le général Stevenson conduisait mollement le siège de Cumberland Gap. Finalement, Georges W. Morgan parvint à fausser compagnie tant à Stevenson qu'à John H. Morgan et à Humphrey Marshall. Le 3 octobre, la division Morgan quasiment intacte parvenait à Greenupsburg sur le fleuve Ohio. Pendant que Kirby-Smith prenait du bon temps dans la zone Frankfort-Lexington, s’ouvrait un deuxième front qui deviendra le principal. Comme le rassemblement des nécessaires approvisionnements tendait une fois encore à la quadrature du cercle, l'Armée du Mississippi de Bragg ne quitta Chattanooga (Tennessee) que le 28 août 1862 et traversa la rivière du même nom, en direction du nord, c'est à dire du Kentucky. Bragg avait organisé ses troupes en deux ailes ou “corps”15. L'aile droite, aux ordres du général-évêque Polk comprenait les divisions Cheatham et Whiters et la brigade de cavalerie de Nathan B. Forrest que remplaça celle de John Wharton à partir du 25 septembre. Quant à l'aile gauche, commandée par le général William Hardee16, elle comprenait les divisions Buckner et Anderson et la brigade de cavalerie du colonel Joseph Wheeler17. L'ensemble réunissait 28.000 hommes. L'armée traversa le Tennessee sans grande opposition. En fait, celle de Buell battait en retraite parallèlement aux confédérés, sur l'axe McMinville-MurfreesboroNashville, et non devant eux. Le 5 septembre, Bragg était à Sparta, Tennessee et le 13, il entrait à Glasgow, Kentucky. La réussite de la campagne dépendait de sa rapidité d'exécution. Tout semblait parfaitement se dérouler, jusqu'au fatidique 13 septembre. Ce jour là, la brigade de cavalerie Scott (de l'armée Kirby-Smith) arrivait à Munfordville, espérant bien s'emparer de la localité, malgré ses solides fortifications et sa forte garnison (4.000 hommes). Scott échoua et il fallut l'engagement de l'Armée du Mississippi au grand complet et l’emploi de la ruse pour obtenir, quatre jours plus tard, la reddition de la place18. Bragg resta à Munfordville jusqu'au 20, envisageant dans un premier temps une rencontre avec Buell, puis il se ravisa et poursuivit au nord. Quatre précieux jours avaient été irrémédiablement perdus. Par contre, ils avaient été mis à 15 L'organisation en "corps" ne sera officialisée chez les Confédérés que le 18 septembre 1862, pour se matérialiser à partir du 6 novembre. Le grade de lieutenant général sera alors créé pour la circonstance. 16 William Joseph Hardee (1815-1873, USMA 1838 26/45). Général confédéré (1861-1865). Auteur d'un manuel de tactique pour l'infanterie. 17 Joseph "Fighting Joe" Wheeler (1836-1906, USMA 1859 19/22). Général confédéré (1862-1865). Il commanda le corps de cavalerie de l'armée du Tennessee (1863-1865) et la division de Cavalerie US à Cuba lors de la guerre Hispano-Américaine (1898). Auteur d'un manuel de tactique pour la cavalerie (1863). 18 Munfordville (13-17/9/1862). La garnison y était commandée par un certain colonel Wilder de l'Indiana, un industriel sans expérience militaire. Bien qu'encerclé par toute l'armée de Bragg, Wilder n'envisageait pas de se rendre. Incertain de la supériorité manifeste de l'adversaire, "l'industriel" Wilder rencontra le militaire Buckner et lui demanda d'inspecter le dispositif confédéré pour se faire une opinion. Quoiqu'étonné par une telle requête, Buckner y accéda. Finalement convaincu de l'inutilité de sa résistance, Wilder rendit la place. CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM profit par Buell. Ce dernier arriva le 14 septembre à Bowling Green et le 21 à Munfordville que les Rebelles avaient évacué la veille. Bragg commit probablement une erreur supplémentaire en ne fonçant pas sur Louisville, la plus importante ville de l'Etat. Il savait peut-être que Louisville était alors défendue par d'imposantes fortifications et par les recrues de William “Bull” Nelson, rescapé de Richmond (30 août). Bien qu'inexpérimentées, elles atteignaient quant même le chiffre respectable de 40.000 hommes ! Bragg préféra laisser se reposer ses troupes dans les fertiles Blue Grass où il espérait rassembler du ravitaillement et des volontaires kentuckiens. Sur ce dernier point, il obtiendra encore moins de succès que Kirby-Smith. Du 23 septembre au 3 octobre, l'Armée du Mississippi cantonnerait paisiblement à Bardstown. Le 28 septembre, Bragg confia le commandement des troupes au général Polk et partit à Lexington pour s'entretenir avec Kirby-Smith sur les possibilités de concentrer leurs deux armées et d'affronter Buell avec quelques chances de succès. Ce jour-là, les confédérés perdirent l'initiative. Buell19 avait gagné la course. Le 29 septembre, il entrait dans Louisville à la tête de l'Armée de l'Ohio (6 divisions), accompagnée de la division du général Jefferson C. Davis (Armée nordiste du Mississippi). Il renforçait encore ses forces, si pas en qualité, du moins en nombre, des quatre divisions de recrues qu’avait formées l'énergique William Nelson, dont ce sera d'ailleurs la dernière action. En effet, ce même jour, Jefferson C. Davis, son collègue devenu rival, l’abattit froidement d'un coup de revolver20. Une pierre noire marqua le 29 septembre 1862 pour le général Buell. Il perdit d'abord son ami Nelson et ensuite son commandement pour manque de combativité. Celui-ci passa à son second, le général Georges H. Thomas21. Réflexion faite, ce dernier refusa la promotion et Buell fut rétabli in extremis dans ses fonctions, le lendemain. Le 1er octobre 1862, la grande armée de Buell sortait de Louisville en quatre colonnes. Les divisions Sill et Dumont (20.000 hommes) sous les ordres du général Josuah Sill progressaient vers Frankfort pour fixer l'armée de Kirby-Smith qui y stationnait. Le gros de l'armée (55.000 hommes) réparti en trois corps (8 divisions) avançait sur trois colonnes vers Bardstown où cantonnait l'armée confédérée, commandée provisoirement par Polk. Les Confédérés apprirent rapidement ces mouvements. Cependant, leur cavalerie fut repoussée et remplit médiocrement son rôle d'éclaireur. Ni Wharton ni même Wheeler n'informèrent correctement leur état-major sur la force et les intentions de l'ennemi. Quant à Bragg, il ne doutait pas de la suite des événements. Pour lui, Buell attaquerait Kirby-Smith à Frankfort, capitale de l'Etat et les troupes marchant contre Polk à Bardstown faisaient diversion. Il était donc primordial de renforcer Kirby-Smith. 19 Don Carlos Buell (1818-1898, USMA 1841 32/52). Général de l'Union (1862-1864). Deux fois démis de son commandement au cours de la campagne de Perryville, 1862). Du 10 mai 1863 au 1 juin 1864, il "attendit des ordres" ... qui n'arrivèrent jamais. 20 Jefferson C. Davis (1828-1879). Général de l'Union (1861-1865). Simple soldat pendant la guerre contre le Mexique (184648), 1st lieutenant au 1s US Artillery dans l'armée régulière à Fort Sumter, SC, en avril 1861, il fut promu brigadier général des volontaires le 18 décembre 1861. La scène dramatique eut lieu dans le hall de l'hôtel servant de QG à Nelson. Originaire de l'Indiana, Davis revendiquait le commandement des troupes locales à la place de Nelson. Il y était encouragé par le gouverneur Oliver Morton de l'Indiana qui, eu égard au nombre supérieur d'unités de son Etat à Louisville, estimait également que le poste revenait de droit à Davis. Nelson ne l'entendit évidemment pas de cette oreille. On connaît la suite. Davis ne sera guère inquiété pour cette fâcheuse histoire. Le Nord manquait à ce moment de militaires expérimentés. Ses états de service (vétéran de Pea Ridge, Arkansas et de Corinth, Mississippi) plaidaient pour lui et le soutien du gouverneur Morton arrangea l'affaire. Sa carrière militaire en pâtit malgré tout. En effet, en mai 1865, il était toujours brigadier général. 21 Georges H. Thomas (1816-1870, USMA 1840 12/42). Général de l'Union, bien que virginien (1861-1865). Major au 2d US Cavalry, il y servit sous Albert S. Johnston et Robert E. Lee avec les sudistes Hardee, Fitz Lee, Hood et Van Dorn ainsi que le nordiste Stoneman (1855-1860). Colonel du régiment en 1861. Il se distingua à Chickamauga ("The Rock of Chickamauga") en 1863 et écrasa Hood à Nashville (15 décembre 1864). CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM Entre-temps, les événements se précipitaient et tournaient au tragi-comique. Le gouverneur confédéré du Kentucky, Richard Hawes, fut intronisé le 4 octobre à midi en présence des généraux Bragg et Kirby-Smith. A seize heures, la division nordiste de Sill salua le nouveau gouverneur de quelques salves d'artillerie. Pris de panique, les Confédérés évacuèrent Frankfort en catastrophe pour Versailles. Le gouverneur Hawes ne put que les suivre ! Le nouveau gouvernement confédéré du Kentucky avait vécu quatre heures sur le sol de son Etat !22 Sous la pression de l’ennemi, Polk et les quatre divisions de l'Armée confédérée du Mississippi avaient dû évacuer Bardstown pour Harrodsburg, via Perryville. En effet, Kirby-Smith exigeait d'être renforcé. Le “Corps” Hardee resterait à Perryville avec deux divisions (Buckner et Anderson). De Harrodsburg, le “Corps” Polk, avec également deux divisions (Withers et Cheatham), attaquerait en direction de Salvisa le flanc supposé de l'ennemi, tandis que Kirby-Smith le heurterait de front à partir de Versailles. Malencontreusement, à Perryville, Hardee informa Bragg, le 7 octobre dans l'après-midi, de l'imminence d'un combat important pour le lendemain. Il voulait aussi être renforcé. Bragg dut se résoudre à renvoyer la division Cheatham (Corps Polk) avec Polk à Perryville. Il y dirigea encore la brigade Cleburne23. L'autre division de Polk (Withers) continua au nord vers Salvisa. En définitive, les Confédérés avaient raté leur concentration : ils seraient faibles partout. Quant à Buell, il imaginait que la diversion de Sill sur Frankfort pourrait ne pas donner tous ses effets. Il envisageait sereinement la possibilité d'engager la bataille contre les armées de Bragg et de Kirby-Smith logiquement réunies. Prudemment, il préférait rassembler ses trois corps d'armée avant d’entamer son offensive, ce qui dans son esprit, ne serait pas le cas avant le 9 octobre. L'Armée confédérée du Mississippi (voir annexe), positionnée à Perryville, serait finalement réduite à trois divisions d'infanterie, deux brigades de cavalerie et une douzaine de batteries d'artillerie, soit 16 ou 17.000 hommes (au mieux 20.000) et une cinquantaine de canons. Elle ne tarderait plus à affronter l'Armée nordiste de l'Ohio (voir annexe) avec ses trois corps d'armée (Ier Corps McCook, IIIe Corps Gilbert et IIe Corps Crittenden), ses huit divisions d'infanterie, deux brigades de cavalerie et ses 22 batteries d'artillerie, soit plus de 55.000 hommes et 130 canons. La disproportion était tragiquement évidente : 3,5 contre un en faveur de l'Union. PERRYVILLE, 8 OCTOBRE 1862 : LA BATAILLE (voir les différentes cartes) D epuis le 6 octobre, Hardee était à Perryville. Il ne disposait que de la brigade de cavalerie Wheeler et de l'incomplète division Buckner (trois brigades sur quatre). Sa deuxième division (Anderson) avait déjà dépassé Perryville. Elle fut heureusement rappelée le 7 octobre à trois heures du matin. A l'aube du 7, Hardee tâchait de disposer au mieux les quelque 7.000 hommes de la division Buckner autour de la petite bourgade de Perryville : la brigade Wood au nord-est et celle de Bushrod Johnson à sa droite vers Harrodsburg. A midi, la brigade de Liddell était 22 Il passera le reste de la guerre à Richmond, Virginie ! D'autre part le très précis historien local Hafendorfer conteste le bombardement de Frankfort. Par contre, tous les historiens, Hafendorfer compris, s'accordent sur le fait que, le 4 octobre octobre 1862 après 16h00, la cavalerie nordiste entrait sans résistance dans la ville. 23 La "division" Cleburne prêtée par Bragg à Kirby-Smith, le 5 aout 1862 se composait des brigades Cleburne (sous Ben J. Hill) et de Preston Smith. A Perryville, le 8 octobre, la brigade Cleburne devint la 2e brigade de Buckner et celle de Preston-Smith la 4e de Cheatham. CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM avancée vers l'est de la localité, sur Bottom Hill. A quinze heures, le 7th Arkansas était détaché quasiment en “sentinelle perdue” sur Peters Hill qui surplombait Doctor's Creek, précieux point d'eau pour les Nordistes assoiffés. Entre-temps, revenant sur ses pas, la division du général James P. Anderson rejoignait Buckner avec ses quatre brigades. La brigade Powell prit position au sud de Perryville, sur la Mitchellsburg Road, avec la brigade Adams à sa droite, derrière la localité. Les brigades Brown et Jones, dans cet ordre, allongèrent la ligne à droite de Johnson, toujours plus au nord, vers Harrodsburg. La division Anderson se retrouvait étrangement coupée en deux. Au soir du 7, arrivait à son tour la brigade Cleburne qui fut placée au nord-est de la ville, entre Wood et Johnson. La division Buckner récupérait sa quatrième et dernière brigade. A minuit, ce fut le tour de Cheatham24, qui amenait 4.500 hommes avec trois de ses quatre brigades. Hardee dirigea cette division sur la sortie ouest de la ville, derrière la brigade Liddell. Dans la nuit, Polk vint prendre le commandement de la petite armée. Il était grand temps car, au même moment, près de la maison de Sam Bottom, les compagnies A et E du 10th Indiana, dissimulées par l'obscurité, tiraient les premiers coups de feu sur les avant-postes de la brigade Liddell. La bataille de Perryville venait de commencer. A trois heures, sur l'ordre du général Philip Sheridan, commandant la 11e division du IIIe Corps, la brigade Daniel McCook reçut l'ordre de s'emparer de Peters Hill afin d'assurer, par la Doctor's Creek, le ravitaillement en eau des troupes mortes de soif. McCook traversa vivement la rivière et affronta sur Peters Hill le solitaire 7th Arkansas. A cinq heures, le courageux régiment décrochait. Peters Hill tombait aux mains de l'Union. Immédiatement, le général Liddell ordonnait la contre-attaque. Appuyés par le 5th Arkansas, les hommes du 7e remontaient à l'assaut de la colline pendant que la brigade Fry renforçait McCook. Les Confédérés durent faire halte à 250 mètres de l'objectif. La brigade de cavalerie Gay (1.300 hommes) se lança à l'attaque, mais elle ne put déloger les coriaces Arkansans. Cependant Peters Hill restait aux mains de l'Union. Il était 7 heures du matin. McCook jugea dangereux de poursuivre son avantage. En effet, au nord et au sud de sa position actuelle, de sinistres nuages de poussière laissaient penser à un important mouvement concentrique contre lui. La menace ne se dirigeait pas spécialement sur McCook. En fait la cavalerie confédérée faisait mouvement. La brigade Wharton (1.000 hommes) prenait position à droite, au nord de la Mackville Road, tandis que celle de Wheeler (2.400 hommes) se dirigeait vers le flanc gauche, loin au sud, sur la Lebanon Road. Arrivé lui aussi sur Peters Hill, Sheridan ne pouvait concevoir que deux malheureux régiments confédérés pussent entraver la progression de sa division. Il lança contre eux les brigades Laibolt et Fry. Cette fois encore, les Confédérés durent lâcher pied. Les deux brigades nordistes entrèrent rapidement en contact avec la principale ligne de Liddell sur Bottom Hill. Après vingt minutes d'une fusillade ininterrompue, les Confédérés lâchèrent également Bottom Hill. A 11 heures 45, Liddell se repliait sur Perryville. Les directives de Buell étaient d'attendre la concentration de l'armée avant d'engager l'ennemi. Comme c'était encore loin d'être le cas, il ordonna à Sheridan de ramener ses troupes en arrière, sur Peters Hill. L'effort de la 11e division était annihilé. A 9h45, Bragg accourait à brides abattues de Harrodsburg, alors qu'il avait programmé de rejoindre Kirby-Smith à Salvisa ou à Versailles. Depuis l'aube, il enrageait. Que se passait-il à Perryville ? Pourquoi n'entendait-il pas le bruit des 24 Benjamin Franklin Cheatham (1820-1886). Général confédéré. vétéran de la guerre contre le Mexique (1846-1848). Commanda une division et un corps d'armée, il fut de toutes les grosses affaires de la guerre à l'Ouest, jusqu'à la reddition en Caroline du Nord, en avril 1865. CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM canons? A la maison Crawford, il fut accueilli par les généraux Polk, Hardee, Cheatham et Buckner. Il leur confirma sa détermination de prendre l'offensive contre ce qu'il prétendait toujours être une partie de l'armée de Buell. Prenant en personne le commandement des opérations, il reconnut lui-même le terrain. Tâche rapidement menée car, à 10h45, il était déjà de retour au quartier général. Il décida de changer complètement le dispositif de Polk, jugé trop défensif. Le plan de Bragg était génial de simplicité : attaquer du nord vers l'est, puis du nord au sud. Les réactions supposées et la force de l'ennemi n'étaient pas prises en compte. L'attaque devait débuter par un barrage d'artillerie à 12h30 précises. Le général en chef commença par diriger plus au nord les trois brigades disponibles de la division Cheatham, juste en deçà de la Chaplin River. La cavalerie de Wharton couvrait le dispositif encore plus au nord. La division Cheatham dépendant de l'“aile Polk”, Polk vint superviser Cheatham qui n’apprécia guère ! Au centre, c'est-à-dire entre Cheatham et Perryville, deux brigades de la division Anderson renforcèrent les quatre brigades de la division de Buckner. La brigade de Preston Smith, quoique dépendant de la division Cheatham, devrait encore s'aligner dans le secteur dès son arrivée imminente. Buckner se retrouverait en définitive à la tête d'un groupement imposant de sept brigades, alors que l'attaque principale était programmée au nord. Cependant, histoire de compliquer encore un peu les choses, son commandement effectif se limiterait à ses quatre brigades, tandis que le général Hardee, son supérieur hiérarchique, commanderait les trois autres ! Les brigades de Johnson, Jones et Woods formèrent la première ligne, à proximité de Chatham House. Celles de Cleburne, Brown et Smith la seconde. La brigade Liddell resterait en réserve au nord-ouest de la ville. Entre les positions de Buckner et Perryville, Anderson se vit confier deux brigades, ce qui restait en fait de sa division. Faute de supérieur disponible, il ne serait supervisé par personne ! Ses deux brigades, Adams et Powell, se déployèrent sur une seule ligne à l'ouest de la ville, de part et d'autre de la Springfield Road. Les cavaliers de Wheeler se retrouvaient très isolés au sud, le long de la Lebanon Road. Toutes ces gesticulations démantelèrent complètement la chaîne de commandement et l'organisation divisionnaire. A onze heures, les troupes se mirent en marche. Grâce aux sinuosités du terrain qui la mettaient hors de vue de l'ennemi, l'infanterie confédérée prit incognito ses positions de départ. L'action principale se développerait donc au nord de Perryville, dans le secteur d'une aile droite confédérée à ce point renforcée qu'elle englobait à elle seule les trois quarts de l'infanterie disponible. Entre-temps, l'Armée de l'Ohio du général Buell arrivait, lentement mais sûrement, sur le théâtre des opérations. Au nord, les deux divisions du Ier Corps de McCook, au centre les trois divisions du IIIe Corps de Gilbert et, au sud, le IIe Corps de Crittenden, également à trois divisions. A 12h30, respectant pour une fois l'horaire prévu, cinq batteries confédérées ouvrirent le feu probablement sur le IIIe corps d'armée du nordiste Gilbert, premier sur place. Bragg jubilait ! A 13h20, il se rembrunissait à nouveau. Son infanterie n'avait pas encore bougé. En effet, Wharton venait d'avertir Polk que, sur la Mackville Road, d'importantes forces nordistes progressaient vers Perryville. Le rapport était correct. Il s'agissait des deux divisons du Ier Corps de McCook. En conséquence, il fallut déplacer la division Cheatham encore plus vers le nord, au-delà de la Chaplin's River, exactement dans le Walker's Bend. Les infortunés fantassins et artilleurs de Cheatham durent gravir l'escarpée Dixville Road ou Dug Road. Elles s'y établirent sur trois lignes, dans l'ordre : Donelson, Stewart et Maney. Seule bonne nouvelle du moment : à 13h30, la brigade de Preston Smith (quatrième de Cheatham) rejoignait finalement le champ de bataille. CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM Enfin l'infanterie s'ébranla. Entre quatorze et quinze heures, les brigades de Donelson, Jones, Maney, Johnson et Adams assaillaient le Ier Corps nordiste du général McCook (divisions Rousseau et Jackson, cinq brigades). Entre 15h15 et 15h30, Jones était repoussé. Cleburne vint renforcer Johnson qui était bloqué. Finalement, les fantassins démoralisés de Johnson se replièrent “spontanément”. Brown remplaça Jones, sans plus de succès. Dans le même temps, Stewart attaquait entre Maney et Donelson. Epuisée, la brigade Donelson se retirait à son tour. A 16h20, Maney décrochait également. Vers 16h30, Wood, jusque là en réserve, montait en ligne à son tour, permettant le retour de Donelson. Avec les forces de Stewart et de Maney de nouveau dans l'action, ce sont quatre brigades confédérées, du moins ce qu'il en restait qui, cette fois, frappaient ensemble. Le IIIe Corps du général Gilbert, aligné au centre du dispositif nordiste, était resté sans ordres et ne bougerait guère pendant quatre heures. Il laissa même défiler tranquillement la brigade Adams sans ouvrir le feu. Finalement, après avoir digéré le déjeuner pris avec Buell, Gilbert vint sur la ligne de front. Grande fut sa surprise de constater qu'une bataille d'envergure se livrait sous ses yeux. Le Ier Corps de son collègue McCook, en sérieuse difficulté sur sa gauche, allait disparaître de la liste des effectifs. Seule la brigade Starkweather tenait encore. Le Ier Corps, sonné par l'attaque brutale et continue, reculait de plus en plus en désordre et se liquéfiait littéralement. Les généraux Jackson et Terrill ainsi que le colonel Webster gisaient parmi les morts. Entre 17h et 17h30, Gilbert se décida à faire avancer les brigades Gooding et Steedman pour soutenir Starkweather. Vers 18h30, les brigades confédérées de Adams et de Cleburne, au bout du rouleau, se retiraient définitivement. Après 19h00, la brigade Liddell fut la dernière à faire mouvement vers l'avant et eut encore le temps de mettre à mal la brigade Gooding du IIIe Corps. L'obscurité l'empêcha de la détruire. La brigade de Preston Smith, dernière arrivée et ultime réserve, n’entra pas en action. Sauvé par le gong, le Ier Corps de McCook l'avait échappé belle ! Le combat dans le secteur nord avait été d'une rare sauvagerie. Des milliers de morts et de blessés gisaient à perte de vue. Le Ier Corps de McCook avait perdu le quart de ses hommes, la division Cheatham pratiquement autant. Au centre, les Confédérés prirent également l'offensive. Leur mouvement se solda par un beau fiasco. Vers seize heures, les mille hommes de la brigade Powell (division Anderson) se mirent en route d'un pas décidé vers Peter's Hill, en principe pas ou peu occupée. A leur grande stupéfaction, ils s’y confrontèrent à quatre brigades du IIIe Corps et à la brigade Wagner du IIe Corps, soit au bas mot, 10.000 hommes. Pendant une heure, Les Confédérés tiraillèrent à un contre dix. A dix-sept heures, les rescapés décrochèrent, laissant 40% de l’effectif sur le terrain. Les brigades Carlin et Caldwell (IIIe Corps Gilbert) en profitèrent pour faire une incursion à la limite de Perryville. Dans le secteur sud, le IIe Corps Crittenden, qui ne serait au complet que vers seize heures, ne bougea pratiquement pas. La brigade de cavalerie Wheeler créa un écran devant lui et parvint à donner le change toute la journée. Vers vingt heures, l'obscurité arrêtait le combat. Chacun restait sur des positions apparemment confuses. En effet, le général Polk évita de peu la capture ou peut-être la mort des mains d’un régiment de l’Indiana. Il avait confondu cette troupe avec une unité confédérée ! L'affaire avait été sanglante. Les Nordistes perdirent 845 tués, 2.851 blessés et 515 disparus ou prisonniers, soit 4.211 hommes ou 7% du total. De leur côté, les Confédérés enregistrèrent les pertes suivantes : 510 tués, 2.635 blessés et 251 prisonniers ou manquants, soit 3.396 hommes ou 20% de l'ensemble. Les rôles confédérés étant incomplets, on peut penser qu’en réalité, leurs pertes furent plus élevées. CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM Contrairement à ce que Bragg pouvait penser, les Confédérés avaient échappé de peu à l'anéantissement. Un phénomène physique peu courant leur avait sauvé la mise. En effet, la densité de l'air et la direction du vent furent telles que les bruits de la bataille avaient pu être entendus à longue mais pas à courte distance. Le quartier général nordiste était installé à seulement 2,5 miles (4 km) de la ligne de front. Et pourtant, ni Buell ni Thomas ni Gilbert, en conférence autour d'un plantureux repas, n'entendirent les premiers bruits de la bataille avant seize heures. Il en résulta que seules neuf brigades de l'Union sur 24 furent engagées à fond. EPILOGUE A minuit, les Confédérés abandonnèrent le terrain, leurs morts et leurs blessés. La nécessaire retraite vers le sanctuaire du Tennessee s'amorça. Le lendemain, 9 octobre 1862 à 10 heures 30, la division du général William S. Smith (IIe Corps Crittenden, 4e division) entrait dans une ville prudemment désertée par ses habitants. Seuls quelques centaines de blessés confédérés étaient demeurés sur place, confiés à la mansuétude du vainqueur, notamment dans la Goodnight House. Les Nordistes, que freinait efficacement la cavalerie de Wheeler, engagèrent mollement la poursuite. Le 15 octobre, l’inopérante colonne du général Marshall quittait l'armée sans avoir tiré un coup de fusil de toute la campagne, pour retourner en Virginie. Le 22 octobre, les Fédéraux, arrivés à London, renoncèrent définitivement à leur course25. La carrière militaire de Buell s'y termina également et de manière pitoyable. Il fut limogé pour la deuxième fois en un mois et cette fois définitivement. Le président Lincoln n'avait pas compris que Buell avait été vainqueur à Perryville et qu'il avait sauvé le Kentucky pour l'Union. Il avait seulement conclu que Buell n'avait pas détruit l'armée de Bragg. Au même moment, les derniers soldats confédérés franchissaient Cumberland Gap. Ils étaient effectivement à l'abri en Tennessee. Ce même 22 octobre, Bragg s'installait provisoirement à Knoxville où tout avait commencé, deux mois plus tôt. Bibliographie J Boatner M.M. : The Civil War Dictionary, New York, 1959. J Buell C.C. & Johnson : Battles & Leaders, vol. 3, New York, 1888. J Connolly T. : The Army of the Heartland, Baton-Rouge, 1967. J Hafendorfer K.A. : Perryville, Battle for Kentucky, Louisville, Ky, 1991. J Harrison L.H. : The Civil War in Kentucky. Lexington, Ky, 1975. J Long : Civil War Day by Day, New York, 1971. J Noirsain S.: Recrutement et Désertions dans l’Armée Confédérée, Bruxelles, 1992. J Time Life Books : The Struggle for Tennessee, New Jersey, 1985. 25 La retraite s'effectua lentement, avec énormément de butin, de bétail, d'approvisionnments, de chevaux et avec les 20.000 fusils amenés du Tennessee, mais avec peu de recrues du Kentucky pour s'en servir ! Néanmoins, durant la guerre, le Kentucky fournira entre 25.000 et 30.000 hommes pour la Confédération, tous volontaires (aucun conscrit), dont 3.500 au moins désertèrent. Pendant la campagne de Perryville, Kirby-Smith en avait recruté péniblement 2.500 et Bragg ... zéro.