Thomas Beauvais
IEP Toulouse
2013 - 2014
Les conflits irréguliers
Mémoire
Préparé sous la direction
du Général J.P. Raffenne
Thomas Beauvais IEP Toulouse - 5ième année
Les conflits irréguliers
2013 - 2014
Sommaire
INTRODUCTION ..................................................................................................................... 1
PARTIE I - La guerre irrégulière au XXIème siècle ............................................................... 5
I - Les faiblesses des sociétés démocratiques occidentales ................................................ 5
A. Mondialisation et interventionnisme .......................................................................................... 5
1. La mondialisation bouleverse les équilibres internationaux....................................................... 6
2. L’intervention humanitaire et le devoir d’ingérence ................................................................... 7
B. Une politique ambitieuse et schizophrène .................................................................................. 8
1. Des acteurs trop hétérogènes .......................................................................................................... 8
2. Des opinions publiques occidentales sensibles à la violence ..................................................... 9
C. Une pression économique grandissante .................................................................................... 10
1. Un contexte de crise économique et de restriction budgétaire ................................................. 10
2. L’asymétrie des coûts dans le conflit irrégulier ......................................................................... 11
II - Les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les
conflits irréguliers ............................................................................................................... 13
A. La place des médias dans les stratégies irrégulières ................................................................. 14
1. Les différents espaces de la guerre irrégulière ........................................................................... 14
2. L’utilisation des médias par les mouvements irréguliers .......................................................... 16
B. Des pays occidentaux dépassés ................................................................................................ 17
1. Une méfiance envers les médias .................................................................................................. 17
2. Repenser la communication dans la guerre psychologique ...................................................... 18
III - L’adaptation des mouvements irréguliers ................................................................ 20
A. La mutation technologique ....................................................................................................... 20
1. Un fonctionnement en réseau .............................................................................................. 20
2. La technologie, un facteur égalisateur ................................................................................. 22
B. Le terrorisme au XXIème siècle ............................................................................................... 24
1. Les logiques du terrorisme .................................................................................................. 25
2. Le terrorisme comme arme de communication ................................................................... 27
PARTIE II - Quand l’Occident refuse de se remettre en cause… ........................................ 30
I - Les errements de l’interventionnisme occidental ....................................................... 31
A. L’intervention pour les sondages .............................................................................................. 31
B. Des concepts occidentaux tronqués .......................................................................................... 32
1. L’image d’un Grand Occident, cible idéale des irréguliers ................................................. 32
2. Des concepts juridiques inadaptés ....................................................................................... 33
Thomas Beauvais IEP Toulouse - 5ième année
Les conflits irréguliers
2013 - 2014
II - L’Occident peut-il encore gagner un conflit irrégulier ? ......................................... 35
A. Des difficultés à faire valoir sa légitimité politique sur les théâtres d’intervention ................. 35
B. Le pessimisme des auteurs occidentaux sur les chances de victoire ........................................ 37
III - L’échec de la RAM dans les conflits irréguliers. .................................................... 39
A. La Révolution dans les Affaires Militaires ............................................................................... 39
B. La toute puissance militaire, ou l’impuissance politique. ......................................................... 41
Partie III - Les fondamentaux de la lutte irrégulière ............................................................ 43
I - Principes et règles de la lutte irrégulière ..................................................................... 44
A. Légitimité, adaptation et marginalisation ................................................................................. 44
1. La légitimité de lintervention ............................................................................................. 44
2. L’adaptation au contexte local............................................................................................. 45
3. La marginalisation de l’irrégulier ........................................................................................ 48
B. Le renseignement et l’initiative comme clés du succès. ........................................................... 51
1. Le renseignement ................................................................................................................ 51
2. La maitrise de l’initiative .................................................................................................... 53
II - L’usage de la force et de la violence : quel degré appliquer ? .................................. 54
A. La légalité des moyens d’action ............................................................................................... 55
1. Un usage de la terreur contreproductif ................................................................................ 55
2. Les sévices et les brimades, une alternative à la Terreur ? .................................................. 58
B. La crédibilité dans l’usage de la force ...................................................................................... 60
CONCLUSION ........................................................................................................................ 64
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 66
Thomas Beauvais - IEP Toulouse | INTRODUCTION
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Les conflits irréguliers
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INTRODUCTION
Au XIXème siècle, Clausewitz a théorisé les relations guerrières entre Etats par cette formule
devenue célèbre : « La guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens ».
Pendant longtemps, jusqu’aux années 50, le prisme de la pensée de Clausewitz s’est appliqué
avec plus ou moins de réussite aux conflits dits classiques entre états. La Première Guerre
Mondiale, puis la Seconde pouvaient ainsi s’expliquer selon la théorie clausewitzienne par la
montée aux extrêmes qu’il sut théoriser, et qui annonçait déjà les guerres totales du XXème
siècle.
Toutefois, avec la Guerre Froide, un autre type de conflit surgit au premier plan, les conflits
classiques entre états étant rendus impossibles par la mutuelle neutralisation qu’opèrent les
arsenaux nucléaires des deux Grands, Etats-Unis et URSS. Instrumentalisés par ces deux
puissances, essaiment différents mouvements violents qui viennent contester le monopole de
la coercition détenu par l’Etat. La privatisation de la violence sous la forme de terrorisme, de
guérilla ou d’insurrection n’est certes pas une nouveauté (mais bien une constante de
l’Histoire militaire) ; ce qui surprend davantage, c’est leur efficacité, leur fort pouvoir de
nuisance et le danger que ces mouvements représentent dans les sociétés contemporaines.
Pourtant, ce modèle de conflits avait très largement été évacué des considérations militaires
dans les pays la réflexion stratégique tablait sur l’omnipotence de la technologie et des
armements ultra perfectionnés.
Or, à plusieurs reprises, les états les plus puissants de la planète vont être tenus en échec lors
de ces conflits, face à des adversaires souvent moins bien armés, n’ayant pas reçu de
formation militaire initiale et en sous-effectif par rapport aux forces intervenantes. Indochine,
Algérie, Vietnam, Afghanistan, Irak, Gaza sont autant de jalons dans l’élaboration par les
forces occidentales de réflexions stratégiques autour de ces conflits et des moyens de vaincre,
chaque défaite ou retrait étant vécu par le pays intervenant comme un humiliant échec et
l’occasion d’une profonde remise en cause.
En effet, malgré l’écrasante supériorité théorique des armées occidentales, celles-ci se
trouvent dans l’incapacité d’assurer une victoire militaire permettant la stabilisation de la
situation. Le recours au politique est donc incontournable et ce, malgré l’aveu de faiblesse que
représente cette situation pour certains penseurs. Ainsi, pour reprendre la célèbre formule de
Clausewitz cité en début de texte, dans ces conflits que nous nommerons irréguliers, c’est « la
politique qui apparait comme la continuation de la guerre par d’autres moyens ».
La qualification même d’irrégulier pour désigner ce type de conflit témoigne de la frustration
des théoriciens militaires occidentaux. Le conflit irrégulier s’oppose ainsi au conflit régulier,
celui qui se trouve théoriquement cadré par des règles, auxquelles les deux protagonistes
Thomas Beauvais - IEP Toulouse | INTRODUCTION
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Les conflits irréguliers
2013 - 2014
acceptent de se conformer. Dans le mot irrégulier au contraire, on perçoit le jugement négatif
réservé à l’autre, l’irrégulier, qui « triche » avec les règles établies par la coutume et l’histoire.
De par son statut, il n’appartient ni à une force militaire classique, ni à une armée régulière et
ne devrait théoriquement pas avoir droit à faire usage de la violence, monopole de l’Etat ou de
ses délégués.
Cette rhétorique qui trouve sa finalité dans la décrédibilisation de l’autre et la justification de
son intervention ne doit pourtant pas faire illusion. Le jus ad bellum qui définit le droit à
l’entrée en guerre et le jus in bello qui git le droit dans la guerre, sont issus d’une culture et
d’une histoire particulières, celle de l’Europe Occidentale du XVIIème siècle. Ce serait se
montrer faussement naïf que de croire ces règles universelles, alors même qu’historiquement
ces mêmes états occidentaux n’en ont fait que peu de cas.
Finalement, la guerre irrégulière désigne plutôt l’incapacité des états occidentaux à penser
l’altérité des conduites de la guerre en dehors du modèle qu’ils ont préétabli.
Ainsi sont regroupées sous ce vocable, différentes actions contestataires telles que le
terrorisme, la guérilla, l’insurrection, les actions de subversion ou de propagande, la grève, le
sabotage, tout ce qui se construit en opposition à un Etat, sans que les acteurs ne soient
eux-mêmes agents étatiques. Plutôt que de rechercher la confrontation directe et une victoire
militaire, les mouvements irréguliers contournent la puissance de leurs adversaires en se
dérobant à leurs attaques et en agissant parmi les populations. Comme le dit Bernard Wicht à
propos de la guerre révolutionnaire, elle « vise ainsi les forces morales (mécontentement des
populations, processus de décision politique) plutôt que les forces matérielles (armée, capacité
industrielle de faire la guerre). Elle s’inscrit dans la durée et poursuit l’usure et la fatigue de
l’adversaire plutôt qu’une décision rapide. Elle ne recherche pas en priorité à obtenir la
décision sur le champ de bataille (stratégie directe), mais bel et bien à déstabiliser
politiquement et moralement l’adversaire (stratégie indirecte). »
1
La qualification de guerre irrégulière n’obtient pas pour autant de consensus dans la
communauté doctrinale occidentale. Elle jouxte d’autres dénominations toutes porteuses de
sens et d’enjeux spécifiques, et aussi nombreuses qu’il y a de théoriciens ou de courants
idéologiques. Ainsi peut-on entendre parler de « petite guerre », de guerre « révolutionnaire »,
« asymétrique », « contre-insurrectionnelle », « hybride » ou « bâtarde », et bien d’autres
encore... Comme je l’ai dit, le choix d’une dénomination n’est pas neutre dans le cadre des
conflits qui nous intéressent, et conditionne déjà en partie la manière dont sera traité le sujet.
Dans le cadre de notre étude centrée autour des puissances occidentales et de leur difficile
appréhension de ces conflits, la nomination de « guerre irrégulière » apparaît toute justifiée.
Aussi, nous chercherons à expliquer pourquoi l’Occident rencontre tant de difficultés dans le
traitement de ces conflits.
1
Bernard WICHT, Guerre révolutionnaire et guerre non conventionnelle, Cours d’introduction à la Stratégie
donné par l’auteur à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne.
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