Ce que vous avez toujours voulu savoir sur l`économie sans jamais

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Ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’économie sans jamais oser demander des
explications aux « experts de l’expertise » tellement ceux-ci ont l’air sûr d’eux…
Faut-il croire aux vertus de la croissance ?
Il ne se passe plus un jour sans que les dias, les communicants officiels et officieux de tous
poils, ne se fendent d’une information ou d’un commentaire sur l’évolution de la croissance.
On guette son taux sur des périodes ridiculement courtes, le mois, le trimestre, comme si
des périodes aussi courtes pouvaient rendre compte de l’évolution de l’économie…
Tel taux de croissance en baisse justifie la politique d’austérité menée par nos gouvernants et
les sacrifices imposés à la population, tel autre taux en hausse fait espérer le retour à de
meilleures conditions de vie tout en justifiant le maintien de l’austérité… « Continuez à serer
les dents les gars… on tient le bon bout ! »
Comme s’il suffisait de lire les indications du thermomètre pour savoir quels soins il faut
donner au malade !
Chercher la croissance pourquoi faire ? Et d’ailleurs c’est quoi la
croissance ? Comment la mesure-t-on ?
Le retour à la croissance relancerait l’investissement pour nos entreprises et serait générateur
d’emploi : ceci nous est répété de façon quasi incantatoire surtout depuis la crise économique
de 2008.
L’idée générale c’est qu’en période de croissance l’économie tourne rond : les entreprises
produisent, les commerces vendent les produits et services, le chômage diminue, le pouvoir
d’achat des salariés augmente, la consommation croit, les entreprises se développent, etc.
Alors pour la grande majorité des politiques, tous bords confondus, le message est
simple : plus le taux de croissance est élevé, mieux la société se portera.
Revenons à notre thermomètre médical, la température se mesure en degrés : 37,8° = on se
porte bien ; si ça évolue au dessus de 38° il faut commencer à se poser des questions…
La croissance elle se mesure en PIB (Produit Intérieur Brut) c’est la variation de ce PIB qui
est censée indiquer que l’économie est malade ou en bonne santé…
C’est quoi le PIB ?
Toute activité productive de biens ou de services crée de la valeur. Par exemple pour faire du
pain un boulanger achète de la farine, de l’eau, de l’électricité, de l’assurance pour son local,
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un loyer, etc. tout cela lui permet de faire du pain qu’il vend. La valeur ajoutée c’est la
différence entre le prix de vente du pain et le coût de tout ce qui a été nécessaire pour le
fabriquer.
La valeur ajoutée ainsi obtenue sert à payer le salaire du boulanger s’il est employé et de
rémunérer les capitaux qui ont été investis dans la boulangerie pour qu’elle puisse fonctionner
(machines, comptoirs, locaux, etc.) ainsi que les intérêts et bénéfices dus aux propriétaire, aux
préteurs et investisseurs.
En France, cette valeur ajoutée, fabriquée par toutes les entreprises du pays (les grandes
comme les petites, les artisans, les commerçants, les agriculteurs, les professions libérales, les
services non marchands, etc.) est additionnée au niveau national par l’INSEE (Institut National
de la Statistique et des Etudes Economiques). Le résultat de l’addition de toutes ces valeurs
ajoutées donne le PIB.
Le PIB se calcule mensuellement, trimestriellement ou annuellement au niveau national,
régional, départemental…
Problème : le PIB ne rend pas compte de toute l’activité économique d’un pays :
certains disent qu’il ne rend pas compte de sa santé économique réelle !
En effet beaucoup d’activités échappent aux mesures et contrôles de nos comptables
nationaux de l’INSEE. Tout ce qui est gratuit : les activités que l’on fait pour soi même
(bricolage, jardinage, entretien, etc.), le troc, les systèmes d’échange locaux, les échanges
entre voisins, etc. Le travail au noir échappe aussi partiellement à cette comptabilité. Comme
par hasard toutes ces activités non répertoriées ont tendance à se développer quand
l’économie « officielle » va mal !
Le PIB est donc un instrument très approximatif de mesure de la santé d’une économie !
Pire que cela : la croissance du PIB peut être due à des causes qui n’ont rien à voir avec
la création de richesses utiles à la société.
Ainsi les accidents de Tchernobyl et de Fukushima ont généré une activité importante, donc
du PIB, juste pour contenir la contamination radioactive ! Les inondations génèrent de la
valeur ajoutée (donc du PIB) pour beaucoup d’entreprises (BTP, assurances, etc.) juste pour
remettre en état des biens déjà existants. Paradoxalement les catastrophes de toute nature, les
intempéries, etc. contribuent à l’augmentation du PIB, sans apporter un quelquonque progrès
matériel ou augmenter la satisfaction des besoins.
Horreur ! Le PIB mesure aussi de la croissance qui détruit !
La consommation accélérée des énergies et des matières premières non renouvelables fait le
bonheur des pétroliers et des industriels de tout poil en créant pour eux plein de valeur
ajoutée, donc une augmentation du PIB. L’extension de la consommation à de nouveaux pays
qui émergent, l’explosion de la population planétaire semble faire miroiter de nouvelles
perspectives de croissance. Mais une croissance indéfinie est-elle possible ? Assurément non,
déjà nous mangeons notre capital : pour chaque année d’activité économique il faudrait les
ressources annuelles de 2 planètes comme la nôtre pour satisfaire notre consommation. Sans
compter que notre croissance pollue, détruit, impacte le climat !
La croissance du PIB n’a donc que peu de choses à voir avec le bonheur du genre
humain !
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Oui d’accord, diront certains, mais à court terme, on ne peut pas tout arrêter comme ça.
Il faut continuer la croissance, le temps de pouvoir se retourner, faire les réformes
nécessaires ! Et en attendant, le retour de la croissance peut créer des emplois et donc
soulager beaucoup de chômeurs qui tirent le diable par la queue…
Le retour de la croissance créatrice d’emplois ? Non ou alors si peu ! C’est une fable !
En France comme ailleurs dans la plupart des pays développés la croissance tend à diminuer.
Les « trente glorieuses », années liées notamment à la reconstruction du pays, sont depuis
longtemps passées. Et rien ne permet de penser que cette tendance actuelle s’inversera.
Source : Taux de croissance française de 1950 à 2013, INSEE
Certains pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, etc. (BRICS) ont connu dans un passé récent
des taux de croissance du PIB prodigieux si on les compare au notre, mais ces taux sont
redescendus. (L’explication : c’est une simple question d’arithmétique : si au repas de midi on vous
augmente à 20 grammes votre portion de spaghettis qui était de 10 grammes, il y a eu un
accroissement de 100% de pâtes dans votre assiette mais vous aurez toujours faim).
L’augmentation du taux de croissance n’a donc pas la même signification dans un pays
peu développé l’on part de presque rien que lorsqu’on est dans un pays à l’économie
déjà avancée !
Quasiment tous les économistes s’entendent pour expliquer qu’un niveau de croissance
du PIB compris entre 1,5 % et 2 % par an ne permet pas de réduire le chômage ; ça
maintient tout juste l’emploi existant et encore !....
Il faut savoir que les gains de productivité (une même personne produit plus dans le même laps
de temps) sont sensiblement du même niveau que les gains de croissance : certes on crée
plus de valeur ajoutée (richesses) mais il faut moins de personnes pour les produire
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Il n’y a pas de mystère -dessous : la croissance c’est comme une recette de cocktail ou de
cuisine : il faut qu’un certain nombre d’ingrédients soient réunis, dans la bonne quantité et
que la préparation respecte un certain ordre sinon c’est pas bon !
La croissance dépend :
- des ressources naturelles (énergie, matières premières)
- du capital qui est investi dans les outils et machines
- du travail qui fait fonctionner l’outil de production
- d’un environnement humain qui fonctionne bien (une société démocratique, de bonnes
lois, un état de droit, etc.)
- d’infrastructures en bon état (par ex : transport, communication)
Or :
- Les ressources naturelles sont limitées et non renouvelables pour beaucoup d’entre
elles alors qu’il y a de plus en plus de pays et de population à vouloir en tirer profit.
Nous sommes plus à nous partager le même gâteau, donc chaque portion devient plus
petite !
- Le capital qui s’investit dans certains secteurs de la production ne rapporte plus assez
de l’avis de certains investisseurs qui délaissent l’économie réelle (le financement des
entreprises) pour jouer à la finance-casino (spéculation boursière, produits dérivés,
etc.)
- Le travail humain est concurrencé par le développement de l’informatique et de la
robotique qui suppriment plus d’emplois qu’ils n’en créent (par ex. : logiciels pour
professions libérales qui remplacent le personnel de secrétariat ou comptable, caissières des supermarchés
remplacées par des caisses automatiques, etc. Selon l’étude de deux chercheurs d’Oxford, Carl Benedikt
Frey et Michael A. Osborne, «l'ordinatisation» des métiers va tuer - et tue déjà - l'emploi à petit : 47% des
emplois pourront être confiés à des ordinateurs d'ici 20 ans. Si certains secteurs comme l’éducation ou la
santé courent moins de risque que d’autres comme les emplois administratifs, les métiers du transport (*) et
de la vente, l’agriculture risquent de perdre beaucoup d’emplois…Ce seront d’abord les métiers peu
qualifiés et à faible revenu qui seront remplacés. Aux USA c’est près de la moitde la population active,
celle des « jobs à faible qualification, qui pourrait être remplacée par des robots ou machines
« intelligentes » dans « un nombre indéfini d’années, peut-être dix à vingt ans », précisent les 2 chercheurs.
L’enjeu est donc de former des personnels hautement qualifiés nécessaires aux domaines peu ou pas
menacés par l’informatisation)
- En France nos institutions ont du mal à s’adapter à l’évolution de la société ce qui
génère toutes sortes de conflits. Le système de gouvernement se fige dans ses
avantages et prérogatives. L’Etat ne joue plus son rôle de régulateur / facilitateur de
l’économie réelle qu’il asphyxie au contraire sous des contraintes bureaucratiques et
des injonctions contradictoires…ce qui, entre autres, pénalise certaines infrastructures
nécessaires à la croissance (par ex. : transports ferroviaires)
En conclusion (provisoire) :
On ne peut pas attendre, dans la situation actuelle de la France et de nos voisins européens,
une évolution de la croissance qui permettrait de réduire sensiblement le chômage donc de
créer suffisamment d’emplois définis selon les normes actuelles. Même si la situation peut
connaître quelques répits ponctuels, exploités par la communication / propagande de nos
gouvernants, la tendance lourde est à la perte d’emplois. Il s’agit donc de poser le problème
autrement : y a-t-il une croissance possible ? Laquelle voulons-nous ? Que peut devenir
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l’emploi compte tenu des contraintes qui pèsent actuellement sur lui ? Faut-il redéfinir la
place de l’emploi dans le fonctionnement de nos sociétés modernes ?......
A la place de la répétition incantatoire de dogmes économiques éculés, il s’agit donc de poser
des problèmes de fond : l’humanité est entrée dans l’anthropocène c'est-à-dire dans un âge
les activités humaines conditionnent l’avenir de la planète : en sommes nous capables d’y
réfléchir ? Il semble que nos gouvernants actuels ne le soient pas : changeons de système !
Définition INSEE : Le taux d'activité est le rapport entre le nombre d'actifs (actifs occupés et chômeurs recherchant un
emploi ou en emploi partiel) et l'ensemble de la population correspondante.
Oui mais en attendant on fait quoi ?
Madame, Monsieur, en attendant, lorsque votre adolescent vous demande de lui acheter un
vélomoteur 50 cm3-imitation-moto-cross, achetez lui plutôt des livres car une chose au moins
est sûre : pour s’en sortir il faudra qu’on augmente notre niveau d’éducation !
H. REYS le 17/05/2015
(*)Vidéo = test d’autobus sans chauffeur : expérimentation en cours à la Rochelle
https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=kXwY3zv5y8c
Note de la rédaction : comme annoncé cet article consacré au dogme économique en vigueur
sera suivi dans les prochaines éditions par la critique d’autres aspects du dogme. Prochaine
édition : la question de la dette.
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