RESPIREZ LA SANTÉ ! Les effets de la qualité de l’air sur la santé Par Elena Ananieva, Christyan Bonilla, Anthony Cimino, Mélissa Doutre, Vanessa Dufour, David Paolini, Dac Khang Jimmy Pham, Jean-Franôis Provencher, Shan Ho Shen, Yu Shan Zhang, étudiants en pharmacie de l’Université de Montréal Un individu respire environ 15 kg d’air par jour, ce qui signifie qu’il est constamment exposé de façon involontaire aux polluants de l’air(1). L’agence Internationale pour la Recherche sur le Cancer (IARC) a classifié plusieurs des composés polluant l’air comme étant associés au cancer. En effet, l’air pollué contient des particules néfastes pour la santé de l’homme. Les gaz d'échappement, tels que le diesel et d'autres constituants de l'air ambiant, notamment le benzène et certains hydrocarbures, ont été classés comme cancérigènes. De plus, les produits d’échappement des moteurs, les solvants organiques et inorganiques ainsi que les métaux sont aussi des éléments pouvant causer le cancer. Depuis quelques années, la recherche aux États-Unis s’est concentrée sur les particules fines liées à la pollution atmosphérique, nommée dans le jargon scientifique les matières particulaires (PM)(2). Les matières particulaires, une combinaison de particules fines solides et liquides extrêmement petites retrouvée dans l’air, peuvent grandement varier dans leur composition et leur grosseur. On parle surtout de PM10 et de PM2.5; ils correspondent aux matières particulaires de taille de 10 et de 2,5 micromètres en diamètre, respectivement. Les composantes varient dans le temps et selon le lieu du prélèvement de l’échantillon de l’air. La probabilité que ces particules atteignent et se déposent dans les poumons est directement reliée à leur composition et grosseur. En effet, plus la particule est petite, plus elle aura une facilité de pénétrer profondément dans les poumons. Les particules sont donc caractérisées en fonction des tailles qui produisent des effets différents. Les particules ultrafines (inférieures à 2,5 micromètres de diamètre) se faufilent facilement dans les poumons alors que la plupart des particules supérieures à 10 micromètres de diamètre seront expulsées par divers mécanismes de défense au niveau des poumons. Les recherches canadiennes soulignent l’incidence des diverses maladies aiguës et chroniques suite à une exposition prolongée aux polluants atmosphériques tels que le dioxyde d’azote et l’ozone. En 2013, l’IARC a notamment classifié la pollution de l’air ambiant comme cancérigène pour l’humain, établissant ainsi un lien évident entre l’exposition à la pollution ambiante et le cancer du poumon. En effet, près de 3,2 millions de décès prématurés en 2010, dont 223 000 décès imputables au cancer du poumon sont attribués à une exposition au PM2.5(2). Plus de la moitié de ces décès étaient attribuables à la mauvaise qualité de l’air des pays de l’Asie du Sud-Est. Plusieurs études s’entendent sur le fait qu’une exposition prolongée aux particules fines polluantes de l’air augmente les risques du cancer du poumon, particulièrement l’adénocarcinome. Par exemple, une étude américaine a montré une augmentation de 14% de cas de cancer du poumon associé au PM2.5 dans une cohorte de plus de 500 000 personnes provenant de 50 différents états(4). Par ailleurs, une autre étude publiée en 2006 démontre qu'une exposition chronique à la pollution de l’air pourrait augmenter le risque de mortalité suite à un cancer du poumon (5). De plus, plusieurs études ont confirmé une relation entre la quantité de polluants auxquels les individus étaient exposés et le risque de développer le cancer du poumon. Bref, même si le risque de développer un cancer du poumon dû à la mauvaise qualité de l’air est généralement faible, dans une perspective mondiale, un nombre considérable de décès y seront attribués ( 6). Par surcroît, jusqu’à présent, il y a un lien clair entre l’augmentation de l’incidence des maladies cardiovasculaires ainsi que des effets cardiovasculaires aigus et une exposition prolongée aux polluants atmosphériques. L’exposition à la pollution de l’air pourrait être une cause environnementale majeure de mortalité précoce au niveau mondial d’ici 2050, dépassant la malaria et la mauvaise qualité de l’eau. L’effet sera d’autant plus considérable dans les pays ayant des populations denses comme la Chine et l’Inde. Toutefois, le Canada ne serait pas épargné en raison de l’accroissement de l’urbanisation en zone de forte pollution. Le National Ambiant Air Quality Standards (NAAQS), installé aux États-Unis, a émis plusieurs recommandations quant au contrôle de la qualité de l’air. Ces mesures ont surtout été recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé depuis 1987. L’effort pour contrôler les sources de pollution de l’air ambiant devrait être considéré comme une stratégie de santé publique pour réduire l’incidence du cancer du poumon(6). Une des principales mesures vise à contrôler l’émission de polluant engendrée par les véhicules. Il est vrai que plusieurs avancées technologiques ont déjà permis une amélioration considérable de l’émission de polluants par les véhicules, mais il reste beaucoup de progrès à faire, particulièrement en ce qui concerne la congestion automobile. Considérant le nombre croissant de voitures et la pénurie de transport en commun, le développement des moteurs « verts » demeure insuffisant. Une amélioration des technologies ne pourra pas à elle seule améliorer considérablement la qualité de l’air; d’autant plus que les technologies qui génèrent de l’énergie, majoritairement basées sur la combustion des fossiles (charbon, pétrole et gaz), sont également une source importante de polluant contribuant à la dégradation de la qualité de l’air. D’autres mesures politiques devront donc être entreprises. Une des principales difficultés constitue l’accès à l’énergie propre ainsi que la dépendance des groupes à faibles revenus à des technologies désuètes. La question de la quantité d'énergie utilisée doit aussi être soulevée; en outre, la façon dont nous vivons, particulièrement en Amérique du Nord, nécessite d’être revue sur le plan éthique. Il faut faire appel à une politique pour l’utilisation de l’énergie responsable. 1. Goldberg, M. Teaching : Environnemental policy courses [En ligne]. Montréal : McGill ; 2014. [Consultée le 3 mars 2015]. Disponible : http://www.med.mcgill.ca/epidemiology/goldberg/teaching-environmental/ 2. Stacy, S. World Health Organization : Outdoor Air pollution causes cancer [En ligne]. American Cancer Society :2015. [Consultée le 3 mars 2015].Disponible : http://www.cancer.org/cancer/news/world-health-organization-outdoor-air-pollution-causes-cancer 3. Arbex MA, Santos UP, Martins LO, Nascimento Saldiva PH, Amador Pereira LA, Ferreira Braga AL. Air pollution and the respiratory system. J. bras. Pneumol. 2012 ; 38(5) : 643-655 4. Pope CA 3rd, Burnett RT, Thun MJ, Calle EE, Krewski D, Ito K, et al. Lung cancer, cardiopulmonary mortality, and long-term exposure to fine particulate air pollution. JAMA. 2002;287(9):1132-41 5. Laden F, Schwartz J, Speizer FE, Dockery DW. Reduction in fine particulate air pollution and mortality: Extended follow-up of the Harvard Six Cities study. Am J Respir Crit Care Med. 2006;173(6):667-72. 6.Fajersztajn L, Veras M, Barrozo LV, Saldiva P. Air pollution : a potentially modifiable risk factor for lung cancer. Nature. 2013 ;13 : 674- 678 7. Centre International de Recherche sur le Cancer : Organisation mondiale de la Santé. La pollution atmosphérique une des premières causes environnementales de décès par cancer, selon le CIRC[En ligne]. Lyon :IARC ;2013[Consultée le 3 mars 2015]. http://www.iarc.fr/fr/mediacentre/pr/2013/pdfs/pr221_F.pdf