III. La politique française au congrès de la paix de Westphalie 129
ter. Or, le fait que Longueville ait mené seul les négociations avec l'Espagne
pendant une période décisive de presque quatre mois, de janvier à avril 1647,
remet sérieusement en question ce jugement. Les recherches récentes ont souligné
l'influence majeure du duc sur certaines décisions cruciales de la diplomatie fran-
çaise à Münster7. On constate aussi que les dépêches qu'il envoyait seul à Paris, et
qui avaient été rédigées sans le concours de ses collègues d'Avaux et Servien,
attestent une bonne connaissance des matières de la négociation8. Toutefois, il est
vrai que l'emprise de Longueville sur les négociations relatives aux questions al-
lemandes n'a pas été aussi grande qu'à l'égard des pourparlers franco-espagnols,
et qu'il est arrivé à ses collègues d'émettre parfois des doutes sur ses capacités de
négociateur9. Néanmoins, une fois le duc rentré en France, Servien conseilla au
gouvernement, à l'été 1648, de le consulter au sujet de la condition juridique des
états immédiats de l'Empire dont les territoires étaient situés en Alsace, une ma-
tière très complexe mais que le duc connaissait bien, selon le jugement de son an-
cien collègue10. Par ailleurs, certaines questions traitées à Münster intéressaient
personnellement Longueville, par exemple le problème de la cession de l'Alsace
à la seule descendance légitime de la maison de Bourbon, à l'exclusion des
lignées illégitimes11.
Claude de Mesmes, comte d'Avaux, né en 1595 et mort en 1650, fut ambassa-
deur extraordinaire de France au congrès pour la paix de Westphalie à Münster du
18 mars 1644 jusqu'à sa révocation au printemps 1648. Il fit plusieurs voyages à
Osnabrück et entretint de très bonnes relations avec les députés protestants, no-
tamment avec le Suédois Salvius, tout en veillant avec la plus grande attention
aux intérêts du parti catholique; au moment crucial des pourparlers entre le comte
de Trauttmansdorff, principal ambassadeur impérial au congrès de Westphalie, les
Suédois et les états protestants sur le droit de religion allemand, d'Avaux accom-
plit deux missions très importantes à Osnabrück du 16 janvier au 18 mars et du
3 au 26 avril 1647.
D'Avaux était issu de l'une des principales et des plus illustres familles de la
noblesse de robe, comptant parmi ses membres une longue tradition de juristes12.
Il était devenu conseiller d'État en 1623 et fut un diplomate de carrière avant la
7 Cf., en particulier, BRAUN, Einleitung, APW II Β 5/1, p. CXXX.
8 Cf. TISCHER, Französische Diplomatie, p. 104.
9 Cf., par exemple, la lettre de [Servien] à Lionne, [La Haye], 5 mars 1647; publiée dans:
BRAUN, APW II Β 5/1, n° 162, p. 765-767, ici p. 767: »[Longueville] est si facile et ne peut
pas sçavoir l'energie ny la véritable différence de termes dont il faut se servir dans un traité.
L'humeur vétilleuse, piquotante et pointilleuse de monsieur d'Avaux est utile en de sembla-
bles rencontres«.
10 Dans une dépêche envoyée par Servien à Louis XIV, [Münster], 24 août 1648, cf.
TISCHER, Französische Diplomatie, p. 104-105.
11 Servien évoqua ce conflit d'intérêts dans son mémoire à Lionne, Münster, [8 mai] 1646,
publié dans: JARNUT, APW II Β 3/2, n° 262, p. 910-915, ici p. 913.
12 Au sujet de la généalogie de cette famille connue depuis le XIIIe siècle, cf. Jean-Paul LE
FLEM, Recherches sur Jean-Jacques Ier de Mesmes, seigneur de Roissy-en-France (1490-
1569), dans: Société des sciences, lettres et arts de Pau, 4e série, VII (1972), p. 129-152.
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