LA CONJONCTURE ECONOMIQUE, PASSAGE OBLIGĖ A
TOUT INVESTISSEMENT AU LIBAN
Charbel CHEDRAWY Maître de Conférences à la FGM
Pierrette HOWAYEK Master en Gestion et Management
La situation de l’économie libanaise ne peut rester en dehors des tourbillons que
connaît la région au-delà d’une situation interne fragile et que d’une façon ou d’une
autre se répercutent inéluctablement sur le Liban.
Selon la Banque mondiale, les échecs systématiques en matière de gouvernance
dans un contexte d’instabilité économique et de corruption endémique pourraient
entraîner une rupture quant à un disfonctionnement dans l’appréhension et le contrôle
des échelles de valeurs dans le pays. La paralysie politique larvée en place depuis plus
d’un an et demi a fait que les composantes constitutionnelles majeures du pouvoir sont
bloquées. Plus encore, l’effondrement des services publics tels l’électricité, le transport
en commun au-delà d’une défaillance dans les problèmes de l’approvisionnement en eau,
de la crise des ordures amoncelées dans les rues constituent désormais un effet de boule
de neige sur pratiquement la totalité des secteurs productifs du pays. Dans le même ordre
d’idées, le Liban continue à faire face à d’importants défis découlant de la guerre en Syrie,
notamment l’accueil de la plus large communauté de réfugiés syriens (en pourcentage
de population) par rapport aux autres Etats de la région.
En dépit des perturbations politiques, l’amélioration des conditions de sécurité
dans le pays a favorisé une reprise modeste de l’activité économique en 2015. La
croissance a été un tant soit peu avantagée par une redynamisation du secteur
touristique et par l’accroissement des prêts privés en partie à la Banque du Liban
(BDL) et à ses mesures de relance économique par l’injection sur le marché de plus d’un
milliard de dollars en 2015. Le flux annuel de touristes a augmenté de 16.6 % au cours
des huit premiers mois de 2015, compaà une simple hausse de 0.7 % durant la période
correspondante en 2014. Sur un autre plan, la stagnation, voire la régression, du secteur
immobilier a constitué un frein à la croissance dans la mesure l’octroi de permis de
construire et la livraison de ciment ont régressé respectivement de 18.8 % et de 16.7 %
au cours des sept premiers mois de 2015, au-delà de la chute drastique des ventes
d’appartements aussi bien dans la capitale que dans sa banlieue.
Selon l’actuel ministre de l’économie et du commerce, l'économie libanaise souffre
de plusieurs faiblesses d'ordre structurel qui la rendent moins compétitive face aux autres
économies régionales et limitent par conséquent sa croissance. Une des raisons
principales de ses faiblesses est le coût énergétique sur l'économie qui affecte tant le
producteur que le consommateur en diminuant la profitabilité des entreprises d’une part
et le pouvoir d'achat des ménages d’autre part.
Face à cette situation qualifiée d’endémique par certains acteurs économiques, le
Liban pourrait bénéficier positivement de la baisse drastique des prix des carburants. En
effet, depuis juin 2014, l’économie mondiale a témoigné d’une énorme chute des prix du
pétrole, l’une des ressources primordiales des pays aussi bien développés qu’en
développement. Grâce à la chute de ces prix, la position budgétaire libanaise
structurellement détériorée s’est plus ou moins améliorée du fait de la réduction de
transferts de fonds à l'Electricité du Liban (EDL) auxquels s’ajoutent plusieurs autres
facteurs dont les virements de la diaspora libanaise, la baisse du déficit de la balance
commerciale, l’augmentation des revenus de la compagnie nationale d’aviation (MEA) et
certains autres secteurs productifs…
I- La Conjoncture économique actuelle au Liban
I-1. Les Finances Publiques au Liban
1
Malgré les instabilités politiques et économiques, les finances publiques au Liban
se sont nettement améliorées en 2014 par rapport à l'année précédente, en raison d’une
perception des recettes plus élevées (qualifiées comme techniques et non durables par
1
Selon les chiffres publiés par le ministère des finances.
la Banque mondiale) et la contraction des dépenses
2
. Les revenus ont augmenté
principalement à cause de la collecte des arriérés de télécommunication (compris la part
des municipalités). D'autre part, les dépenses primaires ont diminué suite à la réduction
des transferts à la CNSS, aux dépenses d'infrastructures, ainsi que des dépenses en
capital, à savoir les coûts et les transferts d'entretien au Ministère des Travaux publics et
du Transport.
Le début de l’année 2015 a suivi pratiquement la même tendance ; en effet, les neuf premiers
mois de l’année 2015 montrent un ralentissement de 8.6% par rapport à la même période de
l’année 2014 au niveau des revenus. Au niveau des dépenses, la situation est presque constante.
Selon la Banque Mondiale
3
, des mesures techniques mais non durables ont
contribué à améliorer le solde budgétaire au Liban en 2014. En effet, Le déficit budgétaire
global est réduit à 7,2 % du PIB, enregistrant une baisse de 2,3% par rapport à 2013.
C’est la balance primaire qui a assuré cette reprise (hors paiements d'intérêts), en
s’améliorant de 2,7% du PIB et en ramenant le revenu à nouveau excédentaire disparu
depuis 2011. Cette amélioration budgétaire au niveau de la balance primaire est due à
une revitalisation de la collecte des recettes, et plus précisément les recettes non fiscales
notamment les transferts du secteur des télécommunications. Les recettes totales se
retrouvaient ainsi en hausse d'environ 2,4% et ont atteint 23,7% du PIB.
Du côté des dépenses, les dépenses primaires ont diminué de 0,3% en 2013-2014 (en proportion
du PIB), mais reste à noter le montant énorme des dépenses qui était significativement plus élevé
que réellement enregistré en raison d'un retard dans le transfert d’un montant important provenant
des revenus de télécommunications. Ces revenus ont été collectés pour le compte des
municipalités par les services de l’Etat, et enregistrés sur le volet des recettes du budget en 2014
sachant qu’une fois distribués, ces transferts seront enregistrés sur le plan des dépenses du
budget, inversant radicalement l’amélioration budgétaire technique enregistrée en 2014.
Le solde budgétaire total a en fait enregistré un déficit de 4 632 milliards de LL
en 2014, une diminution de 27 % par rapport à 2013 (6 362 milliards de LL), faisant face
à une hausse insoutenable de 10,5 % en obligations de service de la dette. Le solde
primaire a enregistré un excédent de 1 970 milliards de LL à comparer à un déficit de 361
milliards de LL en 2013.
2
A noter que l’année 2013 était définie par « le mot stagflation, une stagnation au niveau de la croissance
économique, d’une part et, d’autre part, une inflation sur le marché » (Chedrawy et Howayek 2014).
3
Lebanon economic monitor; “the economy of new drivers and old drags”; Spring 2015.
Le solde primaire jusqu’en septembre 2015 a enregistré 1 031 milliards de LL, soit, à première
vue, une baisse de 22.43% par rapport à janvier-septembre 2014 ; mais, dans une perspective
de trésorerie, en excluant les transferts provenant de l'excédent de télécommunications pour les
neuf premiers mois de 2014, qui s’élèvent à 1 434 milliards de LL les chiffres diffèrent. En effet,
un déficit primaire de 128 milliards de LL est enregistré sur la période janvier-septembre 2014.
On remarque donc que le déficit total jusqu’en septembre 2015 a augmenté de 22 % à 3 391
milliards LL par rapport à 3 221 milliards de LL de la même période de 2014.
Toutefois, ce montant risque de s’aggraver surtout avec une situation économique et politique de
plus en plus perturbée.
Tableau 1 : Résumé de la performance fiscale 2013-2014 jusqu’en septembre 2015
(LL Milliard)
2013
Jan-Dec
2014
Jan-Dec
2015
Jan-Sep
Les recettes totales
14,201
16,400
10,897
Les dépenses totales
20,563
21,032
14,828
Le solde budgétaire total (Déficit/ Surplus)
-6,362
-4,632
-3,391
Le solde primaire (Déficit/Surplus)
-361
1970
1,031
Figure 1- La performance fiscale 2000- 2014
Source : Ministère des Finances 2015
(10,000)
(5,000)
-
5,000
10,000
15,000
20,000
25,000
2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014
Recettes
Depenses
Déficit
I.1.1. L'équilibre budgétaire : Les revenus et les dépenses
Il est à remarquer que le total des revenus a augmenté de 2 199 milliards de LL
pour atteindre 16 400 milliards de LL en 2014, soit une hausse de 15.5% par rapport à
l’année 2013. En effet, les recettes fiscales ont atteint 10 388 milliards de LL à la fin de
2014, une augmentation de 272 milliards de LL (2.7%) par rapport à 2013. Ce chiffre était
principalement tiré des impôts sur les revenus, les néfices et les gains en capital, qui
ont bondi de 293 milliards de LL (12%), sachant bien que la moitié de l'augmentation
provient de l'impôt sur les bénéfices, principalement en raison de la collecte des arriérés
des années précédentes.
Par contre, les taxes sur le commerce international ont diminué de 116
milliards de LL (5 %) en raison de la baisse des accises et des collections de douane
au cours de l'année, reflétant la diminution globale de la valeur des importations de 3,5
%. Les accises sur le tabac ont enregistré la baisse la plus notable de 63 milliards de LL
sur la période, alors que les importations de tabac ont diminué de 17% en valeur et de
8% en volume; ce dernier pourrait très probablement être attribuée à la contrebande à
travers la frontière avec la Syrie. En outre, les droits d'accise sur les voitures ont chuté
de 31 milliards de LL, surtout que les importations de voitures ont diminué de 7% en
valeur et de 9% en volume.
Alors que les recettes non fiscales se sont élevées à 4 354 milliards de LL en
2014, avec donc une augmentation de 1 085 milliards de LL d’année en année. Cette
augmentation a été principalement tirée par les transferts du surplus du secteur de
télécommunication.
Jusqu’en septembre 2015, les recettes non fiscales se sont contractées de 121 milliards de LL
pour atteindre 2 317 milliards de LL. A noter que ces recettes si calculées dans une perspective
de trésorerie vont refléter une amélioration surprenante par rapport à la même période de 2014 ;
une croissance de plus que 100% est enregistrée et cela pour les mêmes raisons précitées ; les
transferts de surplus du secteur de télécommunication en janvier-septembre 2014 étaient nuls
alors qu’en 2015 ils ont atteint les 1 295 milliards de LL.
Tableau 2 : Les recettes totales 2013-2014 jusqu’à septembre 2015
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