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réforme des politiques de la drogue. Si le renforcement de l’arsenal répressif qui en est résulté
s’est inscrit dans la continuité des mesures développées depuis la fin des années soixante, il en
est allé tout autrement dans le champ sanitaire et social. Fonctionnaires et médecins de l’Unité
politiques de la drogue du ministère de la santé figurent parmi les protagonistes qui, dès le
début des années quatre-vingt, ont cherché à déclencher un processus de rénovation des
dispositifs. En accord avec les diagnostics sociologiques effectués à l’époque (Stimson,
Oppenheimer, 1982), ils recherchent un assouplissement des pratiques psychiatriques,
souhaitent favoriser le développement de dispositifs de proximité multidisciplinaires, qui
proposeraient un accueil à bas seuil des usagers et impliqueraient donc une mise en
perspective de l’objectif d’abstinence. Si les médecins et fonctionnaires de santé publique ne
sont pas à proprement parler en mesure d’imposer de telles orientations, ils tentent néanmoins
de les favoriser en stimulant la réflexion des experts et représentants du secteur dans les
différents forums de l’action publique
en matière de drogue, qu’ils soient interdisciplinaires
(Advisory Council on the Misuse of Drugs 1982 et 1984) ou médicaux (Department of Health
and Social Security, 1984).
Le succès remporté est mitigé puisque seul l’Advisory Council on the Misuse of Drugs
formule des recommandations conformes à leurs attentes. Le groupe de travail médical,
dominé par des psychiatres spécialisés, se montre plus conservateur. Les recommandations de
l’ACMD de 1982 inspirent directement une initiative de financement gouvernementale qui
bénéficie pour l’essentiel au développement d’un réseau de structures d’accueil à bas seuil, de
proximité, de type associatif (McGregor et al., 1991).
Cette première réforme du volet socio-sanitaire des politiques de la drogue au début des
années quatre-vingt, analysée comme l’un des facteurs explicatifs de la rapidité du
développement ultérieur des politiques de réduction des risques (Berridge, 1993 ; McGregor,
1998 ; Stimson, 1995), procède donc pour une bonne part des initiatives d’acteurs publics de
la santé. Ceux-ci jouent également un rôle significatif dans la mise en évidence du problème
constitué par le risque de propagation du VIH au sein et à partir de la population des usagers
et le rapide accroissement du nombre d’usagers au début de la décennie » (1988, p. 27). Le nombre d’usagers
d’héroïne croît de 30% par an entre 1980 et 1985 (HOME OFFICE STATISTICAL BULLETINS, 1998,
Statistics of Drugs Seizures and Offenders Dealt With, London, Home Office, issue 28/87, tableau 3.1.). Le
Conseil consultatif sur l’abus de drogues (Advisory Council on the Misuse of Drugs – ACMD estime qu’ en
1986 le nombre d’usagers d’héroïne se situe entre 75000 et 150000 en Grande-Bretagne (ADVISORY
COUNCIL on the MISUSE of DRUGS, 1988, AIDS and Drug Misue Part 1 – Report by the Advisory Council
on the Misuse of Drugs, London, Department of Health & Social Security, Her Majesty’s Stationery Office, p.
13).
La notion de forum d’action publique est ici utilisée dans l’acception de Bruno Jobert (1999).