Communication faite en séance plénière
à l’Académie Hassan II des Sciences et des Techniques
Rabat, 21 février 2008
Par Pier Luigi Rossi et Roland Waast, IRD, France
La production scientifique du Maroc. Données récentes.
Le Maroc a été un des premiers pays méditerranéens à porter une attention détaillée à ses
résultats de recherche. Des études bibliométriques ont fait le point dès 20001. Elles ont montré
qu’en une décennie (les années 1990) le pays a connu une montée en puissance considérable.
Il s’est ainsi hissé au rang de 3° producteur de science en Afrique. A partir de 2000 toutefois,
une inflexion se fait jour et le rythme de croissance ralentit.
Le Maroc a été aussi parmi les rares pays au monde qui ait eu l’audace de faire procéder à une
évaluation externe de son système de recherche. Conduite entre 2001 et 2003 avec le concours
de scientifiques européens de renom, cette évaluation a notamment conclu :
- que le pays disposait d’un riche potentiel de chercheurs,
- que les mesures de soutien récemment promues par le Ministère de la Recherche étaient très
bien orientées,
- que néanmoins le système était à la croisée des chemins. Si la recherche n’était pas pourvue
d’un « nouveau moteur » (au-delà des soutenances de thèses multiples exigées pour changer
de grade à l’Université), l’élan risquait de s’épuiser et l’investissement de se perdre2.
Depuis lors, que s’est il passé ? La communication suivante, appuyée sur de nouvelles
données bibliométriques, a pour but d’étudier l’évolution récente en quelque détail. Nous
analyserons successivement :
* l’évolution globale (1995_2006)
* le « tableau de bord » des évolutions, par grandes disciplines et pour les 20 établissements
majeurs, entre 1995 et 2006.
* les leçons à tirer de la toute dernière période accessible (2004_2006).
1. Bibliométrie et bibliométrie fine : méthodologie.
On connaît le principe de la « bibliométrie ». Il s’agit d’approcher l’activité scientifique par
ses produits, ou plutôt par celui que la communauté savante juge primordial : la publication3.
La théorie montre que cette production est très concentrée (un petit nombre de scientifiques
produisent le gros des articles : « loi de Lotka ») et l’expérience prouve que la science qui
compte (influente et citée) se concentre dans un petit nombre de revues spécialisées.
Les bibliomètres prennent donc pour source des bases de données sélectives, qui dépouillent
le contenu de quelques milliers de revues jugées « les meilleures du monde ». Deux d’entre
1 Ces études bibliométriques font partie de diagnostics plus complets. Par exemple : en 2000 Sciences en
Afrique, Maroc : http://www.ird.fr/fr/science/dss/sciences_afrique; en 2003 Evaluation du système de recherche
du Maroc publié par le Ministère marocain de la Recherche ; en 2007 Projet ESTIME, Maroc, www.estime.ird.fr
2 Cette évaluation a été récemment republiée : « Le Maroc scientifique », Paris : Publisud, 2008.
3 S’ajoute souvent, dans les études de « scientométrie », l’examen des brevets déposés (comme indicateur du lien
à l’innovation économique).