Et si l’on veut rendre un visage plus doux, plus sympathique, moins rébarbatif,
si un sentiment agréable nous envahit, alors, tels les bras qui s’écartent, le
sourire élargit la bouche et le plissement des paupières élargit la barre ho-
rizontale des deux yeux. Il équilibre notre visage dans la mimique et l’em-
bellit.
Il y a « au repos » de beaux visages, agréables à regarder. Il faut parler
alors de stabilité plus que d’équilibre, qui est par nature instable et ne peut
se révéler que dans le mouvement. Le roi Philippe « le Bel » passait pour ne
jamais sourire. La célébrité de Buster Keaton ne doit rien à son sourire. Ses
traits en sont-ils pour autant désagréables? N’arrivent-ils pas à exprimer
des émotions au-delà d’une apparente impassibilité?
Le sourire est un cadeau qu’on donne aux autres, au monde, à soi, celui
d’un visage plus agréable par un mouvement musculaire, un aménagement
de sa physionomie et ce, par une action volontaire, en partie consciente. C’est
un mouvement vers les autres. Et, plus simplement, c’est un mouvement des
muscles de la face, les muscles peauciers appelés aussi muscles de l’expres-
sion et de la mimique. Ces muscles sont superficiels, sous la peau, et ont trois
particularités : ils ont tous au moins une insertion cutanée, dans la peau qu’ils
mobilisent; ils sont groupés autour des orifices de la face qu’ils agrandis-
sent – on les appelle muscles dilatateurs – ou rétrécissent – ce sont les constric-
teurs; ils sont tous commandés par le nerf facial, septième paire des nerfs
crâniens. Les anatomistes les groupent en muscles des paupières et des sour-
cils, muscles du pavillon de l’oreille souvent atrophiques chez l’homme, muscles
du nez, et muscles des lèvres. Rouvière en décrit 23 par côté dont 13 pour
l’action des lèvres seules. Certains muscles, par leur contraction et leur ac-
tion synergique, conjointe avec les autres, vont produire une expression : joie,
plaisir, tristesse, attention, émotion, stupeur, colère, souffrance, dégoût, dépit,
morgue… Ces expressions peuvent être volontaires ou inconscientes. Une sti-
mulation électrique musculaire bien choisie peut les reproduire. La joie et
le contentement vont se traduire par une élévation et un étirement trans-
versal des orifices – la bouche, le nez, les yeux – avec différentes nuances.
Mais le sourire s’imprime sur tout le visage. Les muscles zygomatiques et
releveurs propres et communs des lèvres sont les effecteurs du rire : ils atti-
rent en dehors et élèvent les commissures des lèvres. Le muscle risorius est,
lui, le muscle du sourire; il est propre à l’homme et c’est son action, sépa-
rée de celle du grand zygomatique, qui crée ces fossettes si charmantes chez
certaines personnes. L’unicité de la commande nerveuse et la répartition, dif-
férente d’un individu à l’autre, des terminaisons de nerfs dans les différents
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