Eric de Clermont-Tonnerre, o. p. C.E.S. 2 juin 2007
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B I B L I O G R AP H I E
MARIE DE LA TRINITE, Filiation et sacerdoce des chrétiens, Lethielleux, Paris, 1986
Le petit livre des grâces, Arfuyen, 2002
Consens à n’être rien (carnets 1936-1942), Arfuyen, 2003
Entre dans ma gloire (carnets 1942-1946), Arfuyen, 2001
De l’angoisse à la paix, Relation écrite pour Jacques Lacan, Arfuyen, 2004
Je te veux auprès de moi, agenda 1927-1930, Arfuyen, 2005
Le silence de Joseph, Arfuyen, 2007
Frère Dominique, Cerf, 2006
Lecture d’une expérience et d’une œuvre, Actes du colloque de la Tourette, sous la direction
de Éric de Clermont-Tonnerre, op, Cerf 2006
CHRISTIANE SANSON, Marie de la Trinité, De l’angoisse à la paix, Cerf, 2003
Eric de Clermont-Tonnerre, o. p. C.E.S. 2 juin 2007
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MARIE DE LA TRINITE ET LE SACERDOCE DU CHRETIEN
Séminaire du 2 juin 2007
Centre d’études du Saulchoir
Intervenant :
Frère Éric de Clermont-Tonnerre, o.p.
Président du Directoire des Éditions du Cerf
Président de l’association « Amitiés Sœur Marie de la Trinité »
Objet du séminaire :
Sœur Marie de la Trinité Dominicaine Missionnaire des Campagnes, décédée en 1980, dont
on découvre actuellement les écrits spirituels (3000 pages à paraître) fut invitée par le Père à
« se servir » du sacerdoce du Christ, à en éprouver, en elle-même, toute la force et la
plénitude. Elle a développé, avant le Concile Vatican II, toute une réflexion sur le sacerdoce
personnel que chaque baptisé est appelé à mettre en œuvre dans sa vie.
Le séminaire a pour but de recueillir cette doctrine du sacerdoce du chrétien chez Marie de la
Trinité, d’en comprendre l’importance, de la mettre en écho avec certains textes, certains
courants ou certaines études de la Tradition (les Pères, Thomas d’Aquin, l’École française, et
le thème plus contemporain du sacerdoce commun des fidèles…) ainsi que de réfléchir à cette
grâce étonnante que Marie de la Trinité souhaitait que chaque chrétien vive.
Déroulement :
Deux exposés de trente minutes, suivis de questions et d’échanges ; un temps de travail sur
textes de trente minutes, un exposé de trente minutes.
Bibliographie :
Marie de la Trinité, Le Petit livre des grâces, Arfuyen, Orbey, 2002
, Filiation et sacerdoce des chrétiens, Lethielleux / Culture et Vérité, Paris / Namur
(Belgique), 1986 [encore disponible]
Eric de Clermont-Tonnerre, o. p. C.E.S. 2 juin 2007
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MARIE DE LA TRINITE ET LE SACERDOCE DU CHRETIEN
Aujourd’hui, nous n’allons pas refaire un parcours d’ensemble sur l’expérience de MdT. En
effet, il y a trois ans (juin 2004) nous avons eu déjà un séminaire dans le cadre du centre du
Saulchoir sur l’expérience de MdT. Il s’agissait, en quelque sorte, d’une introduction à MdT.
Cette introduction était structurée en trois étapes :
L’itinéraire de MdT
L’épreuve de Job
Le sacerdoce du Christ et le sacerdoce personnel des chrétiens
Aujourd’hui, c’est ce troisième thème qui va nous retenir.
Il s’agit d’un thème extrêmement important chez MdT : thème qui correspond à son
expérience et à sa réflexion et qui traverse l’ensemble des 3000 pages des Carnets dont nous
allons, aux Éditions du Cerf, publier le 1er tome à la fin de cette année.
Comme je l’ai indiqué dans le texte de quelques lignes qui annonçait ce séminaire, MdT a un
jour entendu le Seigneur lui dire qu’elle ne se servait pas de son sacerdoce : (lire p. 63/64
Petit livre des grâces)
(carnet 2 p. 107/62) 1940, Ceffonds (Haute-Marne) − Janvier
seule à l'oratoire
je regardais, pendant l'oraison, la multitude de mes péchés, et l'inutilité, par ma faute, de
toutes les grâces de Dieu sur mon âme, en particulier cette grâce si grande de 1929
je faillis alors pécher contre l'espérance, tant le poids était lourd, accablant, et l'obscurité
profonde, et les fautes nombreuses.
Alors, il plut au Seigneur de se manifester en moi.
Il me reprocha de ne pas me servir de son sacerdoce Il me le reprocha comme Il sait
faire « suaviter et fortiter avec douceur et force » (cf. Sg 8 1); je ne vis pas du tout alors ce
qu'Il voulait ni ce que j'avais à faire.
Ce reproche m'est resté imprimé intérieurement, mais il est tout suave, toute douceur.
Au même moment, je connus pour la première fois notre Seigneur présent en moi avec
toute la plénitude de son sacerdoce.
Cela se fit en un instant, et dans la simplicité des opérations divines. En ce même instant
Il me découvrit, au-dedans de moi-même (qui me trouvais comme au-dedans de Lui-même) les
profondeurs de son sacerdoce, et m'y plongea.
C'est de l'ordre des grâces substantielles, qui atteignent directement et uniquement le
centre de l'âme et y laissent une empreinte ineffaçable qui pénétrera l'éternité : les taches
(p. 108/62) de nos péchés seront effacées par le Précieux Sang, mais les empreintes de la
grâce demeureront, pour la gloire de ce Sang, et à la louange de la bonté du Père.
Petit livre des grâces p. 63/64
Suivront des centaines de pages de ses carnets qui reviendront sur ce thème qu’elle développe
autour :
- du sacerdoce du Christ
- de notre participation au mystère du Christ
- des sacerdoces ministériel et personnel des chrétiens.
Eric de Clermont-Tonnerre, o. p. C.E.S. 2 juin 2007
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Lorsqu’on examine les termes utilisés par MdT pour parler du sacerdoce des chrétiens (du
chrétien), on constate qu’elle n’utilise pas ou très peu l’expression consacrée par le Concile
Vatican II, “le sacerdoce commun” des fidèles, des baptisés.
Avant le Concile, le théologien dominicain Yves Congar a étudié la théologie protestante, en
particulier la théologie de Jean Calvin et l’importance que Jean Calvin accorde au sacerdoce
des baptisés.
C’est en 1940 que MdT (recevant cette parole de ne pas se servir du sacerdoce) commence à
réfléchir au sacerdoce des baptisés.
Ce n’est qu’en 1953 que Congar publie Jalons pour une théologie du laïcat. Mais il connaîtra
la désapprobation des autorités romaines précisément parce qu’il introduit, dès le début du
livre, le thème théologique du sacerdoce commun.
En milieu catholique, on restera assez réticent à ce thème (encore aujourd’hui) parce que c’est
un thème protestant qui a conduit à envisager une structure ecclésiale sans clergé, sans prêtre,
sans sacerdoce ministériel (les pasteurs ne sont pas des prêtres au sens de la théologie
catholique) et qui privilégie une structure ecclésiale où s’exerce en communauté le sacerdoce
commun des baptisés selon la formule : un seul est prêtre, le Christ ; tous sont prêtres, « tous »
signifiant tous les fidèles ; donc pas de prêtre, pas de clergé.
Ce matin, je voudrais donc :
- Revoir avec vous certains aspects du sacerdoce des chrétiens chez MdT ;
- Mettre en écho à cela certains textes et certains éléments de la Tradition à propos
du sacerdoce des baptisés et du sacerdoce commun ;
- Lire ensemble quelques textes ;
- Réfléchir à cette grâce étonnante que MdT voulait que chaque chrétien vive.
I LE SACERDOCE DU CHRETIEN CHEZ MARIE DE LA TRINITE
1. Filiation et sacerdoce dans le Christ
Toute la réflexion de MdT se fonde sur son expérience de la Trinité, et comme trait
caractéristique de cette expérience de la Trinité : la relation.
- relation entre les personnes divines, le Père, le Fils, et le Saint Esprit
- relation entre le Père et l’homme, entre l’homme et le Père
- relation du Christ avec les hommes et des hommes avec le Christ
- relation (si l’on peut dire) entre l’humanité et la divinité.
Ainsi écrit-elle par exemple (6 août 1944)
L’amour du Verbe incarné est “un amour qui va vers et qui donne son propre sujet en
signe de sa réalité et en preuve de sa vérité. L’amour du Père est à l’opposé : c’est un amour qui
aspire à soi et cela ne peut être autrement.”
Elle caractérise ainsi deux modes de l’amour de Dieu :
L’un du Verbe qui va vers, qui rejoint, qui pose devant lui l’autre.
L’autre du Père qui attire à lui.
Eric de Clermont-Tonnerre, o. p. C.E.S. 2 juin 2007
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De plus, MdT continue à réfléchir aux relations entre Dieu et l’homme avant l’Incarnation et
après l’Incarnation ; la condition de l’homme est exclusivement la condition de créature…
et comme, de soi, la créature est extérieure à Dieu, c'est aussi par le dehors et par un culte
extérieur qu'elle L'honorait, à son plan et selon son mode de créature. Par l'Incarnation,
l'Humanité a été assumée d'abord dans un seul sujet, le Christ Jésus, puis en d'autres qu'Il
S'est agrégé.
(p. 2934/1741) D'extérieure, de ce fait, la religion due à la Déité est devenue toute intérieure,
revêtue qu'elle fut, dès l'Incarnation par la Personne du Verbe.
Du seul fait de l'Incarnation, elle est devenue intérieure aux Relations du Verbe au Père c'est
pourquoi « Regnum Dei intra vos est Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. » et « ora
Patrem tuum in abscondito ◊ Prie ton Père dans le secret. »
C'est ainsi que la réalité de notre religion au Père est proportionnée à notre intériorité aux
Relations du Verbe au Père. Ceci est d'une importance capitale non tant pour le fait lui-
même, que pour sa cause qui éclaire la qualité de notre religion = la qualité même de la
référence sacerdotale. Filiation et sacerdoce n° 4, p. 63
Avant l’Incarnation, la relation à Dieu est extérieure à la créature, elle s’exerce par le dehors
et par le culte extérieur. Après l’Incarnation, l’humanité est assumée dans un seul sujet : le
Christ, puis en nous-mêmes. De ce fait, la religion devient intérieure aux relations du Verbe
au Père. La créature est intégrée à l’intérieur des relations trinitaires par le Verbe, c’est
pourquoi le Royaume de Dieu est au-dedans de nous et qu’il est possible de prier dans le
secret (porte-close). Ainsi, par l’Incarnation, notre culte se fait par le Verbe. Ceci éclaire la
qualité de la référence sacerdotale.
Continuant sa réflexion (même s’il s’agit d’une réflexion datant du 15 mai 1942) MdT aborde
la distinction entre la filiation et le sacerdoce :
Il y a comme une double face dans la Très Sainte Humanité du Christ :
- celle qui regarde le Père, selon la Filiation = face qui est (p. 850/495) toute perfection,
splendeur de gloire en elle-même et au Père, toute pureté, toute sainteté, immobile dans une
plénitude et intimité de Déité qui ne peut s'accroître immobile aussi dans l'assomption
consommée dès le premier instant, dans la vision glorieuse, dans une totale adhésion de tout
elle-même à ce à quoi adhère éternellement la Personne qui l'assume
- face intérieure, réservée au seul regard du Père, face de pure Filiation, splendeur de
perfection selon la nature, la grâce et la Déité éclatante de la gloire du Créateur et du Père,
centre de convergence de la gloire du Père, du Verbe et de l'Esprit Saint, lieu d'effusion du
mystère éternel
- face d'une splendeur faite de toutes les splendeurs créées et incréées, que ne peuvent
atteindre ni ternir aucune des souillures de la terre
- face qui baigne tellement dans la Déité, et qui est plongée si avant dans le mystère du
Père, que toutes les angoisses et amères souffrances de la Rédemption ne l'en peuvent tirer ni
distraire, parce qu'elles ne peuvent atteindre jusque là
- c'est la face glorieuse de la Filiation
- puis il y a la face de la terre, qui n'est pas celle de la Filiation, mais du sacerdoce et
non du sacerdoce de gloire, mais du sacerdoce de la terre, celui de l'expiation et de
l'immolation :
- face d'humilité et de compassion, de douceur et de patience, face de pauvreté, de
dénuement, d'impuissance face cachée face laborieuse face obéissante et soumise à
toutes sortes de dépendances face de toutes les miséricordes
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