Excommunications au Brésil: Avis d`évêques:Mgr di FALCO évêque

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Mgr di FALCO, évêque de Gap, sur l’excommunication au Brésil
ROME, Dimanche 15 mars 2009 (
ZENIT.org) - Nous publions ci-dessous la déclaration diffusée par l'évêque de Gap (France),
Mgr Jean-Michel di Falco, suite à l'excommunication lancée par l'archevêque de Recife
(Brésil) contre la mère et l'équipe médicale ayant procédé à l'avortement d'une fillette de
neuf ans violée par son beau-père.
« Les évêques ne doivent pas se comporter comme des bourreaux
mais comme des pasteurs » (Concile de Trente)
Je n'ai pas voulu réagir sous le coup de l'émotion et de la colère. Mais devant l'émoi suscité
par les événements qui se sont produits récemment au Brésil je souhaite faire partager mes
réflexions aux fidèles et aux hommes et femmes de bonne volonté de mon diocèse.
Nombreuses sont les questions qui nous parviennent :
Pourquoi privilégier la lettre de la loi à l'esprit ?
Où est le message d'amour du Christ ?
Qu'aurait-il fait, Lui, en pareil cas ? Aurait-il condamné ?
Qui sommes-nous pour condamner sans jugement et sans nuance ?
Pourquoi cette publicité ?
Pourquoi cette absence de compassion, de recul, de réflexion ?
Pourquoi était-ce si urgent de statuer ?
Je ne prétends pas répondre à toutes ces questions. En revanche, puisque les intervenants
ont jugé bon de justifier l'excommunication en se plaçant sur le terrain du droit canonique, je
me situerai donc moi également sur ce terrain en allant jusqu'au terme de l'ensemble des
articles concernant les excommunications.
Les faits ? Une fillette de neuf ans, abusée par son beau-père depuis l'âge de six ans, se
trouve enceinte de jumeaux. La grossesse de la fillette est découverte à l'hôpital où sa mère
l'a conduite suite à des douleurs au ventre. L'équipe médicale décide de la faire avorter, une
grossesse à son âge comportant de trop gros risques pour être menée à son terme et
mettant sa vie en danger. La loi brésilienne interdit l'interruption volontaire de grossesse,
sauf en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Le 5 mars, l'archevêque de Recife
confirme l'excommunication « latae sententiae » (c'est-à-dire « automatique ») de la mère
de la fillette ainsi que de l'équipe médicale.
Que dit le droit canonique, le Code de l'Eglise ? Pour certains faits qui ne sont pas
toujours publics, le Code de droit canonique a prévu une excommunication automatique.
L'avortement entre dans ce cadre : « Qui procure un avortement, si l'effet s'ensuit, encourt
l'excommunication latae sententiae » (article 1398).
Cependant, le Code de droit canon indique à l'article 1324 - § 1 que la peine prévue par la loi
doit être tempérée pour qui a agi forcé par une crainte grave, même si elle ne l'est que
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relativement, ou bien poussé par le besoin ou pour éviter un grave inconvénient, si le délit
est intrinsèquement mauvais ou s'il porte préjudice aux âmes. Et le § 3 d'affirmer clairement
que dans les circonstances dont il s'agit au § 1, « le coupable n'est pas frappé par une peine
latae sententiae » !
Je ne suis pas spécialiste du droit canon, mais je m'appuie sur les remarques d'un
canoniste. Il est probable, dit cet expert, que ce cas douloureux ne tombe pas sous le coup
de la sanction automatique d'excommunication prévue par l'article 1398.
On peut se demander si l'archevêque de Recife a suffisamment pris en considération les
circonstances qui atténuent la gravité de l'acte et qui dispensent donc de l'application de la
peine. Son « zèle » répond à une volonté de rappeler le principe que toute vie est sacrée.
Mais en négligeant les circonstances et en s'empressant de « punir » il a pris le risque de
donner une leçon, dans une logique de répression à laquelle répugne le droit pénal de
l'Église, droit foncièrement tendu vers une réconciliation des personnes incriminées.
Nul doute que la maman de cette petite fille se trouve doublement accablée par le tragique
de la situation familiale qu'elle subit depuis longtemps et par l'opprobre liée à la publicité faite
autour de l'excommunication.
Le Concile de Trente (Session. XIII, article 1) rappelait que les évêques ne devaient pas se
comporter comme des bourreaux, mais comme des pasteurs. C'est-à-dire comme des pères
aimants au cœur empli de compassion tout particulièrement pour ceux qui sont éprouvés
(Article 2214 § 2 du Code de droit canonique de 1917).
L'éthique déplore l'étalage éhonté de drames personnels, en raison d'une exploitation
mercantile et créatrice de scandale. Dans des cas aussi douloureux, l'amour, l'écoute, le
dialogue personnalisé et la discrétion respectueuse sont seuls de mise.
Jésus nous dit que le Christ n'est pas venu pour condamner le monde mais le sauver
(cf. Jean 12, 47). Et Saint Jean, tout en exhortant les fidèles à ne pas faire le mal, leur
rappelle aussi que s'ils le commettent, le Christ a donné sa vie pour ouvrir le chemin
de l'amour, du pardon, de la miséricorde et de la réconciliation.
+ Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de GAP et d'EMBRUN
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Brésil : Avant l’excommunication, il y avait la miséricorde
Mgr Rino Fisichella, président de l’Académie pontificale pour la vie
ROME, Dimanche 15 mars 2009 (ZENIT.org) - Le président de l'Académie pontificale pour la
vie a dénoncé l'excommunication lancée récemment par l'archevêque de Recife au Brésil,
contre la mère et l'équipe médicale ayant procédé à l'avortement d'une fillette de neuf ans,
violée par son beau-père.
Dans L'Osservatore Romano du 15 mars, Mgr Rino Fisichella a précisé qu'« avant de penser
à l'excommunication », il aurait fallu un « témoignage de proximité avec celui qui souffre, un
acte de miséricorde ». Il a notamment dénoncé « un jugement qui pèse comme un
couperet ».
L'enfant, que Mgr Fisichella prénomme Carmen, « devait avant tout être défendue,
embrassée, caressée avec douceur pour lui faire sentir que nous étions tous avec elle ».
« Tous, sans distinction aucune ». « Avant de penser à l'excommunication, il était nécessaire
et urgent de sauvegarder sa vie innocente et de la ramener à un niveau d'humanité dont
nous, hommes d'Eglise, devrions être des experts et des maîtres », a-t-il ajouté.
« Cela n'a pas été ainsi et, malheureusement, la crédibilité de notre enseignement s'en
ressent et apparaît aux yeux de beaucoup comme insensible, incompréhensible et privé de
miséricorde », a poursuivi le haut prélat. « C'est vrai, Carmen portait en son sein d'autres
vies innocentes comme la sienne », même si elles étaient le « fruit de la violence », et « elles
ont été supprimées ». « Cela ne suffit toutefois pas pour porter un jugement qui pèse comme
un couperet ».
Le président de l'Académie pontificale pour la vie a également dénoncé « le tapage et les
réactions suscitées par l'intervention de l'évêque ». « La violence sur une femme, déjà grave
en soi, prend une valeur encore plus blâmable quand c'est une enfant qui la subit », a-t-il
déploré. « Il n'y a pas de mot pour condamner de tels épisodes, et les sentiments qui en
dérivent sont souvent un mélange de rage et de rancœur ».
Dans son intervention, Mgr Fisichella a rappelé que « l'avortement provoqué a toujours été
condamné par la loi morale comme un acte intrinsèquement mauvais et cet enseignement
reste inchangé ». « Le concile Vatican II dans Gaudium et spes - document de grande
ouverture et de perspicacité en référence au monde contemporain - utilise de manière
inattendue des paroles claires et très dures contre l'avortement ».
Ainsi, « une collaboration formelle constitue une grave faute qui, quand elle est réalisée,
porte automatiquement au-dehors de la communauté chrétienne ». « Techniquement, le
Code de droit canon utilise l'expression latae sententiae pour indiquer que
l'excommunication s'actualise au moment même où le fait arrive », a-t-il encore expliqué.
Ainsi, « il n'y avait pas besoin (...) d'une telle urgence et publicité pour déclarer un fait qui
s'actualise de manière automatique ». Pour le haut prélat, « ce dont on avait un plus grand
besoin à ce moment là, c'est le signe d'un témoignage de proximité avec celui qui souffre,
d'un acte de miséricorde qui, tout en maintenant le principe ferme, est capable de regarder
au-delà de la sphère juridique pour atteindre ce que le droit prévoit comme but de
l'existence : le bien et le salut de ceux qui croient dans l'amour du Père et de ceux qui
accueillent l'Evangile du Christ comme des enfants ».
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Marine Soreau
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