Complications des infections ORL de l`enfant

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Complications des infections ORL de l'enfant
Dr Jérôme Nevoux
Chef de Clinique - Assistant - Service d'ORL pédiatrique et de Chirurgie Cervico-Faciale - Hôpitaux Armand Trousseau - Paris
Introduction
Les infections ORL sont extrêmement fréquentes chez l'enfant. L'institut de veille sanitaire a chiffré à 18,6 millions le nombre de
consultations d'enfants pour des pathologies infectieuses ORL en France au cours l'hiver 2006-2007. Ce nombre explique que leurs
complications ne soient pas exceptionnelles.
Ces complications sont variables en fonction de l'âge de l'enfant et les hypothèses diagnostiques devront tenir compte de l'âge. Elles
sont le plus souvent expliquées par l'anatomie et l'embryogenèse de la région initialement infectée.
Autres localisations
Pour toutes les localisations, d’autant plus qu’il existe des infections atypiques en dehors de la sphère ORL, il faudra suspecter un
déficit immunitaire et réaliser un premier bilan.
La microbiologie des infections ORL est le reflet de la flore commensale des voies aérodigestives supérieures. Les principaux germes
sont les streptocoques du groupe A, le pneumocoque, l’Haemophilus Influenzae, le staphylocoque doré et le Moraxella catharralis.
Le traitement, conduit en hospitalisation, associe une double antibiothérapie intraveineuse à large spectre, comprenant toujours une
céphalosporine de 3ème génération à la dose de 100mg/kg/j, et un drainage chirurgical de la ou des collections. Les traitements
complémentaires, comme des corticoïdes, des anticoagulants, des antioedémateux ou des anticonvulsivants, seront discutés au cas
par cas.
Le bilan d'imagerie sera systématique comprenant : en cas de complications cervicales une échographie du cou ou un scanner cervical,
en cas de complications d'OMA un scanner des rochers et du crâne, et enfin en cas d'infections sinusiennes compliquées un scanner
des sinus et du crâne sans puis avec injection associée éventuellement à une IRM cérébrale.
Les otites moyennes aiguës
Au cours de l'hiver, les otites moyennes aiguës touchent 3 millions d'enfants. 97% des complications sont extracrâniennes . Parmi elles,
on distingue les mastoïdites, les paralysies faciales et les labyrinthites.
Les mastoïdites qui sont les plus fréquentes ne représentent qu'1 à 2 cas pour 100 000 enfants par an. Le tableau typique de mastoïdite
est celui d'une première OMA chez un enfant de moins de 2 ans qui s'associe à un décollement du pavillon en bas, en avant et en dehors
associée à un comblement du sillon rétroauriculaire. Une fois le diagnostic clinique posé, un avis spécialisé pour la réalisation en urgence
d'une paracentèse à but diagnostic et thérapeutique doit être systématique. Un scanner des rochers et du crâne sera réalisé afin de
rechercher d'autres complications et de guider un geste chirurgical.
La labyrinthite
Le diagnostic de labyrinthite doit être évoqué chez un enfant présentant une OMA associée à des troubles de la marche ou des chutes
inhabituelles et fréquentes depuis l'apparition des symptômes d'otites. Les labyrinthites comme les paralysies faciales nécessitent une
corticothérapie de quelques jours à la dose de 1mg/kg/j afin de prévenir les séquelles esthétiques et auditives.
Les complications intracrâniennes sont beaucoup plus rares, seulement 3 % des complications des OMA, mais plus sévères. Elles
regroupent les abcès extraduraux , les abcès intracérébraux et sous-duraux, les méningites et les thrombophlébites cérébrales.
Les pathologies sous-jacentes susceptibles de favoriser les complications des infections de l'oreille sont les fistules congénitales de la
première fente branchiale et les cholestéatomes congénitaux.
Les sinusites
Les sinusites sont plus rares chez l'enfant et représentent 0,8 millions de consultations au cours de l'hiver. Cependant la très grande
fréquence des rhinopharyngites, 12 millions de consultations, aboutit à un nombre de complications des infections rhinosinusiennes non
négligeable.
Le développement des cavités sinusiennes s'effectue selon un ordre chronologique. Les manifestations infectieuses des sinus sont donc
extrêmement bien corrélées à l'âge de l'enfant : dès la naissance pour l'ethmoïdite, à partir de 8 ans pour la sinusite maxillaire, à partir de
10 ans pour la sinusite frontale et à partir de la puberté pour la sphénoïdite. Les sinus frontaux et sphénoïdaux sont les plus à risques de
complications du fait de l'étroitesse de leur orifice de drainage et pour la sphénoïdite de sa symptomatologie fruste.
Les complications extracrâniennes sont l'ostéomyélite frontale et l'abcès intraorbitaire. Les complications intracrâniennes sont les mêmes
que pour les otites moyennes aiguës.
L'ethmoïdite
L'ethmoïdite est la complication classique de la rhinopharyngite aiguë chez l'enfant au cours des 3 premières années de vie. L'enfant
présente un tableau de rhinopharyngite sévère associant une rhinorrhée purulente unilatérale et un comblement du canthus interne
faisant suite à un oedème de la moitié interne de la paupière supérieure. L'examen de l'oeil doit être complet et systématique (motricité,
vision, réflexe photomoteur). Un avis spécialisé est indispensable après réalisation d'un scanner des sinus et du crâne en urgence. Le
drainage chirurgical peut être réalisé par voie externe classique ou par voie endoscopique en fonction des données de l'imagerie.
La recherche d'une mucocèle ethmoïdale ou frontale, d'un kyste ou d'une fistule du dos du nez doit être systématique lorsque survient
une complication d'une infection rhinosinusienne.
Les infections cervicales
Les infections cervicales sont la cause de plusieurs millions de consultations d'enfants chaque année. Les principales complications de
ces infections sont les phlegmons périamygdaliens (complication la plus fréquente), les abcès péripharyngés, les adénophlegmons et les
cellulites cervicales. L'épiglottite est devenue rare depuis la généralisation de la vaccination contre l'Haemophilus.
Rares avant l'âge de 10 ans, les phlegmons périamygdaliens représentent 30 % des abcès de la tête et du cou. Les autres complications
sont beaucoup plus rares, environ 0,3 %. Le tableau clinique associe une angine très douloureuse et aphagiante le plus souvent, un
trismus, une modification de la voix qui devient nasonnée et un empâtement de la région sous angulo-mandibulaire. A l'examen
l'amygdale est refoulée en bas et en dedans et le pilier antérieur est fortement bombant. Le scanner cervical est indiqué en cas de doute
diagnostic ou de suspicion de cellulite associée. Le traitement chirurgical réalisé par l'ORL, consiste en une ponction à l'aiguille suivi
d'une incision sous anesthésie locale chez l'adulte et sous anesthésie générale chez l'enfant.
Les adénites rétropharyngées et rétrostyliennes sont l'apanage de l'enfant de moins de 7 ans et correspondent à un tableau de torticolis
fébrile rarement associé à une hypersialorrhée mais jamais de trismus. A l'inverse, les phlegmons périamygdaliens et les infections
préstyliennes touchent l'adolescent et se manifestent essentiellement par un trismus et une hypersialorrhée fébrile sans torticolis. Le
drainage chirurgical de ces collections profondes se fait sous anesthésie générale par voie endobuccale.
L'adénophlegmon
L'adénophlegmon, plus fréquent, correspond à une tuméfaction ganglionnaire fébrile, qui peut-être volumineuse, parfois associée à une
rougeur cutanée. L'imagerie de première intention, d'accès facile et rapide, est l'échographie qui recherche des signes de collections
imposant un drainage chirurgical par voie cervicale associé à l'antibiothérapie.
En cas de tableau atypique, il faut évoquer une pathologie sous-jacente qui au niveau cervical peut-être un lymphangiome kystique ou
une fistule de la 2ème ou de la 4ème fente branchiale. La maladie de Kawasaki doit toujours être évoquée en cas d'altération importante
de l'état général, de volumineux empâtement cervical mal limité et de persistance des signes malgré un traitement adapté et bien conduit.
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