Giacomo Puccini 1858-1924 Né à Lucques le 22 décembre 1858

Giacomo Puccini 1858-1924
Né à Lucques le 22 décembre 1858, décédé à Bruxelles le 29
novembre 1924.
Giacomo Puccini, sixième enfant et unique garçon de Michele
Puccini et Fortunata Magi, naquit en la ville toscane de
Lucques, le 22 cembre 1858, au sein d'une vieille famille de
musiciens.
Depuis un certain Giacomo Puccini qui, au XVIII è siècle (1712-
1781), échangea une correspondance avec le père Martini (le
chef de file incontesté de l'école bolonaise tant admirée et dont
Mozart a beaucoup appris), jusqu'au propre père de Giacomo,
Michele Puccini, mort en 1864, tous les Puccini furent organistes
et maîtres de chapelle de la cathédrale de Lucques.
A la mort de Michele, l'administration de la ville confia ces charges à Fortunato Magi, élève
et beau-frère du défunt, à condition qu'il cède à "Monsieur Giacomo, fils du défunt maître
susmentionné" dès qu'il lui serait possible de les assumer. Ainsi n'y eut-il jamais le moindre
doute quant à la future carrière de l'enfant. Giacomo s'engagea donc dans les difficiles
chemins de la musique. Les premiers rudiments lui en furent inculqués par Fortunato Magi,
qui l'obligea également à chanter dans le chœur de la cathédrale, allant même, lorsqu'il le
fallait, jusqu'à lui donner des coups de pied pour lui faire corriger ses erreurs!
A l'âge de 15 ans, Puccini fut inscrit à l'Institut musical de Lucques. Ses progrès s'y révélèrent
si rapides que toutes les églises environnantes se le disputèrent bientôt pour lui faire
accompagner à l'orgue les services religieux. Giacomo se distinguait en effet par ses
improvisations au clavier, dans lesquelles il mêlait (pour le plus grand bonheur des fidèles)
des thèmes religieux et des airs d'opéra que lui inspirait sa fréquentation assidue du Teatro
del Gliglio. En outre, pendant la saison estivale, il jouait pour divertir le public élégant des
villégiatures à la mode, en interprétant au piano des variations sur les compositions les plus en
vogue du moment. Mais l'opéra attirait de plus en plus le jeune musicien.
A l'âge de 18 ans, il fit à pied le trajet de Lucques à Pise pour assister, le 11 mars 1876, à la
première représentation dans cette ville de l'opéra qui, quatre ans auparavant, avait jeté l'émoi
dans le monde musical européen: Aïda de Verdi.
L'impression que cette œuvre produisit sur le jeune Giacomo fut si forte que, selon son ami et
premier biographe Armando Fraccaroli, elle lui fit découvrir sa véritable vocation pour le
théâtre lyrique. A posteriori, on peut déceler les premiers signes de cette irrésistible vocation
dès sa première œuvre d'une certaine importance, la Messe pour quatre voix et orchestre.
Composée en 1880, cette Messe était destinée à être jouée à l'église de San Paulino, à
l'occasion de la fête du 12 juillet: San Paulino aurait été, selon la gende, l'inventeur des
cloches et la tradition voulait qu'à l'occasion des festivités données en l'honneur du saint
patron, toutes les cloches de la ville de Lucques fussent sonnées en même temps. Dans cette
œuvre, le jeune compositeur fait déjà preuve d'une maîtrise technique de haut niveau.
La clarté, la vigueur et l'originalité de sa musique sont par ailleurs tout à fait singulières, à tel
point que ce ne fut pas un hasard si Puccini en reprit plus tard l’Agnus Dei dans le madrigal
du deuxième acte de Manon Lescaut.
Le départ pour Milan.1880
Au cours de l'été 1880, Giacomo cida, avec l'approbation de sa mère, de s'installer à Milan
afin d'y poursuivre des études plus poussées. Il eut la chance de pouvoir concrétiser son
dessein grâce à une bourse d'étude que lui accorda la reine Marguerite de Savoie, ainsi qu'à
l'aide financière de son grand-oncle maternel Nicolao Cerù.
En quittant Lucques, Puccini renonçait consciemment aux anciens privilèges familiaux. Quoi
qu'il en soit, le tout jeune Etat italien, né en 1861, avait démantelé les organisations musicales
ecclésiastiques; les traditionnelles charges des maîtres de musique avaient donc été confiées
aux conservatoires laïques. La figure du maître de chapelle était ainsi privée de son sens et de
son importance et elle ne tarda pas à disparaître.
Dans de telles conditions, rien n'était plus naturel pour le jeune Puccini que de se rendre à
Milan pour y parfaire ses connaissances; la capitale de la Lombardie était en effet, en 1850,
l'un des foyers musicaux les plus importants d'Italie: les chefs de file de la vie musicale
italienne y avaient pignon sur rue; les puissants éditeurs Ricordi, Sonzogno et Lucca, à la
tête de quatre théâtres lyriques dont la Scala, recevaient tous les plus grands compositeurs du
moment, excepté Verdi qui, bien que vivant retiré dans sa maison de campagne, n'ignorait
rien de ce qui se passait dans le monde théâtral.
L'atmosphère musicale que rencontra Puccini à Milan était alors confuse et changeante.
Le mouvement lombard connu sous le nom de scapigliatura, qui avait jadis introduit dans la
littérature, la musique et la peinture italiennes le romantisme allemand tardif, se mourait; il
n'offrait plus au public que des opéras ennuyeux et, se surcroît, trop redondants d'effets
spectaculaires toujours teintés de la plus évidente vulgarité.
La Gioconda de Amilcare Ponchielli (qui allait être l'un des professeurs de Puccini au
Conservatoire) dont la musique s'inspirait de quelques vers déconcertants de Arrigo Boito,
l'un des pères de la scapigliatura, peut être considéré comme l'opéra symbolisant le mieux
cette période.
Le premier succès et le premier échec. Le Villi : 1884
Après La Gioconda et la série d'opéras qui suivirent, se fit pressentir un changement de
climat: l'heure du vérisme s'annonçait d'ores et déjà en littérature, mais tardait à se faire jour
dans le domaine musical, encore trop influencé par le "décadentisme" de l'Europe "fin-de-
siècle".
En 1880, Alfredo Catalani, Antonio Smareglia, Pietro Mascagni et Giacomo Puccini se
retrouvèrent simultanément à Milan: ces jeunes musiciens en quête de succès étaient
imprégnés de la culture décadente de l'époque.
Celle-ci, assimilant avec retard le romantisme allemand déjà sur le déclin, le simplifia
(souvent avec naïveté) en caricaturant son atmosphère originellement démoniaque, irréelle et
macabre par des scènes compliquées et burlesques, peuplées de spectres, d'anges et de
démons s'affrontant dans des cimetières la lune jetait ses lueurs livides sur des tombes
ouvertes.
Ainsi, alors qu'en Allemagne cette période confuse de décomposition esthétisante laissait déjà
présager Mahler et l'expressionnisme, en Italie Catalani en était encore à poursuivre le
fantôme de la nymphe Lorelei sur les traces de Heine; Smareglia composait sa Falena; le
futur porte-drapeau du vérisme le plus enflammé, Mascagni, était encore plongé dans le
monde du plus romantique des poètes allemands, Heine, avec Guillermo Ratcliff.
Puccini, pour sa part, avait terminé ses études au Conservatoire; pour l'examen final, selon la
coutume de l'époque, il avait présenté un Caprice symphonique, assez bien reçu par la
critique. Pour l'heure, il venait d'obtenir, grâce à l'intérêt que lui portaient Ponchielli, Boito et
Catalani, que son opéra intitulé Le villi soit représenté le 31 mai 1884.
L'argument de cet opéra en un acte empruntait beaucoup à Giselle.
Son succès fut si grand que sa renommée parvint jusqu'à Sant'Agata, d'où Verdi écrivit à
Ricordi de s'empresser d'en acheter les droits, et d'en commander un autre à Puccini: "J'ai
entendu parler du compositeur Puccini en excellents termes. Il suit les tendances modernes,
et c'est naturel, tout en restant attaché à la mélodie, qui n'est ni moderne ni ancienne. Il
semble toutefois que l'élément symphonique prédomine chez lui. Il n'y a rien de mal à cela.
Cependant, cela appelle prudence. Un opéra est un opéra, une symphonie est une
symphonie, et je ne crois pas qu'il soit convenable d'introduire dans un opéra un fragment
symphonique pour le seul plaisir de faire travailler l'orchestre. Je dis cela en l'air, sans être
sûr d'énoncer une vérité, mais toutefois conscient de m'élever contre les tendances
modernes."
Comme on peut le constater, le "symphonisme" était l'argument central qui divisait
conservateurs et progressistes.
Ces derniers y recouraient coûte que coûte, même si parfois cela ne cadrait pas avec la
véritable essence de leur musique.
Puccini se vit contraint d'accepter pour sujet de son second opéra un argument qui ne lui
plaisait guère, mais qui lui avait été plus ou moins imposé par Ricordi: ambiance flamenco,
contexte historique déterminé (le XIV è siècle), passions dévastatrices exprimées à grand
renfort d'hymnes "sublimes" et de décors fastueux et hauts en couleurs.
En bref, on demandait à Puccini qu'il écrive avec son Edgar une nouvelle Gioconda. Mais
l'œuvre essuya un échec à la Scala, le 21 avril 1889.
S'il en ressentit une légère déception, Puccini n'en fut pas moins surpris outre mesure, car il
n'avait jamais cru à cet opéra.
Cet échec fut malgré tout pour lui un des moments les plus critiques de sa vie.
La Redoutable Elvira 1886
Puccini vivait déjà à Milan depuis trois ans avec Elvira Bonturi, épouse de son vieil ami
Narciso Gemignani, un commerçant fortuné de Lucques. Il s'était enfui avec elle, emmenant
Fosca, la fille d'Elvira (son fils Renato était resté avec son père).
A Monza, le 23 décembre 1886, Elvira donna le jour à un garçon, Tonio. Mais la précarité de
leur situation financière allait contribuer à aggraver les relations des deux jeunes gens, que la
diversité de leurs intérêts, de leurs aspirations et de leur culture avaient dès le début rendues
difficiles.
Elvira était une femme énergique et volontaire, mais ses jalousies, plus d'une fois injustifiées,
se traduisaient invariablement par des colères sourdes qui explosaient parfois en
d'interminables disputes orageuses.
Sur le plan plus strictement musical, Puccini conservait toujours de la part de Ricordi un
soutien constant. Le courageux éditeur était d'ailleurs le seul à le soutenir.
A l'insu de son propre conseil d'administration, il alla même jusqu'à lui verser une petite
somme mensuelle; il tenta en outre de l'aider dans la rédaction, interminable et exténuante, de
son troisième livret.
Un drame au goût de Puccini: "Manon Lescaut."1893
Le thème de Manon Lescaut, que rendait périlleux le succès obtenu par l'opéra de Massenet,
permit à Puccini d'exprimer son propre idéal esthétique, à peine perceptible dans Le villi et
totalement absent dans Edgar. Le premier librettiste, Marco Praga, pressentit l'ombre
dangereuse que l'œuvre de Massenet faisait peser sur celle de Puccini. Il donna ainsi au
musicien une réponse lapidaire: "Lui le sent à la française, avec poudre de riz et menuets,
moi je le verrais à l'italienne, porté par une passion désespérée." Avec la rédaction de ce
livret, commençait pour Puccini un des moments les plus intenses de sa vie artistique. Comme
Verdi, il était un grand homme de théâtre, mais il différait du vieux maître par son
impossibilité à formuler de lui-même le cadre complet et détaillé de l'argument. I
Il écrivit ainsi son texte avec une hésitation des plus nibles, se fiant aux seules
approximations de son instinct et confiant ensuite à de malheureux poètes la tâche ingrate de
traduire en vers cette première ébauche.
Dans une lettre qu'il envoya, de nombreuses années plus tard au compositeur toscan
Giovannetti, Puccini résuma admirablement sa conception du compositeur d'opéra: "Le
compositeur devrait pouvoir écrire le livret lui-même, ou au moins orienter le librettiste
dans le découpage, la disposition des scènes, etc. Le maître doit écrire la musique et lui
seul, selon ses critères, sait en définitive ce qui peut être mis en musique, contrairement au
librettiste. Ce dernier peut avoir de bonnes idées quant à la forme théâtrale, mais en tous
les cas, le dernier mot doit revenir au compositeur. Je l'ai toujours voulu ainsi et je ne peux
rien faire (au cas il se trouverait un thème qui m'intéresse vraiment) si, en plus de sa
trame, le livret, avec chacune de ses scènes ainsi que par sa versification, ne satisfait pas de
manière absolue la vision que le thème m'a fait entrevoir intuitivement, au plus profond de
mon esprit. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut vraiment travailler."
Le livret de Manon Lescaut passa des mains de Marco Praga, auteur de pièces de théâtre, à
celles du poète Domenico Oliva; celui-ci le confia à son tour aux dramaturges Luigi Illica et
Giuseppe Giacosa- les habiles artisans des trois livrets suivants de Puccini - sans compter
l'aide occasionnelle, mais ô combien précieuse, du compositeur Ruggero Leoncavallo et de
Luigi Ricordi. Au terme d'un pareil carrousel , il n'est pas étonnant que personne n'ait
revendiqué la paternité du livret, qui fut en conséquence présenté comme anonyme, à la veille
de la première au Teatro Regio de Turin. "Je sors à l'instant d'un Teatro Regio débordant
d'enthousiasme chaleureux d'un public élégant, et j'ai encore dans les oreilles les
applaudissements prodigués à Manon Lescaut, qui a remporté un succès triomphal." C'est
ainsi qu’Alfredo Colombani, le correspondant du Corriere della Sera, commença son article
la nuit du 1er avril 1893. Il fut bientôt rejoint par le chœur quasi unanime de la critique, qui fit
définitivement sortir Puccini de l'anonymat, l'auréolant d'une gloire qui ne devait désormais
plus le quitter.
La lente composition de "La Bohème".1896
Disposant maintenant d'une fortune considérable, Puccini ne se permit qu'une seule dépense
de prestige: l'achat d'une villa à Torre del Lago, dans sa Toscane natale, qu'il considéra
pendant toute sa vie comme un véritable refuge.
Ce fut dans cette propriété qu'il commença la composition de La Bohème, deux mois à peine
après la création de Manon. Mais il ne vint à bout de cette nouvelle partition qu'après trois ans
de dur labeur; trois années au cours desquelles il connut toute une série de remises en question
et de longues périodes stériles pendant lesquelles il s'adonnait à son violon d'Ingres favori: le
chasse. L'écriture du livret fut ainsi abandonnée et reprise maintes et maintes fois, et cette
valse-hésitation suscita de nombreuses disputes avec les librettistes.
La création de La Bohème se déroula également au Teatro Regio de Turin, le 1er février 1896,
sous la direction d'Arturo Toscanini. Elle remporta un succès certes notable, gagna peu à peu
la faveur du public et finit par s'imposer définitivement, deux ans plus tard, après un succès
grandiose remporté à Paris.
Les querelles autour de "La Tosca". 1900
Après La Bohème, Puccini revint à un vieux projet qu'il avait nourri alors qu'il composait
Edgar: mettre en musique le drame de Victorien Sardou, La Tosca, qu'il avait vu jouer par la
grande Sarah Bernhardt, à Milan en 1889. De tous les livrets de Puccini, c'est la rédaction
de celui de La Tosca qui connut le plus de rebondissements et de querelles entre compositeur,
librettistes, et éditeur. Giacosa, en effet, y travailla à contrecœur car il n'était pas entièrement
d'accord avec le thème. Ricordi, quant à lui, ne fut jamais satisfait du troisième acte de l'opéra.
Mais le grand succès que l'œuvre remporta le 14 janvier 1900 au Teatro Costanzi de Rome
donna raison à Puccini.
Par ailleurs, depuis cette première, La Tosca fut considérée à tort comme relevant du courant
vériste qui dominait alors les scènes européennes. (La création de Cavalleria rusticana avait
en effet eu lieu en 1890, celle de I pagliacci deux ans plus tard, et il existe déjà un grand
nombre d'imitateurs.)
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