critique que les décisions impliquant une diminution des droits sont souvent rendues peu visibles à travers
des stratégies d’opacification des décideurs politiques, ces derniers cherchant alors à “ éviter les blâmes ”
(blame avoidance). Des évolutions lentes et progressives, mais dont les effets peuvent être importants à
terme, ne sont généralement pas signalées non plus. Ainsi n’est pas répertoriée la dégradation progressive
du niveau relatif des prestations familiales ou de logement résultant d’une mauvaise indexation des
montants et des plafonds de revenus. Inversement, les gouvernements dans des stratégies de “ credit
claiming ” tendent à afficher les bonnes nouvelles et usent souvent d’effets d’annonce y compris pour des
mesures secondaires, peu coûteuses et/ou concernant finalement très peu de personnes. On constate
également de nombreux engagements pour des mesures dont la réalité est incertaine, typiquement les
promesses récurrentes visant à augmenter le nombre de places de crèches.
Plus fondamentalement, comme cette approche consiste à rapprocher et à regrouper des évolutions
similaires dans les différents pays, elle présente le risque de mener par construction même à conclure à la
convergence des systèmes : en cherchant uniquement des évolutions similaires, on ne trouve quasiment
rien d’autre. Ce biais n’invalide pas l’approche, à condition d’en garder à l’esprit les limites et, dans la
mesure du possible, de la confronter avec les résultats obtenus au moyens d’autres approches plus
quantitatives.
1.3. Les calculs de ménages ou cas types
Les données de ménages types proviennent d’une base originale construite pour une recherche
portant sur une vingtaine de pays développés
. L’examen porte ici sur les pays européens de la base de
données, soit les Quinze de l’UE et la Norvège. Dans chaque pays, des calculs ont été effectués sur 64
ménages types en juillet 2001, différant par le niveau de revenu et la configuration (isolé ou en couple,
avec un, deux ou trois enfants).
Un premier intérêt de cette approche est de tenir compte non seulement des prestations familiales,
mais également des autres dispositifs de politique publique intervenant dans la redistribution en direction
des familles : prestations de logement, autres prestations sociales, impôt sur le revenu, impôts locaux,
cotisations sociales, frais de santé non pris en charge par une assurance maladie obligatoire, frais ou aides
liés à la scolarité et frais de garde. Un intérêt supplémentaire est de permettre d’analyser, pour chaque
dispositif isolément et pour l’ensemble, comment le soutien financier aux familles varie selon le nombre
d’enfants, le revenu, l’isolement éventuel du parent et la présence éventuelle d’un enfant en bas âge
impliquant des frais de garde. Pour tous ces dispositifs qui ne sont pas forcément exclusivement destinés
aux ménages ayant des enfants (des ménages sans enfant peuvent aussi percevoir des aides au logement),
le soutien imputable à la seule présence d’enfant(s) est mesuré à travers un avantage enfant égal au
supplément de revenu perçu (ou de moindre prélèvement versé) par un ménage avec enfants par rapport à
un ménage sans enfant mais se trouvant dans la même situation de revenu primaire (salaire).
Les cas-types présentent comme autre avantage par rapport aux données de dépenses agrégées de
pouvoir isoler l’effet de la seule législation des éventuelles différences économiques ou socio-
démographiques entre les pays. Ces données fournissent de nombreux éclairages pour des comparaisons à
un instant donné (Math, 2003a). Cependant, leur usage est plus délicat pour des comparaisons dans le
temps puisque les données disponibles portent seulement sur deux dates, mai 1992 et juillet 2001.
Pour l’analyse descriptive de l’évolution entre ces deux dates (cf. 3), nous n’avons donc conservé
que les informations absolument identiques, et donc comparables, entre ces deux dates. Déjà, sur les 16
pays européens étudiés en 2001, deux ne figurent pas dans les calculs de 1992 (l’Autriche et la Finlande).
Sur les 64 ménages types de la base de donnée de 2001, qui varient par la configuration et le niveau de
revenu, seuls les 18 ménages types communs avec ceux de la base de données de 1992 ont été retenus (12
couples et 6 isolés). Par ailleurs, seules les prestations sociales (prestations familiales et autres prestations)
et les avantages imputables à l’impôt sur le revenu ont été calculés selon des hypothèses et des modalités
identiques pour les deux dates. Les autres dispositifs pour lesquels les calculs ne sont pas parfaitement
comparables n’ont donc pas été retenus pour la comparaison de l’avantage enfant entre 1992 et 2001.
L’incidence de cette exclusion n’est pas majeure en général puisque notre analyse des données sur 2001 a
montré que les prestations et l’impôt sur le revenu constituent, sauf pour quelques pays, quasiment
Recherche coordonnée par Jonathan Bradshaw et Naomi Finch (Bradshaw & Finch, 2002).