ISSN 0293 0196 UTfiYZPtU "MJMMftXI IBArfänA` Ur Mars. Avril. Mai

Mars. Avril. Mai 1994
ISSN 0293 0196
UTfiYZPtU
"MJMMftX
I
IBArfänA' Ur
SOMMAIRE
Mars - Avril - Mai 1994 - n° 63
Expression libre et jeu dramatique
Jacqueline BERTRAND
L'Arbre-sorcier
Catherine DASTÉ
Jérôme et la tortue
École Jules-Ferry - Sartrouville
L'Appareil-photo
Nicole DELVALLÉE - Mireille FRANCHINO
Sur le chemin du théâtre
Jacques
COUDRAY Expression dramatique
École des Nouillers - Charente-Maritime
Activité théâtre
Bernard
GOLLY Que taire d'un pigeon, d'un aigle et
d'un pompier ?
Monique
RIBIS La petite fille qui cherche le printemps
École de Pontenx-les-Forges - Landes De la
création enfantine
à la chorégraphie
Rosella HIGHTOWER - Michel BERTRAND
Sur les mers... mais pas un cœur de pierre
J. et G. DELOBBE
Jeu dramatique à la maternelle
Madeleine PORQUET
La femme du mineur
Clem
BERTELOOT Visite guidée au théâtre
École Freinet
Hérouville-Saint-Clair - Calvados La croisade
des enfants
Michel BRUNEAU
Vous allez faire un arbre ! Marisa
CELESTINO - Marie-Jo CONFOLENS
PHOTOGRAPHIES : N. DELVALLEE : p. 2 à 13 - F. SCHACK, A.
BINEAU, J. DIOT : p. 14 à 19, 22 J.-IVI. BOUT1NOT : p. 20 - M.
RIBIS : p. 21, 23 à 25 - F. GOALEC : p. 21 - Centre internatio-
nai de Danse de Cannes : p. 29, 30 - G. DELOBBE : p. 32 à 37 -
M. BRUNEAU : p. 44-45, 48, couverture en bas - P.
GUIMARAES : p. 46, couverture en haut.
----------------------------------------------------------------
EXPRESSION LIBRE ET
JEU DRAMATIQUE
Ce dont l'enfant d'homme a le plus besoin, c'est de bonheur ; i non pas un
bonheur fait de bonbons et de rubans ou de machines à laver et de frigos,
mais un bonheur extravagant, un bonheur fou, un bonheur qui avance,
qui découvre, qui court, qui dépasse, qui gagne, qui bouge. S'il ne l'a pas,
si un monde injuste le lui refuse, il le crée. L'enfant est un vrai vivant : il
habite la Terre, il possède le monde et le monde le possède. Et, avant toute
chose, il est libre. Avenir, argent, métier, situation, rien de tout cela
n'existe pour lui, Il y a seulement cet intime équilibre qui le relie aux êtres
et aux choses, cette qualité particulière de lumière qui lui fait profiter au
maximum de l'instant, du moment. Il est le présent irremplaçable, que
l'on vit de tout son sang, de tous ses yeux, en trouvant les mots vrais et
qui ne trompent pas, les mots oubliés, « ceux qui viennent tout seuls et
qui font pleurer ou rire ».
L'enfant découvre et réinvente le monde à chaque minute, un monde
vivant à la mesure de ses besoins, non pas borné, limité, résigné, inerte,
vieux et gris, mais un monde brassé de soleil, d'eau, de vent, de mer,
d'herbes, un monde libre. Il ne l'invente pas. Il cherche ce que nous,
adultes, sommes incapables de lui donner.
Alors, dans ce monde à sa démesure, tout est possible, tout peut arriver,
tout est vrai !
Il y a tout à coup un arbre-sorcier, des graines à musique, le pays des
méclailleux, la vie qui gagne la mort. Les critiques de théâtre n'ont pas
manqué de s'éblouir de cette passion-vie révélée par le spectacle mon
par la troupe du Théâtre du Soleil à partir d'une histoire inventée par
les enfants de Sartrouville et recueillie par Catherine Dasté.
Mais nous, qui avons choisi de faire de nos enfants des êtres libres,
nous qui, depuis des années, les écoutons et leur répondons, nous qui
pratiquons la libre expression, nous n'avons plus d'étonnement. Avec
nos enfants, nous vivons le miracle du quotidien, et il n'est que de les
écouter un seul matin pour entendre la merveilleuse musique de
l'irréalité qui n'est peut- être que la forme même de l'essentielle vérité.
Oui, il suffit de les écouter pour participer à une autre naissance, pour
retrouver dans la clarté d'un matin, en un instant, ce monde dont ne
peuvent se guérir ceux qui n'arrivent pas à grandir et qu'on appelle des
poètes. Jacqueline BERTRAND
T è i - :
2
3
4
1
0
14
15
2
0
2
1
2
6
2
9
32
38
39
4
2
4
4
4
6
Pendant plus de deux ans, Nicole, André, Michèle et Camille
m'ont reçue, environ une fois par semaine, dans leurs
classes. J'enregistrais, sur mon petit magnétophone, les
histoires que me racontaient les enfants. Au bout de
quelques semaines, nous choisissions ensemble celle qui
nous plaisait le mieux et nous la développions, chacun
apportant son idée ; en même temps, les enfants l'illustraient.
Au mois de novembre, Ariane Mnouchkine m'a proposé de
monter, pour le mois de mars, un spectacle pour enfants.
Aucune des histoires recueillies ne me paraissant convenir
pour une pièce de théâtre, j'ai soumis aux enfants de Nicole
le thème suivant :
« Dans un pays lointain, une créature est devenue
maître d'un village et oblige les enfants à travailler
pour elle. Elle a chassé tous les animaux sauf un. »
En cinq séances, les enfants ont inventé tout le scénario,
chacun apportant son idée et participant à l'élaboration de
la pièce.
La créature devenait un arbre-sorcier qui n'aime pas le bruit
du vent dans les arbres, ni le bruit des châtaignes qui
tombent.
L'animal qui avait échappé à l'attention de l'arbre était
une tortue qui, cachant sa tête et ses pattes,
ressemblait à une pierre.
Pour tuer l'arbre-sorcier, un petit garçon proposa « une
musique qui fait comme le vent »...
En même temps, les enfants dessinaient les
personnages.
Fin décembre, j'ai proposé le scénario à la troupe du
Théâtre du Soleil. Quelques comédiens sont venus discuter
avec les enfants. Puis nous avons commencé à répéter en
improvisant autour des situations de l'histoire, essayant de
rester fidèles à l'esprit d'invention des enfants. Une équipe
de couturières a réalisé les costumes en suivant les dessins
des enfants avec la plus grande exactitude.
Le sultat de ce travail a été L'Arbre-sorcier, Jérôme et la
tortue que la troupe du Théâtre du Soleil a joué tous les
jeudis et les dimanches au cirque de Montmartre, d'avril à
juillet, puis en tournée en France.
Seuls, à mon sens, les poètes et les enfants eux-mêmes
peuvent inventer les thèmes des spectacles pour enfants,
parce qu'ils savent découvrir une source d'inspiration à un
niveau plus profond que celui qui est marqué par notre
vision consciente du monde. C'est à ce niveau profond que
nous risquons de découvrir un monde poétique dont la
virulence brisera l'enchaînement de la vérité admise et
ouvrira l'esprit à d'autres possibilités.
Catherine DASTÉ
JEROME ET
LA TORTtlE
Nous allons vous raconter l'histoire de
l'arbre-sorcier, Jérôme et la tortue.
Cette histoire est devenue une pièce de théâtre avec
sa fantaisie ses décors ses costumes et sa poésie.
Dans un pays, bien loin, un arbre-sorcier est très méchant.
C'est le matin. Une petite chèvre passe près du village
endormi. Elle fait un petit bruit. Un garde du village l'entend el
grogne, pour la chasser. Un villageois se réveille et dit : «
Va-t-en ! Va-t-en petite chèvre ! Ici, l'arbre-sorcier ne veut pas
de bêtes ! »
Les volets des maisons s'ouvrent. Les villageois se réveillent et
sortent de leur maison. Ils entendent la grosse voix de leur
maître, l'arbre-sorcier, qui dit très fort, comme un long
hurlement : « Rassemblement ! » Il est laid et méchant.
Il n'aime pas la musique du vent dans les feuilles des arbres
et le bruit des châtaignes qui tombent.
Il n'aime pas le bruit des animaux,
il n'aime pas les danses,
il n'aime pas les rires,
il
n'aime pas les
chansons,
il n'aime pas les
musiques,
il n'aime pas le théâtre
et tout ce qui est amusant.
Il aime que tous les gens de son pays travaillent, travaillent
toujours sans jamais s'arrêter, même la nuit. Il dit ; « Je veux
manger dans une assiette neuve tous les soirs. »
» »
M
H f f
i)
5
Il dit : « Pour me chauffer, il faudra aller chercher clu charbon
dans des mines très profondes. » Il dit ; « Je veux, pour mon
déjeuner; qu'on me fasse cuire trois gros poulets. »
Et puis il commence à compter les villageois. Il ne parle pas
comme tout le monde, l'arbre-sorcier. On ne comprend pas
ce qu'il dit. Mais les villageois, eux, ont l'habitude et
comprennent.
Il dit encore : « Aujourd'hui, il faut finir le mur qui protège le
village. Et je veux cette pierre, qui est si belle, tout en haut ! »
- Il a désigné la tortue !
- Il a désigné la tortue !
Les villageois sont terrifiés. L'un d'eux, Jérôme, avait réussi à
cacher une tortue dans le village alors que l'arbre-sorcier
avait chassé tous les animaux. En se passant les pierres, ils se
disent en chuchotant :
- Il faut faire partir Jérôme et sa tortue !
- Oui, il faut qu'ils partent !
- Et en vitesse !
- Mais comment faire ?
- J'ai une idée !
Un villageois fait tomber sa pierre et bouscule ses voisins. Ils
tombent ! Ils tombent tous avec leur pierre ! Quel bruit !
Les gardes-sorciers arrivent, avec leur bâton.
L'arbre se met en colère, très fort.
« Vite, vite Jérôme ! Sauvez-vous, pendant qu'il ne vous
regarde pas ! » dit un villageois.
La tortue s'est mise en pierre. Jérôme se cache sous son
ventre. Ils avancent tout doucement.
1 / 60 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !