– 3 –
Des questions philosophiques
Je prends d’abord quelques questions posées par le rapport du PACC. J’en tire
une conclusion ensuite.
1. « Une question existentielle qui précède les grandes questions : Il se pourrait
que la dignité de la personne soit une grande question de la philosophie, peut-
être même précède-t-elle celles de l’être (l’ontologie) ou du sens de la vie. » En
fait de question existentielle, il y a la réponse sartrienne, que « l’existence de
l’homme précède son essence », qui est en rapport direct avec la dignité d’êtres
capables d’une auto-détermination consciente et autonome.
2. La question de l’être de raison, capable d’autonomie et qui serait seul
concerné. Au risque d’exclure les grands criminels, les aliénés mentaux, les
comateux irréversibles – et les petits enfants, que le rapport oublie. La réponse
est chez Aristote, pour qui l’essence d’un être inclut ses potentialités. Ouf pour le
nouveau-né ! La question semblera moins évidente pour les monstres
d’inhumanité et pour les embryons, que je m’excuse d’ainsi rapprocher. Le refus
de la peine de mort s’applique-t-il à ces derniers ? Où commence et où « finit »
la personne humaine ?
3. J’aime l’idée que « La dignité serait la résistance qu’oppose l’homme fragile et
meurtri à ce qui le nie. (…) Plus l’humanité est outragée, plus la dignité s’exprime
comme appel et résistance, plus nous ressentons dans nos entrailles « l’in-
dignation » qui nous saisit. » Là, c’est plutôt l’euthanasie qui fiat son entrée dans
le débat.
4. « Reconnaître l’égale dignité des être humains, riches et pauvres, loin de
s’accommoder des inégalités, exige au contraire de les combattre. Pourtant, à
droite de l’échiquier politique, nombreux sont ceux qui estiment que les
inégalités représentent une donnée naturelle de la "société des individus", un
état de fait qui ne porte atteinte à la dignité que dans les situations d’extrême
pauvreté. Dans le camp de la gauche, la conviction prévaut que toutes les
inégalités entament la dignité des personnes et qu’il appartient à l’ordre politique
de les combattre sans répit et par toutes les voies démocratiques.
Collectivement, la lutte pour la reconnaissance de l’égale dignité apparaît comme
le combat que mène le peuple pour son émancipation. »
Je hasarderai comme réponse ce nouvel extrait de mon texte sur les droits
humains :
« Nous pouvons exprimer tout cela en termes de libertés. Il en est à trois
niveaux. Premier niveau : une latitude ou absence de contrainte, qui constitue
une condition matérielle nécessaire, toute négative : ce sont, pour l’essentiel,
les droits-libertés. Deuxième niveau : une faculté ou capacité d'exploiter ses
latitudes, ou de s'en créer : une assurance psychologique, une compétence
scientifique, des moyens financiers, une capacité intellectuelle de discernement
moral : on y rangera les droits-créance.
Troisième niveau, une autonomie res-
ponsable. Seul l'exercice de cette responsabilité est d'ordre éthique, mais il
n'est évidemment possible que si l'on dispose de latitudes et de facultés.
Les libertés du modèle libéral individualiste, qu’on peut dire de "droite",
sont des latitudes, assorties de responsabilité. Ce modèle tend à négliger les
facultés nécessaires à l’exercice effectif de ses droits, parce que leur effectivité
passe par des interventions politiques telles que réglementations et
Ces libertés « négatives » et « positives » fondent l’idée de développement professée par Amartya Sen.