Le patrimoine industriel fait partie du paysage marnais et, par conséquent, de celui du pays Vitryat. Cependant, l’activité industrielle étant historiquement implantée, il est important d’appréhender la dynamique industrielle sur le territoire du département marnais et même sur celui de la région Champagne-Ardenne, la création du pays étant tout à fait récente. Ainsi, concernant le périmètre de la région, il est confirmé que ce sont des traditions qui ont fait de l’industrie une grande filière économique (selon le portail de l’Etat en ChampagneArdenne). En effet, au Moyen Âge, l’extraction du fer, associée à la présence de forêts et de cours d’eau, a permis l’essor de la métallurgie. Les échanges par les routes commerciales ont permis d’alimenter les fameuses foires de Champagne en marchandises, mais aussi en usages techniques et, concernant le fer, en véritables procédures technologiques ; ce qui favorisa l’assimilation des nouvelles pratiques. Avec la pureté des matériaux, les métiers des arts du feu, fondement de la puissance industrielle de la région, prirent alors un véritable essor. De même, si l’on se réfère à l’atlas des départements édité en 1867, les commerces et industries présents dans la Marne sont les suivants : filatures, tissus de Reims, bonneteries, tonnelleries, machines à boucher les bouteilles, tanneries, corderies, verreries, porcelaine, noir animal, instruments d’optique, papeteries, distilleries, pâtisseries, etc. De plus, les différents intervenants rencontrés lors de la semaine de voyage d’études ont confirmé le fait que la pratique industrielle est historiquement source de dynamisme pour le département, que ce soit au Conseil Général ou au Pays Vitryat. Néanmoins, les savoir-faire, ainsi que les machines, disparaissent dans la Marne au rythme de l’évolution économique. En effet, une des grandes mutations de l’économie française est le phénomène de tertiarisation. Depuis la première révolution industrielle (mouvement d’industrialisation qui a touché l’Angleterre puis la France entre le XVIIIème et le XIXème siècle), la répartition de la population entre les trois secteurs s’est progressivement modifiée : régression du secteur primaire (diminution des effectifs dans l’agriculture), au profit du secteur secondaire (davantage d’effectifs dans l’industrie), puis le secteur secondaire diminue au profit du secteur tertiaire (les effectifs diminuent dans l’industrie et croissent dans les services). Le secteur tertiaire emploie actuellement 89% de la population active française et le processus de désindustrialisation marque la France. C’est dans ce contexte que l’on comprend bien l’affaiblissement de la dynamique économique de la Marne (traditionnellement basée en partie sur l’industrie) et par conséquent l’affaiblissement du territoire marnais ainsi que de celui du pays Vitryat. L’adaptation à ce phénomène de tertiarisation est particulièrement difficile sur ce territoire compte tenu de deux caractéristiques principales évoquées précédemment : le manque de qualification et la baisse démographique. En effet, cette mutation de l’économie nécessite une main d’œuvre polyvalente et cela passe par une offre de formation suffisante et adaptée aux nouvelles opportunités d’emplois, ce qui est encore un point à améliorer. De plus, il est clairement ressorti que la reconversion est difficile pour des individus ayant toujours connu un même travail de type industriel: un exemple démonstratif est celui des anciens salariés de l’ancienne industrie de meubles de Saint-Remy-en-Bouzemont pour qui la spécialisation de niche (patinage des meubles par exemple) est loin d’être facilement réutilisable dans d’autres activités, industrielles ou non. De même, pour installer durablement une activité de services (secteur tertiaire), il faut une population suffisante pour être demandeuse de services… Or, la situation démographique exceptionnelle du territoire (le seul à perdre de la population) rend cette mission plus compliquée qu’ailleurs en France. L’enjeu est d’attirer des investisseurs malgré ces points apparaissant comme fragilisant. C’est pourquoi le tissu économique sur le pays Vitryat est en profonde restructuration. Mais qu’en est-il de la pratique industrielle ? Tout d’abord, il est simple de dénombrer les industries aujourd’hui implantées sur le Pays Vitryat car, malgré le contexte, la plus grande part des salariés privés travaille dans des industries (en 2009, 38% comme indiqué plus haut). Sur les zones de Vitry/Marolles, Loisy sur Marne et d’autres petites zones à vocation industrielle et artisanale (Thiéblemont, Pargny-sur-Saulx, Frignicourt, Sermaize-les-Bains...), plusieurs secteurs sont représentés : - L’agro-alimentaire : un secteur traditionnel regroupant des leaders > GROUPE BIGARD : Produits élaborés (382 personnes) > SANDERS GRAND EST : Fabrication de produits alimentaires pour hommes et animaux (54 personnes) > MALTEUROP : Malterie (54 personnes) > YARA France : Entrepôts d'engrais azotés (4 personnes) > BEGHIN SAY : Fabrication de sucre (67 personnes) > CHAMPAGNE CEREALES : Coopérative, entrepôts et magasins (44 personnes) - Le BTP / construction : des entreprises de renom implantées dans la Marne depuis plus d’un siècle > CIMENT CALCIA : Cimentier (154 personnes) > IMERYS TOITURE : Fabrication de tuiles (175 personnes) > LECICO France : Faïencerie (180 personnes) > LA ROUTIÈRE : Travaux publics (51 personnes) > LA MARNAISE - MORETTI et Cie : Entreprise générale du BTP (120 personnes) > EUROVIA : Entreprise générale du BTP (80 personnes) > MANGIN EGLY : Installations électriques (200 personnes) - La métallurgie / mécanique / sous-traitance : premier employeur de l’arrondissement > SALZGITTER MANNESMANN PRECISION : Etirage tubes acier sans soudure (650 personnes) > KADANT LAMORT : Fabrication de machines pour l’industrie du papier et carton (175 personnes) > ARCELOR MITTAL : Composants automobiles (220 personnes) > PECHEUR LESAGE : Mécanique générale et de précision, sous-traitance (41 personnes) > SAMGEL : Mécanique générale (25 personnes) > NOBEL AUTOMOTIVE : Composants automobiles (500 personnes) > HOZELOCK TRICOFLEX : Tuyaux d'arrosage (210 personnes) > ALFAFLEX : Fabrication d'articles en matière plastique (80 personnes) - Le transport et la logistique : un tissu dense grâce à sa position géostratégique > TRANSPORT LIEBART : Transporteur (50 personnes) > TRANSPORT JOHAR : Transporteur (180 personnes) > CENTRALE DE DISTRIBUTION DE LUXEMONT : Centrale de distribution (280 personnes) Malgré les difficultés, le secteur secondaire peut-il réellement rester source de dynamisme économique pour ce territoire ? C’est le pari qui est lancé ! En effet, partant du constat des difficultés à installer les conditions d’un secteur tertiaire performant et des infrastructures existantes, la redynamisation du pays Vitryat passe par le fait de repenser la dynamique industrielle autrement. L’idée est de se spécialiser sur un positionnement d’avenir : les industries « vertes » ! Dans cette optique, le développement des agroindustries non alimentaires constitue, sur ce territoire, l’orientation la plus privilégiée. Il s’agit de la valorisation non alimentaire des produits agricoles : bio-énergies, bio-carburants, bio-matériaux, « chimie verte », débouchés dans l’industrie pharmaceutique et cosmétique. Le cadre privilégié est celui des pôles de compétitivité. C’est l’avènement de la « bioéconomie ». Cette dernière devrait contribuer à apporter des réponses aux différents défis majeurs auxquels nous devons faire face (alternatives à l’économie actuelle basée sur les ressources fossiles, atténuation des effets du changement climatique, démographie, développement rural). « Il faut faciliter l'émergence d'une véritable bioéconomie basée sur la connaissance du vivant », a fait valoir la ministre de la Recherche en insistant sur la nécessité de donner à la recherche française les moyens de réaliser de véritables « sauts technologiques » dans les domaines clés de l'agriculture, de l'alimentation et de la biomasse, appelée à se substituer au pétrole dans les années à venir (selon Le Figaro, 24 février 2011). C’est de cette volonté que la société ARD (Agro-industries, Recherches et Développement) a présenté la plateforme d’innovation Bio-raffinerie, Recherches et Innovations (BRI) sur le site Biodémo installé sur le plateau agro-industriel de BazancourtPomacle dans le département. L’histoire de la Bioraffinerie de Pomacle-Bazancourt se confond avec celle de l’agriculture locale qui a été façonnée par des agriculteurs visionnaires, ouverts sur l’avenir et à l’innovation, sans rien renier de leur attachement à la terre, à une terre cependant ingrate qu’il aura fallu apprendre à cultiver. Biodémo est une unité de démonstration industrielle de procédés de biotechnologies blanches (bactéries ou enzymes) d'ARD, porté par la société Bioamber, filiale d’ARD (France), et DNP Green Technology (Etats-Unis) qui a démarré à l’automne 2009 la production d'acide succinique issu de la fermentation de sucre ou de céréales. Soutenu par les collectivités territoriales, ce projet qui mobilise un investissement de 16 millions d’euros, doit permettre de renforcer la visibilité du pôle de compétitivité Industries et Agro-Ressources (IAR). Cette plateforme constitue un ensemble complet composé d’unités de production, d’expérimentation pilote, laboratoire de recherche, etc. « Elle a pour vocation de devenir le centre de référence internationale sur la thématique de la bioraffinerie d’ici à cinq ans », assure Dominique Dutartre, le président d’ARD. BRI est implantée au centre d’une raffinerie végétale industrielle existante, comprenant une sucrerie (Cristal Union), une glucoserie-amidonnerie de blé (Chamtor), une unité de production de bio-éthanol (Cristanol) et où se situera le projet pilote d’éthanol de 2ème génération Futurol. Ce projet, labellisé par le pôle de compétitivité IAR, mobilise un investissement de 21 millions d'euros. BRI accueille également une chaire en biotechnologie blanche de l’Ecole Centrale de Paris et un technopôle, porté par la chambre de commerce et d’industrie de Reims et d’Epernay. C’est de cette plateforme qu’est naît la possibilité de l’accueil prochain sur la zone de Loisy-surMarne d’une raffinerie végétale dont le processus, en utilisant l'intégralité de la matière première sans production de déchets, est mondialement innovant. Il est important de noter la tendance de « désenclavement » qui se produit entre les différents niveaux de territoires : les « frontières » s’effacent devant un Projet commun. Cette nouvelle industrie correspond tout à fait au regain de dynamisme que les collectivités territoriales et le pays Vitryat souhaitent donner au secteur secondaire sur leur territoire. Voilà bien là une opportunité sans appel de devenir une vitrine de développement industriel innovant et porteur pour les entreprises du monde entier.