1 1940 : Marsillargues occupée. 1945 : mais Marsillargues libérée

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1940 : Marsillargues occupée. 1945 : mais Marsillargues libérée
La lecture de l’excellent petit historique de Florian Arnissole sur Marsillargues avant, pendant et après
l’occupation Allemande édité sous le couvert des Amis du Musée, a fait remonter en moi des souvenirs de
jeunesse dans cette période agitée.
Jean Daumas dit Lamatte
Analyser l’histoire pour mieux la comprendre :
Pour comprendre le climat qui régnât durant ces années d’occupation, il faut se replacer dans
le contexte sociologique et politique de l’époque ou le Parti Communiste avait été interdit.
Les répercutions sur le plan local, aboutirent en 1953, à une volonté de mise à l’écart des élus
de ce parti pour la gestion des affaires locales qu’ils assumaient depuis 1937.
Parmi les vainqueurs de ce scrutin de 1953, on retrouvera certaines personnes issues des
mêmes tendances chrétiennes, politiques ou familiales que celles qui avaient acceptées de
siéger dans l’équipe désignée par le Préfet de Vichy en Avril 1941.
Il est vrai que les évènements nationaux et inter nationaux qui venaient de se dérouler,
n’étaient pas de nature à apaiser les passions politiques. A la scission entre socialistes et
communistes de 1920, et celle entre la CGT et FO de 1947 se rajoutèrent les tensions de ce
que l’on appela la guerre froide entre l’Est et l’Ouest. Les rapports de classe entre le patronat
local et le bloc des ouvriers agricoles majoritairement syndiqués à la CGT y trouvèrent
naturellement ses prolongements. Aussi, lorsque en septembre 1939 éclata la guerre,
Marsillargues à l’image de la Nation était politiquement divisée et la faible lueur d’espoir
qu’avait fait naître le Front populaire en 1936 s’était évanouie.
Deux évènements internationaux vont précipiter la guerre :
1/ Les 29 et 30 Septembre 1938, pour essayer de mettre fin à la crise Germano-Tchèque, et
tenter d’éviter la guerre, la France, l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie signèrent des accords
a Munich. C’était sans compter sur la rouerie de Hitler qui moins de 6 mois après lançait ses
puissantes forces armée pour occuper la Tchécoslovaquie et envahir la Pologne.
Dés Septembre 1939 la France, liée par un accord d’assistance mais militairement mal
préparée, déclarât la guerre à l’Allemagne sans avoir sérieusement mesurer son rapport des
forces militaire. La ligne fortifiée dite Maginot ne suffira pas pour nous protéger et sera un
obstacle dérisoire. Aussi début 1940, quand l’armée allemande viola la neutralité de la
Belgique et écrasa son armée elle fit aussi sur sa lancée voler en éclat l’armée française. Cette
déculottée amena les Nazis jusqu'à Paris et déboucha sur l’occupation du pays avec la
collaboration du gouvernement de Pétain décentralisé à Bordeaux puis à Vichy. De ce
manque de lucidité politique Churchill dira aux Français « Vous aviez le choix entre le
déshonneur et la guerre ! Or vous avez eu les deux, le déshonneur et la guerre ! »
2/ Le 29 Août 1939, Russes et Allemands conclurent un pacte de non agression et un accord
secret de partage de la Finlande, de la Pologne, des Pays Baltes et de la Moldavie. Piteuse
capitulation de Staline devant Hitler dirent les uns et tactique prudente du a l’impréparation de
l’armée soviétique désireuse de gagner du temps pour se renforcer dirent les autres. Cette
controverse divisât les milieux politiques. Mais le 28 Juin 1941, Hitler mit fin à cette
incertitude en violant cet accord et en lançant en Septembre 1942 sa formidable force de
frappe mécanisée à l’assaut de l’URSS. Un déluge de fer de feu et d’exactions s’abattit sur les
populations des pays de l’Est semant la mort et la terreur pendant de longs mois et faisant
26.900.000 victimes civiles et militaires, jusqu'à la déroute de Stalingrad début 1943 qui fût le
commencement de leur débâcle.
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Désastre militaire, armistice, occupation et restrictions :
En France, le 17 Juin 1940, Pétain se couche aux pieds de Hitler en négociant un armistice
honteux qui entérine l’occupation du territoire. Deux camps vont devoir cohabiter. Celui qui
acceptera les clauses de cette capitulation et collaborera en subissant sans se plaindre
l’emprise nazie et couvrira toutes ses exactions de répression et de restrictions d’une part. Et
d’autre part, celui qui malgré ses contradictions résistera et se battra avec ses moyens contre
le régime pétainiste et l’occupant pour libérer le pays en répondant a l’appel du 18 Juin 1940
de De Gaulle parti à Londres y organiser la résistance. Cette division sur fond de divergences
idéologiques, posera dés le début, quelques problèmes d’unité pour cette résistance. Le pacte
Germano- Soviétique pomme de discorde et de controverses n’arrangera pas les choses. Ce
qui expliquera le contre temps des dirigeants Communistes pour rentrer ouvertement en lutte..
Ils le feront en 1942 sous le sigle de Francs Tireurs et Partisans Français (FTPF). Il
faudra cependant attendre 1944 pour que se concrétise une fusion qui donnera naissance aux
Forces Française de l’Intérieur (FFI). Cette fraction armée, toutes tendances confondues se
ralliera à celui qui avait appelé à l’union sacrée pour résister et poursuivre la lutte contre
l’occupant. Deux jeunes locaux, Marcel Mauméjean et Sylvain Magnaval engagés dans le
maquis y seront assassinés. On notera cependant que beaucoup de Communistes n’avaient
pas attendu les directives du Comité central pour rentrer en résistance et perpétrer de
nombreuses actions de sabotages. Beaucoup d’entre eux, pris ou dénoncés furent fusillés ou
envoyés dans les camps de la mort.
En cette période trouble, toutes ces péripéties, vecteur de division se répercuteront sur le
terrain des classes sociales. Ceux qui pensaient que la finalité communiste était de s’emparer
de leurs biens, y trouvèrent matière à détestation idéologique et les deux camps continuèrent
de s’affronter durement. Avec l’occupation Allemande, cet anti-communisme haineux aurait
pu avoir, sur le plan local de fâcheuses répercussions. Il n’en fut rien heureusement, et malgré
les rudes restrictions alimentaires, les choses se passèrent à peu prés bien, car la fameuse
délégation spéciale, nettement marquée à droite, tout en respectant la ligne politique de Vichy,
ne posera pas de problèmes graves à la population pendant cette période trouble en faisant
preuve de modération.
Malgré les appels à la délation, les quelques rares familles juives résidentes ne furent pas
dénoncées. En matière de règlements de comptes politiques les têtes de listes communistes
firent certes un séjour dans des camps de Vichy en 1940, mais ils furent vite relaxés.
Quand aux notables les plus marquants de la délégation spéciale de Pétain ils furent à leur
tour arrêtés en 1944. Jugés par des tribunaux issus de la résistance, ils furent tous blanchis.
Les Soldats Allemands n’étaient pas tous des nazis ou des S.S :
Dans notre malheur, nous avons eu aussi une chance relative. Celle de n’avoir été occupé que
par des unités de la Wehrmacht disciplinées composées de soldats mobilisés de force qui
n’avaient pas voulu la guerre et donc la grande phobie était, suprême punition, l’envoie sur le
front russe. Pendant tout le séjour des troupes allemandes, on pu se rendre compte aussi, que
les Allemands n’étaient pas tous des nazis ou des SS fanatiques et que beaucoup subissant
cette guerre plus qu’ils ne l’approuvaient et languissaient qu’elle finisse pour rentrer chez
eux..
Je me souviens très bien de l’ordonnance de ce capitaine vétérinaire qui logeait par réquisition
dans la maison Pontier au bout de la rue B.Malon. Père de famille d’une quarantaine d’années
il s’était pris d’affection pour ma sœur qui lui rappelait ses enfants laissés au pays.
C’était un brave type humaniste qui avait la guerre en horreur.
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Il nous répétait toujours dans son jargon limité « Français Allemand égal, Guerre Caca ». De
temps en temps il apportait du pain, de la soupe quand elle était bonne, un peu de chocolat
pour Colette et du tabac pour la pipe du Papé Brun.
Leurs officiers aussi n’étaient pas tous des nazis fanatiques. Un jour que mon Grand Père
faisait boire le cheval dans la cour de la maison Pontier, ce Capitaine vétérinaire s’aperçut que
le bon vieux Lamy était mal ferré et qu’il boitait bas. Il estima qu’il fallait redresser ses sabots
pour rééquilibrer sa marche. La forge militaire et le centre de ferrage étaient installés au Mas
de St Julien. Il écrivit une lettre et dit à mon grand père qu’il pouvait s’y présenter quand il
voudrait. Le nécessaire fut fait et le paisible percheron retrouva son bon équilibre.
La musique dit-on, adoucit les mœurs :
Le peuple allemand est très amateur de musique. Ce pays nous a donné d’ailleurs de célèbres
musiciens et compositeurs. Ceux qui connaissent l’Allemagne peuvent en témoigner, dans
pratiquement tous les squares, parcs ou jardins publics de leurs villes il y a des kiosques à
musique. Aux beaux jours, toutes les fins de semaine, des formations d’amateurs y organisent
des concerts qui sont très suivis et écoutés. Il n’y avait donc aucune surprise de retrouver dans
chaque régiment des musiciens de qualité Les unités occupantes n’échappait pas à cette règle,
et tous le temps de leur présence leurs fanfares donneront des concerts improvisés sur nos
boulevards. Le public les boudera certes un peu, mais la musique est un langage international
qui peut parfois amener un peu de douceur dans un monde de brutes. Bref ! Tous ceux qui
aimaient la musique et qui n’y étaient pas indifférents, allaient les écouter. Certes ces concerts
n’étaient pas applaudis à la fin, mais il n’y avait pas de sifflets ni de manifestations d’hostilité.
Une voix de velours charme la Rue Edouard Vaillant :
Un beau jour de printemps 1943, par la fenêtre entrouverte de la maison Garnier, rue Edouard
Vaillant, une voix sublime de ténor s’éleva irradiant tout le quartier des « quatorze cances ».
Les arias de Carmen, Manon, Mireille, Faust, Werther et autres faisaient vibrer les vitres des
maisons alentours. Il aurait fallut être de marbre pour ne pas apprécier une telle qualité de
chant de ces airs classiques d’opéras. Nous avançant curieusement de la fenêtre entre ouverte,
nous apercevons un officier en uniforme qui chante en s’accompagnant au piano de la maison.
Sur la lancée nous apprenons qu’il s’agit d’un autrichien enrôlé de force, qui avant la guerre
était un des ténors de l’Opéra de Vienne. Il rodait sa voix car dans 15 jours il devait aller
chanter Aïda pour les troupes allemandes dans les arènes de Nimes.
Devant l’intérêt des gens du quartier qui l’écoutait, il laissait toujours la fenêtre ouverte et tout
le monde pouvait entendre et apprécier les plus grands airs du répertoire lyrique international.
Les Marsillarguois ont-il souffert de l’occupation ?
Cette question mérite d’être posée : Si l’on excepte les très dures restrictions et ses
répercutions sur le plan du moral du manque de liberté et l’inquiétude des familles de
prisonniers, les véritables contraintes subies par la population furent l’obligation pour les
hommes d’effectuer des travaux de surveillances (Ponts, voie ferrées) et l’aménagements des
défenses le long de la côte dans les sables pour planter des rails de decauville afin de faire
échec aux atterrissages de planeurs. Les hommes étaient aussi astreints au creusement de
nombreuses tranchées dans le village et le long des routes.
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Certains qui avaient les moyens, payaient en sous mains des plus jeunes non requis pour les
remplacer. Juste retour des choses, ce sont des prisonniers allemands qui furent employés
pour reboucher les tranchées et les blockhaus à la libération.
Notre pays de plaine n’était pas un terreau propice pour une lutte ouverte armée.
La clandestinité locale se borna à la circulation de tract et journaux de propagande anti-nazie,
et à quelques courageuses familles qui cachèrent des résistants menacés.
Ce n’est qu’après la libération quand furent découvert avec horreur les exactions nazies
(tortures, déportations et génocide de masse) dans les camps de la mort que nous pûmes
mieux mesurer la nature exacte de l’occupation que nous avions subis localement et en
quelques sortes la relative chance que nous avions eu.
Le Commandement allemand laisse les stocks de vivres à la population.
Lorsqu’il dû replier ses troupes, le Commandant de la place a l’instar de celui de Paris qui
refusa de faire sauter les ponts et les monuments, n’exécuta pas l’ordre de détruire les
provisions stockées en plusieurs endroits. Il demanda au Maire d’organiser de façon équitable
un partage entre les habitants. Bœuf en boite, sardines, pâté, confitures, orge perlé, lampions
et bougies etc.…firent le bonheur d’une population affamée et démunie. Ces réserves
d’aliments entreposées à l’école de garçons, à l’abattoir à St Julien et au Mas de Colombiers
commencèrent d’être distribuées entre tous les habitants sous le contrôle des autorités
municipales.
Malheureusement des rapaces rodaient. Avant la fin du partage et l’épuisement des stocks de
marchandises, une équipe de malfrats débarqua en trombe,Traction avant, coups de klaxon
intempestifs, mitraillette au poing, camion et brassard des FFI. Ils déclarèrent avoir reçus
l’ordre de réquisitionner et d’embarquer ce qui restait des stocks pour approvisionner la
résistance. Ils se firent même aider par des locaux pour charger leur camion et raflèrent tout.
Ce n’est que bien plus tard que l’on su que ces denrées avaient été soustraites pour être
revendues au marché noir, pour le plus grand bénéfice de ces faux résistants. Finalement ces
gangsters sans Foi ni Loi firent plus de tort à la population en cinq minutes que les occupants
allemands durant prés de trois ans.
Le pillage de la maison Grand du Bd Victor Hugo :
La vaste maison Grand au boulevard Victor Hugo avait été réquisitionnée par les occupants
pour y installer leur Kommandantur. Sitôt les occupants partis, une foule s’y rua pour
récupérer dans la pagaille tout ce qu’ils avaient laissé. Dans le lot, il y avait des armes et des
munitions. Des revolvers, des grenades offensives et à manches, des balles de fusil à blanc et
réelles, des mèches, des détonateurs et des bâtons de dynamite .Des uniformes, capotes
ceinturons, bottes, chaussures etc. Il y avait même un tambour, une grosse caisse de fanfare,
une machine à écrire et des cahiers en veux tu en voilà. Vers Midi, il ne restait plus que les
murs. Le clou de cette scène de pillage fut lorsque mon Père Louis sorti sur le pas de la porte
en brandissant un grand portrait de Hitler et qu’il le jeta à terre en criant « voila le salopard ! »
Une nuée de personnes se rua sur le tableau et se défoula en le piétinant rageusement.
Mais ce pillage eu aussi des conséquences négatives, en particulier pour les enfants qui se
retrouvèrent avec entre leurs mains des engins explosifs plus ou moins dangereux. Un
détonateur manipulé sans précaution, explosa dans la main de Claude Pontier et lui arracha la
moitié de ses doigts. Beaucoup d’autres eurent plus de chance en tripotant de la poudre ou en
faisant exploser des balles réelles dans les feux des tas de feuilles mortes.
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Août 1944… Mois des mitraillages et des bombardements
Le ciel de notre région, n’avait jamais vu autant d’avions de chasse et de bombardiers alliés.
Il ne se passait pas un jour sans que l’on entende le bruit sourd des bombes qui explosaient au
loin. A Nîmes, Arles, Montpellier, Beaucaire.
Des avions de chasse patrouillaient pour traquer les colonnes allemandes qui se repliaient et
surveillaient les rassemblements. Tant et si bien qu’un jour devant la cave l’un d’eux mitrailla
la batteuse, blessant le père Civelli au bras et le cheval de Labrousse
Avec mes cousins Paul et Gustave, nous montions sur le toit par la petite lucarne de la maison
Robert place Fernand Janin ou ils logeaient et agitions le drapeau tricolore de la Lyre. Les
pilotes qui rasaient les toits nous faisaient bonjours avec la main.
Chaque fois que l’on entendait les sourds grondement des moteurs des escadrilles de
forteresses volantes on se demandait où leurs bombes allaient bien pouvoir tomber.
C’est le Pont de Lunel qui le 24 Août 1944 fût pris pour cible. Les premières bombes
manquèrent le pont mais détruisirent les maisons alentours en tuant 12 personnes. Il fallut un
second raid le lendemain 25 Août pour le rendre inutilisable. Cela bien sur faisait penser au
risque pour notre pont Boulet et les maisons environnantes. Heureusement qu’il ne fut pas pris
comme objectif et il nous procura même une agréable surprise en facilitant le passage de nos
libérateurs. Débarquée le 15 Août 1944 à Fréjus, le gros d’une colonne blindée commandée
par le général De Lattre de Tassigny, traversa notre village dans la nuit. Celle qui suivit le
lendemain reçut un accueil délirant de toute une population en liesse
Enfin ! La libération. Puis la fin de la guerre.
Dans le cadre de la collaboration, peu d’exactions et de trahisons ayant été commis il n’y eu
pratiquement pas de règlement de compte a la libération. Une seule personne fût exécutée par
des résistants d’Aigues- Mortes et quelques filles tondues à Lunel. Mais il y a eu aussi des
résistants de la dernière heure. J’ai souvenance d’un matamore qui quelques jours avant la
libération exhibait un uniforme de la milice et le jour J, arborait sans honte un brassard des
FFI. Trois miliciens gardes voies en fuite furent reconnus, rattrapés molestés puis remis aux
nouvelles autorités. Mais il fallut cependant attendre encore 9 mois pour que cette guerre
arrive à son terme. Jusqu’au 8 Mai 1945, date de la capitulation, les alliés devront faire face à
une résistance opiniâtre des armées d’Hitler aux abois. Les soviétiques dans une spectaculaire
percées arriveront les premiers à Berlin et occuperont la plus grande partie du territoire
allemand qui deviendra la RDA jusqu'à la réunification le 3 Octobre 1990.
Ce qui permettra à Staline dans le partage de Yalta de se tailler la plus grosse part du gâteau.
Du 20 Novembre 1945 au 10 Octobre 1946 le procès de Nuremberg jugera les dirigeants
nazis. Manqueront à l’appel de la justice internationale le principal responsable Adolph Hitler
que s’était suicidé avec sa famille le 30 Avril 1945 dans son bunker ainsi que certains de ses
tortionnaires réfugiés en Argentine dont les gouvernements refusèrent l’extradition.
Le 11 Mai 1960, un commando juif enlèvera Adoph Eichmann pour le juger en Israël afin
qu’il réponde de ses crimes. Il sera condamné à la peine de mort et pendu le 3 Mai 1962.
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Quelques souvenirs de cette époque :
L’arrivée des Belges :
En 1940 avec la débâcle, une unité cycliste militaire belge échoua à Marsillargues. Ils
restèrent quelques temps et à leur départ, laissèrent leurs solides vélos noirs sans dérailleur
avec frein dans les moyeux qui firent le bonheur de nombreux habitants.
Mais il y eu aussi quelques familles migrantes dont plusieurs prirent racines. Je ne puis
résister à vous conter l’histoire de celle composée de sept sœurs, qui firent tourner la tête de
beaucoup de mâles locaux pendant tout un été .Ces blondes nordiques devaient avoir entre
16 et 28 ans environ, pas plus. Elles avaient pris pour habitude d’aller exposer leurs corps au
soleil en petite tenue sur les piliers du Pont de chemin de fer pour essayer de bronzer.
Elles oublièrent cependant que dans notre pays il y avait des moustiques et qu’il était difficile
aussi pour des peaux laiteuses de filles du Nord de brunir normalement.
Elles devinrent rouges comme des coquelicots et récoltèrent en primes des énormes plaies
provenant du grattage des piqûres de moustiques sur les parties les plus dénudées de leurs
anatomies. Mais le spectacle journalier de ce strip-tease champêtre, valait quand même le
coup d’œil et beaucoup de gars du village comme pour le chat de Margot, venaient en
catimini s’y rincer l’œil tapis derrière les grandes herbes de la digue.
Avec l’instinct qui caractérise le sexe féminin, ces filles n’étaient pas dupes de cet intérêt
masculin. Elles prenaient sur les piles les poses les plus provocantes et les plus excitantes.
Mais rassurez vous, ces piles du Pont n’ont jamais été un lupanar ambulant mais juste un lieu
d’exposition ou l’érotisme de plein air était gratuit et bon enfant.
Cerise sur le gâteau, comme il fallait bien donner un nom à ce charmant spectacle journalier,
les sept sœurs furent baptisées par les voyeurs : les « Quatorze fesses ».
Les Allemands aimaient aussi le Vidourle :
Quelques mois plus tard quand les occupants arrivèrent, ils manifestèrent un certain intérêt
pour le Vidourle. Qui ne tomberait pas amoureux de notre petit fleuve ! Ils y construisirent un
plongeoir en bois entre le Touïre et le Pont du Chemin de fer. Chaque après midi à tour de
rôle une escouade venait se baigner dans cette piscine naturelle. Mais la caractéristique de ces
baignades, était qu’elles se déroulaient dans la plus complète nudité. Tout le monde à poil
comme dans la chanson !
Ces jeunes males germaniques en tenue d’Adam attisaient la curiosité de certaines femmes
comme l’avait fait quelques mois avant les 14 fesses pour les hommes.
On pouvait en voir quelques unes (souvent les mêmes) se cachant le long de la berge pour
contempler le spectacle. Ces vicieuses purent ainsi se rendre compte de visu que les théories
racistes d’Adolph Hitler dans Mein Kampt étaient fausses et que ce quelles voyaient pendre
entre les jambes de ces jeunes aryens n’était pas différent à quelques tailles prés des autres
races qu’elles pouvaient connaître ou avoir connu.
A l’issue de ces baignades naturistes, ces soldats se livraient aussi à des séances de pêche à la
grenade. L’explosion faisait éclater la vessie natatoire des poissons que l’on retrouvait en
surface. C’était le menu fretin qui remontait en premier que les allemands s’empressaient de
ramasser. Quand à nous, qui passions notre vie au bord du Vidourle, nous avions remarqué
que les plus gros poissons de cette faune aquatique, mettaient beaucoup plus de temps pour
remonter en surface après l’explosion Nous attendions patiemment leur départ et récupérions
les spécimens de bonne taille dans les touffes de joncs : Carpes, Brochets, Perches, Grosses
anguilles qui amélioraient l’ordinaire de nos foyers qui en avaient bien besoin.
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Bien mal acquis, peut parfois profiter !
Un beau jour du mois d’Août 1943, un escadron motorisé de chenillettes s’était arrêté sur les
bords du Vidourle entre le vieux moulin et la bergerie de Teillan. Le temps des vendanges
approchant, les raisins commençaient à mûrir. Les soldats allemands les avaient bien sur
repéré mais leur hiérarchie soucieuse du respect des récoltes et ne voulant pas d’incident avec
les autorités, leur avait interdit de rentrer dans les vignes pour en ramasser.
Avec forces gestes, nous avions réussi à leur faire comprendre que cette interdiction ne
s’appliquait pas à nous et que s’ils acceptaient de nous donner du pain en échange nous
voulions bien leur en ramasser. C’est ainsi que nous échangeâmes quelques grappes
d’aramons à moitié mûrs contre plusieurs gros pains de soldat carrés avec la date incrustée,
qui furent les bienvenus dans nos familles à la santé du riche patron viticole de Teillan.
Petites vengeances individuelles et gratuites de quelques abrutis !
Les Allemands étaient en pleine débâcle. Des voies ferrées avaient été détruites et pour se
replier, leurs convois devaient passer par où ils pouvaient. Ce jour là, un train chargé de
troupes allemandes stationnait sur les voies de garage de notre gare. Le berger dont la jasse
était sur l’avenue éponyme et qui gardait son troupeau comme il le faisait quotidiennement
passât à proximité. Soudain, il entendit un coup de feu et son chien se mis à hurler. C’était un
abruti qui s’était défoulé sur cette brave bête de travail et qui lui avait tiré dessus uniquement
par amusement.
Je reverrais toujours ce brave homme complètement bouleversé portant son chien ensanglanté
dans ses bras et hurlant, appelez Galtier ! (Galtier était le vétérinaire).En attendant il lui donna les
premiers soins pour arrêter l’hémorragie. Un bon moment après le veto arriva pour extraire la
balle et compléter la thérapie. Nous eûmes la joie quelques temps plus tard, de revoir le beau
briard gris caracoler autour des ses moutons avec toute sa force physique pour le plus grand
bonheur de son berger.
Il y eu aussi quelques revanchards, qui apparemment sans ordre officiel, sabotèrent les
pompes du château d’eau de Marsillargues et qui détruisirent à la dynamite le Château d’eau
de Cadenet privant d’eau potable Gallician, Aigues Mortes et le Grau du Roi.
Quand un poilu de 14/18 nargue les sentinelles de la Kommandantur.
Mon Père Louis était ouvrier chez René Fourmaud dit le Petit Duc depuis 1927. Ce dernier en
plus d’une cinquantaine d’hectares de bonnes vignes, possédait une maison de maître au
Boulevard Victor Hugo entourée des écuries, caves et remises ,logement du charretier et
jardin. Or en 1940, son charretier étant fait prisonnier il demanda à mon père s‘il pouvait
s’occuper des cinq chevaux de la propriété en lui proposant en plus des quelques centimes
d’englober le travail de ses 36 ares de vignes dans celui de la propriété. (Labours, traitements
et vendanges) .A ce moment là, il lui aurait donné la lune. Mon Père ayant accepté, il devait
passer plusieurs fois par jour devant la sentinelle de la maison Grand ou les occupants avaient
installé leur Kommandantur. Celle là même qui fut pillé lors du départ des allemands. Or il se
trouve qu’il avait gardé en souvenir de la guerre de 1914-18 sa capote bleu horizon de poilu.
Il se faisait un malin plaisir de passer et repasser devant les hommes de la Wehrmacht en
exhibant ce vieux symbole de la capitulation allemande de 1918. .Ce fut sa façon à lui de faire
un pied de nez aux occupants.
(Pour la petite histoire, quand le charretier revint de captivité, son patron lui refusa, même en payant de lui
assurer le charroi pour vendanger sa vigne. Après 15 ans, ce fut la rupture et il changea de patron.)
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Merci patron pour le potager des restrictions :
En 1942, face aux restrictions, obligation avait été faite aux patrons de mettre à disposition de
leurs ouvriers des parcelles de terrain pour qu’ils puissent y cultiver quelques légumes.
Plus gros propriétaire de la Commune, Fourmaud possédait plusieurs dizaines d’hectares de
bonnes vignes et des terrains à la périphérie du village avec des puits et des norias. Croyezvous qu’il aurait concédé une de ces parcelles à son personnel pour faire leurs jardins ? Il
s’exécuta certes mais en leur concédant un terrain situé à plus de 3 Km du village dans un
quartier ou la terre était une des plus mauvaise du bas pays. Il y avait certes un forage manuel
qui fonctionnait avec une vieille pompe, mais celle-ci se désamorçait à chaque arrosoir.
Ce qui était largement insuffisant pour faire pousser des légumes. Voila ce que ce riche
Monsieur avait concédé à ses ouvriers dont les familles crevaient de faim. L’éloignement, la
difficulté pour pomper le volume d’eau nécessaire à un potager, l’échec était prévisible.
Travaillant 6 jours par semaine jusqu'à 18 heures, ils manquaient de temps pour s’y rendre le
soir et la pénurie de semences s’y ajoutant, il n’en fallut pas plus pour que cette expérience se
transforme en échec et que les six ouvriers ne ramassent jamais rien dans ce jardin.
Me voici au terme de cette narration :
Elle m’a replongé dans mes souvenirs d’enfance.
Mais depuis 1945, les choses ont évolué. L’Europe s’est construite et nos ennemis d’hier sont
devenus des partenaires économiques pas toujours loyaux reconnaissons le. Le côté positif de
cette évolution, est que ce type de conflit semble s’être éloigné sur notre vieux Continent.
Mais malheureusement il reste encore beaucoup de points chauds dans le monde et une
grande vigilance s’impose. Ce qui se passe en Ukraine montre que l’expansionnisme
territorial est toujours présent au cœur de l’Europe et représentent de grands dangers pour la
paix. L’obscurantisme et le fanatisme religieux se développent et débouchent sur des attentats
et des assassinats. S’il n’y a pas une prise de conscience lucide et une recherche des
principales causes dans la société même, les manifestations positives que l’on vient de vivre
contre la tuerie de Charlie Hebdo ne suffiront pas.
Un récent sondage publié par le Journal Le Monde nous apprend qu’a ce rythme en 2016,
1% des plus fortunés de la planète, possèderons la moitié de la richesse mondiale pendant
qu’en France on dénombre plus de 3 Millions de demandeurs d’emplois en janvier 2014. Ce
n’est certes pas la faute de Hollande ou de Sarkozy, mais le résultat d’un Capitalisme débridé
et déshumanisé dont Marx avait déjà à la fin du 19ème Siècle expliqué les mécanismes et
dénoncé à terme les effets dévastateurs dans son livre de référence sur le Capital que
beaucoup devraient relire et méditer.
On voit donc bien que c’est à la racine de tous ces maux que l’on
doit s’attaquer, en luttant pour plus d’égalité sans oublier de
combattre le fléau du racisme sous toutes ses formes.
Les images terribles du 70ème anniversaire de la Libération de
Auschwitz que nous venons de voir en début d’année, doivent
nous inciter à toujours garder à l’esprit et surtout ne jamais
oublier que le ventre d’où à surgit la bête immonde est encor
fécond.
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