est perceptible à bien des niveaux :
Vers une survalorisation du sport ?
Les dernières décennies ont vu
évoluer les habitudes sportives et les
liens sociaux : Ce n'est certes pas
nouveau, les jeunes préfèrent se
retrouver entre eux. Mais on assiste de
plus en plus à une préférence pour le
sport hors club, comme le basket de rue
ou le ride… Par ailleurs, la vie dans les
villages ou les villes, petites et grandes,
n'a plus la même forme : la ségrégation
spatiale ou l'accroissement
démographique font que des gens qui
apprenaient collectivement des repères
communs vivent aujourd'hui dans des
endroits très séparés. Enfin, certains
parents ont du mal à jouer leur rôle, soit
qu'ils se considèrent toujours comme
des jeunes, soit qu'ils sont confrontés à
des difficultés économiques ou
culturelles ; ce qui entraîne une image
parfois négative des enfants envers
leurs parents… Si on ne peut pas dire
que ces derniers soient nécessairement
"démissionnaires", ils sont en revanche
quelquefois "débordés". En
conséquence, on assiste à un problème
de dissociation : l'école ou le travail
passent parfois mal, notamment du fait
de mécanismes d'auto-exclusion ou
d'exclusion par l'institution ou les modes
de sélection. Dans un tel contexte, se
pose logiquement la question de savoir
ce qui pourrait au contraire fonctionner
pour intégrer les gens dans la société*.
Et l'une des réponses semble pour
beaucoup être le sport, simplement
parce que la majorité des jeunes aime le
sport et qu'il comporte des règles qui
sont souvent confondues avec celles de
la société. Dès lors, on assiste à une trop
grande survalorisation du sport. Car s'il
est historiquement juste d'affirmer que
"le sport intègre", il n'est "qu'une partie
d'un tout", dans la mesure où les règles
En revanche, il est vrai que le sport sert
parfois d'accélérateur à l'intégration.
L'exemple de l'immigration est en ce
sens très parlant : un nouvel arrivant
qui intègre un club sportif participe à
une activité sociale caractéristique d'un
groupe local, et est reconnu un peu
plus facilement et rapidement qu'en
étant simplement travailleur. Mais
parallèlement, il exerce un métier et
ses enfants vont à l'école. Donc en
disant : "le sport intègre", il faut en fait
considérer le travail ET le sport ou
l'école ET le sport, sans compter le rôle
des parents. Le terme " intégration " ne
signifie pas uniquement que les gens
aient en eux les valeurs morales de la
société ; il implique également qu'ils
puissent se sentir à l'aise partout dans
cette société (famille, travail, école,
etc.). Mais il est vrai que tout le monde
n'en est jamais complètement capable.
Et le sport seul ne peut pas combler ce
sentiment de décalage. Le sport ne
peut donc être et n'a jamais été la seule
source de socialisation de l'individu : il
va de pair avec les autres institutions
et, pour un bon fonctionnement de ce
système, il faut qu'il n'y ait pas de
contradictions trop fortes entre ces
règles et les valeurs des autres
institutions. De ce fait, accorder au
sport beaucoup d'importance dans le
processus de socialisation ne peut
qu'aboutir à une déception, car on
pensera apprendre les règles de la
société quand on n'apprend que les
règles du jeu sportif.
Bibliographie : Les pratiques sportives
en France, P. Mignon et G. Truchot.
Edition de l'Insep, Paris : 2002 "Le
sport, opium du peuple", in La fièvre du
dopage. Autrement, Paris : septembre
2000 "Le sport investi par les capitaux :
de nouvelles règles du jeu" in Esprit.
Paris : janvier 1999