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ANALYSE D’OUVRAGE
Bien que plusieurs années se soient écoulées depuis que notre Société a reçu cet ouvrage, il nous paraît
important de le présenter, car son intérêt conserve un caractère permanent.
Olivier
. – Le vivant. Approches pour aujourd’hui. Éditions du Cerf,
Paris, 228 p.
L’auteur est ingénieur et philosophe ; il a enseigné la philosophie à l’Université
catholique de Lyon avant de devenir professeur d’histoire et de philosophie des sciences
à l’Université Claude Bernard-Lyon I. Il est donc spécialement qualié pour exposer les
enjeux de la philosophie du vivant, envisagés dans le cadre d’une histoire qui débute dans
l’Antiquité et qui a pris une vigueur nouvelle à partir du XVIIe siècle.
Si l’ouvrage ne prétend pas remplacer les études approfondies sur tel ou tel
aspect de la philosophie du vivant, il n’en comporte pas moins un panorama historique
qui, assez succinct pour les philosophes présocratiques, Platon et Plotin (sans oublier
Ovide), devient de plus en plus détaillé au fur et à mesure que l’on s’approche du XXe
siècle. L’auteur ne vise pas à l’exhaustivité et on peut s’étonner de certaines absences
(Maupertuis ou La Mettrie par exemple) mais la pensée de Diderot et surtout celle de
naturalistes et de philosophes comme Kant, Goethe et Hegel font l’objet d’analyses très
pertinentes. Pour le XXe siècle, on appréciera la présentation qui est faite de Bergson
ainsi que de Canguilhem et de Simondon, ce dernier trop peu connu des biologistes.
Les derniers chapitres consacrés aux réexions contemporaines sur l’individualité, la
comparaison entre l’homme et l’animal, la modélisation, sont particulièrement bienvenus.
L’ouvrage aurait mérité une bibliographie et un index.
Puis-je cependant me permettre de formuler une critique ? On s’étonne de voir
A. P. de Candolle, Dugès, Moquin-Tandon et Milne Edwards, fort bien étudiés d’ailleurs,
gurer entre Lamarck et Darwin dans un chapitre intitulé « Organisation et transformisme »
alors qu’aucun d’entre eux n’a adhéré aux théories transformistes. Fait plus grave, ce
parti pris de restreindre la philosophie du vivant au cours du XIXe siècle au seul point
de vue du transformisme entraîne l’omission complète de Comte, de Claude Bernard ou
des grands médecins de cette époque. Or le vivant ne se limite pas à la génération et à
l’aspect, il n’est pas que genre et espèce ; son fonctionnement est tout aussi important à
prendre en considération. On peut donc se montrer surpris de voir les idées de Broussais
et de Comte (rappelons que ce dernier a contribué à faire adopter le vocable de biologie
pour désigner les sciences de la vie) mentionnées uniquement en raison de leur réfutation
par Georges Canguilhem. Quant à Claude Bernard, son nom est cité simplement parce
que Canguilhem s’est appuyé « sur une physiologie qui date plus ou moins de Claude
Bernard ». Est-ce à dire que l’on peut tenir pour négligeable l’inuence que ses idées ont
exercée sur notre regard envers le vivant ?
L’auteur s’est proposé de montrer quelles sont les différentes tendances
(matérialistes, mécanistes, vitalistes, spiritualistes) qui sous-tendent, jusqu’à nos jours,
la confrontation de l’homme et du vivant. Il atteint largement son objectif, malgré les
quelques réserves que je viens de formuler, et ses réexions nales ne manqueront pas
d’alimenter notre réexion sur les problèmes toujours actuels qui se posent à l’homme à
travers son expérience de vivant.
Christian