L
E
R
ÉVEIL DE LA NOVA
RS O
PH
Le 12 février 2006, l’étoile RS de la constellation
Ophiucus (6), connue pour être une nova récur-
rente, est entrée en éruption, 21 ans seulement
après une éruption similaire activement obser-
vée en 1985. Cette étoile RS devint visible à l’œil
nu et fut observée intensément non seulement
par de nombreux astronomes amateurs, mais
aussi par la plupart des grands observatoires au
sol ou dans l’espace (le VLT, le télescope spatial
Hubble, le satellite CHANDRA, les réseaux de
radiotélescopes...). L’observation d’une nova est
toujours un évènement important en astrono-
mie et son étude est riche en information sur un
phénomène étroitement lié aux rapports tumul-
tueux d’un couple stellaire très serré. Une naine
blanche, le cœur mis à nu d’une étoile en fin de
vie, se nourrit de l’atmosphère externe de sa
compagne, une géante rouge moins évoluée. Les
gaz ainsi capturés sont continuellement écrasés
à la surface de la naine blanche par son énorme
gravité, comprimés et chauffés à des tempéra-
tures énormes. À un certain moment, les pres-
sions et les températures de la couche d’hydro-
gène deviennent assez grandes pour déclencher
une puissante déflagration nucléaire, libérant
une énorme quantité d’énergie. Comme cette
nova est relativement proche et brillante, pour la
première fois de nombreux interféromètres
optiques (7), dont le VLTI, ont pu observer cet
objet, même si l’étoile RS de la constellation
Ophiucus n’était, au moment de son explosion
observable, que 2 heures par nuit !
Le spectre continu de l’explosion ainsi que
deux raies en émission, l’une traçant l’hydro-
gène (Brγ2,16 μm), l’autre l’hélium (HeI
2,06 μm), ont été observés. La résolution du
spectrographe AMBER a permis d’étudier
ces larges raies révélant la vitesse du front
de choc d’environ 3 000 km/s. La taille de
l’émission continue avait à ce moment une
forme générale aplatie de taille caractéristique
4,5 x 2,6 millisecondes d’angle, soit la taille
caractéristique d’une pièce de 1 centime
située à Berlin, vue depuis Paris ! La taille de
l’émission dans les raies est beaucoup plus
grande, environ le double en Brγet encore plus
étendue en He I qui se forme probablement
dans l’onde de choc elle-même. La figure 5
représente les tailles caratéristiques mesurées
par AMBER à t = 5 jours comparées à l’image
radio obtenue à t = 13,8 jours. En utilisant les
vitesses d’expansion mesurées par AMBER et
en extrapolant le lieu où la matière aurait pu
s’étendre après 13,8 jours, la taille caractéris-
tique de la matière émettant la raie Brγserait
du même ordre de grandeur que ce qui est
mesuré dans les longueurs d’onde radio. C’est
la première fois qu’un tel évènement peut être
mesuré si proche de l’étoile centrale.
12 - l’ASTRONOMIE – Septembre 2008
DERNIERS PAS DE DANSE POUR
UNE ÉTOILE WOLF-RAYET ?
Plusieurs résultats apportés par AMBER se foca-
lisent sur les étapes avancées de l’évolution
stellaire. C’est ainsi que l’étoile γde la constella-
tion des Voiles a été observée. La lumière
blanche avec des reflets bleutés de cette étoile
de seconde magnitude ainsi que son spectre
riche en raies d’émission l’ont fait surnommer la
“pierre précieuse spectrale” du ciel austral.
L’étoile γ de la constellation des Voiles est
l’étoile la plus lumineuse de sa constella-
tion (5). Elle est connue pour être une étoile
double composée d’une étoile Wolf-Rayet et
d’une étoile de type spectral O. Les étoiles
Wolf-Rayet sont une catégorie d’étoiles qui
présentent de larges raies d’émission, là où la
plupart des étoiles ont des raies d’absorption.
Elles ont quitté la séquence principale, c’est-à-
dire que la combustion qui se déroule dans
leur cœur est la combustion de l’hélium (puis
plus tard celle du carbone, puis de l’oxygène
etc.), et non plus celle de l’hydrogène. Cette
combustion est beaucoup plus énergétique.
La présence d’un vent stellaire massif est à l’ori-
gine de ses raies spectrales spectaculaires.
Les télescopes du VLT, utilisés avec AMBER,
permettent de séparer optiquement la
contribution des deux étoiles. La mesure de
leur séparation permet d’estimer la distance à
laquelle se trouve cette binaire, et démontre
que les précédentes estimations étaient incor-
rectes. Les observations obtenues avec AMBER
sont les premiers pas qui nous mèneront vers
la détection de la zone de collision entre le
vent de l’étoile Wolf-Rayet et celui de l’étoile O.
Ce sera un nouveau moyen d’étudier le choc
entre deux vents stellaires.
Fig. 5. Empreintes mesurées par AMBER
de la nova RS de la constellation
Ophiucus 5 jours après l’explosion com-
parées à la structure observée en radio
13,8 jours après l’explosion. L’ellipse rem-
plie de rouge en trait continu représente la
taille caractéristique mesurée par AMBER
dans le continu stellaire, tandis que l’ellipse
en pointillée remplie d’orange représente
celle mesurée dans la raie de Br
γ
et celle en
tirets remplie de blanc dans la raie de l’hé-
lium I. La grande ellipse en pointillés corres-
pond à la petite ellipse en pointillés traçant
Br
γ
extrapolée de 5 jours à 13,8 jours en utili-
sant les vitesses mesurées dans les spectres
observés. D’après Chesneau et al. (2007, A&A 464, 119).
5– La raison pour laquelle l’étoile γVela ne porte pas comme nom la lettre grecque αest que la constellation des Voiles résulte du partage de la constella-
tion du Navire Argo en trois constellations plus petites à la fin du XVIII
e
siècle.
6– Ophiucus est aussi connue sous le nom de Serpentaire, représentée par un homme portant un serpent à bout de bras.
7– Les interféromètres du VLT, du Keck (KI), du mont Palomar (PTI) et du mont Hopkins (IOTA) aux USA.
Fig. 4. Eta Carinae et la nébuleuse de
l’Homoncule. Composite de plusieurs
observations du télescope spatiale hubble.
© Nasa