Préface
Le nom Europe renvoie à une belle légende (1). En effet, Europe aurait été la
fille du Roi phénicien Agénor et de sa femme Téléphassa. Un jour, Zeus le Grec
aperçut la jeune fille jouant avec ses compagnes au bord de la mer et tomba
amoureux d'elle. Prenant la forme d'un taureau blanc, il se mêla aux jeunes filles
et se coucha. Europe le trouva si doux qu'elle finit par s'asseoir sur son dos;
aussitôt le taureau se leva et s'élança vers la mer. Europe fut transportée en Crête.
Zeus lui révéla alors son identité. Puis, il s'unit à elle sous un platane qui, depuis
lors, resta toujours vert. Europe lui donna trois fils: Minos, Radamanthe et
Sarpédon.
Astérios, le Roi de Crête, épousa Europe par la suite. Ils eurent une fille:
Crété; Astérios adopta les fils d'Europe et fit de Minos son héritier. Le père
d'Europe, Agénor, tenait absolument au retour de sa fille, et il envoya à sa recher-
che ses fils Cilix, Phoenix et Cadmos. Sa femme partit avec eux et il ne revit
aucun d'eux. L'un des fils d'Agénor, Cadmos dont le nom signifie Orient, arriva
en Boétie, en Grèce continentale; il y porta l'alphabet et devint le premier roi de
Thèbes.
Europe, fille venue de la terre de Canaan, donna son nom au continent
européen.
N'y a-t-il pas là un premier signe fondateur, s'interroge le grand poète arabe
Adonis, indiquant à travers cette légendaire rencontre entre l'Orient et l'Occident
que l'Autre était une des dimensions du Moi? Surtout si l'on pense que ce Moi (la
Phénicie, la terre de Canaan, la Palestine) donna à l'Europe non seulement son
nom, mais aussi l'un des éléments les plus profonds de son identité, à savoir,
l'alphabet (2). .
Et pourtant, les enfants d'Agénor, le Phénicien, partis à la recherche d'Europe,
leur sœur, ne revinrent jamais. On sait que Cadmos (Orient) devint roi de Thèbes.
Mais les autres? Furent-ils engloutis par les eaux? Tués par les dieux grecs? Ou
simplement auraient-ils élu résidence dans une petite île de la Mer Égée, laissant
1 Édith Hamilton, La mythologie, Marabout, Verviers, 1978, pp. 146-147.
2 Adonis,« La méditerranée : cet infini commun », in Rives, 1996, p. 122.