1
Chapitre 2
Approches symboliques en sémantique lexicale
2
L’analyse sémantique s’est orienté très nettement ces dernières années vers l’étude
du sens des mots en lexique. Alors que naguère, les items lexicaux n’étaient considérés que
comme des variables à instancier au bon moment, depuis dix ans, les grammaires lexicales
se multiplient. Celles-ci stockent dans le lexique les traits morphologiques, syntaxiques et
sémantiques. Cela prouve l’intérêt croissant pour la sémantique et marque les limites des
grammaires : on déplace les problèmes syntaxiques et sémantiques vers les représentations
lexicales.
Deux méthodes existent pour coder le sens en lexique (Rastier, 1994 ; p.45) :
La méthode sémasiologique code les unités lexicales par leur signifiant graphique. A
chaque signifiant, on associe l’ensemble des signifiés et l’on cherche à les structurer.
Quand elle traite de la polysémie, la méthode sémasiologique présuppose que chaque mot
a un sens principal et des sens dérivés.
La méthode onomasiologique part des classes de signifiés pour les structurer. Les
promoteurs de cette méthode estiment que ces classes forment des zones conceptuelles.
Il s’agit pour nous de mettre en relation les mots avec leurs représentations
sémantiques. Si nous utilisons la méthode sémasiologique, nous supposons que nous
pouvons décrire le sens à partir de la forme. Ce sont pour nous deux choses différentes qui
forment une seule entité, le signe. Il nous faut alors décrire séparément les deux
composants et les mettre en relation. Nous pouvons utiliser pour cela la méthode
onomasiologique, qui regroupent l’ensemble des théories reposant sur les champs
sémantiques.
En premier lieu, il nous faut comprendre comment définir les termes que nous
devons comparer pour la désambiguïsation sémantique lexicale. Pour cela, la définition de
la triade sémiotique (forme-sens-référent) du signe permet d’expliciter les notions de sens et
de référent d’un terme à comparer pour la désambiguïsation des sens des mots. La
définition de la lexie est alors faite pour supplanter le terme de forme dans la triade du
signe.
Une fois que nous avons défini le terme de lexie, il nous faut savoir comment les
intégrer aux lexiques. Les diverses approches du sens lexical sont explicitées et permettent
de voir comment coder les sens des mots dans les lexiques sémantiques.
Les diverses bases lexicales permettent de créer des représentations des sens
orientées par la classification sémantique mais dans ce cas, quel type de dépôt doit-on
utiliser ?
Nous savons quoi comparer et désambiguïser ; nous savons aussi quel type
d’information lexicale nous avons besoin pratiquement. La comparaison va constituer à
effectuer des traitements sur les notions du thesaurus. Quel traitement doit-on effectuer ?
Pour répondre à cette question, il nous faut connaître les rapports qu’entretiennent les
mots entre eux c'est-à-dire les relations lexicales sémantiques.
3
2. 1. Le signe
Qu’est-ce que le sens ? Le sens a besoin d’un contenant - d’un réceptacle - pour être
connu ou reconnu. L’association entre le sens - ou encore le signifié - et ce réceptacle - la
forme ou le signifiant - définit alors le signe. C’est par le signe que le sens peut être lu dans le
cas de textes. Sans la forme, le signe et le sens n’existe pas dans le texte, c’est une évidence
mais sans le sens, la forme et le signe n’existent pas non plus.
Un mot peut avoir un sens mais pas de référent, par exemple les mots
grammaticaux : la préposition de, dans « le bateau de pêche », exprime que le bateau sert à
aller à la pêche ; il sert à exprimer que pêche est le complément de nom de bateau. L.
Tesnière - cité dans (Baylon & Mignot, 1995, p. 31) - oppose ainsi les mots pleins,
référentiels - un mot qui désigne un référent - aux mots vides, non référentiels.
2. 1. 1. Le référent et le sens
Dans cette association forte qu’est le signe, on peut inclure la notion de référent -
quand celui-ci existe : le référent n’est pas le sens. Prenons par exemple le mot bateau : il est
la forme du signe ; le bateau tel qu’on l’imagine dans un port, n’est pas le sens du signe, il
est le référent, la chose auquel le mot réfère. Baylon & Mignot (1995, p.29) définissent le
sens par rapport au référent de la manière suivante :
On doit faire attention à ne pas confondre sens et référent. […] Le mot
cheval ne hennit pas, ne galope pas, contrairement à l’animal ainsi
dénommé [le référent]. Comme tout mot, il a un sens, mais ce sens a une
réalité psychologique, à bien distinguer de la réalité, extérieure au cerveau
et à l’esprit, qu’est un cheval.
Ils donnent finalement le triangle sémiotique bien connu suivant pour le signe
(Baylon & Mignot, 1995, p. 30) :
sens
forme référent
On voit que le sens et le référent sont distincts. Cependant, le sens peut souvent être
une voie d’accès au référent. Quand c’est le cas, deux niveaux de sens sont à regarder :
Le sens en langage décrit un savoir usuellement connu par les usagers de la langue et est
décrit dans les dictionnaires ;
Le sens en emploi qui fait allusion au contexte dans lequel l’énoncé du discours est fait : Pour
répondre à la question « Connaissez-vous cette ville ? », il faut connaître le sens en
langage du mot ville, mais aussi le contexte utilisé, ici donné par cette.
4
Mais en plus du sens dénotatif (ou sens dénoté, qui désigne le référent) un mot référentiel
comporte des connotations qui traduisent :
Des jugements de valeurs portés sur le référent du mot ;
De l’appartenance du mot à divers niveaux de langue - ou registres.
Deux remarques :
- Un mot peut avoir plusieurs sens pour un même référent. Cela dépend des
connotations : les mots automobile et tire désignent le même objet. Pourtant, ils ont deux
sens différents.
- De la même manière, une forme peut avoir plusieurs référents et donc plusieurs
sens. Les mots polysémiques peuvent avoir plusieurs référents : le mot cheval désigne le
cheval (l’équidé) mais aussi le cheval-arçons en gymnastique, et le cheval fiscal (unité de
puissance du moteur).
Le type de sens des mots que nous utilisons pour la représentation des sens est le
sens en langage. Il est en effet celui qui est décrit dans les dictionnaires et aussi dans les
thesaurus des mots aux idées puisqu’il correspond au sens que tous les usagers de la langue
ont en commun.
On voit que le sens d’un mot ne dépend pas que du sens en langage. Cependant, le
sens en emploi est difficile à prévoir puisqu’il fait référence à des connaissances extra-
linguistiques autant que des connaissances transphrasiques : par exemple, le mot cette fait
référence à une ville précise donnée autre part dans le texte duquel est extraite la phrase
« Connaissez-vous cette ville ? » mais atteindre ces connaissances transphrasiques suppose
au moins le traitement de la référence dans les textes et cela ne rentre pas dans le cadre de
cette thèse.
Par contre, la hiérarchie du thesaurus peut laisser prévoir la construction et
l’utilisation du sens dénoté évidemment, mais aussi des connotations. On le verra plus tard
dans le chapitre suivant.
La description du sens peut prendre plusieurs ouvrages. La description
préalablement faite ici si elle n’est pas exhaustive, pose au moins quelques pierres sur la
notion du sens des mots et concerne le sens présent majoritairement dans les dictionnaires
et dans le thesaurus que nous utilisons.
2. 1. 2. La forme du signe
La forme du signe en sémiotique peut prendre plusieurs aspects différents : le son, le
graphique et des séquences de caractères formant le mot dans les textes.
En sémantique, le mot est néralement divisé en deux parties, la racine et le
morphème. Ils sont tous les deux signifiants dans les mots, mais beaucoup de mots ne se
réduisent pas à l’addition des sens de leurs deux composants. En fait, nous traitons le mot
comme l’unité minimale du sens. Exemple : La racine du verbe chauffer est chauff, mais le
5
morphème -eur (signifiant celui qui) ajouté à la racine chauff donne non pas « celui qui
chauffe » mais « celui qui conduit (un véhicule) ». Le mot est aussi désigné sous le terme de
lexème simple.
De la même manière, les groupes de mots - textes, phrases, syntagmes ou
expressions composés - prennent du sens. Dans les textes écrits, le sens de la phrase tout
entière dépend des sens des mots ou expressions composées qui la composent plus des
contextes transphrasiques et extra-linguistiques. Ces contextes sont difficiles à mettre en
œuvre, et nous sommes pour l’instant obligés de ne tenir compte que des sens des
composants de la phrase qui sont les mots ou les composés.
Un composé est la partie d’un groupe de mots qui est sémantiquement le plus
interprétable. Il doit être une combinaison de plus d’un mot pour avoir le bon sens. Dans
quelques cas, le sens est idiomatique. Une expression idiomatique a 2 catégories :
- Un idiome est une expression spéciale avec un sens spécial. Le sens de toute
l’expression est différent de la composition des sens littéraux. Le sens final est difficile à
comprendre pour un non-natif de la langue. Il est aussi appelé lexème complexe figé - dont le
sens est figé indépendamment du sens des composants.
- Un complexe unitaire (un lexème complexe non figé) n’est pas un mot complexe ; c’est
un groupe de mots libres. Le sens des mots concaténés dépend suivant le contexte et est
soit une réunion des sens des composants soit un sens indépendant des composants. Ce
sens indépendant peut être figuratif ou métaphorique.
Ce découpage en mots et composés rejoint la définition de la lexie de B. Pottier
(1991) et de Mel’uk et al. (1995) dans la théorie Sens-Texte que nous voyons de manière
un peu plus approfondie maintenant.
2. 1. 3. La lexie de Mel’uk, Clas et Polguère
La théorie lexicologique de Mel’uk, Clas et Polguère est une étude des lexies des
langues naturelles.
D’après Mel’uk et al. (1995), les lexies forment la partie primordiale de la langue.
En exagérant quelque peu, ils prétendent que l’ensemble des lexies est la langue. En effet,
une langue est constituée de lexies et de règles servant à la manipulation de ces dernières.
Les règles qui assemblent les lexies en syntagmes, les syntagmes en phrases, et les phrases
en discours sont - pour eux - nettement secondaires par rapport aux lexies - en ce sens que
leur nature et leur forme sont déterminées par les lexies.
L’ensemble des règles de la grammaire d’une langue L, permet d’assembler des
lexies, et ces règles doivent donc être formulées en fonction des lexies. D’où leur assertion
suivante :
Le lexique d’une langue prime logiquement sur sa grammaire.
1 / 27 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !