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LIBERTE – EGALITE – FRATERNITE
La vocation spirituelle de la Franc-Maçonnerie
Fraternité, école de pensée, laboratoire d'idées, la Franc-Maçonnerie se propose d’être
un lieu de liberté de pensée et d'expression, d'échange et de partage, de solidarité, de
convivialité fraternelle tolérante et de sociabilité. L'être humain est au centre de ses
préoccupations, l’humanisme au centre de ses valeurs. D'origine occidentale et d'inspiration
chrétienne, elle pose les questions fondamentales de l’homme et de son émancipation, des
rapports des hommes entre eux, de l'organisation morale et politique des sociétés. La
maçonnerie libérale, a-dogmatique (par opposition à celle qui impose à ses membres la
croyance en un dieu révélé), fonde son action sur la liberté absolue de conscience, la pratique
de la raison issue des Lumières, mais aussi – se reliant en cela avec les traditions initiatiques
antérieures – sur la dimension spirituelle de l'homme.
La Loge est un lieu de travail, de pratique rituelle symbolique progressive et de partage
fraternel, fondée sur le secret ; par le jeu de mythes, de la mise en œuvre d’outils symboliques
et d’échanges intellectuels, elle vise à l'émancipation de ses membres. Organisée depuis le
XVIIIème siècle sous les principes de « Liberté-Egalité-Fraternité », elle travaille à l'étude des
principes et de la morale, au travail symbolique, à la transmission des moyens d’accès à la
connaissance qu’elle nomme la Lumière. Par l'initiation (à la fois « mise en chemin » et
« processus de transformation »), pour améliorer l'homme et la société, elle vise à
l’élargissement de la conscience de ses membres, à l'affranchissement de leurs entraves et de
leurs conditionnements. Etape ou aboutissement provisoire d’une longue et immémoriale
chaîne d’hommes réunis en secret pour tenter de percer les mystères de la nature et de la vie,
elle abrite la quête individuelle de la recherche de la vérité.
Héritière déclarée des antiques écoles de pensée, la Franc-Maçonnerie, qui en a recueilli
partiellement l’héritage symbolique, traite des problèmes qui se posent à l'homme dans les
domaines :
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de la connaissance (l'épistémologie, épistèmê=connaissance, logos=discours) :
L'homme peut-il atteindre et connaître la vérité, l’éveil, la lumière ?
du réel (l'ontologie, étude de l’être en tant qu’être) : Pourquoi y a-t-il quelque chose
plutôt que rien ? Qu'est-ce qui existe réellement ? Qu'est-ce que l'homme, l'univers, Dieu ?
Quelle est l'origine de l'existence des êtres ? La création obéit-elle à un ordre supérieur ?
de l'éthique (la science morale) : Quel choix faire pour être heureux, comment se
comporter, agir et être avec les êtres vivants pour être en harmonie avec les lois morales ?
de la société (la politique) : Quelle organisation pour la société ?
de la mort, de la destinée (l'eschatologie, discours sur la fin des temps) : Y a t-il
quelque chose au delà de la mort ? Et quoi ? L'histoire, le temps, ont-ils un sens ?
La Franc-Maçonnerie, consciente du mystère des origines et des fins, s’abstient de définir
et de propager des doctrines.
Pour éclairer son contexte, il me paraît utile d’indiquer ici, très sommairement, dans quel
espace et temps de l’histoire humaine cette recherche se situe et les raisons qui y ont amenés
l’homme. Vous vous réfèrerez, ci-après, à la chronologie très simplifiée que nous allons
survoler.
1
ELÉMENTS DE CHRONOLOGIE DE NOTRE UNIVERS, DE LA VIE SUR TERRE ET DU DÉVELOPPEMENT DE
L'HOMME.
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13,7 milliards d'années : naissance de notre univers, en expansion accélérée, selon les
connaissances actuelles de l'astrophysique.
3,8 milliards d'années : manifestation de la vie terrestre sous forme de molécule d'ADN.
7 millions d'années : apparition des hominidés.
3,5 millions d'années : émergence de la conscience humaine.
2,3 millions d'années : façonnage des premiers outils.
2 millions d'années : manifestation probable d'un proto-langage.
500.000 ans : premières sépultures collectives qui impliquent des rites funéraires et une croyance
400.000 ans : maîtrise du feu.
200.000 ans : émergence d'une pensée réflexive et symbolique en Afrique avec l'Homo Sapiens.
100.000 ans : premières migrations humaines hors de l'Afrique vers le reste de la planète.
50.000 ans : manifestation probable d'un langage évolué.
30.000 ans : premières peintures rupestres.
10.000 ans : apparition de l'agriculture. Il convient de noter que la Bible des Hébreux témoigne,
d'après le préhistorien Jacques Cauvin, d'une singulière concordance avec le déroulement de la
révolution néolithique (- 9.000 ans au Moyen-Orient).
3.000 ou 4.000 ans : naissance de l'écriture en Mésopotamie et en Chine ; organisation des
premières civilisations ; traces d'une connaissance mathématique élaborée.
2.600 ans : constructions égyptiennes qui attestent d'une connaissance de la géométrie.
570-497 av. J-C : Pythagore, le premier philosophe. « Le nombre est le principe de toute chose ».
563-483 av. J-C : naissance du Bouddha (l’éveillé), le Sage des Sakyas, Siddhârta Gautama ; son
enseignement oral en Inde. Les quatre nobles vérités (« la naissance est douleur, la vieillesse est
douleur, la maladie est douleur, la mort est douleur »), le noble octuple sentier.
470-399 av. J-C : Socrate, qui sait qu'il ne sait rien. Le choix moral personnel, la maïeutique.
L'Académie : « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre », « Connais-toi toi même », « Occupe-toi de
toi même ».
427-347 av. J-C : Platon. Séparation de la réalité en 2 mondes : le sensible et l'intelligible, le
premier étant le reflet du second ; la séparation de l'âme et du corps ; au problème de l'instabilité
des réalités, répond la théorie des modèles idéaux ou des « Formes intelligibles ». Mythe de la
caverne.
384-322 av. J-C : Aristote. Fondation du Lycée. Classification hiérarchique systématique des
connaissances et des concepts. Conception géo-centrée de l'univers.
Depuis 200 ans : découvertes scientifiques et techniques : antibiotiques, automobile, avion, sousmarin, téléphone, phonographe, utilisation de l'énergie nucléaire, ordinateur, fax, conquête de
l'espace, internet.
Début du XXème siècle : mécanique quantique qui rend compte de la structure et du
comportement des atomes et de leurs interactions avec la lumière ; théorie de la relativité
d'Einstein. Les grandes découvertes en astrophysique : expansion accélérée de l’univers, trous
noirs, quasars...
LES GRANDS INITIES, L’IMPERMANENCE ET LE TRAVAIL INITIATIQUE
L’homme est structurellement constitué de poussière d’étoiles, en interdépendance
absolue avec les conditions de vie de sa planète et soumis, nolens volens, qu’il le veuille ou
non, à ses lois et aux influences cosmiques de l’univers dont il est issu et dans lequel il baigne.
Ce qui le différencie du reste du vivant, jusqu’à plus ample informé, est sa conscience, la
conscience qu’il a de sa conscience, sa faculté de penser, de se penser et de penser le monde, à
l’aide des outils et des outils conceptuels dont il s’est progressivement doté ou que sa nature
propre lui a permis de développer.
2
Quelques-uns de ceux qui nous ont précédés sur le chemin – ceux que nous nommons
«les grands initiés» - ont notablement influencé l’évolution de la pensée actuelle. Connaître
leurs œuvres nous aidera à mieux appréhender la réalité du monde ; chacun, à son degré, y
trouvera matière à connaissance et à réflexion.
Pour Pythagore (580-497 av. J-C), un des initiés auquel se réfère la Franc-Maçonnerie :
« Le nombre est le principe de toute chose ». Il traduit l’harmonie de l'univers, qu'il fut le
premier à appeler cósmos, « ordre et beauté ». Selon le philosophe J-F MATTEI (Pythagore et
les pythagoriciens. Que sais-je?), « L'école pythagoricienne fut le premier modèle d'une société
secrète, et donc fermée sur ses particularités, en même temps que le premier exemple d'une
société ouverte sur l'universel par son rôle politique et l'importance accordée à la philosophie ».
Les mathématiques, la musique, la cosmologie, la physique et les applications sur le monde, la
fraternité qui subsiste au-delà de la mort (« entre amis tout est commun » et « un ami est un
autre soi-même »), le secret qui révèle la ligne de fracture entre le visible et l'invisible, sont au
centre de son enseignement, exclusivement oral. La maçonnerie se réfère au pythagorisme:
loges, enseignement ouvert à tous mais ésotérisme réservé à quelques-uns qui font l'effort
d’apprentissage nécessaire, secret absolu, symbolisme, étude des nombres et de la géométrie...
Siddhârta Gautama (env. 563-483 av. J-C) – celui que ses disciples ont nommé « le
Bouddha », l’éveillé – contemporain de Pythagore (comme de Lao Tseu et de Confucius) et,
comme lui mais dans un autre contexte culturel, s’est initié à la nature profonde de l’être et des
lois de l’univers. Le problème central de la vie humaine est la douleur, la souffrance ;
l’expérience et la pratique du Bouddha, ainsi que son enseignement, visent à nous en délivrer
radicalement, i.e., à en trancher la racine. Il a ainsi développé la doctrine du Salut qui s’énonce
en quatre nobles vérités (la douleur, l’origine de la douleur, la suppression de la douleur, le
chemin qui mène à l’extinction de la douleur) et se développe dans le noble octuple sentier (la
compréhension juste, la pensée juste, la parole juste, l’action juste, les moyens d’existence
justes, l’effort juste, l’attention juste, la concentration juste). L’homme est responsable de son
salut. La pensée philosophique grecque, celle d’Epicure (342-270 av. J-C) notamment, entrera
en résonance avec cette doctrine, par l’indépendance ou autarcie que l’homme oppose aux
coups du destin, la quiétude de l’âme... l’ataraxie (absence de trouble, l’équanimité). Il s’agit là
de la pratique de la voie du milieu, la voie de l’équilibre, familière à la pratique maçonnique.
Socrate (470-399 av. J-C) – considéré en Occident comme le premier sage de l'histoire de
la pensée - cherche la vérité rationnellement, sait qu'il ne sait rien, est persuadé que chaque
homme a un cheminement unique et intérieur et favorise l'accouchement des idées par ses
questions. « Connais-toi toi même », « Même seul, même au prix de sa vie, ne pas cesser de
faire le bien ». « Craindre la mort, c'est s'imaginer connaître ce qu'on ne connaît pas. En effet,
personne ne connaît la mort, ni ne sait si elle n'est pas, par hasard, pour l'homme le plus grand
des biens. Cependant on la craint comme si on savait d'une manière certaine qu'elle est le plus
grand des maux. Or n'est-ce pas l'ignorance la plus honteuse que de croire savoir ce qu'on ne
sait pas... ». Condamné à mort, devant boire la cigüe, Socrate dit : « Voici qu'il est l'heure de
nous quitter pour aller, moi vers la mort, vous vers la vie. Qui, de vous ou de moi, s'en va vers
la meilleure affaire, c'est le secret de la Divinité seule ! ».
Platon (427-347 av. J-C). Dans le « Dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles »,
l'astrophysicien contemporain Trinh XUAN THUAN écrit : « Quand nous tentons de
comprendre le monde nous nous trouvons confrontés à une dichotomie profonde, celle entre le
temporel et l'intemporel, le devenir et l'être, ou, en termes bouddhiques, entre l'impermanence
et la permanence. Les lois naturelles s'appliquent à un univers en perpétuelle évolution,
changeant, sans arrêt, alors même qu'elles sont immuables et intangibles. ». Poursuivant, il dit:
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« Pour Platon, le monde accessible à nos sens est semblable au monde des ombres de la
caverne. Il n'est qu'une manifestation imparfaite d'un monde parfait, celui des Idées, "illuminé
par le Soleil de l'intelligible" ».
Aristote (384-322 av. J-C), un des grands penseurs grecs qui élabora une classification
hiérarchique systématique des concepts et des sciences, développa la logique et influença
durablement la pensée occidentale et arabe, concevait notre univers comme géo-centré, figé et
éternel. Les sciences, l’astrophysique au niveau macroscopique, comme la physique quantique
au niveau microscopique, nous le décrivent tout en mouvement, en transformation permanente
et interdépendance ; elles ont développé, en mathématiques comme en physique, des concepts
de logique floue dans lesquels une proposition est vraie selon un certain degré de probabilité et
montrent l’interdépendance entre masse, énergie et vitesse de la lumière, assignant à celle-ci un
rôle tout particulier. La lumière fossile nous renseigne sur le passé de l’univers, mais bute sur le
mur conceptuel dit « mur de Planck » à 10-44 seconde après le big-bang. A cette limite, nos
conceptions actuelles ne peuvent plus s’appliquer et la connaissance reste mystérieuse.
L’impermanence de la réalité perçue par nos sens est décrite par le bouddhisme depuis
2.500 ans. Celui-ci est fondé sur une pratique expérimentale de connaissance de soi et de
l'univers, par la méditation, qui permet de saisir à la racine les illusions produites par le flux
mental incessant des pensées générées par nos perceptions sensorielles ; pour le bouddhisme,
seul l'attachement de l'esprit de l'observateur aux phénomènes peut laisser croire à la
permanence, l'immobilité, l'éternité, d'un monde en incessante mutation. Le Bouddha invitait
ses disciples à ne pas croire vraies ses propositions mais à en vérifier par eux-mêmes la
validité, à ne pas s’attacher aux contradictions duelles (« ni amour, ni haine ») mais à conserver
la paix du cœur et de l’esprit qui permet à la réalité lumineuse de se manifester en soi et dans le
monde.
Ainsi doit s’effectuer le travail maçonnique qui requiert de chaque ouvrier de
recommencer lui-même les expériences de ces prédécesseurs, d’en vérifier la validité en
atteignant le centre, le point d’équilibre entre les apparentes contradictions qui les dépasse et
les englobe. En cela réside l’initiation, le travail et la transmission effective qui ne se trouve
dans aucun livre, ne fait l’objet d’aucune recette, mais se transmet par la pratique vécue
ensemble.
LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE
LA DEVISE
Héritée du siècle des Lumières, historiquement liée à la Révolution française où elle
apparaît dans les débats dès 1790, la devise Liberté-Egalité-Fraternité est celle de la
République, dans cette forme depuis le 27 février 1848, après être apparue pour la première fois
dans un texte maçonnique de la Grande Loge de France le 24 juin 1795 (La Grande Loge de
France, p.16. Alain Graesel. PUF 2ème éd. 2010).
La Franc-maçonnerie libérale réaffirme la liberté fondamentale du citoyen, l’égalité de
tous devant la Loi, le lien fraternel qui, comme une injonction morale, doit l’unir aux autres
citoyens. Ces notions sont indissociables des Principes essentiels et fondateurs de la
République, comme la liberté absolue de conscience et la laïcité, séparation des Eglises et de
l’Etat.
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Il est ainsi attendu d’un postulant franc-maçon qu’il adhère, en France tout au moins, en
toute conscience, aux principes de la République et aux valeurs qui fondent l’humanisme et
reconnaissent à l’être humain sa dignité naturelle, intrinsèque à sa nature humaine.
La coïncidence des valeurs de la République, issues du siècle des Lumières et de son
courant philosophique émancipateur, et des valeurs maçonniques n’est pas le fruit du hasard
mais celui de l’histoire. Comme société de pensée, la Franc-Maçonnerie continuatrice d’une
œuvre d’émancipation commencé avant elle, a adopté ces valeurs ou a contribué à les faire
émerger dans la conscience collective. Nombreux ont été les maçons qui ont participé, à toutes
les époques depuis le XVIIIème siècle, à l’œuvre de libération de l’homme et de ses sociétés
(cf. par ex. les mouvements politiques européens, ceux de libération d’Amérique du Sud,
accomplis par des maçons).
LA LIBERTE
La liberté requise du postulant franc-maçon est essentiellement la liberté qui lui permet
de s’engager en pleine conscience ; celle du maçon est la liberté qui lui permet d’explorer les
voies hors des sentiers battus, au besoin contre ses croyances et se convictions initiales, celle
qui va transformer un sédentaire fier de ses convictions en nomade perpétuel à la recherche de
la vérité, aiguillonné par le doute créateur.
Cette liberté est celle du mouvement qui va de soi en dehors de ses conditionnements. Le
travail de l’Apprenti qui approfondit la connaissance intime de sa propre nature le prépare. Le
Compagnon l’exerce, le Maître le dépasse. Mais la liberté peut-elle se manifester si elle
n’existe pas préalablement à sa quête ? L’aspiration à la liberté n’est-elle pas en soi capacité à
se libérer, donc à n’être jamais prisonnier de ses conditionnements ?
La liberté est-elle intrinsèque à l’esprit, puisque tout semble montrer que la matière
conditionne notre vie, de nos besoins vitaux les plus élémentaires (se nourrir, se protéger..) aux
plus élaborés (le besoin d’accomplissement) ? Mais, d’autre part, sommes-nous capables et
prêts à tenter le saut dans l’inconnu libérateur auquel nous invite la démarche initiatique ?
Sommes nous prêts à renoncer à notre attachement viscéral aux conditionnements si rassurants
– dont nous croyons qu’ils nous constituent intrinsèquement, mais qui ne sont que le masque du
théâtre de l’ego – pour affronter et traverser le tumulte de nos passions avant d’aborder sur
l’autre rive ? Souvenons-nous des épreuves de la cérémonie d’initiation.
La liberté est-elle une illusion de l’esprit, une émanation ou un état de la matière que nous
ne reconnaissons pas comme tel ?
La liberté est-elle absolue ou relative ? L’homme est un être social, le maçon un homme
de devoirs ; la liberté dépend-elle de sa conscience et se soumet-elle à tous ses devoirs ?
Quelle est la nature de cette dette qui nous fait devoir ? Et devoir à qui ?
Y a-t-il là un lien entre cette dette et la transmission, la réminiscence d’un lien lumineux
ancien qui demanderait à être révélé pour que cesse la dette et que la transmission
s’accomplisse à nouveau ?
La liberté est-elle celle d’être, non en dépit des conditionnements, mais précisément parce
que les conditionnements de toute sorte sont la nature même de la liberté ?
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L’EGALITE
Comment, dans ces conditions, considérer l’égalité ? Celle-ci ne nous saute pas aux yeux
tant qu’ils n’ont pas été dessillés. « On ne voit bien qu’avec le cœur » dit Saint-Exupéry.
Découvrir l’égalité dans la différence, dans les particularités, dans l’originalité des autres
et de la création, c’est tourner son regard vers le centre et voir en chacun, comme en soi,
l’expression unique de la beauté et de l’ordre de la création. La mise en ordre et en harmonie de
la diversité des matériaux du chantier répond à l’injonction maçonnique de réunir ce qui est
épars.
L’égalité est celle des droits et devoirs de chacun, mais aussi l’acceptation comprise que
chaque existence est unique et nécessaire, et en cela égale, dans le concert de la création.
L’anthropomorphisme initial de la maçonnerie, son centrage sur la dignité incomparable de
l’être humain va céder le pas, au fur et à mesure de la progression sur le chemin, à la perception
d’une harmonie supérieure qui intègre chaque poussière d’étoile à égalité. S’il y a dignité de
l’être, c’est peut-être célébration de la vie, de l’incarnation, de la spiritualisation de la matière.
Et qui peut dire aujourd’hui qu’il subsiste un seul atome, une seule molécule inanimée
dans l’univers ?
Face au mystère, l’initié est muet, ne peut qu’être muet. Mais celui qui a touché au voile
qui occulte encore la vérité peut alors témoigner par son comportement silencieux.
La hiérarchie nécessaire à la vie, qu’il faut prendre en considération, ne pas négliger est
abolie face à l’absolu et à l’infini. Aussi le maçon, initié, responsable et homme de devoir, doitil scrupuleusement respecter les règles qui s’imposent à lui à chaque niveau d’action de sa vie.
C’est essentiel dans sa vie personnelle : il doit respecter son intégrité physique, matérielle,
morale et spirituelle et chercher à alléger ses conditionnements, ses contraintes, ses addictions
ou bien composer avec elles.
C’est vrai dans sa vie de couple, sa vie familiale, à l’égard de son conjoint, ses enfants
dont il doit également favoriser l’équilibre et respecter l’autonomie et la dynamique de vie
propre.
C’est également indispensable dans sa vie sociale où tout être, toute situation rencontrée
représente en soi une épreuve initiatique dont il peut et doit tirer leçon de vie.
L’égalité, c’est aussi, sur le plan initiatique, l’égalité d’esprit à atteindre et à maintenir –
l’équanimité, l’ataraxie grecque – le point d’équilibre où se situe l’esprit du maçon accompli :
entre l’équerre et le compas, dit-on pour le Maître. Il ne s’agit pas d’un point d’équilibre fixe,
immuable et éternel, mais bien celui, retrouvé d’instant en instant, qui se situe à égale distance
de l’excès de passions et de l’absence de sensibilité et de compassion.
C’est ce point d’équilibre qui nous amène à considérer la fraternité.
LA FRATERNITE
A l’instar de la Liberté et de l’Egalité, pourquoi la Fraternité est-elle une valeur et un
principe ?
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La fraternité est une valeur en ce qu’elle incite chaque homme à reconnaître dans un autre
un membre de sa famille issu des mêmes géniteurs symboliques à qui tous deux sont
redevables. C’est aussi, malgré les différences ou à cause d’elles, faire l’effort de vivre en paix
et en harmonie en privilégiant les points communs plutôt que les différences. C’est donc
l’incitation à rechercher la paix dans les relations humaines et reconnaître – par le cœur – la
nature des liens affectifs qui réunissent tous les êtres humains. C’est une injonction et un devoir
qui répond aux deux termes précédents et les unit : la liberté de chacun, les droits et les devoirs
égaux de tous. La fraternité introduit la notion de réciprocité nécessaire à l’harmonie des
relations humaines, familiales et sociales : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que
l’on te fît » et « Fais à autrui tout ce que tu voudrais que l’on te fît ».
L’histoire humaine – les mythes, les contes, comme les récits bibliques, en témoignent –
est remplie d’exemples où la jalousie, la haine, la soif de pouvoir, la concupiscence, l’envie...
toutes les pulsions humaines conduisent des frères à s’entretuer. L’injonction morale de
fraternité qui nous est faite l’est, avant tout, pour permettre et favoriser la paix sociale, la survie
et la coopération entre membres de l’espèce humaine. La solidarité des éléments de toute
communauté humaine est la condition sine qua non de sa survie et de son développement. Seuls
les errements idéologiques à courte vue ont pu et peuvent encore laisser penser que la
compétition – un des moteurs de l’évolution darwinienne des espèces – peut permettre seule
l’adaptation à un monde impermanent.
La fraternité qui, plus que l’égalité, nous fait reconnaître en chaque être humain un autre
soi-même, implique dans ses développements moraux, sociaux et politiques, la notion de
coopération, de solidarité et d’amour.
Elle impose de dépasser les limites de la vision centrée sur soi, sa famille, sa société, sa
patrie, etc., de renoncer volontairement au confort matériel et moral de ses certitudes – tout ce
qui est du domaine éphémère de l’avoir – et d’accepter de développer le partage, la mise en
commun, en bref, de faire acte de culture et d’ouverture, de passer de l’avoir à l’être.
Sur le plan initiatique, la fraternité ne s’impose pas comme un devoir ; elle est la
résultante d’un travail d’approfondissement qui mène à expérimenter le caractère illusoire de
notre vie profane et trouver les fondements d’une renaissance au monde. Renoncer à
l’attachement aux illusions (comme le Compagnon se déchargerait d’un sac de pierres inutile
qu’il transporterait de chantier en chantier), c’est augmenter sa liberté et l’exercer pleinement.
C’est reconnaître la nature principielle des liens qui unissent les hommes, ceux qui sont à
l’origine même de la vie. Célébrer la vie, c’est célébrer la fraternité, le partage et la solidarité,
indistinctement avec toute la création.
Saint François d’Assise, étendant son amour à toutes les manifestations de la création, ne
parle-t-il pas ainsi dans le « Sermon aux oiseaux » de ses frères oiseaux ?
Le retour à la simplicité qui amène à poser sur le monde le regard d’un enfant est la clef
qui ouvre les portes de l’éveil, le retour à la lumière.
La Franc-Maçonnerie nous enseigne des voies d’accès possibles à la connaissance.
Travaillons, recherchons assidûment la vérité, mais ne nous encombrons pas d’avoirs et de
savoirs superflus.
Centrons-nous sur le cœur, centrons-nous sur l’être.
7
Osons penser et agir hors des voies communes, engageons-nous.
Alors, comme nous y incite le Bouddha : ne gaspillons pas notre temps.
J’ai dit.
Michel TOL.'.
Nice, le 8 novembre 2011
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