Réforme agraire et monétisation de l`économie rurale en Grèce (de

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Réforme agraire et monétisation de l’économie rurale en Grèce
(de la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale)
Catherine Bregianni
Université Ouverte Grecque
[Document provisoire, pour lecture, prière de ne pas citer, sans l’autorisation de l’auteur]
En essayant de reconstituer la continuité économique et sociale au sein de l’agriculture
grecque, on va tenter de décrire ici dans leurs grandes lignes les paramètres principaux
de la question agraire. Étant donné que, selon nos estimations, les axes centraux de cette
question sont les problèmes de la propriété de la terre et de la demande des capitaux qui
auraient pu soutenir le veloppement rural, notre étude évoque ces thèmes rapidement, en ce
qui concerne le XIXe siècle. Notre objectif est de donner une image globale de l’agriculture
grecque jusqu’aux anes de l’entre-deux-guerres, période transitoire au cours de laquelle une
issue fut trouvée aux difficultés qui pendant un siècle avaient tourmenté le monde de la
campagne. En se rapportant au passé, on a l’intention de reconstituer le temps historique,
c’est-à-dire de souligner le fait que les phases de transition, telle que la période de l`entre-
deux-guerres, représentent l’antagonisme entre les mécanismes antérieurs et les contextes
nouveaux. En outre, il faut noter que notre étude a généralement considéré l’espace rural
comme polymorphe, en d’autres termes, fruit de facteurs divers
1
. Or, les exploitations
agricoles s’inscrivent dans un territoire spatial qui s’étend en direction de la ville est qui est
donc de plus en plus soumis à l’influence du milieu urbain.
1. Aspects quantitatifs de l’économie agraire, jusqu’en 1929.
La création de l ’État grec en 1830 a donné naissance à un petit pays (qui est composé
uniquement de départements de la Grèce Continentale et du loponnèse) à caractère
purement agricole. Néanmoins, les agriculteurs propriétaires n`en représentaient qu’une
minori: selon F. Thiersh, en 1833 les familles agricoles montaient au nombre de 120 000.
Parmi elles, seule 20 000 étaient propriétaires
2
. La situation était assez inquiétante, car juste
après l’indépendance du pays, a été soulevé un problème social, dont l’issue était liée à la
question des biens nationaux (voir plus loin). L’obscuriqui caractérisait les conditions de la
propriété de la terre a marqué l’agriculture grecque, depuis la naissance de l’État. En outre,
même pour les agriculteurs propriétaires, la situation ne s’est pas améliorée; en général.
Hormis un certain nombre de domaines étendus, la propriété agricole était très morcelée en
Grèce, surtout dans les montagnes et dans les îles de l’Égée, l’on rencontre des
propriétaires qui ne possèdent que 5 à 10 stremmes
3
, souvent 2 stremmes et moins encore
4
.
L’hésitation de l’État grec pour suffisamment stimuler le secteur agraire est d’ailleurs prouvée
par le fait que, durant le XIXe siècle, il n’existait pas de ministère de l’Agriculture, dont les
fonctions étaient remplies par le secrétariat d’État à l’Agriculture et à l’Industrie, dépendant
1
J. Bonnamour, P. Biays (dir.), Paysages agraires et sociétés rurales, Paris, SEDEIS (coll. « Dossiers des
images économiques du monde »), 1984, pp. 7-8.
2
Frédéric Thiersh, De l’état actuel de la Gce et des moyens d’arriver à sa restauration, Leipzig, F.A.
Brockhaus, 1833, vol. 2, p. 9. Néanmoins, ce nombre des agriculteurs sans terre est excessif.
3
1 stremme = 1/10e d’hectare.
4
Pierre Moraïtinis, La Grèce telle qu’elle est, Paris: Firmin Didot, 1877, p. 259.
2
du ministère de l`Intérieur. Malgré les revendications
5
, un tel ministère ne sera créé qu’en
1909, après le changement de structures, sur lesquelles s’appuyait la volution civile, qui
s’est déclenchée cette même année dans le quartier athénien de Goudi
6
.
Si l`on cherche à décrire l’économie agricole à travers les chiffres, les premiers éléments
statistiques officiels ne sont fournis qu’à partir de l’année 1851
7
. Selon le recensement de
1861, la population totale du pays s’élève à 1 096 810 individus
8
. Les familles agricoles sont
au nombre de 147 507 ; en multipliant ce chiffre par le nombre de personnes par famille
agricole (chacune étant composée d`environ 4 membres, évaluation d’ailleurs modeste), on en
déduit que la population agricole correspond à 60% de la population globale
9
. Malgré la
prépondérance de l’économie agricole, l’emploi de la terre n’est pas satisfaisant. Ainsi, selon
les commentaires de A. Mansolas, seul le 1/7 de la superficie grecque est cultivé
10
, tandis
qu'environ 50% des terres, qui restaient inoccupées, sont cultivables. Néanmoins, le
recensement agricole de 1875 montre une évolution positive, en ce qui concerne les terres
cultivées. Ainsi, selon ce recensement, l’étendue cultivée en Grèce s’élève à 10 721 200
stremmes, dont 3 500 000 stremmes de terres en jachère
11
. Or en 1875, l’étendue en culture
correspond aux 7 221 200 stremmes, à laquelle il faut retrancher les terres cultivées des îles
ioniennes (1 491 600 stremmes). En comparant le reste des 5 729 600 stremmes avec les
3 729 600 stremmes cultivés en 1860, on en conclut que les terres cultivées ont expérimenté
une augmentation de 23% dans l’espace de quinze ans. D’autre part, le rapport entre les terres
en culture et celles en jachère reste toujours pratiquement invariable.
Mansolas nous fournit également des informations importantes, sur les produits cultivés ;
ainsi, les cultures céréalières se trouvent à la première place, et occupent 2 369 696 stremmes.
Parmi les autres produits, on relève la culture du coton, de la vigne, des olives et du raisin sec.
Or, l’orientation de l’agriculture grecque vers d’une part les céréales et d’autre part certains
produits d’exportation, n’a pas changé, par rapport aux conditions qui dominaient avant la
guerre de l’indépendance
12
. Il semble, pourtant que, depuis les années quarante, s’affirme une
extension considérable de la culture du raisin sec, qui dorénavant (grâce à la hausse de prix)
sort de ses limites restreintes pour occuper de vastes surfaces dans le loponnèse. Arrêtons-
nous un instant sur la culture de ce produit, qui selon la fameuse expression du Professeur
Zolotas a joué pour l’économie grecque du XIXe grec un le équivalent à celui du café
pour l’économie brésilienne. En effet, la production de raisin sec, dès la création de l’État et
5
Cf. par exemple l’article de D. Christinis au journal Eon (11/11/1868), qui propose la création d’un Ministère
indépendant de l’Agriculture et de l’Industrie. Cité dans : G. Anastasopoulos, Istoria tis éllinikis viomichanias
[Histoire de l’industrie grecque] 1840-1940, Athènes: Elliniki Ekdotiki Etéria, 1947, vol. 1, p. 211.
6
Le ministre de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie sera créé par la loi 3724/1910. D. Kalitsounakis,
Agrotiki Nomothésia [Législation Agricole], Mégali Elliniki Egyklopédia, 2e éd., Athènes, 1926, pp. 491-492.
7
Aléxandros Mansolas, Politiografiké pliroforié péri Ellados [Éléments statistiques sur la Grèce], Athènes,
Imprimerie Nationale, 1867 [réimpression en fac-simile par Th. rémis, S. Papagéorgiou, K.
Papathanasopoulos, Athènes, N. Karavias, MCMLXXX].
8
Ibid., p. 12.
9
L’indice de la population agricole est d’une grande importance dans la description d’une économie ; la place du
secteur rural dans une économie nationale est justement reflétée par le taux de la population active agricole dans
la population active totale. Cf. Henri Mendras, Yves Tavernier (dir.), Terre, paysans et politique. Structures
agraires, systèmes politiques et politiques agricoles, Paris, SEDEIS, 1969, p. 43.
10
Ainsi, les terres cultivées et en jachère s’élèvent à 7 435 900 stremmes (soit 74 359 hectares), tandis que la
superficie totale s’élève à 45 689 248 stremmes. Parmi les terres non cultivées, les 11 748 000 de stremmes
correspondent aux terres arables. Mansolas, Politiografiké pliroforié... op. cit., p. 51. D’autre part, en 1861 le
rapport des terres en jachère est 1 pour 2.
11
Chiffres cités dans : Alexandre Tompasis, La Grèce sous le point de vue agricole, Athènes, Imprimerie de
l’Indépendance Hellénique, 1878, p. 9.
12
Selon les données, fournies par l’ancien consul de France en Grèce Beaujour [Félix Beaujour, Tableau du
commerce de la Grèce, Paris, A. Renouard, 1800, t. I, pp. 63-71].
3
jusqu’en 1888, était multipliée par dix, pour l’ensemble du pays
13
. Étant un produit
exclusivement destiné à l’exportation, dont le marché principal était l’Angleterre, il a l
l’économie grecque au commerce international, et, en même temps, a véhiculé dans les
gions de production, des idées novatrices. Or, sa participation à la transformation non
seulement économique mais aussi idéologique de la société grecque peut être considérée
comme particulièrement appréciable.
La prépondérance du secteur rural dans l’économie grecque, se maintient jusqu’à la fin de la
période examinée. Ainsi, à la veille de la Première Guerre mondiale, le secteur rural
employait 65% de la population grecque. Cependant, le pays était oblid’importer 1/3 des
céréales nécessaires. La monoculture de produits les a soumis à des crises étendues, se
référant tant à leur commercialisation qu`aux très bas rendements par hectare. D’autre part,
l’impuissance de l’agriculture grecque a été aggravée par la consolidation du statut de la
grande propriété foncière, dans les nouvelles provinces du Nord du pays, problème qui sera
examiné dans les pages suivantes. Peut-être, ne peut-on encore parler d’exode rural, mais de
1900 à 1920, 402 000 Grecs ont quitté leurs régions natales, cherchant un meilleur avenir,
surtout aux États-Unis
14
. Bien que les défauts du secteur rural grec paraissent difficiles à
éviter, il faut souligner la multiplication par trois de la valeur de la production rurale,
augmentation relevée entre 1920 et 1923
15
. On doit, pourtant, attribuer un caractère virtuel à
cette évolution du secteur rural, car le drachme connaît précisément une importante
dévaluation en 1922 : son équivalence avec la livre sterling passe de 34,33 drachmes en 1920,
à 279,89 drachmes en 1922.
Parallèlement à ces informations plus ou moins générales, les recensements agricoles nous
offrent une piste différente. Le recensement agricole de 1929 nous fournit des données qui
sont comparables à celles du XIXe siècle. Ainsi, la Grèce maintient son caractère agricole,
puisqu’en 1928, sur une population totale de 6 204 684 habitants, 4 140 000 correspondent à
la population rurale ; ce qui représente 67% de la population totale, tandis qu’en 1879 la
population rurale s’élevait à 82% de la population nationale
16
. En outre, la population qui
exerçait une profession de nature agricole représentait, en 1928, 61,10 % (soit 926 300
individus
17
) de la population active totale. En ce qui concerne l’extension des cultures,
l’ensemble des terres cultivées ou cultivables s’élevait à 35 456 200 stremmes, dont seuls
16 867 360 sont exploités (tableau 1).
Tableau 1. Superficie agricole de la Grèce en 1928 (en stremmes = 1/10 d’hectare)
Terres culties et cultivables
Terres culties comme exploitations agricoles ou jardins
13.136.430
Arboriculture
3.730.930
Terres en jachère
5.572.950
Pâturages
11.741.230
Terres non culties
1.274.660
TOTAL
35.456.200
Forêts
24.065.020
Marais
2.069.010
13
Des informations, statistiques et qualitatives sur le sujet sont à noter dans l’étude : Thanassis Kalafatis,
Agrotiki pisti ikonomikos métaschimatismos sti V. loponisso. Égialia. Téli 19ou éona [Crédit agricole
et transformation économique dans le Péloponnèse de l’Ouest], t. I, Agrotiki pisti ké paragogi [Crédit agricole
et production] Athènes, MIETE, 1990, pp.206-311.
14
Informations extraites de : Th. Vérémis, Ikonomia ké diktatoria. I sygkyria 1925-1926 [Économie et
dictature. La conjoncture 1925-1926], Athènes, MIETE, 1982, pp. 40-42.
15
Cf, supra, p. 100.
16
B. Alivizatos, I géorgiki Ellas ké i éxélixis tis [La Grèce rurale et son évolution], Athènes, 1939 [extrait de la
revue Déltion ATE, 1939 IV], p. 13.
17
Il faut, néanmoins, se méfier de ces chiffres, car l’emploi féminin à la campagne n’apparaît que rarement dans
les statistiques agricoles.
4
TOTAL DE LA SUPERFICIE AGRICOLE
61.590.230
TOTAL DE LA SUPERFICIE GRECQUE
130.199.400
Source: B. Alivizatos, I géorgiki Ellas i éxélixis tis [La Grèce rurale et son évolution], Athènes, 1939, p. 16
[extrait de Déltion de la Banque Agricole, 1939 V].
Les donnés de ce tableau montrent clairement que seule une faible partie de la superficie
agricole est cultivée ; or, pendant la période de l’entre-deux-guerres, un des problèmes
principaux de l’agriculture grecque reste toujours l’immobilité en ce qui concerne l’étendue
cultivée
18
. Il est clair que la nature montagnarde du territoire grec a aussi mis des obstacles à
l’utilisation des nouvelles terres. Néanmoins, il apparaît que l’équipement très primitif des
agriculteurs, leur formation technique insuffisante, ainsi que le manque de capitaux, ont jo
un rôle primordial dans cette sous-exploitation des superficies agricoles
19
.
À partir de ces observations, de caractère très général, on constate que durant le XIXe siècle,
l’économie agricole en Grèce montre une image polymorphe ; d’un té, elle s’oriente vers la
culture céréalière qui traditionnellement est liée à l’autarcie de la famille agricole, mais qui
peut aussi se rapporter à la culture extensive. D’un autre té, on a noté la tendance
spécialement dans le Péloponnèse où la petite propriété agricole prédomine vers des
produits commercialisés, qui introduisent l’économie rurale dans les mécanismes du marché
monétaire. Dans cette perspective, la perception de l’économie agraire grecque, en utilisant
comme instrument d’analyse le bi-pôle transitionnel, autoconsommation et marché, et la
rupture imposée entre ces deux mécanismes économiques
20
, ne vaut pas grand-chose. A un tel
schéma d’interprétation ne correspondent ni les formes multiples du secteur agraire, ni
l’extension graduelle des terres cultivées, ni la demande perpétuelle des capitaux. D’une part,
la création du réseau ferroviaire, la croissance énorme de la culture du raisin sec pendant les
années soixante-dix, ainsi que la présence des usuriers, des gociants, des commerçants au
sein de l’économie villageoise, et, d’autre part, la rareté de l’argent, la prépondérance des
cultures céréalières, les transactions bancaires très limitées, nous conduisent à penser que les
deux types d’économie interfèrent. Ainsi s’est établi finalement le schéma multiforme de
l’agriculture grecque. On verra dans les pages suivantes comment cette économie polyvalente
extériorise sa demande en capitaux, et comment son caractère multiple, sui generis, se
recoupe avec la question de la propriété des terres, problème qui ne cesse de préoccuper l’État
grec, depuis sa création et jusqu’en 1922. Ces deux instruments de recherche nous imposent,
ainsi, de considérer l’économie de la famille agricole en Grèce comme incorporée aux
canismes capitalistes, malgré la subsistance des pratiques d’autoconsommation
21
.
2. Le partage de la terre. Quelques aspects socioéconomiques.
La question de la propriété agricole suit les faits historiques, tout en constituant une
préoccupation constante de l’État grec jusqu’à sa résolution, en 1922. Bien entendu, la
question de la propriété des terres ne reflète pas seulement les relations de l’État grec avec la
superficie du pays, mais elle incarne surtout les rapports existants entre les classes sociales,
18
Xénophon Zolotas, I Ellas is to stadion tis ekviomichanisseos [La Grèce en cours d’industrialisation],
Athènes: Eléfthéroudakis, 1926, pp. 38-39.
19
Ibid.
20
Par rapport à l’insuffisance théorétique du bi-pôle autoconsommation/marché, cf. les observations d’une
grande importance de Maurice Aymard [idem, Autoconsommation et marchés : Chayanov, Labrousse ou Le Roy
Ladurie?, Annales ESC, novembre-décembre 1983, 6, pp. 1392-1409.]
21
On a fait à ce point une abstraction à la théorie de Chayanov, qui définit l’exploitation agricole comme un
système non capitaliste. Sur le rôle de la théorie de Chayanov dans la pensée économique sur l’agriculture cf. :
Daniel Thorner, Chayanov concept of peasant economy, in : A. V. Chayanov, On the theory of peasant
économy, éditée par D. Thorner, B. Kerblay, R. E. F. Smith, rééd. en américain de l’édition de Moscou, 1925,
Homewood, Illinois, The American Economic Association, pp. xi-xxiii.
5
leurs revendications, leur participation à la distribution de la production
22
. Une première
période de la question agraire s’étend de la constitution de l’État grec (1829) à l’annexion au
territoire national du département de la Thessalie en 1881
23
. Cette période se caractérise par la
« création » de terres nationales, puisque les domaines qui avant la constitution de l’État grec
furent une propriété ottomane, passent dorénavant au nouveau pouvoir récemment établi
24
. En
ce qui concerne les rapports de la propriété des terres pendant la période ottomane, on
mentionne ici d’ailleurs de façon très succincte qu’il agissait d’un système féodal,
rité de l’Empire ottoman par l`Empire byzantin. La nue-propriété appartenait toujours au
Sultan, mais des grands propriétaires terriers (la grande et moyenne noblesse) ont obtenu
l’accès à la terre, durant la période de la prospérité de l’Empire, en guise d’honneur et en
échange de services militaires. Pendant la période de la décadence au XVIIIe siècle, les « droit
seigneuriaux » ont pris la forme des tçiflik, dont la première apparition remonte au XVIIe
siècle. Les cultivateurs de ces terres de propriété ottomane étaient soumis à plusieurs taxes,
dont la capitation et la dîme
25
, tandis que le statut des tçiflik les obligeait à verser la moitié,
voire le tiers de l’usufruit au propriétaire foncier.
La création des terres nationales et la réforme de 1871
Pendant la guerre d’indépendance (1821-1828), l’État révolutionnaire, incarné par le nat du
Péloponnèse, récupéra les terres ottomanes, par un acte connu comme l’acte de Stémnitsa (30
mai 1821). À l’exception des terres nationales, l’État possédait les biens fonds, qui étaient
également d’anciennes propriétés ottomanes. Les cultivateurs des terres nationales,
agriculteurs sans terre, étaient obligés de payer une dîme à la caisse publique
26
. La dîme était
payée en nature équivalent au départ au 3/10e de la production. Sous un certain angle, l’État
grec adoptait le rôle du seigneur odal, à qui la dîme doit être versée : cette fonction féodale
du pouvoir étatique a provoqué un important débat entre historiens grecs, qui cherchaient à
définir si ce modèle du développement rural a été lié à l’absorption de l’agriculture par le
capitalisme
27
, d’autant plus que la dîme était versée sur le système de location des droits
usufruitiers, par des particuliers, ou au contraire si son versement doit être considéré comme
la consolidation anachronique d’un système de production précapitaliste. En outre, les biens
nationaux (l’ensemble des terres et des fonds nationaux) constituaient une sorte de réserve
pour le pouvoir grec. Durant cette première période, l’État décide de leur liquidation en
22
Cf. les observations par rapport à ce sujet de Dimitris Psychogios [idem, To zitima ton éthnikon géon [La
question des terres nationales], Athènes: ATE, 1994, pp. 20-21.]
23
Selon la périodisation, suivie par B. Alivizatos. Cf. Babis Alivizatos, La réforme agraire en Grèce au point
de vue économique et sociale, Paris: Librairie du Recueil Sirey, 1932, p. 99.
24
Le statut des possessions des terres en Grèce moderne confirme que les institutions sont issues d’une très
longe et lente évolution historique. Cf. les remarques de J. Goy : À propos du système de la coutume :
Problématique en évolution, in: A. Burguière, J. Goy (éds.), L’histoire grande ouverte. Hommage à E. Le Roy
Ladurie, 1997, pp. 357-363.
25
Par rapport à l’analyse profonde des relations de propriété, sous l’Empire Ottoman cf. Sp. Asdrachas, Elliniki
kinonia ikonomia. 18os ké 19os aionas . Ypothésis prosségissis [Société et économie grecques aux
XVIIIe et XIXe siècles. Hypothèses et approches], 2e éd., Athènes, Ermis, 1988, chapitre Usufruit et
monétarisation forcée des économies rurales. Idem, Ikonomia [Économie], Istoria tou Ellinikou Ethnous
[Histoire de la nation grecque], T. XI, Ellinismos ypo xéni kyriarchia, 1669-1821 [La nation grec sous
occupation, 1669-1821], Athènes : Ekdotiki Athinon, 1978.
26
Kostas Dafnis (éd.), Archion Ioannou Capodistria [Les archives de Ioannis Capodistrias], t. VI, Corfou:
Etéria Kérkyraikon Spoudon, 1987, première partie: Epistolé [Correspondance], p. 100, Lettre à M. le Général
Schneider, Nauplie, 8/20 juin 1831.
27
Cf. les questions posées par Gilles Postel-Vinay [idem, La rente foncière dans le capitalisme agricole La
rente foncière dans le capitalisme agricole. Analyse de la voie classique du développement du capitalisme
dans l’agriculture à partir de l’exemple du soissonnais, Paris, Maspero, 1974, p. 249].
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