CHAPITRE 1 : Karl Marx
Karl Marx (1818-1883) : ............................................................................................................ 2
I) De l’idéalisme au matérialisme historique. La place déterminante dans la société moderne. 2
1) L’interrogation sur l’Etat. ................................................................................................... 2
2) Le passage du concept d’aliénation à celui d’idéologie, puis à la notion de fétichisme de
la marchandise. ........................................................................................................................... 3
3) La rencontre avec Engels : le rôle déterminant de l’économique. ...................................... 3
II) La thèse de l’exploitation et l’analyse de la construction sociale des relations marchandes :
la contribution de Marx à la sociologie économique. ................................................................ 4
Conclusion : ................................................................................................................................ 5
Si Marx a rapidement été reconnu comme historien, philosophe, économiste, il n’en a pas été de même
de ses flexions sociologiques. En effet, on les a longtemps considérées plus comme le résultat de sa vocation
journalistique et de son engagement révolutionnaire, que comme une contribution véritable à la sociologie
économique. Si de nombreux éléments de la théorie marxiste concernent la réintroduction des considérations
institutionnelles et historiques pour comprendre les phénomènes économiques, ses analyses sont peu utilisées par
la NSE (nouvelle sociologie économique). Il semble pourtant que sur ces deux points, la théorie marxiste
fournie des éclairages importants à la fois pour comprendre la place qu’occupe l’économie dans la société
contemporaine et les développements que va connaître la sociologie économique après Marx.
Karl Marx (1818-1883) :
d’un père avocat, il poursuit des études de droit et de philosophie à Bonn puis à Berlin et soutient sa
thèse de philosophie à Lena en 1841. Devenu journaliste, il collabore et devient rédacteur en chef d’un journal
libéral (qui critique ouvertement le pouvoir prussien). Ce journal sera interdit de parution en 1843. Marx
entreprend une série de voyages en France, en Belgique et au Royaume-Uni. En 1842, il rencontre Friedrich
Engels qui est à l’époque un jeune industriel fortuné, qui lui fait découvrir la réalité sociale et économique de
l’Angleterre. En 1845, il publie La Sainte Famille, ouvrage dans lequel il critique les jeunes hégéliens. Expulsé
de France la me année, il s’installe en Belgique ou il rédige l’Idéologie Allemande en 1846, ouvrage qui
annonce sa conversion au matérialisme. En 1847, Engels et lui adhèrent à la Ligue des Justes, rassemblement
d’ouvriers allemands émigrés, qui devient par la suite la Ligue des Communistes. En 1848, Marx est chargé,
avec Engels, de composer le Manifeste du Parti Communiste. En1862, il fonde l’Association Internationale des
Travailleurs. En dépit de nombreux problèmes financiers (il est constamment soutenu par Engels qui vend ses
affaires en Angleterre), Marx continue à écrire des ouvrages scientifiques, il travail ainsi sur la critique de
l’économie politique qui abouti à la rédaction du Capital dont le tome un paraît en 1867, les deux et trois
étant édités plus tard par Engels.
I) De l’idéalisme au matérialisme historique. La place déterminante dans la société
moderne.
1) L’interrogation sur l’Etat.
Dès son introduction à la critique de la philosophie du droit de Hegel en 1844, Marx reproche à Hegel
d’avoir sous-estimé le rôle de la société civile et d’avoir idéalisé l’Etat. Dans sa philosophie du droit, Hegel
oppose en effet la politique, l’Etat, à ce qu’on appellerait aujourd’hui l’économique et le social, autrement dit la
société civile. Plus précisément, la conception hégélienne de la société distingue trois niveaux hiérarchisés :
La famille que Hegel range dans l’ordre de la nature et du particulier et qui est le mode le plus
immédiat de l’existence en société.
La société civile, qui est le lieu de production, de distribution, et de satisfaction des besoins. Ce
second niveau est traversé par des conflits incessants entre intérêts particuliers (exemple les
corporations, ancêtres des syndicats).
La réconciliation dans l’universel se fait par l’Etat, puissance souveraine qui résout et dépasse
toute opposition. Cette puissance exprime la raison (= les idées progressent en étant de plus en
plus rationnelles) qui s’incarne dans un corps de fonctionnaires compétent. L’Etat a alors en
charge la régulation des intérêts particuliers, la sécurité, la protection des propriétés
individuelles…
Dans sa critique de la philosophie hégélienne de l’Etat, Marx refuse de suivre son ancien « maître à penser »
parce qu’il ne croit pas à ce qu’il considère comme étant une mystification de l’Etat prussien autoritaire de son
époque. Autrement dit pour Marx, ce n’est pas l’Etat qui crée la société mais plutôt l’inverse. A partir de là,
l’agent actif et universel n’est plus le fonctionnaire, mais le prolétaire dans la mesure ou l’émancipation passe
selon Marx par un travail au sein de la société civile. C’est le prolétaire qui précipite le monde vers le
communisme, dernière étape qui s’accompagne de la dissolution des classes sociales et donc du dépérissement
de l’Etat.
2) Le passage du concept d’aliénation à celui d’idéologie, puis à la notion de
fétichisme de la marchandise.
Au départ, Marx hérite de Feuerbach le concept daliénation, mais en reprenant ce concept, il souhaite
aller plus loin puisque chez Feuerbach. Il s’agit des effets sociaux aliénants de la religion qui sont dénoncés.
Tandis que chez Marx, c’est la propriété privée qui devient l’expression matérielle de l’aliénation. L’aliénation a
donc avant tout une consistance économique qui ne s’épuisera qu’avec la transformation radicale de la société
(la révolution). Dans le mode de production capitaliste en effet, loin de pouvoir se réaliser dans un travail libre et
épanouissant, l’ouvrier se trouve déposséder.
Reste, bien qu’importante dans la problématique de départ de Marx, que l’idée d’aliénation est
progressivement abandonnée pour être remplacée par le thème de l’idéologie puis du fétichisme de la
marchandise que Marx avance pour comprendre les rapports réels qui se jouent au sein du mode de production
capitaliste.
La notion d’idéologie renvoie à un mouvement philosophique français, les idéologues, qui se
développent à partir de 1795 et dont le représentant principal est : Destrutt de Tracy. Marx leur emprunte ce
terme tout en lui donnant une charge critique qu’il n’avait pas puisqu’il lui attribut la fonction de dissimulation et
de travestissement de la réalité ; ainsi dans l’Idéologie Allemande, Marx explique que l’idéologie est une image
déformée de la réalité puisqu’avec elle, les pratiques sociales sont dissimulées derrière les représentations
imaginaires des hommes eux-mêmes. L’idéologie trouble ainsi les rapports sociaux (essentiellement les rapports
de production), elle occulte la lutte des classes, elle est une arme au service de la domination sociale.
Avec le fétichisme de la marchandise, on passe de travestissement de la vie sociale à sa mystification
puisqu’on a l’impression, affirme Marx dans Le Capital qu’une marchandise quelconque se comprend d’elle-
même et qu’elle possède une vie propre. En réalité donc, derrière un bien que l’on va échanger, se cache non
seulement une valeur, une quantité de travail mais surtout, dit Marx, un rapport social déterminé.
L’abandon de cette référence à l’aliénation est l’expression d’une rupture théorique et politique
profonde qui conduit Marx à poser les principes du matérialisme historique. A partir de 1847, il cherche à
rompre avec toutes les philosophies spéculatives qui, dans la lignée d’Hegel, réduisent la philosophie de
l’histoire à l’histoire de la philosophie. Marx, quant à lui, s’intéresse aux pratiques sociales et non pas à l’histoire
des idées et c’est dans se sens qu’il à remis la pratique d’Hegel sur ses pieds.
3) La rencontre avec Engels : le rôle déterminant de l’économique.
Marx dit : « L’anatomie de la société est à rechercher dans l’économique. Plus encore, la façon dont
est produite la vie matérielle conditionne la vie sociale, politique et intellectuelle en général ». Avec ce point de
vue matérialiste, Marx opère dès lors une lecture originale de l’Histoire comme une série de modes de
productions qui s’enchaînent les uns aux autres de façon dialectique. Dans cette analyse, le mode de production
est composé d’une infrastructure et de formes super structurelles. L’infrastructure renvoie à la nature des forces
productives (outils et techniques de production, organisation et division du travail…), cet ensemble déterminant
directement la superstructure (= la religion, la famille l’Etat la science, la morale, la science…). Dans ce schéma,
les révolutions sociales résultent des contradictions entre les institutions et les forces productives ponctuent le
déroulement de l’Histoire amenant progressivement à l’avènement du communisme.
Par ailleurs, Marx achève son analyse de la société capitaliste en consacrant la fin de sa vie à la
recherche d’une théorie scientifique des phénomènes économiques. De ce point de vue, ses écrits les plus
importants sont :
1859 : Le Capital et la contribution
1867 : Contribution à l’économie politique
Outre la rencontre avec Engels, cet intérêt pour l’économie politique remonte à 1845 lors d’un voyage
en Angleterre il se converti à la théorie de la valeur travail en lisant Ricardo, tout en y apportant une
contribution personnelle. Comme ses prédécesseurs (les Classiques), Marx affirme qu’il faut éviter le piège de
l’économie vulgaire qui consiste à s’en tenir au jeu de l’offre et de la demande pour analyser la valeur. Il reprend
ensuite à son compte la théorie de la valeur travail de Smith et Ricardo selon laquelle le travail est le fondement
de la valeur des biens. En revanche, contrairement à Smith et Ricardo, il affirme que le travail se présente sous
un double jour : d’abord en tant que travail concret, c’est le travail qui se manifeste de façon différente dans
chaque activité de production et qui produit les valeurs d’usages (c’est-à-dire des biens différents ont un usage
différent). Ensuite, en tant que travail abstrait qu’on peut identifier en première approximation à la dépense
d’énergie commune à chaque travailleur. Avec cette distinction, il montre alors que la valeur d’un bien
s’exprime quantitativement par le temps de travail socialement nécessaire à sa production, c'est-à-dire par le
temps qu’exige tout travail exécuté avec le degré moyen d’habileté et d’intensité dans des conditions qui, par
rapport au milieu social donné sont normales.
Avec cette théorie de la valeur, il analyse le mode de production capitaliste en affirmant que la
transformation des marchandises en monnaie est au centre de la logique du capitalisme. Autrement dit, le
capitalisme tend moins à une croissance absolue des objets qu’à un accroissement continu de la quantité de
valeur. L’action des capitalistes s’assimile ainsi à la mise en mouvement des multiples formes du capital,
industriel, commercial, financier qu’il s’agit de valoriser. Cette logique de valorisation, on la retrouve depuis le
début du capitalisme, mais ce dernier s’est métamorphosé. Désormais, la logique des échanges n’est plus un
circuit marchandiseargent-marchandise (MAM) dans lequel l’homme produit et vend pour acheter d’autres
marchandises, elle obéit à un impératif constant de valorisation. L’homme achète pour vendre et réaliser des
profits, c’est le circuit argent-marchandise-argent (AMA’) dans lequel A’ est supérieur à A. Reste à comprendre
comment les capitalistes peuvent en bout de course obtenir une valeur A’ supérieur à A (qu’ils ont investit au
début).
II) La thèse de l’exploitation et l’analyse de la construction sociale des relations
marchandes : la contribution de Marx à la sociologie économique.
Comment A’ peut-il être supérieur à A ? C’est l’enjeu principal de la théorie marxiste, et en effet,
demande Marx, comment expliquer l’accroissement de la grandeur de la valeur au cours d’un processus de
circulation où chaque transaction respecte la loi de la valeur ?
La solution proposée repose sur la distinction entre le travail et la force de travail, seule la force de
travail étant une marchandise. Comme toutes les marchandises, sa valeur est déterminée par la quantité de travail
abstrait socialement nécessaire pour la produire, c’est-à-dire pour produire le panier de biens salaire qui
représente en fait la consommation même d’un individu appartenant à la classe ouvrière de l’époque. En
revanche, la valeur d’usage, c’est le travail lui-me puisque consommer la force de travail, c’est obtenir du
travail humain et donc créer de la valeur.
Le capitaliste achète à la valeur les marchandises nécessaires à la production (outils de travail, force de
travail) et une fois que la production a eu lieu, il vend à leur valeur les marchandises produites, mais retire une
plus-value égale à la différence entre la quantité de travail social me fournie par la force de travail, et la
quantité de travail social nécessaire pour produire la force de travail, autrement dit le panier de marchandises. A
partir de là, Marx souligne la particularité de la marchandise force de travail, notamment parce qu’elle constitue
le support et l’enjeu des rapports sociaux essentiels dans la théorie de l’exploitation.
Marx dit : « La transformation de l’argent en capital exige donc que le possesseur d’argent (= le
capitaliste) trouve sur le marché le travailleur libre, et libre à un double point de vue : 1) Le travailleur doit être
une personne libre disposant à son gré de sa force de travail comme de sa marchandise à lui (ne pas être un
esclave). 2) Il doit n’avoir pas d’autre marchandise à vendre, être pour ainsi dire libre de tout, complètement
dépourvu des choses nécessaires à la réalisation de sa puissance travailleuse », autrement dit dépourvu de
capital. La prise en compte par Marx des rapports sociaux qui structurent les relations entre les agents au sein
des usines est un « laboratoire secret de fabrication». Il se traduit par l’abandon des équivalences qui étaient la
règle dans la sphère de l’échange. En effet, il devient possible de faire circuler des quantités de travail abstrait
suivant une règle différente.
Si par exemple la valeur de la force de travail est représentée par six heures de travail abstrait (six
heures de travail moyen sont nécessaire pour produire le biens de base qui entrent dans la consommation
moyenne d’un ouvrier), elle a été paà sa valeur dans la sphère de l’échange, mais cela n’entraîne nullement
l’obligation de ne la faire travailler que six heures. Au contraire, dans le laboratoire secret, les rapports sociaux
sont tels que la durée de la journée de travail est plus longue (douze heures suggère Marx), en conséquence de
quoi l’homme aux écus (= le capitaliste) obtient du travail abstrait sans contrepartie.
=> S’il y a plus-value, c’est parce que l’un donne douze et obtient six (= le travailleur), et l’autre donne
six et obtient douze (= le capitaliste). Ce qui est impensable dans le cadre des rapports sociaux d’échange devient
possible quand on tient compte des rapports sociaux de production. C’est précisément pour cette raison que Marx
introduit les relations sociales dans la théorie économique puisqu’il reproche à l’économie classique de ne pas
avoir explicité l’origine du surplus dans l’économie capitaliste alors qu’elle est essentielle pour fonder la théorie
du capital. Or, sa réponse peut être considérée comme relevant de ce qu’on appelle maintenant la sociologie
économique (deux premières sections du livre 1 du Capital).
D’autres sections importantes du livre examinent en détail les différentes facettes de ces rapports
sociaux dont Marx vient de montrer la nécessité pour rendre compte de la formation du surplus. Parmi les plus
importantes, on peut mentionner la section huit sur l’accumulation primitive qui fournit un éclairage historique
décisif sur la genèse du marché du travail et ses logiques de fonctionnement. Les sections trois, quatre, et cinq
qui examinent dans le détail l’organisation et la structuration de la journée de travail et le fonctionnement de la
grande industrie. La dernière partie du chapitre 25 montre l’effet catastrophique de l’accumulation du capital et
des crises sur les conditions d’existence des différentes catégories de salariés.
D’une manière générale, l’analyse marxiste de la lutte des classes aboutit ainsi à l’analyse de ce que la
société économique contemporaine appelle la construction sociale des relations marchandes. Marx montre en
effet comment les relations marchandes résultent d’un travail de la société sur elle-même, d’une évolution
historique et politique des sociétés et non du libre déploiement des comportements économiques intéressés.
Remarques :
Plus concrètement, tout cela relève bien d’une analyse sociologique et se rapproche des sous-
catégories (sociologie du travail, des inégalités sociales).
L’important dans cette analyse c’est qu’on ne considère pas le marché comme un lieu de
rencontre abstrait et hypothétique entre des individus intéressés mais comme un lieu concret
résultant d’un processus historique et qui détermine en retour le comportement de ces mêmes
individus.
Conclusion :
Il semble dès lors établi que l’œuvre de Marx est définitivement d’un grand intérêt pour toute
archéologie de la société économique. Reste que pour bien comprendre ce qui se joue avec Marx, on peut pour
terminer proposer un schéma qui montre le contraste de la société économique et celle de la théorie économique.
Une fois les relations marchandes vidées de leur contenu social, la théorie économique spécifie le type de
comportement intéressé des agents économique de manière à expliquer certains phénomènes économiques. Par
exemple, pour expliquer l’investissement, la théorie économique fait l’hypothèse d’un entrepreneur qui
maximise son profit et ses profits futurs. Pour comprendre le travail d’un demandeur d’emploi, elle fait
l’hypothèse d’un individu qui maximise son utilité, utilité dans laquelle entre la désutilité du travail. Quoi qu’il
en soit, les agents sont censés ne pas se connaître, et ne réagir qu’aux informations que véhicule la structure des
prix relatifs. Les goûts sont donnés et stables. La démarche de la sociologie économique est différente
puisqu’elle repose sur le refus de décrire les rapports marchands sur cette hypothèse de vide social. Elle cherche
au contraire à identifier les rapports sociaux qui jouent un rôle de « médiation » sociale sur le marché, c’est ce
qu’on appelle maintenant la construction sociale des rapports marchands.
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