Groupe: 31, 5 novembre 2009 Sophie Boudreault 1 " Les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisible à ceux qui n'ont rien. " La pharmacienne Je suis pharmacienne depuis bientôt dix ans. En fait, cela fera dix ans mardi. J'ai ouvert ma pharmacie il y a environ 5 ans. Une belle pharmacie située dans un bon quartier. J'ai des clients réguliers et le genre de vie que certains pourraient trouver ennuyante. Une vie construite sur la routine et la bienséance. Je n'aime pas le désordre, la saleté, les gens malhabiles, les sans-abri, les gens sans ambitions, les pauvres, les impolies, les malpropres et les malades. C'est pourquoi je mène ma vie comme une forcenée et que tout est à sa place, resplendissant de propreté. Le premier amour de ma vie, c'est ma pharmacie. Elle possède dix allées ultras complètes et je connais chaque emplacement de chaque produit que je possède. Je fais l'inventaire tous les dimanches, les comptes les mercredis et je commande le mardi. Je passe environ dix heures par jour à la pharmacie. Mais récemment, un bouleversement s’est produit. Ai-je besoin de vous préciser que j’hais les bouleversements? Ce bouleversement se nomme Frédérique. C’était le genre de femme plantureuse qui faisait plaisir aux hommes. Ne m'en voulez pas d'évoquer de telles grossièretés, mais je fais l'éloge du personnage à sa juste valeur. Tout commença lorsque la jeune femme dégaina le précieux papier de son corsage bien trop serré et laissa paraître une parcelle de peau claire et bien hydratée par une crème bon marché. Elle avait commencé dans ma pharmacie une semaine plus tôt. L'argent se faisait rare ces temps-ci et travailler dans ma pharmacie serait un bon moyen pour elle de ramener du «blé», comme elle le disait si bien. La stripteaseuse effarouchée paya sa barre et la déshabillât. Vous comprenez bien que je ne mens pas en vous décrivant le personnage. Oui, Frédérique était le genre de femme qui déshabillait les barres de chocolat au lieu de les déballer…Elle faisait d'ailleurs cela avec tous ces clients. En la regardant manger sa barre, je me pris à me demander encore pourquoi je l’avais engagé…Une ancienne femme de rue à qui on avait tout volé. Elle avait été belle, certes, mais dans un passé plutôt lointain. On pouvait sentir, malgré son jeune âge, que la vie n'avait pas été facile. En effet, elle avait été battue pendant sa jeunesse et elle en gardait des attitudes et des regards mesquins. Pourquoi donc l’avais-je embauchée? Sûrement la pitié, mais si vous voulez mon avis, la pitié est le pire sentiment qu'un humain puisse avoir. Sûrement la jalousie ou la honte de ne pas avoir profité plus que ça de la jeunesse qui s'était effilochée et qui avait tranquillement disparue. Ce n'est pour aucunes raisons personnelles que je l'avais engagé. Non, elle m'avait été imposée par un centre de placement pour personnes dans le besoin et voilà qu'elle était là. J'avais bien sûr essayé de défendre mon point de vue, en disant qu'elle pourrait voler des médicaments, ou revendre ma marchandise, mais on n'avait pas voulu m'écouter. Le cliquettement de la porte me fit revenir à la réalité. Je vis un pan de sa jupe noire ultra moulante qui laissait deviner la dentelle qu'elle laissait dissimuler pour la clientèle spéciale. Normalement, les gros clients se pointaient en fin de soirée le jeudi, ces hommes trop gâtés trompaient leur femme pour une peau fraîche et plusieurs fois caressées. Elle me l'avait avoué, la semaine dernière en demandant un congé le jeudi. Probablement par habitude, Frédérique se pencha par-dessus le comptoir et un bouton de sa chemise blanche craquât sous la pression qu'exerçait son bonnet D. Elle aimait le fait d'attirer l'attention sur sa poitrine plantureuse. Cela lui donnait l'impression d'être supérieure, d'être plus femme. Bref, d'agir comme une agace fauchée. La blouse fine se déchira un peu, son insigne indiquant son nom pendait également. Un garçon dissimulé derrière le monticule de protège-dessous à rabais que je venais d'empiler soigneusement, se dépêcha d'approcher du comptoir-caisse. Il ne dépassait pas le comptoir de sorte que son nez était tout juste à la hauteur des seins bien trop volumineux. L'effeuilleuse baissa son regard vert et fixa le garnement. - Qu'est-ce que tu veux? - T'en as jamais vue d'aussi beaux? Reprit-elle sur un ton qui en disait long. Groupe: 31, 5 novembre 2009 Sophie Boudreault 3 Le garçon fixa de nouveau sa poitrine et s'éloigna d'elle toujours en fixant maladivement son buste. Je me détournai vers elle et capta la lueur froide que me renvoya son regard. Elle se contenta de baisser les yeux. - Ne parle pas aux clients comme cela Frédérique, lui dis-je d'un ton supérieur. Elle n'eut pas le temps de rétorquer que le téléphone de la pharmacie sonna soudain. Je la vis prendre le combiné. Frédérique regarda l'afficheur; le nom de la personne étant masqué, elle énonça les paroles d'usage dû à l'emploi qu'elle occupait. - Bonjour. Pharmacie Betsy Von Thorn, mon nom est Frédérique, comment puisje vous aider? Dit-elle sans entrain. Je n'entendis qu'un son étouffé à l'autre bout du fil. Elle approcha le combiné encore plus près de son oreille et humecta sa lèvre supérieure à l'aide d'une langue qui avait beaucoup d'expérience. Je lui décochai un autre regard avant de partir à mes étalages. Je l'observais toujours par l'interstice qui nous séparait lorsque je la vis raccrocher le téléphone et s'approcher de moi. - Une vieille n'a pas de médicaments et elle ne peut se rendre ici. Elle aimerait que quelqu'un aille lui en porter. Dit-elle d'un ton qui trahissait franchement son désir de foutre le camp. Je regardai ma montre. Elle finissait son quart dans 15 minutes… Sa grosse paire de seins et elle s'apprêtaient à tourner les talons lorsque je lui dis : - Ne pars pas. J'ai une idée. Tu iras porter ce médicament, lui dis-je avec un ton qui ne lui laissait pas trop le choix. - Qu'elle est le nom de la dame? Lui demandais-je. - Rafaela Duditanni, une Italienne. - Suis-moi, je vais te donner le paquet et ce qu'il lui faut. Je me rendis derrière le comptoir de la pharmacie et entrai le nom de la dame dans l'ordinateur. D'après son dossier, elle avait beaucoup d'antécédents pharmaceutiques. Il lui fallait 20 comprimés de Prozac et un flacon complet d'axcadin. Un mélange qui, ensemble, était mortel. Je me tournai vers elle et lui tendis le sac contenant les médicaments. Elle me lança un regard tueur et prit le sac. - Oh! Dis-lui de les prendre ensemble! Lui dis-je, feignant d’avoir oublié. Elle prit son minuscule manteau et sortit de la pharmacie. Ce fut la dernière fois que je la vis. Elle disparut de ma vie. Et pour le mieux. Je vous l'avais dit, je n'aime pas ce genre de personnes! Génial! J’aime beaucoup tes deux personnages.