fiche de lecture : le nouvel age des inegalites

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Jean-Paul FITOUSSI et Pierre ROSANVALLON
Le nouvel âge des inégalités
BIOGRAPHIE
Pierre Rosanvallon (1948) : permanent à la CFDT, il étudie à HEC, EHESS. Dans les années 1970, il s’engage
au Parti socialiste et y développe l’idée d’une gauche moins étatiste à l’idéal autogestionnaire. Dans les années
1980, il s’oriente dans la recherche et l’enseignement. Collaborateur de François Furet et de Mona Ouzouf, il
s’attache à analyser l’histoire sociale et politique. Il exerce en parallèle des activités journalistiques dans
lesquelles il développe une réflexion sur la politique contemporaine.
Le moment de Guizot (1985), Le sacre du citoyen (1992), La nouvelle question sociale (1995)
Jean-Paul Fitoussi (1942 en Tunisie) : doctorant ès lettres, diplômé d’études de comptabilité supérieure et
agrégé en droit et gestion, il est professeur à l’IEP de Paris et dirige depuis les années 1990 l’Observatoire
français des conjonctures économiques.
Le débat public (1995), La démocratie et le marché (2004), L’idéologie du monde (2004)
L’ŒUVRE
POSTULAT de départ : la CRISE DE LA SOCIETE.
→ Au-delà des explications conjoncturelles comme le chômage, ils diagnostiquent un malaise profond,
identitaire et anthropologique pour expliquer la fracture sociale.
I. LES DEUX SOUFFRANCES (= le pourquoi de la fracture sociale en définissant les facteurs de la croissance des
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inégalités)
1. L’individualisation
le malaise identitaire prend sa source dans l’aboutissement de l’émancipation de l’individu
 Conséquences :
o sacralisation de la logique marchande et du repli sur soi
o fragilisation du lien communautaire et atomisation de la société
o valorisation de l’autonomie et de l’authenticité
l’opacité sociale résulte de la caducité du mode d’appréhension globale des sociétés
 l’inadaptation du découpage de la situation de la population française par catégories sociales, revenus,
géographie hérité de la construction statistique sociologique de 1950
2. La croissance des inégalités
Elles sont aléatoires : les inégalités touchent les personnes de tout milieu, de tout âge, quelque soit le
parcours scolaire ou professionnel ; même si certains facteurs ont été identifiés (jeunes, non qualification,
les plus de 55 ans), on a du mal à expliquer pourquoi telle ou telle personne est frappée par ce fléau.
Prépondérance des conditions initiales : « le capital substantiel » (humain ou patrimonial)
 Face à ces souffrances, le corps social se tourne vers le politique qui est dans une situation guère plus
enviable. Il est souvent critiqué de caste supérieure, surtout eu égard à son homogénéité et à son mode
d’autoreproduction, loin du commun des mortels.
On assiste en France à deux discours diamétralement opposé :
- discours qui célèbre une grande puissance économique aux vues des statistiques mondiales et minimise le
discours pessimiste relatant les problèmes existants.
- discours qui pleure la grandeur passée de la France et se résigne à l’abandon des progrès sociaux acquis par le
passé pour se conforter aux exigences des forces extérieures qui dominent l’économie et la société française.
II. LE NOUVEL AGE DES INEGALITES : LE COMMENT DES INEGALITES ?
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1. La nature des inégalités
Les inégalités structurelles (au niveau des classes sociales, des revenus) sont complémentaires et
antagonistes. Elles n’ont pas de légitimité mais relèvent de rapport de force et du résultat de négociation
passée qui ont été intériorisé par le corps social.
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Les inégalités dynamiques : le changement de travail (chômage), la remise en cause de la cellule familiale
(divorce), situations par nature transitoires, deviennent des situations durables. Dès lors, ces inégalités ne
sont plus acceptées : l’accident de parcours, autrefois réversible, devient une dégradation permanente de la
situation relevant du hasard et non plus de conséquences de choix délibérés.
2. La mesure des inégalités
L’impuissance de l’outil statistique et la croissance de l’aléatoire interdisent toute la modélisation de la société
française et toute homogénéisation des exclus.
III.
LA MONDIALISATION EN QUESTION
1. Mondialisation : un alibi politique
Présentée comme le responsable des maux dont souffre la société française, les auteurs considèrent eux
que la mondialisation n’est qu’un alibi politique : le progrès et la croissance sont inhérents à la vie humaine et
n’ont pas de raison d’être abandonnés même si le taux de croissance économique est faible, voire négatif.
2. Mondialisation : des gagnants et des perdants
Le jeu de la concurrence économique mondiale recèle des gagnants et des perdants mais on doit refuser
que les pertes soient unilatérales et supportées par un même groupe d’individus, ou nation. La mondialisation
participe à un rééquilibrage économique entre Nord et Sud. Si les inégalités structurelles s’amenuisent entre les
continents, les inégalités structurelles et dynamiques internes se développent. Au niveau externe, on assiste à une
spécialisation mondiale qui valorise le travail qualifié dans les pays développés au détriment du travail non
qualifié dont la demande croît dans les pays en voie de développement…
 L’avenir économique de la France n’est pas foncièrement remis en cause mais nécessite des adaptations.
Certains pensent que l’ouverture du pays va amener le chômage et donc un déséquilibre des finances publiques
et finalement une soumission plus grande aux marchés financiers, finançant ces déficits. Fitoussi et Rosanvallon
sont plus optimistes : « le défi que lance la mondialisation à l’Etat providence ne se pose pas en terme de survie
mais de capacité à accompagner le changement social ».
IV.
LE REPERTOIRE DES NOSTALGIES POLITIQUES
Si la mondialisation nécessite une organisation concertée, les actions déterminantes sont à mener sur le
terrain interne à la France. Mais, l’idéologie dominante est à la résignation qui détermine l’abandon du politique.
Fitoussi et Rosanvallon analyse les nostalgies politiques et les idéologies alternatives à la résignation :
l’idéologie social démocrate, la vision républicaine, la civilisation post travail.
1. L’idéologie social démocrate
Elle prône le compromis et la reconnaissance de la diversité. C’est ce qui est absent de l’idéologie du PS
lors de son accession au pouvoir et qui l’a éloigné de la social démocratie. Les dirigeants français défendaient
l’indivisibilité de la nation et l’unicité du corps social.
Selon les auteurs, il semble que cela soit trop tard pour revenir en arrière.
2. La vision républicaine
La nostalgie républicaine se fonde sur la critique d’une gauche caractérisée par le déclin des trois
exigences qui la fondent : l’universalisme, la justice sociale et la liberté. Mais cette conception relève d’une
vision du passée, qui exclut toute modernité : « …retour à une vision autoritaire, unitaire, exclusive, universaliste
et intensément passéiste » (P.Nora). Les auteurs ajoutent qu’elle est « exclusive, parce qu’elle édifie sa
cohérence en s’opposant à ses ennemies, ayant besoin d’adversaires pour qu’elle-même puisse incarner le tout ».
3. La civilisation post travail
L’idée proposée est le dépassement de la valeur travail comme fondement de la vie sociale. Elle appelle
à une civilisation du temps libéré et au développement d’un modèle de justice redistributive. Cependant, les
auteurs se refusent à se résoudre à l’abandon de la valeur du travail qui est utile. En revanche, ils s’attachent à
réinventer un salariat pour que le travailleur réacquiert une certaine liberté et puisse défendre ses intérêts dans
une société où la négociation est fragmentée et le corps intermédiaires déclinants.
V.
LE SENS DE LA DEMOCRATIE
1. Le réformisme
L’ambition de la réforme de la société française doit abandonner les caractéristiques du réformisme
classique : le modernisme économique s’apparentant à la problématique de la gestion doit encourager la
participation la plus large et oublier la démarche politique globale.
2. Les nouvelles méthodes du changement
Les auteurs proposent de nouvelles méthodes du changement : les réformes doivent être plus ciblées,
plus proches, plus rapides, une somme de micro-décisions s’appuyant sur des relais sociaux locaux. Le politique
doit investir dans le domaine anthropologique pour réaffirmer une identité (comme celle des chômeurs). Celui-ci
doit éviter la dérive sécuritaire et reprendre le « verbe » pour traduire les problèmes locaux.
3. Démocratie et cohésion sociale
Quant à la problématique de la cohésion sociale, Fitoussi et Rosanvallon défendent de nouvelles normes
juridiques et prônent le changement : la reformulation des droits pour que l’intégration ne soit pas un droit de
subsistance mais un droit à l’utilité sociale.
4. L’économie et le social
Pour que ces changements soient un succès, le politique doit repenser l’économie et le social en cessant
de les opposer. L’élément qui cristallise cet antagonisme est le système de protection sociale. Il en existe
différentes interprétations :
- comme système de stabilité économique : il permet de maintenir l’activité en période de crise (mais ce
système ne permet pas de mener une réflexion sur les raisons d’une panne de croissance durable)
- comme système de redistribution solidaire
 La tendance actuelle est l’individualisme où les avantages acquis sont défendus et stigmatise les inégalités. Le
service public semble être la seule issue possible : par le développement de la politique d’égalités des chances et
d’égalisation des dotations initiales en terme de logement, d’éducation, de crédits, transport…un nouveau service
public devrait permettre une réduction des inégalités.
Ceci est un « combat » primordial puisque « l’égalité des chances est consubstantiel de la démocratie ».
ACTUALITE DE L’ŒUVRE
L’idée du politique en panne et la résignation du politique dans ses actions :
Si les 35 heures et les emplois jeunes ont plus ou moins créé des emplois, selon la justification qu’on donne à ces
postes, force est de constater qu’on fractionne le volume d’emploi existant plutôt que de lui donner une nouvelle
dynamique, et on s’en remet à la chose publique pour créer des emplois en réponse à l’absence de mesures
efficaces et durables émanant de cette même entité.
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