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non seulement parce qu’elle diffère radicalement des cailloux qui l’entourent,
mais aussi et surtout parce que, même si l’on n’a jamais vu une montre
auparavant, on sait a priori qui a pu réaliser un tel artefact, à savoir l’être
humain. Les créationnistes, eux, postulent un concepteur intelligent inconnu, ce
qui n’est pas du tout la même chose. Plus précisément, en termes probabilistes,
l’utilisation d’un événement pour valider une cause possible qui aurait rendu celui-
ci plus probable (application du théorème de Bayes) implique qu’à cette cause
puisse être affectée a priori une probabilité significative, ce qui n’est
évidemment pas le cas en l’espèce. Cette lacune, à elle seule, suffit à invalider
non seulement l’analogie proposée par William Paley, mais aussi l’ensemble des
raisonnements tendant à « prouver » l’existence du créateur à partir de ses
créatures supposées.
a. L’usage abusif des probabilités
Le fait que la vie sur terre soit dépendante de constantes physiques très
particulières n’est nullement contesté par les scientifiques. Ce qu’ils contestent,
c’est l’usage abusif, a posteriori, du calcul des probabilités. Même si la
probabilité a priori qu’une planète donnée puisse héberger la vie telle que nous la
connaissons est infime, il y a dans l’univers actuellement observable des millions
d’étoiles avec leurs satellites, et nous ignorons ce qu’il y a au-delà. Nous ignorons
aussi si d’autres formes de vie, radicalement différentes de la nôtre, peuvent
exister ailleurs. Le fait est simplement qu’à l’instar des rescapés des grandes
catastrophes, nous nous trouvons être, par définition, là où la vie était possible.
Dans la ville de Saint-Pierre (Martinique) rasée par l’éruption explosive de la
Montagne Pelée (8 mai 1902 : 28.000 morts), on retrouva un survivant : Suite à
une rixe et en état d’ivresse, il avait été mis la veille au soir, et bien contre son
gré, au seul endroit ayant pu offrir une protection suffisante : le cachot de la
prison.
Les critiques précédentes relatives à l’usage inadéquat du concept de probabilité
et du raisonnement Bayesien s’appliquent également, bien entendu, aux travaux
mathématiques de Dembski sur la « complexité structurée ». Ces travaux
supposent en outre qu’une séquence d’ADN, si elle est obtenue aléatoirement,
implique le tirage au hasard de chaque « lettre » indépendamment des autres. Or
ce qu’on sait actuellement de l’ADN (redondance considérable, duplication
possible de très grandes séquences, voire de chromosomes entiers) laisse à
penser que son évolution a dû se faire par bonds successifs plutôt que par une
suite continue de petites mutations ponctuelles. Des simulations sur ordinateur
ont montré que, dans ce cas, la probabilité d’obtention d’une séquence donnée,
après un grand nombre de générations, pouvait être beaucoup plus importante
que Dembski ne l’estime.