La conception judéo-musulmane ne pouvait pas résister au temps et à la modernisation.
En effet, presque toutes les Constitutions des pays arabes affirment que l'islam est la
religion de l'État et que la loi islamique est une source principale, voire la source
principale de la loi. Néanmoins, la loi islamique ne couvre aujourd'hui que le droit de la
famille et des successions, ainsi que le droit pénal dans quelques pays comme l'Arabie
saoudite et l'Iran. Les lois qui gouvernent les autres domaines sont importées
principalement de l'Occident, à commencer par la Constitution elle-même, le système
judiciaire, le droit civil, le droit commercial et le droit pénal. De ce fait, les musulmans
vivent aujourd'hui dans une situation de schizophrénie, partagés entre les idéaux
religieux et le désir d'acquérir une indépendance vis-à-vis de la divinité. Cette situation
crée un conflit violent interne entre trois tendances principales:
- Il y a ceux qui prônent un retour à loi islamique comme partie intégrante de leur foi, avec quelques
adaptations pour sauver les apparences.
- La deuxième tendance est constituée par ceux qui, guidés par un sens de la réalités, préfèrent le
statu quo et considèrent la loi islamique incapable de diriger une société moderne.
- La troisième tendance aimerait évacuer le reste des normes islamiques appliquées aujourd'hui,
lesquelles sont considérées comme contraires à une perspective moderne des droits de l'homme,
notamment en ce qui concerne les droits des femmes et des non-musulmans.
2) Conception occidentale de la loi
La conception judéo-musulmane de la loi comme émanation de Dieu, législateur
souverain suprême, est différente de la conception de la loi dans les pays occidentaux
christianisés, conception basée sur l'idée de la souveraineté du peuple qui décide les lois
le gouvernant, dans l'intérêt public (res publica). Ces lois sont votées et sont amendées
par le peuple d'après leurs intérêts matériels et leurs valeurs morales, voire religieuses.
Mais ces intérêts et ces valeurs peuvent changer et ils sont soumis au verdict de la
majorité. Cette conception est le résultat d'une lutte violente pour séparer l'église de
l'état. Mais elle a aussi ses racines dans l'attitude du Christ envers la loi. Contrairement à
l'Ancien Testament et au Coran, l'Évangile reste un livre principalement moral. Jésus
n'était pas juriste; il n'a jamais exercé une fonction politique, contrairement à Moïse ou à
Mahomet. Il a refusé de traiter avec la loi même quand elle est prescrite dans la Torah.
Lorsque les scribes et les pharisiens amenèrent à Jésus une femme surprise en flagrant
délit d'adultère et lui demandèrent ce qu'il pensait de l'application de la peine de
lapidation prévue par la loi de Moïse, il leur demanda: "Que celui d'entre vous qui est
sans péché lui jette le premier une pierre". Et comme tous sont partis sans oser jeter une
pierre, il dit à la femme: "Moi non plus, je ne te condamne pas. Va désormais ne pêche
plus" (Jean 8:4-11). Dans un autre cas, quelqu'un lui dit: "Maître, dis à mon frère de
partager avec moi notre héritage". Il lui répondit: "Homme, qui m'a établi pour être
votre juge ou régler vos partages?" Et il ajouta pour la foule qui l'entendait: "Attention!
Gardez-vous de toute cupidité, car au sein même de l'abondance, la vie d'un homme
n'est pas assurée par ses biens" (Luc 12:13-15). Son annulation de la loi du talion est
aussi significative (Matthieu 5:38-39), loi sur laquelle le Coran insiste. On rappellera
aussi la fameuse phrase du Christ sur laquelle on base la séparation entre la religion et
l'État: "Rendez à César ce qui est à César, et à dieu ce qui est à Dieu" (Matthieu 22:21).
Nous pouvons ici comparez l'attitude de Jésus avec cela de Muhammad. Concernant
l'héritage, Jésus a refusé de donner une décision, préférant la morale à l'arithmétique.
Son attitude est complètement différente de celle adoptée par le Coran qui va dans les
détails fixant les quotas de chaque personne dans la famille. Concernant l'adultère,
Muhammad a été affronté avec un cas semblable. Les Juifs lui ont apporté un homme et
une femme qui ont commis l'adultère. Il leur a demandé ce que la Bible prévoit pour un
tel acte. Ils ont dit la lapidation (Lévitique 20:10; Deutéronome 22:22-24), en ajoutant