EXTRAITS : LES EQUIPEMENTS PROFESSIONNELS DES ASSISTANTS DE SERVICE SOCIAL. Eléments pour une recherche sur
l’exercice du jugement en travail social, Mémoire de D.E.A. « Formation et sciences du travail »effectué sous la direction de Monsieur Jean-
Yves TREPOS, Professeur, présenté par Christian MAILLIOT, Septembre 1997, Université de METZ
Section 1. Les discours de la méthode
a) Un espace cognitif : donner avec mesure
L’ouvrage
du baron de GERANDO (1772-1842) illustre parfaitement l’orientation
tendancielle de la philanthropie et de l’assistance au 19e siècle. Comme l’affirme Robert
CASTEL, « le baron de GERANDO propose dans le Visiteur du pauvre, une nouvelle
technologie de l’assistance »
. Apparaissant comme un précurseur, il formule les bases d’une
nouvelle méthode d’intervention. En fait, cet ouvrage est un mémoire qui répond à un
concours lancé par l’Académie de Lyon en 1816 autour de la question de l’indigence :
« Indiquer les moyens de reconnaître la véritable indigence, et de rendre l’aumône utile à ceux
qui la donnent comme à ceux qui la reçoivent ». Avec son Visiteur du pauvre, le baron de
GERANDO recevra le prix de cette académie pour « l’ouvrage le plus utile aux moeurs ». En
bon candidat, le baron de GERANDO formule, dès l’introduction de son mémoire, la synthèse
de ses propositions :
« On désire y montrer combien il est nécessaire d’établir une entière harmonie et un
parfait concert entre la bienfaisance publique et la charité privée ;
Comment l’office du Visiteur du Pauvre est l’instrument le plus utile de la première, le
meilleur moyen pour l’exercice de la seconde ;
Comment , à côté de la charité imparfaite et oiseuse qui se borne à donner, il est une
charité plus vraie, une charité active, vigilante, qui apporte plus que des dons, qui
apporte des soins, des conseils, des encouragements ;
Comment cette charité active est à la portée de tous ceux qui prennent quelque intérêt au
sort des malheureux ;
Comment cette charité active trouve en elle-même sa plus noble récompense, en
contribuant puissamment à l’amélioration morale de ceux qui s’en rendent les ministres.
On réunit donc, dans cet écrit, toutes les considérations qui peuvent engager
l’administration publique à invoquer l’assistance du Visiteur du Pauvre, et les simples
particuliers à faire, de la visite du pauvre, la condition essentielle du bon emploi de leurs
aumônes. »
.
Le point de départ de la réflexion de l’auteur est une dénonciation de la « charité
imparfaite » celle qui donne aveuglément « sans autre information, à celui qui sollicite » : « ce
n’est plus donner, c’est jeter au hasard, c’est s’exposer à produire le mal au lieu du bien.»
. Sa
critique mobilise des ressources du monde industriel. En effet, le tour de force du baron de
GERANDO est de proposer un rapprochement entre « l’indigent » et tout un ensemble
d’éléments (des biens matériels, des observations, des « notes sur la moralité et la conduite »,
des mots, des regards, des sentiments, etc.). En introduisant la nécessité d’un principe
d’équivalence dans une action (l’aumône) qui, jusqu’à présent, mettait à l’écart les choses au
profit des seules personnes, il crée un espace cognitif. « Mais pour tout cela, comme l’écrit le
baron de GERANDO avec conviction, il faut aller, voir, converser ; il faut surtout continuer
ces observations avec méthode, avec une espèce de suite. C’est la condition première,
essentielle. Il n’est point d’art qui puisse faire deviner sans examen. »
.
DE GERANDO J-M., Le visiteur du pauvre, Paris, Jules RENOUARD (Libraire), 1837 [1e éd. 1820].
CASTEL R., Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995, p. 247.
DE GERANDO J-M., Le visiteur du pauvre, Paris, Jules RENOUARD (Libraire), 1837, p. PV-VJ.
Ibid p. 61.
Ibid p. 35.